CHAPITRE XXII

11 ANS AUPARAVANT

- Huit c'est Vanya. S'il te plaît rappelle-moi. Je m'inquiète pour toi. Ça va faire un mois que tu la cherches et...rappelle-moi. D'accord ?

Le petit bip de la messagerie retentit soudain. Me tirant de mes pensées. Je me lève aussitôt pour accrocher une nouvelle photo au mur, avec une punaise, puis recule de quelques pas pour voir le résultat et...c'est toujours aussi ridicule ! Comment j'espère retrouver ma fille de cette manière ?! Je pousse un énième cri de frustration en attrapant ma poubelle remplie de boulettes de papiers pour l'envoyer contre le mur avec rage. J'en ai assez de tout ça ! Je veux simplement la retrouver. Est-ce que...c'est trop demandé ? Est-ce que je ne le mérite pas ? Quelqu'un frappe à la porte au même moment. A contrecœur je décide d'aller l'ouvrir, ça m'évitera de rester au milieu de ce salon pour totalement sombrer dans la folie. En tout cas c'est ce que je croyais, jusqu'à ce que le visage de Luther apparaisse devant moi. Il me sourit, gêné, en me faisant un signe de la main.

- Salut...

Je ne lui laisse même pas le temps d'ajouter quoique ce soit, je referme la porte très rapidement en la claquant violemment. Je ne veux pas de lui ici. Pourtant il continue de me parler de l'autre côté de la porte.

- Huit s'il te plaît...
- Dégage Numéro Un ! Je suis occupée !
- Je sais ! Et je suis venu pour ça !

Pour ça ? Je me retourne aussitôt, prête à lui ouvrir en posant ma main sur la poignée. Mais à la dernière seconde je m'arrête. Me stoppe. C'est beaucoup trop simple.

- Tu sais où est ma fille ?

Il comprend enfin que je refuse de le laisser entrer, ou même de le voir. Mais que je veux des réponses.

- Pogo et moi on a essayé d'avoir des infos avec papa. Mais il refuse de nous dire où elle est et...
- Dans ce cas va-t'en !
- Huit...on voudrait t'aider. Je te le jure. Tout ce qu'on sait, c'est quelque chose qu'on a entendu papa dire un jour au téléphone, comme quoi elle serait à l'abri loin de la surface terrestre.

Loin de la surface terrestre ? Qu'est-ce que ça veut dire ça merde ?!

- Je suis désolé pour tout Huit. J'espère que...

Mais il ne finit pas sa phrase. Je l'entends simplement faire demi-tour et s'en aller. Je sais qu'il pensait bien faire en venant ici, mais ce qu'il m'a dit n'a fait que m'apporter plus de questions. Et me...décourager.

- Allons Numéro Huit. Il ne faut pas vous mettre dans un état pareil.

Cette voix. Je ne l'avais pas entendue depuis un moment, mais je la reconnaitrais entre mille. La seule autre que celle de Cinq, que j'ai entendu pendant l'apocalypse. Je fais volte-face en levant mes mains avec un air menaçant. Ce qui amuse la nouvelle venue. Qui n'a absolument pas changé depuis notre dernière rencontre.

- C'est votre manière d'accueillir une vieille amie ?
- Vous vouliez que j'abandonne Cinq pour venir travailler à votre service. Je n'appelle pas ça de l'amitié.
- Mais aujourd'hui vous êtes ici. Et lui est toujours...là-bas.

Je ne sais pas ce qu'elle me veut, mais je n'aime pas qu'elle soit ici. Je n'aime pas qu'elle me parle sur ce ton. Qu'elle me parle de lui !

- Je ne crois pas vous avoir donné la permission d'entrer.
- Non en effet. Mais je crois que la raison de ma venue vous intéressera.

Bah voyons. Je connais ses idées. Ses propositions foireuses.

- Non merci. Je ne travaillerai pas pour vous.
- Même si c'est pour retrouver votre fille ?

Mon corps se paralyse. Ma bouche reste fermée. Mon cerveau se met à surchauffer. Quoi ?!

- Vous m'avez bien comprise. L'organisation pour laquelle je travaille est au courant d'absolument tout. Nous savons où est votre fille, et nous savons comment vous pourrez la récupérer.
- Comment ?

Je suis prête à tout. Je suis prête à absolument tout pour la retrouver ! Quitte à passer un marché avec cette femme qui rit de plus bel.

- Vous comprendrez que je ne puisse pas vous le révéler maintenant. Mais j'aimerais vous proposer un contrat. Travaillez pour nous, et en échange, à la fin de cinq années de loyaux services, nous vous donnerons l'information que vous recherchez désespérément.

