CHAPITRE LVIII
- Huit ?!
Cinq ? Et merde j'aurais peut-être dû être plus discrète en atterrissant contre ce foutu tableau ! J'imagine que le bruit a dû alerter les Douze Magnifiques, mettant ainsi fin à leur petite réunion secrète qui nous aurait apporter des informations cruciales ! Franchement ces imbéciles ne pouvaient pas choisir pire moment pour débarquer et ruiner la fête !
Furieuse, je m'empresse de lever mon pied dans les airs pour l'abattre dans la mâchoire de mon vieil ennemi qui me lâche instantanément, me permettant de courir rejoindre Cinq au milieu du couloir.
- Je croyais que t'étais supposée monter la garde !
- Et qu'est-ce que tu crois que ma gorge faisait dans la main géante de ce type à l'instant ?!
Wow...pourquoi j'ai une impression bizarre de déjà-vu ?
Je parviens à éviter de justesse la nouvelle attaque du plus jeune de la fratrie, attrapant au passage un chandelier pour le frapper au genou, derrière la tête, et...j'ignore pourquoi mais j'arrête de l'attaquer pile au moment où il allait s'emparer de mon arme de fortune, que je laisse tomber au sol en reculant lentement.
J'entends la voix de Diego débarquant précipitamment derrière moi, et encore une fois, mon corps se met à bouger seul, m'obligeant à faire volte-face pour saisir au vol le couteau que mon frère venait de lancer dans la direction de mon adversaire. Je regarde l'objet dans ma main avec incompréhension. Comment j'ai su que...
Pourquoi...
- Huit fait gaffe ! hurle Diego en récupérant son couteau lorsqu'il passe près de moi pour passer à l'attaque.
Je le regarde se battre, sentant une douleur étrange dans mon ventre qui pourtant n'a rien.
- Huit !
Je reprends mes esprits lorsqu'il est déjà trop tard. Malgré les mises en garde de Diego, l'aîné de la famille, le troisième assassin professionnel que j'avais complètement oublié, vient saisir le col de ma chemise avec force pour me soulever dans les airs et me jeter violemment contre une des grandes fenêtres qui se brise sous mon poids. J'entends les cris de Cinq et Diego dans ma chute, qui ne dure pas très longtemps puisque je parviens à me faire flotter juste à temps pour atterrir à seulement quelques centimètres du sol.
Un flash vient alors subitement troubler ma vision et me fait perdre l'équilibre. Je tombe à genoux, croyant voir parmi les débris de verres dans l'herbe, mon corps sans vie, couvert de sang.
C'est impossible...
Pourquoi je suis surprise d'être en vie ?
Je suis certaine de ne pas être en train de rêver. Et je déteste cette sensation parce que je la connais trop bien, mais pourquoi maintenant ? Est-ce que je viens de vivre une boucle temporelle ? Comment...
Soudain je me fais tirer de mes pensées lorsqu'une nouvelle fenêtre se brise à l'étage, et qu'une grande silhouette vient s'échouer à quelques mètres de moi. A première vue, ce n'est pas un des miens. J'espère qu'ils vont bien là-haut.
Je parviens à me relever, me coupant légèrement les mains en m'appuyant sur le verre tranchant, et m'apprêtais à remonter pour leur venir en aide, mais un cri familier à l'avant du manoir m'en empêche. Cinq ?
Je l'entends réciter un passage de l'Odyssée d'Homère en grec ancien. Je sais que ça vient de là parce qu'étant enfants on a tous été contraints de l'apprendre en grec ancien.
Ça veut dire que Cinq a trouvé notre chère cible et essaie tant bien que mal d'attirer son attention. Je commence à marcher dans sa direction, évitant bien sûr de passer à côté de l'assassin professionnel inconscient à proximité, et finit par le trouver, les yeux rivés sur une voiture s'éloignant au loin. Je crois savoir qui est dans cette voiture...
- Cinq ?
Il se retourne, et s'empresse de venir jusqu'à moi malgré ses propres blessures.
- Huit, ça va ? T'es blessée ?
- Ça pourrait être pire. J'imagine que tes connaissances littéraires n'ont pas attiré son attention comme tu l'aurais voulu.
- Non il a réagi mais...c'était pas suffisant.
Diego et Lila viennent finalement nous rejoindre, et je sens comme une légère animosité entre eux. Qu'est-ce qu'il s'est passé quand j'étais pas là ?
- Je commence à croire que papa nous évite à force, annonce Cinq à Diego.
- C'est pas pour jouer les rabat-joie, poursuit Lila comme si de rien n'était, mais je crois qu'il vaut mieux se casser d'ici.
- Je suis curieux, quand tu dis « on » je peux savoir à qui tu fais référence ?
- Qu'est-ce qu'il y a d'ambigu dans ce que j'ai dit ?
- Je te connais pas du tout et j'ai aucune idée d'où tu sors. Mais moi à ta place je crois que je me dépêcherais de me rentrer.
