CHAPITRE XII

Je rentre à l'intérieur, voyant Allison et Luther un peu plus loin se diriger vers la cuisine. Je crois entendre le mot « maman » dans leur conversation. Mais je n'y fais pas plus attention. Je monte les escaliers pour trouver Cinq dans sa chambre en train d'ouvrir sa fenêtre.

- J'ose espérer que tu n'allais pas sérieusement partir sans moi.

Il se retourne en me souriant.

- Disons que j'allais prendre un peu d'avance.

Il me tend sa main, le sac contenant Delores sur le dos. J'avais presque oublié qu'on s'était presque fait tuer pour elle hier soir. J'attrape tout de même la main de Cinq en levant les yeux au ciel pour sauter dans l'escaliers de secours. On descend ensemble rapidement, en entendant Klaus parler un peu plus bas.

- Oh la ferme ! Tu vois pas que j'essaie de trouver les trucs soi-disant précieux qui étaient dans cette précieuse boîte ? Je voudrais que Pogo me lâche les baskets !

Cinq commence à descendre l'échelle, tandis que je saute dans le vide pour me réceptionner comme il faut dans la ruelle, juste en face de Klaus qui semble s'amuser à faire les poubelles.

- J'allais te demander ce que tu faisais Klaus, commence Cinq. Mais en fait je viens d'avoir une révélation. J'en ai rien à foutre.

Et encore une fois je le trouve dur avec lui.

- Vous savez, il y a pleins de sorties moins casse-gueule que celle-là.
- Bah le truc c'est que c'est celle qui impliquait le moins de bavardages de toutes.
- C'est ce qu'on croyait en tout cas, reprends-je en soupirant.

Je savais que dès que Grace serait partie, Allison et Luther allaient nous poser pleins de questions. Ils ont bien vu l'état dans lequel on était hier soir en rentrant. Luther a même vu Cinq se recoudre le bras. Je n'ai pas envie de me justifier auprès d'eux, pas maintenant.

- Et mini 58 ?

Je lance un regard désespéré à Klaus.

- Ne l'appelle pas comme ça.
- Pourquoi pas ? Je trouve ça mignon comme surnom moi.
- Si j'ai pris la peine de lui donner un prénom, c'est pour qu'on l'utilise. Papa a toujours été le seul à t'appeler Numéro Quatre et je crois que ça ne te plaisait pas.
- Par contre toi tu n'as jamais voulu t'appeler autrement, Numéro Huit.

C'est vrai. Mais je n'ai ni l'envie, ni le temps de bavarder avec lui à ce sujet. On est pressés. Je me tourne vers Cinq qui a fini de descendre lui aussi.

- On y va ?

Il me rejoint en hochant la tête.

- Hey attendez une seconde ! nous retient Klaus. Vous avez besoin d'un peu de compagnie aujourd'hui ? Si vous voulez je peux essayer de...d'annuler mes rendez-vous.

D'un coup de vent je fais voler de ses mains la flasque qu'il portait à ses lèvres pour la faire s'écraser contre le mur derrière nous.

- Bien joué, déclare soudain une voix familière près de moi.

Je relève la tête très rapidement en fronçant les sourcils. J'ai l'impression de reconnaitre cette voix. Ce serait...non c'est impossible. Non...

- T'as déjà de quoi faire je crois, lui répond Cinq avec un faux sourire.
- Quoi ça ? Non. Non non ça je le fais quand je veux. Et pour tout te dire...

Il trébuche à l'intérieur de la benne à ordure dans laquelle il était. On entend quelques bruits comme s'il était en train de fouiller à l'intérieur, avant de le voir réapparaître comme par magie à la surface.

- Ah bah je l'ai retrouvé ça y est !

Il tient une moitié de vieux donut d'un air victorieux, avant de...se mettre à mordre dedans. C'est officiellement trop pour moi, je me retourne pour commencer à m'éloigner en levant les bras dans les airs avec agacement et impuissance.

- C'est un vrai délice.
- J'en ai marre de financer ta toxicomanie, ajoute Cinq avant de me suivre.
- Ça va ! T'en sais rien peut-être que j'ai envie de traîner avec mon frère !

Je ne me retourne même pas pour essayer de continuer cette conversation.

