CHAPITRE XLVII
Si on récapitule un peu tout ça, ma fille que je croyais morte dans une Apocalypse, a fait son apparition il y a à peine quelques heures avant de disparaitre à nouveau pour j'imagine se rendre à l'endroit le plus tordu qui existe dans l'univers. Je me sens toujours aussi cinglée, après avoir passé une journée entière à voir ma famille se faire tuer par une nouvelle Apocalypse, et tenté de tuer l'amour de ma vie avec une paire de ciseaux. Sans oublier ce rêve étrange qui n'avait pas l'air d'un rêve, pourtant je ne vois pas vraiment d'explication logique au fait que je me sois retrouvée dans un monde totalement différent du mien en m'endormant simplement.
Et par dessus le marché, je découvre que mon imbécile de frère était bien occupé la nuit dernière à s'évader de l'asile psychiatrique dans lequel il était pour avoir tenté de sauver le Président Kennedy d'une mort qui a déjà eu lieu.
J'arrive pas à croire qu'au lieu d'attendre le retour de Grace à notre nouveau « QG », je sois contrainte de suivre la piste de Diego avec Cinq.
- Je te répète que j'aurais pu rester là-bas en attendant ton retour.
- Et je te répète que tant qu'on n'aura pas trouvé un remède à ton traumatisme temporel je préfère t'avoir à l'œil au cas où tu chercherais à te faire du mal ou à en faire aux autres. Tout le monde ne peut pas se téléporter à la vue d'une paire de ciseaux meurtriers.
Je sais qu'il a raison, et que je devrais m'estimer chanceuse d'avoir quelqu'un pour me protéger, et protéger les autres de moi, mais je n'arrête pas de me faire du souci. Pour Grace, pour mes frères et sœurs, pour le monde entier. Il faudrait peut-être que je commence à m'en faire aussi pour moi-même.
Perdue dans mes pensées, il me faut un instant avant de me rendre compte qu'on s'est arrêtés de marcher devant un grand bâtiment. Celui dans lequel travaille le suspect numéro un dans la mort de JFK, et donc notre indice numéro un dans notre recherche de ce cher Numéro Deux.
- C'est ici que travaille Oswald, déclare Cinq. Diego devrait être dans les parages.
Je tourne sur moi-même pour essayer de repérer le visage familier de mon frère. Il doit être dans un endroit assez dissimulé pour ne pas être repéré, mais aussi suffisamment proche pour pouvoir intercepter sa cible dès sa sortie.
Il nous suffit donc d'une poignée de secondes à Cinq et moi pour trouver au même moment la cachette du parano de service qui finalement n'est pas si bien caché. Avec sa nouvelle coupe de cheveux il est repérable à des kilomètres.
Cinq lève sa main vers moi, et ce n'est même pas la peine qu'on se regarde pour que je l'attrape et qu'on se retrouve rapidement assis sur la banquette arrière de la voiture de notre fugitif favori, qui semble en pleine conversation avec une personne que je ne connais pas et qui lui pose une simple question.
- Alors pourquoi tu fais ça ?
- Parce que c'est un idiot, répond Cinq sans se soucier du sursaut qu'il provoque chez l'inconnue qui se retourne.
- Bordel t'es qui toi ?
- Salut je suis son frère qui l'aime tant.
- Qui m'a laissé pourrir chez les cin...
Diego, qui ne s'était pas immédiatement retourné en entendant Cinq, ce que je peux comprendre, croise finalement mon regard et s'arrête au milieu de sa phrase.
- Huit ?
- Huit ! Bordel je peux savoir où t'étais passée ?!
La seule phrase qu'il n'arrêtait pas de me répéter en boucle lors de l'Apocalypse se met à résonner dans mon esprit. Tellement que je dois me boucher les oreilles pour essayer d'arrêter ça.
- Huit ? s'inquiète de nouveau Cinq. Ça va ?
Au lieu de lui répondre, dès que je retire mes mains de mes oreilles je me penche comme automatiquement vers l'avant et attrape Diego pour le serrer contre moi. Il est là, il est réel, il est vivant. Tout va bien. L'Apocalypse n'a pas encore eu lieu.
- T'es sûre que ça va ? s'inquiète mon hottage en me tapotant le dos avec incompréhension.
- Parfois il faut voir mourir quelqu'un 538 fois pour vraiment réaliser à quel point on l'aime.
- Quoi ? Cinq qu'est-ce que tu lui as fait ?
Je m'éloigne de lui pour pouvoir plaquer mes mains sur ses joues et le regarder droit dans les yeux.
- Diego, ça te va bien les cheveux longs.
- D'accord...merci.
Je lui souris une dernière fois avant d'enfin le lâcher et de me réinstaller sur mon siège. Je remarque le regard insistant que me jette sa voisine, me rendant vite compte que je ne dois pas lui avoir fait une très bonne première impression.
- Salut, moi c'est Huit.
- Lila, me répond-elle en souriant.