- Elle a raison Cinq, tente de le calmer Diego. Faut qu'on se casse de là.
- Je viens de te sauver la vie petit connard. Si j'étais pas intervenue tout ce qui resterait de toi maintenant c'est un blazer et des chaussettes.
Okay donc Lila a sauvé la vie de Cinq et sans grand étonnement il continue de se méfier d'elle. Je crois même qu'il se méfie encore plus qu'avant.
- C'est là tout le problème. T'es un peu trop douée, tu poses un peu trop de questions, t'en sait un peu trop. Quand tu te bats tu sais exactement ce que tu fais.
- Là il a pas tort.
En temps normal je mettrais ça sur le compte de la paranoïa maladive de Cinq, mais le fait que Diego soit du même avis que lui, m'empêche d'intervenir. Si lui aussi a un problème avec elle alors qu'il y a encore quelques heures ils étaient en train de se lancer des regards amoureux écœurants, ça veut dire qu'il s'est vraiment passé quelque chose entre ces trois-là après mon passage par la fenêtre.
- Et ça fait de moi la méchante de savoir me débrouiller toute seule ?
- Je m'en fous t'es en travers de mon chemin, déclare Cinq avec ce regard meurtrier qui lui est propre. Je préfère te prévenir, si jamais je te revois je te tue.
Et c'est sur cette dernière menace qu'il choisit de faire sa grande sortie de scène en commençant déjà à partir sans nous. Super. Merci de me laisser seule avec ces deux-là.
- Huit ? m'interpelle Lila avec choc. Me dis pas que t'es d'accord avec ça.
- Lila je sais pas ce qu'il se passe ici mais je viens de vivre un des moments les plus étranges de ma vie déjà bien assez merdique. Je suis désolée mais c'est entre Diego et toi.
Et après un dernier regard en direction de mon frère qui continue de fixer Lila avec colère, je pars à mon tour pour essayer de retrouver Cinq au milieu de la foule affolée.
PLUS TARD
- Merde !
J'éloigne un instant ma main de Cinq pour qu'il arrête d'insister sur le même foutu morceau de verre planté dedans. Ça fait un mal de chien !
- Si t'arrêtais de bouger, ça irait peut-être plus vite.
Il a vraiment osé dire ça ?!
- J'ai été défenestrée gros malin ! T'as juste le nez qui saigne.
J'arrache la pince à épiler de sa main et commence à m'occuper de mes blessures moi-même. Ça fait toujours aussi mal, mais au moins j'ai plus l'envie pressante de lui foutre mon poing dans la figure.
Assis tous les deux sur le bord de la baignoire de la minuscule salle de bains d'Eliott, on essaie de ne pas penser à l'échec total qu'a été cette nuit. Le vieux nous a échappé, on n'a rien appris d'utile à notre problème d'Apocalypse, les Suédois nous ont retrouvés et massacrés, sans compter que Diego n'est toujours pas rentré après ce que je suppose être une grosse dispute avec Lila. Ah oui, et puis en arrivant ici, non seulement Grace avait laissé un simple mot sur la table basse nous annonçant qu'elle était partie voir son « ami » pour une urgence, mais en plus il a fallu qu'on retrouve Luther, et notre hôte, complètement défoncés au gaz hilarant. Ils doivent être endormis en ce moment-même, puisqu'on n'entend plus aucun rire dans le salon.
Je comprends pas pourquoi je dois continuer de subir toutes ces conneries.
Heureusement, j'arrive enfin à retirer le dernier débris de verre logé dans ma main et le jette parmi les autres dans la baignoire remplie de coton et de compresses d'alcool couverte de mon sang et de celui de Cinq. Une vraie scène d'horreur...
Je pousse un profond soupir de soulagement mêlé à de l'agacement, et commence à entourer ma main avec un bandage.
- Tu veux en parler ?
Je regarde Cinq avec étonnement lorsqu'il me pose cette question.
- Parler de quoi ?
- T'es en train de momifier ta main.
Je m'arrête aussitôt lorsque je réalise que ma main est entièrement couverte comme si je venais d'appliquer un plâtre épais dessus. D'accord, peut-être que je devrais arrêter de défouler ma frustration sur mes blessures...
Cinq reprend ma main délicatement pour retirer tout son emballage et le refaire avec moins d'agressivité. Je le regarde attentivement, et attend qu'il termine pour enfin...
- Je crois que je suis morte ce soir.
- Quoi ?!
J'aurais peut-être pu le formuler autrement...
Mais c'est ce qui s'est passé.
- J'ai déjà vécu deux boucles temporelles, alors je sais reconnaître une simple impression de déjà-vu, et...le fait de revivre les mêmes événements une seconde fois. Je suis persuadée que c'est ce qui m'est arrivée tout à l'heure quand on se battait contre les Suédois. Je me souviens pas exactement de ce qui est arrivé la première fois, mais je sais que je suis morte. C'est en général ce qui déclenche le retour en arrière dans une boucle.