Cinq ans. Je devrai attendre cinq longues années pour la revoir ?

- Ou alors vous pouvez continuer de mener votre petite enquête toute seule de votre côté.

Elle touche une des punaises accrochées au mur qui tombe aussitôt, entraînant dans sa chute quelques photos et notes. Je les regarde atterrir par terre avec désespoir.

- Sans garantie de résultats bien évidemment.

Je n'avance pas. Ce que je fais ici, maintenant, ne me mènera à rien. Alors que La Commission...ce serait une chance pour moi de la revoir. De la tenir de nouveau dans mes bras.

- Si j'accepte, et que je la retrouve...rien ne me garanti non plus qu'elle acceptera de me voir. Elle sera déjà grande, et je serai une inconnue pour elle.
- Bien sûr que non Numéro Huit. Si vous venez avec moi maintenant, une fois le travail terminé, nous vous ramènerons à cette heure, de ce jour, de cette année. Ce sera comme si vous n'étiez jamais partie. Alors...marché conclu ?

Elle pose cette question fatidique en levant sa main vers moi, avec un air se voulant rassurant qui ne fait que me terrifier encore plus. Mais je crois...que je n'ai pas le choix. Je vais devoir faire cette erreur pour retrouver mon enfant.

- Pourquoi tu ne m'en as pas parlé plus tôt ?
- Tu venais d'apprendre que tu avais une fille. J'ai voulu t'en parler et puis...il y a eu cette explosion au laboratoire, Hazel et Cha-Cha, Diego, Klaus...

Ou bien c'est juste moi qui suis complètement stupide et incapable de dire la vérité. J'aime peut-être avoir des secrets finalement.

- Et puis ce qui est fait, est fait. Je ne regrette pas d'avoir rejoins La Commission. Depuis que je l'ai fait, je n'arrête pas de me dire que si je devais recommencer, je n'hésiterais pas à accepter une seconde fois. Pour Grace. Je ne pensais simplement pas que ce serait aussi rapide. Ton plan était stupide.
- Disons que je n'ai pas vraiment eu le temps de penser à mieux. L'apocalypse est proche je te rappelle.
- Je sais. Mais...je n'aime pas l'idée de travailler une nouvelle fois avec cette femme.
- Tu n'es pas obligée de le faire. On n'est pas obligés d'y aller tous les deux.

Est-ce que je pourrais vraiment faire ça ? L'abandonner une nouvelle fois ? Le laisser se jeter seul dans la gueule du loup en risquant de ne plus jamais le revoir ? De toute façon, qu'est-ce que j'ai à perdre ?
Peut-être absolument tout ?!
Et merde ! Je lève les au ciel avec exaspération, avant de me retourner pour me diriger vers La Directrice qui était restée un peu à l'écart afin de nous laisser discuter de son offre.

- Bon. Vous nous rendrez nos corps.
- Bien sûr.
- Vous sauverez Grace.
- Cela va de soi.
- Et notre famille.
- Votre famille ?

Je sais qu'il y a toujours un piège dans ses propositions. Je la connais trop bien.

- Ça nous tient à cœur qu'ils survivent, ajoute Cinq en venant se poster à côté de moi.

La Directrice lance un coup d'œil vers Luther qui est toujours figé dans une position plutôt ridicule, puis vers le camion de glace qui abrite mes deux autres frères. L'air exaspéré.

- Absolument tous ?
- Oui, confirmé-je.
- Absolument tous.

Elle attrape alors ses lunettes de soleil pour les enfiler en nous adressant le sourire le plus satisfait que j'ai jamais vu.

- Dans ce cas je vais étudier la question. Marché conclu alors ?

Elle nous tend sa main, et ça ne me plaît pas de faire ça. Je ne veux pas...

- Une dernière chose.

Cinq s'éloigne de nous pour attraper l'arme par terre près d'Hazel et Cha-Cha, retirer le chargeur et lancer chaque morceau de côtés opposés pour pouvoir les ralentir. Je remarque ainsi la balle qui avait déjà été tirée et qui s'apprêtait à toucher Luther. C'est pour ça qu'il est dans cette position bizarre. Il s'était interposé entre elle et Cinq. Quel crétin. J'avance vers l'objet minuscule, pour l'attraper et le décaler de quelques centimètres qui permettront à mon frère d'échapper à un joli trou dans la tête. Puis je retourne vers La Directrice qui nous tend de nouveau sa main. Cinq se tourne vers moi, en me tendant la sienne, avec un air plutôt rassurant. Bon sang je suis folle de faire ça. Mais je n'ai pas le choix. Je prends donc sa main, tout de même agacée par cette situation, et lorsqu'il saisit celle de notre vieille amie, je sens mon corps être transporté. Cette sensation ne m'avait pas manqué. Tout comme la visite guidée une fois sur place. Et les faux compliments que La Directrice n'arrête pas de nous lancer. Mon monde me manque déjà. Surtout que me retrouver de nouveau en 1955, dans cet endroit, ce n'est pas ce qui me plaît le plus.