Donc ça veut dire qu'elle m'aime bien ? Tant mieux. D'un côté elle a rencontré Diego dans un asile et a décidé de le suivre jusqu'ici alors je ne dois pas lui paraître plus étrange que ce qu'elle a déjà dû voir.
Évidemment, Cinq semble moins se soucier d'elle puisqu'il se tourne vers Diego en l'ignorant totalement.
- Bon maintenant que les présentations sont faites, viens avec nous et laisse tomber la folle dingue on a des choses plus importantes à faire.
La délicatesse à la Cinq.
- Non je vais nulle part avec toi.
L'entêtement à la Diego.
Je dois intervenir comme toujours j'imagine.
- Diego c'est sérieux il faut que tu nous suives.
- Il t'a dit qu'il m'avait laissé dans un hôpital psychiatrique ?
Je n'ai pas le temps de répondre puisque Cinq passe soudain sa tête par la fenêtre pour se mettre à crier en direction d'un agent de police faisant sa patrouille dans les parages.
- Monsieur l'agent ?!
Diego attrape aussitôt sa veste pour le tirer à l'intérieur et le foudroyer du regard.
- Hey qu'est-ce que tu fais ?!
- Il paraît qu'il y a une récompense sur vos têtes.
Franchement, je mentirais si je disais que ça ne m'avait pas manqué de les voir se chamailler. Ça donne un semblant de normalité à ma vie qui est devenue en quelques jours seulement un bordel pas possible.
On peut dire ce qu'on veut sur Cinq et sa manière d'opérer, il est toujours sûr d'obtenir des résultats. Même si pour ça il doit envoyer son propre frère en prison pour s'être évadé d'un asile psychiatrique avec une nouvelle amie.
****************
Finalement de retour à notre base secrète pas si secrète, accompagnés de Diego et Lila, il suffit de trois secondes pour que notre cher Eliott débarque de nulle part, pour s'approcher lentement de nous, armé d'un fusil qui ne me dit rien qui vaille.
- Elles viennent d'où ces images ?! hurle-t-il sur un ton très peu menaçant. Le film des Frankel, et je veux la vérité cette fois !
Le film des Frankel ? Ce truc qu'Hazel a glissé dans la poche de Cinq avant de se faire tuer ? Donc j'en déduis qu'il a fini de le développer et que ce qu'il y a dessus est assez choquant pour un simple d'esprit pour qu'il se mette à pointer une arme sur nous. Même en sachant de quoi on est capable.
- Vous connaissez ce taré ? nous interroge Diego.
- C'est une nouvelle connaissance, lui répond Cinq avec nonchalance, il est pas dangereux.
- T'en est vraiment sûr ?
Malgré sa question, je trouve tout de même que Lila gère plutôt bien le fait d'avoir un fusil de chasse braqué sur elle. C'est pas donné à tout le monde une telle assurance...
- Êtes-vous, oui ou non, des ennemis du peuple ?!
C'est quoi son putain de problème ?!
Diego, Cinq et moi échangeons un même regard avant de répondre en même temps.
Diego - Ouais c'est pas ce qu'il y a de plus simple comme question si t'y réfléchis bien.
Cinq - Personnellement je dirais que ça dépend.
Huit - Est-ce que le peuple en question est mon ennemi ?
Visiblement ça ne plaît pas à notre ami qui ne fait que s'agiter encore plus.
- Si vous bougez d'un centimètre, je vous explose la cervelle.
Je commence à en avoir marre là. On a essayé la gentillesse, ça n'a pas marché. Je me tourne vers Cinq pour chuchoter avec un certain manque intentionnel de discrétion.
- Si tu t'occupes pas de lui maintenant ça sera lui la prochaine table basse.
- T'inquiètes je gère.
Je jette un regard à Diego qui se tourne vers Lila pour la distraire.
- Dis Lila...
Et aussitôt, Cinq se téléporte juste en face du fou furieux pour lever son arme vers le plafond au moment où se dernier appuie sur la gâchette.
Malheureusement le simple bruit que produit l'arme se met lui aussi à résonner dans mon crâne. Encore et encore, jusqu'à se transformer en plusieurs coups de feu qui me replongent dans l'horreur du champs de bataille.
Je me souviens du moment exact où j'ai décidé de ne plus parler, et d'agir enfin. La première fois que j'ai attrapé un fusil sur le cadavre encore chaud d'un soldat mort pour me battre aux côtés de ma famille.
Je me souviens du premier coup que j'ai tiré. Je me souviens du sourire qui s'est formé sur mes lèvres lorsque la balle a atteint un ennemi. Au bout d'un moment, je crois que je ne savais même plus qui était l'ennemi, je me contentais juste de tirer. La folie s'était emparée de mon corps et de mon esprit et je ne voulais qu'une chose, tuer. Tuer, tuer, encore tuer. C'est tellement agréable, tellement excitant, tellement...
- Huit ?
Je cligne des yeux pour me retrouver à nouveau devant Cinq, et Diego qui retient fermement Eliott par le bras pour l'empêcher de s'échapper. Ce qui me surprend le plus c'est la manière dont ils me fixent tous les deux. Avec...effroi ? Pourtant je suis exactement au même endroit où j'étais avant d'avoir ces visions terrifiantes. Je n'ai pas bougé d'un millimètre.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?
