CHAPITRE XXIII

6 ANS AUPARAVANT

Je déteste ces soirées. C'est d'une prétention...

- Alors ? m'interroge mon ami. Tu t'amuses ?
- Si tu portais cette robe et ces chaussures K, tu ne me poserais même pas la question.
- Tu veux qu'on rentre à l'hôtel pour que je te les enlève ?

Je me tourne vers lui en souriant avec désespoir.

- Je pars dans une semaine et tu n'as toujours pas lâché l'affaire. Franchement...c'est ton temps que tu perds. Pas le mien.

Il me sourit à son tour de ses dents parfaitement blanches, avant de porter sa flûte à ses lèvres. Mais quelqu'un passant près de lui, le bouscule soudain sans même faire attention, et couvre son magnifique costume italien fait sur mesure de champagne hors de prix. Disons qu'il l'a bien méritée celle-là. A jouer les Roméo, voilà ce qu'il gagne. J'en profite donc pour attraper le récipient vide de sa main tandis qu'il commençait à pester en cherchant du regard le fautif.

- Je vais nous chercher de nouveaux verres. Si tu comptes me sortir d'autres conneries ce soir, je veux pouvoir ne pas m'en rappeler demain pour ne pas mettre fin à notre précieuse amitié.

Il continue de rire à mesure que je m'éloigne, et très vite je le perds de vue en atteignant le bar, où je pose les deux flûtes en m'adressant au serveur.

- Vous seriez adorable de les remplir à ras bord.

Et après l'avoir remercié quand il attrape les deux coupes pour aller les remplir, je constate la présence d'un homme près de moi. Vêtu d'un simple costume noir, sans masque, plongé dans son verre de whisky. Ses cheveux gris m'indiquent qu'il doit être facilement dans la cinquantaine. Il n'a même pas l'air de remarquer ma présence. Et à ce que je vois...ce n'est pas un habitué. Je devrais peut-être faire la conversation en attendant mes verres. Je m'installe donc sur une chaise légèrement éloignée de la sienne, avant de me tourner vers lui.

- Les deux ne sont pas pour moi vous savez ?

Il se tourne finalement vers moi. Surpris et...je crois intrigué.

- Je vous demande pardon ?
- Les deux coupes. Il y en a une pour mon ami là-bas.

Je pointe du doigt le séduisant jeune homme qui discute librement avec une demoiselle un peu plus loin. Il ne changera jamais. Il aura vite oublié son précieux costume.

- Et vous êtes nouveau, continué-je tranquillement.
- Comment vous pouvez le savoir ?
- Votre verre.

J'attrape l'objet pour lui montrer la petite bande argentée sur le rebord. Très difficilement visible si on n'y fait pas attention.

- C'est comme ça qu'on reconnaît les nouveaux venus.

Le serveur dépose devant moi mes deux coupes, ce qui me permet de lui montrer leurs bords dorés.

- Vous voyez ?
- Alors qu'est-ce que ça veut dire ? Que vous êtes une VIP ?

Je me mets à rire en entendant ce ton si sarcastique.

- Je ne dirais pas ça. Disons plutôt...que je subis ce genre de soirées depuis plus longtemps. Et que cette petite bande dorée, c'est ma seule récompense.

Je lève mon verre pour boire à ça avant d'engloutir ce qui doit être la moitié du liquide. Puis je me retourne vers le nouveau, décidée à faire la conversation.

- Alors ça fait combien de temps que vous êtes arrivé ?

Il hésite. Je le vois bien. Il doit avoir du mal à accorder sa confiance à n'importe qui et je le comprends parfaitement. D'ailleurs, je l'aurais laissé tranquille, s'il ne m'avait pas répondu.

- Une semaine.
- Et moi je finis dans une semaine.
- Pourquoi vous êtes là ?

Lui aussi est curieux maintenant.

- C'est une longue histoire. Mais pour faire court...ma fille s'est fait kidnapper. La Commission a proposé de m'aider à la retrouver si je les aidais en retour.
- Vous me semblez bien trop jeune pour avoir un enfant.

Pour quelqu'un qui ne voit même pas mon visage, je trouve ça assez présomptueux. Mais d'un côté ça me plaît. D'habitude quand je parle de ma fille et de l'enlèvement, ce qui est assez rare, les gens ont soudain une mine désolée et...je déteste voir de la pitié sur leurs visages. Je ne suis pas à plaindre. Je suis là pour retrouver Grace, pas pour la pleurer. Et je me rapproche du but. Cet homme est...intéressant.

- Vous en revanche vous me semblez bien assez vieux pour avoir des petits-enfants.

Il boit à son tour une gorgée de whisky, qui s'avère être le verre dans son entièreté. Eh bah il a une sacrée descente !

- J'ai songé à fonder une famille quand j'étais plus jeune.
- Et qu'est-ce qu'il s'est passé ?

J'ignore pourquoi connaître sa vie me fascine autant. Connaître son histoire.