- Mis hermanos ! Je vous aime ! Même si vous pouvez pas vous aimer vous-même !

Je monte dans une camionnette appartenant à une société de plomberie avec Cinq, et il démarre rapidement. Ce n'est pas du vol, simplement un emprunt. Et sur la route, je repense à ce qu'a dit Klaus au sujet de mon nom. J'ai l'impression que le jour où maman a donné aux autres les leurs remonte à hier. Et pourtant...

27 ANS AUPARAVANT

- Que dirais-tu de...Luther ?
- J'aime beaucoup. Merci maman.

Maman dépose un baiser sur le front de Numéro Un avant de se tourner vers Numéro Trois qui était à côté de lui.

- Pour toi ma grande...Allison. Ça te plait ?
- Oui merci maman.

C'est ensuite au tour de Numéro Quatre qui devient Klaus, Numéro Deux qui s'appelle maintenant Diego et qui a l'air d'aimer ce nom, Numéro Six se fait renommer Ben, je souris en entendant Numéro Sept se faire appeler Vanya. Et enfin maman vient vers Numéro Cinq et moi. Mais mon voisin se lève rapidement en souriant poliment.

- Je n'ai pas besoin de prénom. Ce n'est rien d'autre qu'une perte de temps.
- C'est bon arrête de te la jouer deux secondes c'est juste un prénom, le réprimande Luther comme papa le ferait.

Il ne répond pas pourtant. En fait il l'ignore complètement et se tourne simplement vers maman.

- Je peux monter dans ma chambre ?
- Bien sûr mon chéri. C'est ton droit de refuser.
- Merci.

Et il sort du salon. Bah...moi aussi j'avais hâte d'avoir un prénom. Ça doit être cool d'en avoir un. Comme les enfants normaux dehors. Et les adultes. Maman s'appelle Grace, papa c'est Reginald, et puis il y a Pogo aussi. Alors pourquoi nous on devrait se faire appeler par des chiffres ? Mais si Numéro Cinq n'en veut pas...

- Et toi mon ange ?

Je lève alors la tête vers maman en souriant à mon tour. J'ai pris ma décision.

- Je peux monter moi aussi ?
- Oui bien sûr que tu peux.
- Merci maman.

Elle se penche vers moi pour me permettre de déposer un baiser sur sa joue avant de sortir pour monter les escaliers rapidement. Je vais rejoindre Numéro Cinq dans sa chambre. Il est allongé sur son lit, en train de lancer une balle dans les airs pour la rattraper, et la relancer. Il ne se tourne même pas vers moi quand j'entre.

- Alors je dois t'appeler comment maintenant ? me demande-t-il simplement.
- Comme d'habitude.

Il se redresse d'abord surpris, puis me sourit et me laisse la place de venir m'asseoir au pied de son lit. Il lance la balle vers moi. Je la fais flotter dans les airs pendant quelques secondes avant qu'elle ne m'atteigne, pour la relancer vers lui.

- C'est à cause de moi ? ajoute-t-il avec un peu plus de sérieux.
- Pourquoi tu dis ça ?
- T'étais contente que le vieux nous donne la permission d'avoir des prénoms. T'arrêtais pas de dire que t'avais hâte de connaître le tien.

C'est vrai. Mais...

- Et si plus tard tu regrettes de pas en avoir un toi ? lui expliqué-je en haussant les épaules. Au moins tu te sentiras pas seul. En plus j'aime bien Numéro Huit, pas toi ?

Il me lance une nouvelle fois la balle, et cette fois je l'attrape avec mes mains en riant.

- Oui c'est un super nom.

Huit. Finalement, même si je me suis sentie seule pendant douze ans, en portant ce nom que j'ai par moment trouvé ridicule sans Cinq à mes côtés, aujourd'hui je ne regrette absolument pas de ne pas avoir de « vrai prénom ». Je me sens spéciale comme ça. Ça ne veut pas dire que je veux que Grace hérite d'un surnom aussi grotesque que 58. Je veux dire...ce genre choses c'est vraiment Klaus dans toute sa splendeur.
Je suis alors très vite tirée de mes pensées quand je remarque que Cinq se gare en face du laboratoire qu'on avait visité hier sans succès. Pourquoi ?