- Ce couloir est définitivement mon préféré de tous, déclare notre guide avec enthousiasme. Tant de souvenirs, capturés dans de si petites images.

Un seul couloir, mais sûrement des millions de petites photos accrochées aux murs. Elles sont si petites qu'il faudrait une loupe gigantesque pour les voir. Ce que quelqu'un apporte à La Directrice au même moment. Avant de disparaître. J'aurais dû le voir venir. Elle s'arrête alors pour se tourner vers le mur à sa droite.

- Votre mission à Édimbourg fut un réel succès Huit. Tout le monde en parle encore aujourd'hui.
- Édimbourg ? reprend soudain Cinq avec surprise. Les joyaux de la couronne d'Ecosse en 1837 c'était toi ?

Non...je t'en prie arrête de parler de ça...

- On m'a dit que l'agent qui avait été envoyé sur place avait tué une quarantaine d'hommes à lui seul. Sans aucune arme.
- A elle seule, dis-je simplement en essayant d'ignorer les nœuds dans ma gorge. Et les rumeurs étaient exagérées. Est-ce qu'on pourrait reprendre...
- Voyons Huit, ne soyez pas si modeste. Vous étiez notre meilleur agent durant votre séjour chez nous. Ça ne m'étonne donc pas que vous soyez si...proches, tous les deux.

Elle fait quelques pas de plus pour jeter un coup d'œil à une autre photo.

- N'est-ce pas Cinq ? Vous vous souvenez de votre première mission ? A Tijuana en 1978.

Wow ! Hey ! Minute ! Tijuana ?!

- Vous parlez de...l'affaire du guitariste ?

Le simple sourire de La Directrice m'indique que...mais si c'était Cinq...alors ça veut dire...ce soir-là...

- Merde...

Je ne sais pas si j'ai envie de pleurer, de m'enfuir, ou...de vomir.

- Comment tu peux connaître cette affaire ? m'interroge Cinq perdu. C'était bien après ton passage ici.

Je lève les yeux vers lui, sentant mon cœur se serrer à mesure que les images me reviennent en tête. Je me tourne alors vers cette sale garce !

- Vous saviez. Vous saviez qu'on...

Oh merde...je décide de choisir la deuxième option. Je commence à faire quelques pas en arrière avant de partir en courant vers les escaliers. J'ai besoin d'air. J'ai besoin de...comment c'est possible ? On...non ! Je m'arrête arrivée à l'extérieur du bâtiment pour reprendre mon souffle, mes esprits, et me laisser tomber sur l'herbe verte en passant ma main dans mes cheveux pour tirer légèrement dessus.

- Huit !

La voix de Cinq derrière moi se fait entendre, et rapidement il vient me rejoindre en venant s'asseoir à côté de moi, l'air inquiet.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Je ferme mes yeux un court instant, qui suffit à des centaines d'images de cette soirée pour venir se faufiler sous mes paupières. Je n'ose même pas croiser son regard.

- Si j'avais su que c'était toi...
- De quoi tu parles ?

Bon sang mais ça lui arrive de réfléchir ?!

- Je parle du putain de bal masqué organisé par La Commission. En 1952, à Londres.

Et lorsque je pose finalement mon regard sur lui, je remarque que le sien se rempli très vite de choc et...d'incompréhension.

- Tu venais d'arriver, lui rappelé-je. C'était ta première soirée d'ailleurs. Je portais une robe rouge. Et un masque noir qui couvrait presque tout mon visage. Je ne voulais pas être reconnue j'étais...célèbre à La Commission à l'époque.
- Attends...non. C'est impossible. Comment tu peux...t'étais pas là ce soir-là.
- Cinq.

Moi non plus ça ne me plaît pas de l'admettre, mais c'est la réalité.

- On était tous les deux à cette soirée. Et on s'est rencontrés...sans se reconnaître.

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Voilà voilà ! J'ai tellement hâte d'être en week-end, pas vous ? Ah oui et...C'EST PAS DINGUE CETTE HISTOIRE ? HUIT ET CINQ SE SONT VUS À LA COMMISSION ?!

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