- Elle est partie. Mais c'était il y a des années alors...
- Si vous vouliez fonder une famille avec elle, ça devait être sérieux. Et le cœur n'oublie pas ce genre d'histoires aussi facilement, vous pouvez me croire, le mien n'est toujours pas guéri lui non plus.

Je lui souris, avant de me pencher au-dessus du bar pour attraper la bouteille de whisky, et lui servir un nouveau verre, avant de lever le mien fièrement.

- Je bois...aux cœurs brisés. Et aux années cauchemardesques que vous allez vivre ici.
- J'ai connu pire.

Il lève cependant son verre pour le cogner dans le mien. Un sifflement au loin attire alors mon attention. C'est K, qui a l'air de s'impatienter. Je croyais que cette jolie blonde arriverait à le distraire plus longtemps pourtant.

- Bon, apparemment c'est le moment où je m'éclipse.

Je saute de ma chaise en attrapant la coupe de K. J'ai eu le temps de vider la mienne. Pourtant le nouveau me retient alors que je m'apprêtais à partir.

- Vous auriez un conseil ? D'argenté à doré ?

Je me retourne en essayant de réfléchir au conseil le plus judicieux que je pourrais lui donner. Quand l'évidence m'apparaît soudain. Je m'approche de lui pour ne pas être entendue, et chuchote quelques mots à son oreille avant de m'éloigner, pour lui sourire.

- Alors bon courage le nouveau.

Et sur ces mots, je fais demi-tour pour aller rejoindre K, qui fixe « l'argenté »       bizarrement lorsque je lui donne son champagne.

- Alors tu refuses mon corps de rêve pendant des années, mais tu fais les yeux doux au premier retraité venu ?
- La ferme. Il est...différent.
- Oui ça c'est sûr. Il a le double de ton âge.
- Mais non arrête.

Je jette un coup d'œil vers le nouveau dont le regard croise le mien au même moment. C'est bizarre.

- J'ai juste l'impression...je sais pas c'est bizarre.

Et je ne parviens pas à retenir un sourire de se former sur mes lèvres. Sourire qui disparaît quand K détourne mon attention de lui rapidement.

- J'adore cette chanson ! Viens on va danser !
- Non merci. Je vais rentrer à l'hôtel je suis fatiguée.

Son regard aussitôt aguicheur m'exaspère de nouveau au plus haut point. Je ne sais pas comment je peux être amie avec lui depuis si longtemps. Je lui souris donc une dernière fois, avant de déposer un baiser sur sa joue.

- A demain K-tastrophe.

Et je pars, soulagée de bientôt dire adieu à ces soirées, ces tueries...toutes ces conneries de La Commission. Mais je plains le nouveau. Je ne lui ai parlé que rapidement, pourtant ça m'a suffi pour commencer à l'apprécier. J'espère qu'il suivra mon conseil.

- A la moindre occasion, répète mot pour mot Cinq, tirez-vous d'ici.

Ces mots n'ont jamais quitté mon esprit. Ceux que je lui ai murmuré il y a des années. Sans même savoir à qui je m'adressais. Visiblement il m'a écouté. Il est parti, il est revenu pour essayer de sauver tout le monde et...nous revoilà tous les deux à la case départ. J'y crois pas.

- Je savais que j'avais l'impression de te connaître Cinq mais je pensais pas...
- Oui je ne me confie jamais à personne mais avec toi c'était tellement naturel.

Je me retourne pour croiser son regard. Il est aussi bouleversé que moi. On vient tous les deux de réaliser que nos retrouvailles, n'étaient pas les premières. Qu'on aurait pu se retrouver beaucoup plus tôt. Que pendant tout ce temps, on était juste là sous le nez de l'autre. Et je déteste cette garce de Directrice parce qu'évidemment qu'elle était au courant.

- Eh bien !

Quand on parle du démon...

- Que faîtes-vous là ? La visite n'est pas terminée.

Elle vient se poster devant nous, fièrement, comme si de rien n'était, les mains sur les hanches.

- Huit, si vous voulez bien me suivre, je vais vous présenter vos nouveaux collègues.

Je n'ai absolument aucune envie de la suivre. Ou de rencontrer mes nouveaux collègues. Mais je ne veux pas non plus rester assise là à penser à tout ça. Ça va finir par me détruire. Je me lève donc en essayant de ne pas croiser le regard de Cinq. Nous la suivons tous les deux pour retourner à l'intérieur, et nous arrêter devant une porte sur laquelle elle tape six fois, avant que cette dernière ne s'ouvre. Sur un jeune garçon d'environ 16 ans, qui me semble étrangement familier. Son regard se pose d'abord sur nous, avant de se tourner vers La Directrice qui prend aussitôt la parole.

- Killian. Je vous apporte une de nos anciennes recrues.

Killian ? Ki...non ! C'est impossible ! Je contourne La Directrice pour passer devant elle et aller me poster en face de l'inconnu en souriant. L'observant attentivement.