- Qu'est-ce qu'on fait là ?
- De la surveillance.
- Et on surveille qui au juste ? Grant ?
- Tu sais qu'il s'appelle Lance, n'est-ce pas ?

Lance, Grant c'est la même chose. Presque la même chose. Il faut vraiment que j'arrête de traîner avec Klaus. Je lui lance donc un simple regard pour lui indiquer que je me fiche complètement de comment ce type s'appelle. Je veux juste savoir ce qu'on fait ici. Si j'ai bien compris ce que Cinq a dit, l'œil n'a même pas encore été créé.

- Je crois bien qu'il ne nous a pas tout dit. Il y a quelque chose qui cloche, et je veux savoir quoi.

J'aimerais lui dire qu'il est parano. Que rester assis dans cette voiture pendant des heures ne nous mènera à rien. Mais je ne peux pas, tout simplement parce que...

- Je te fais confiance.

Et en me retournant un instant pour observer l'arrière du van rempli d'outils en tous genres, je pose mon regard sur le sac que Cinq a tenu à apporter avec lui.

- Tu sais que Delores va finir par s'étouffer si tu la laisses là-dedans ?
- Et merde.

Je le vois se retourner pour ouvrir le sac avec panique. Waouh. Il s'inquiète vraiment pour ce mannequin. Heureusement que je ne l'ai pas laissé se faire exploser davantage alors.

- Désolé de t'avoir laissée là-dedans tout ce temps, s'excuse-t-il en la redressant pour la faire sortir et la mettre entre nous. Non je suis pas soûl Delores. Je suis en mission. Ça a un rapport avec l'œil oui, c'est le labo qui l'a fabriqué. Ou...qui le fabriquera. Maintenant il ne nous reste plus qu'à attendre.

Je l'observe depuis mon siège passager, discuter avec cet objet inanimé. Je sais que j'ai choisi de jouer la carte de la personne compréhensive. Que je n'ai pas voulu le brusquer en lui faisant voir la vérité en face sur la condition de Delores parce que je peux comprendre qu'il ait eu besoin de se raccrocher à quelque chose. Mais...le voir parler directement avec elle, me perturbe au plus haut point. Je ne sais pas si je devrais trouver ça terrifiant ou...inquiétant. Mais je n'ai plus le choix je dois continuer de jouer le jeu je suppose. Je me retourne donc vers le labo en m'enfonçant dans mon siège, pour essayer de ne plus penser à ça.

- Alors tu l'as appelée Grace ? m'interroge soudain Cinq.

Je ne pensais pas qu'il me parlerait d'elle maintenant. Aussi vite. Je m'attendais à ce qu'il lui faille un temps d'adaptation avant d'aborder ce sujet avec moi. Mais puisqu'il l'a fait...

- Je me suis dit que c'était le seul prénom auquel on avait vraiment songer à deux. Et je tenais à ce que tu...participes.
- Elle a du potentiel.
- Oui. La fille d'Allison n'a pas hérité de ses pouvoirs, je suppose que les deux parents doivent être spéciaux pour que ça arrive.
- Et pour l'air ?
- Elle apprend.

Je suis heureuse qu'il s'intéresse autant à elle. Qu'il se renseigne. J'espèce sincèrement qu'une fois toute cette histoire d'apocalypse derrière nous, on pourra...fonder une famille ? Celle qu'on n'a jamais pu avoir. Mais je m'emballe peut-être. Il ne veut sûrement pas de ça. Et voilà Huit ! Vous vous embrassez une fois, et tu te vois déjà finir ta vie avec lui. La dernière fois que c'est arrivé, souviens-toi de la façon dont ce rêve s'est évaporé dans un nuage de chagrin.

- En tout cas elle est têtue comme une mule, ajoute Cinq en jetant un coup d'œil par sa vitre. Elle a bien hérité de ton caractère.

Je ne me retiens même pas de lui donner un coup dans le bras en souriant. Regrettant aussitôt quand il grimace et que je me rappelle cette fichue blessure.

- Merde ! Désolée.

J'espère que je n'ai pas rouvert la plaie. Mais son sourire rassurant me permet de très vite retrouver le mien. Je peux être tellement stupide parfois. D'accord là on en rit presque, mais...bien joué Huit. Je vois alors mon voisin se mettre à bailler. Ce qui ne m'étonne pas. Moi j'ai plutôt bien dormi ces derniers jours, mais lui...