C'est à ma grande surprise Lila qui vient m'apporter une réponse en se mettant à côté de Diego, tout en pointant ses doigts vers ses joues, et en fronçant les sourcils.
- C'est normal le sang ?
Le quoi ? Je pose rapidement ma main sur ma joue, et sens monter la nausée lorsque je vois à mon tour du sang sur le bout de mes doigts. Qu'est-ce qu'il m'arrive ?!
- Je...je reviens tout de suite.
Je fonce en direction de la salle de bains, constatant avec horreur dans le miroir au-dessus du lavabo que des larmes de sang viennent de couler de mes yeux, le long de mes joues, en formant deux bandes rouge écarlate sur mon visage. C'est quoi ce délire ?!
Un courant d'air entre dans la pièce, par la seule petite fenêtre et vient me caresser le visage. J'essaie de sourire du mieux que je peux pour le rassurer.
- Je vais bien. Je suis sûre que c'est rien.
Mais je sais qu'il n'y croit pas non plus. Généralement ce n'est pas rien de se mettre à pleurer du sang.
Je me dépêche de me laver le visage, m'attendant à recevoir de la visite très rapidement, et c'est lorsque je m'empare de la serviette que j'avais utilisée la veille que Cinq apparaît brusquement à côté de moi.
- Cinq quand je ferme la porte ça veut dire que j'ai besoin d'intimité !
- Il s'est passé quoi là ?
- Je sais pas j'ai eu un genre de flash quand ce crétin a tiré.
- Ton état empire.
Je sais et je m'en inquiète moi aussi. Saigner du nez c'était déjà suffisamment grave, mais saigner des yeux...c'est une toute autre histoire. La première fois que je me suis retrouvée coincée dans une boucle j'aurais dû me renseigner un peu mieux sur le traumatisme.
Mais quelles étaient les chances que la chose la plus improbable du continuum espace-temps m'arrive une seconde fois en moins d'une décennie ?!
Un gros boum dans le salon détourne subitement notre attention, et nous oblige à sortir à toute vitesse de la pièce. Quoi encore ?! Eliott a réussi à se libérer et essaie encore de tuer tout le monde ?!
- T'es qui toi ?
C'est la voix de Diego.
Lorsqu'enfin on arrive au point d'origine du bruit, on trouve notre cher Numéro Deux debout face à quelqu'un, des couteaux à la main. Et heureusement cette fois, il ne me faut pas longtemps pour reconnaître Grace.
- Diego baisse tes couteaux ! crié-je aussitôt.
- Quoi, vous la connaissez ?!
- Espèce de crétin ! hurle à son tour Cinq. Fais ce qu'elle te dit !
Totalement perdu et agacé qu'on lui donne des ordres, il obéit quand même quand il réalise la gravité de la situation, ce qui permet à Grace de disparaître de l'endroit où elle était, et de réapparaître juste en face de lui les bras grands ouverts, et folle de joie.
- Oncle Diego !
Et voilà que mon cher frère se fait encore une fois emprisonner dans une étreinte qui ressemble beaucoup à celle que je lui avais imposé dans la voiture tout à l'heure. C'est assez ironique.
- Oncle Diego ? répète le pauvre garçon en nous lançant des appels avec ses yeux.
Je me détends enfin un peu et retrouve le sourire. Surtout quand le regard du prisonnier de ma fille change subitement et qu'il fronce les sourcils l'air de comprendre.
- Grace ?!
Cette dernière le lâche en riant comme à son habitude, hochant la tête avec excitation. Je me demande maintenant pourquoi il m'a fallu autant de temps avant de la reconnaître. Quand on la voit, ça paraît flagrant que c'est la même petite fille qui sautait sans arrêt sur les épaules de son oncle préféré quand elle le voyait.
- Je suis trop contente de te voir ! Non mais tes cheveux ! T'as l'air tellement plus dangereux comme ça, j'adore ! Tu m'as trop manqué !
- Grace ? se contente-t-il de répéter en la regardant.
Je peux le comprendre, ça m'a fait un choc à moi aussi de la voir comme ça. Au moins elle n'a pas davantage changé depuis la nuit dernière.
- Ouais euh...surprise ta nièce adorée est toujours en vie !
C'est une façon comme une autre de l'annoncer en effet...
- Je vois ça.
Il se tourne de nouveaux vers nous les yeux grands ouverts, et j'ai bien l'impression pendant quelques secondes qu'il est à deux doigts de s'évanouir.
Pauvre Diego. Je crois qu'après cette Apocalypse on va tous avoir besoin d'une bonne nuit de sommeil. Ou d'énormément d'alcool.
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Voilà pour ce nouveau chapitre ! Je ne sais pas du tout à quelle fréquence je vais poster d'ailleurs, je vais prendre le temps de bien reprendre l'histoire avant de mettre en place un rythme mais je vais essayer de ne pas vous faire attendre trop longtemps entre deux chapitres (un an par exemple).
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