- K-tastrophe ?

Son regard s'illumine aussitôt à l'entente de ce surnom.

- H-arnée ?

Je souris de plus belle en m'approchant de lui pour le prendre dans mes bras. L'étreinte ne tarde pas à être réciproque. Je ne croyais pas le revoir un jour. Et surtout pas ici. Comme ça. Je le lâche pour l'observer encore un peu plus.

- Qu'est-ce que...qu'est-ce que tu fais encore ici ? Et comment tu t'es retrouvé comme ça ?
- Je peux te retourner les questions. T'as retrouvé ta fille ?

C'est vrai que c'est la dernière chose qu'il sait de moi. Ce qui me fait bizarre quand on sait que j'ai vécu six merveilleuses années à ses côtés déjà.

- Je l'ai retrouvée. Et elle est incroyable, tu l'adorerais.
- J'en doute pas.

On continue de se sourire fous de joie, jusqu'à ce que La Directrice coupe court à nos retrouvailles.

- Eh bien maintenant que les présentations sont faites, Killian puis-je vous demander d'expliquer à Huit ce que vous faîtes ici. Elle travaillera avec vous à partir de maintenant.
- Bien sûr oui.
- Parfait. Cinq ?

Elle s'adresse à celui qui nous fixe Killian et moi avec...colère ? Est-ce qu'il serait jaloux ? De K ? L'idée même que Cinq puisse éprouver un tel sentiment me semble invraisemblable. Pourtant...

- Suivez-moi, je vais vous conduire à votre nouveau poste.

La garce pose sa main dans le dos de Cinq pour l'entraîner avec elle dans le couloir. Lui et moi continuons de nous regarder quelques instants, avant qu'il ne disparaisse dans un virage. On n'a même pas eu le temps de parler. J'espère qu'on pourra se retrouver bientôt. En attendant je me retourne vers K qui semble aussi heureux que moi que nos chemins se recroisent.

- Alors ? reprends-je impatiente. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
- Une mallette défectueuse. Ça arrive.

C'est vrai que j'en avais déjà entendu parler. Mais alors ça veut dire que...

- Tu n'as pas pu retrouver ta famille ?
- Non.

Et je vois bien que ça lui fait encore de la peine, mais il tente de le cacher derrière un sourire dont lui seul a le secret. Ça me fait bizarre de le voir aussi jeune.

- Et toi ? Pourquoi t'es habillée en écolière ?

Je me regarde un instant, prise de nausée en me voyant moi-même porter cet uniforme ridicule ici.

- C'est une longue histoire. Le père de Grace est revenu.
- Attends quoi ? On parle bien de l'amour de ta vie là ? Celui à cause de qui tu n'as jamais voulu succomber à mon charme ?
- Grâce à qui. Et il vient de partir avec La Directrice.

Il jette un coup d'œil ébahi vers le couloir, au dernier endroit où Cinq se trouvait il y a encore quelques instants.

- Mais...elle l'a appelé Cinq ? Cinq comme...LE Cinq ?
- Je n'en connais qu'un.
- H ce type est un génie ! Il était aussi doué que toi avant de déserter !

Je suis heureuse qu'il ne dise pas « plus doué ». Et qu'il ne fasse pas ses éloges en sa présence.

- Tu devrais éviter de dire ce genre de choses aussi fort. Son ego prend déjà bien assez de place.

On rit tous les deux, comme on avait l'habitude de le faire autrefois. Rien n'a changé entre nous visiblement.

- Alors qu'est-ce que je suis supposée faire avec toi ? La Directrice ne m'a rien dit.
- Oh bah ça va te plaire. C'est ton élément.

Mon élément ?

- Tu parles des armes ?
- Non.
- Du corps à corps ?
- Non plus.
- Du camouflage ?
- Regarde par toi-même.

Il se décale amusé, pour me laisser passer. D'un pas hésitant, je m'approche de la porte et l'ouvre juste assez pour être immédiatement assourdie par des dizaines de hurlements d'enfants qui courent dans toute la pièce comme des piles d'énergie. Je referme aussitôt la porte en la bloquant avec mon corps, terrifiée.

- Les enfants ?
- Pour une maman ça ne sera pas très compliqué comme tâche. Non ?

Et il entre après avoir prononcé ces mots qui me glacent le sang. C'est vrai que Grace est toute ma vie, et que j'adore passer du temps avec Claire. Mais ces petits monstres ont l'air...d'être de bien trop bonne humeur pour mon cerveau fatigué. J'ai toujours admiré la maîtresse d'école de Grace qui s'occupe de tous ses élèves sans broncher. Je me suis toujours dit que jamais je ne saurais faire la même chose. Alors dans quoi je me suis embarquée merde ?!

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Désolée !!!! Gros retard ! Mais je fais de mon mieux avec le temps que je peux avoir ! Et j'espère que ça vous aura plu encore une fois !!!!!!!!!

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