- Tu veux te reposer un peu ?
- J'ai pas le temps de me reposer.
- Oh allez. On n'a pas besoin d'être deux pour surveiller Grant. Je te promets que si je vois quoique ce soit de suspect je te réveille.

Je vois bien qu'il n'est pas convaincu, et qu'il n'a absolument aucune envie de baisser sa garde. Mais subitement il se tourne vers Delores, agacé.

- Oui je sais qu'elle a raison.

Et ça recommence...

- Evidemment que vous vous débrouillerez sans moi le temps d'une heure ou deux, c'est pas ce que je voulais dire et tu le sais.

Ne dis rien Huit. Surtout aucune remarque. Il finit par détourner le regard d'elle en soupirant.

- Très bien. Mais au moindre détail alarmant.
- Oui chef.

Et enfin, il se décide à s'asseoir complètement pour fermer ses yeux. Je ne l'avais pas vu dormir depuis très longtemps. Il est adorable quand il dort. Il m'avait vraiment manqué, même si aujourd'hui je dois le partager avec Delores...
Une bonne heure passe alors, sans que rien ne se passe finalement. Aucun signe de Grant Lance, aucun signe des assassins de La Commission, aucun signe de...bon sang je pourrais presque tomber de fatigue à force de rester là à ne rien faire. Ça m'arrivait très souvent dans l'apocalypse, mais depuis j'ai été assez occupée pour ne pas avoir une seconde à moi. Alors une heure ! Je me redresse légèrement agacée quand je constate que l'heure avance bien trop lentement. Et mon regard se pose sur Delores. Qui semble me fixer bizarrement. C'est quoi son problème ? J'essaie de me concentrer à nouveau sur le laboratoire, mais je sens son regard insistant sur moi et...j'y arrive pas ! Je me tourne vers elle en chuchotant du mieux que je peux.

- Quoi ? Qu'est-ce que t'as à me regarder comme ça ?

Bien sûr qu'elle ne répond pas. Alors pourquoi je continue ?

- Si c'est ta manière de me remercier de t'avoir sauvé la vie, c'est pas très malin.

Je me retourne vers l'extérieur du véhicule en soupirant. Je suis en train de me disputer avec un mannequin en plastique.

- Si tu as peur que je fasse du mal à Cinq...c'est pas très malin non plus. J'ai toujours voulu que son bonheur.

Je suis en train...de parler, avec un mannequin en plastique...

- Je sais que je l'ai abandonné. C'est ce qu'il a dû te dire pendant toutes ces années que vous avez passées ensemble mais...j'ai jamais eu l'intention de le faire. Si j'avais pu passer ma vie entière dans cette apocalypse avec lui je l'aurais fait sans hésiter. Si j'avais pu trouver un moyen d'y retourner...si le vieux ou la Directrice avaient...

Pourquoi je fais ça ? Qu'est-ce que je suis en train de faire ?! Je pouffe de rire en me retournant vers celle qui me tient compagnie.

- Tu sais quoi Delores ? Je comprends Cinq maintenant. Ça fait seulement une heure que je suis là à ne rien faire et je me livre déjà à toi comme si j'étais chez un psy.

Je la retourne légèrement pour qu'elle cesse de me regarder.

- Il faut dire que toi au moins tu sais écouter.

Allez ça suffit les bavardages. Je me retourne vers la route en croisant les bras, pour essayer de me concentrer un peu. Quand je vois Cinq du coin de l'œil commencer à s'agiter à côté de moi.

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Et voilà ! Le chapitre 12 dans toute sa splendeur !
Je me suis rendue compte en écrivant cette histoire, que contrairement à ce que je pensais, les enfants avaient été nommés avant la disparition de Cinq. La seule raison logique pour moi était donc que Cinq comme à son habitude, n'avait simplement pas eu envie de faire comme les autres et voulait montrer sa supériorité en refusant une chose aussi « futile ».
J'espère que ça vous aura plu, n'hésitez pas à me le dire, ou si vous avez des remarques à me faire, les commentaires sont là pour ça !!!

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