- Attends...je comprends pas. Tu dis que t'étais morte et que t'es revenue au point de départ sans avoir rien fait ?
Malheureusement...
- Je crois que t'avais raison Cinq. Le traumatisme temporel n'a pas disparu de mon corps, il continue de l'affecter mais au lieu de me tuer, j'ai l'impression qu'il me garde en vie. Peut-être que je suis toujours vivante parce qu'inconsciemment j'ai appris de mes premières erreurs. Je croyais avoir attrapé le couteau de Diego au vol sans raison, mais peut-être que c'est justement ce "réflexe" qui m'a sauvé cette fois-ci.
Tout ça est tellement fou que ça ne peut qu'être logique. Enfin...
- Je sais pas Cinq. Peut-être que je redeviens folle.
- Je crois pas que tu sois folle. Le plus important c'est que tu sois en vie, ça nous laisse le temps d'essayer de comprendre ce qui t'arrive. On va trouver je te le promets.
Je souris de nouveau lorsqu'il serre ma main dans la sienne. Bizarrement cette légère pression ne me fait pas mal, alors qu'il y a encore quelques instants je devais serrer les dents au moindre mouvement. Je glisse lentement sur le rebord de la baignoire pour me rapprocher de lui et frotter une tache de sang sur sa joue avec mon pouce pour la faire disparaître.
- Merci de me mentir.
Il me sourit tristement, ne cherchant pas à me contredire. Même si on ne trouve pas ce qui m'arrive ça m'est égal pour l'instant, si ça me permet de rester en vie assez longtemps pour pouvoir aider ma famille et le monde entier.
Ma main est toujours sur sa joue quand je réalise notre proximité et que je romps le contact pour m'éloigner légèrement de lui tête baissée. S'il n'avait pas pris autant de plaisir tout à l'heure à se moquer de moi pour ce que je lui ai dit, je ne serais pas aussi gênée de me retrouver seule avec lui de cette manière. Qu'est-ce qui m'a pris de dire toutes ces choses ?!
- Huit ?
Même si je ne veux pas le faire, je ne tarde pas à me retourner vers lui.
Et ses lèvres se posent rapidement sur les miennes sans attendre que nos regards se croisent.
Sa main vient se mettre sur ma taille pour me rapprocher et m'empêcher de fuir. Et même si je suis tentée d'essayer de le faire, je n'y arrive pas. La surprise passée, je ferme mes yeux et profite de cet instant que j'aurais laissé durer des heures si Cinq n'avait pas été le premier à le briser en éloignant son visage du mien au bout de seulement quelques secondes.
Finalement nos regards se croisent et je parviens à lire dans le sien, la même gêne que je ressentais avant qu'il décide de faire ça sans mon accord. Il essaie quand même de sourire avec malice comme s'il avait toute la situation sous son contrôle. Il m'énerve tellement...
- Désolé, s'excuse-t-il rapidement. Je sais que t'as dit qu'on était tous les deux adultes et...
- Tu peux être tellement con parfois.
Cette fois c'est moi qui l'attire vers moi pour l'embrasser et il hésite beaucoup moins que moi à répondre. Ses deux bras viennent m'entourer, tandis que mes mains se posent sur sa nuque pour me permettre d'avoir un peu plus de contrôle moi aussi. J'avais oublié à quel point ses lèvres sont agréables à embrasser, surtout quand je les sens sourire contre les miennes.
Tout à coup je me retrouve assise sur le lavabo qui était il y a encore deux secondes à notre gauche. J'avais aussi oublié ça, et je ne peux pas m'empêcher de rire en voyant la tête qu'il fait, maintenant debout, mais toujours près de moi, ses mains dans mon dos.
Il lève les yeux au ciel en pestant doucement contre lui-même.
- Et merde.
J'essaie d'arrêter de rire en m'asseyant un peu plus confortablement sur l'étroit lavabo.
- Waouh, m'exclamé-je sur un ton moqueur. Depuis quand t'as pas eu de téléportation involontaire ?
- Ce putain de corps est incontrôlable !
- Ouais je sais j'étais là la première fois. J'ai juste peur que tu nous fasses atterrir sur le toit si je continue de t'embrasser.
- Je vais pas...
Je plaque mes lèvres sur les siennes sans le laisser terminer sa phrase. Malheureusement pour lui, puisque j'étais là la première fois, je sais exactement quoi faire pour lui prouver à quel point il a tort. Il oublie très vite mes remarques et continue de m'embrasser, m'inclinant légèrement vers l'arrière, faisant ainsi tomber les quelques objets posés sur la petite étagère au-dessus du lavabo.
Une dizaine de secondes passent, avant que je commence à glisser mes doigts de sa nuque jusqu'à ses cheveux, pour atteindre les mèches sur le haut de sa tête, et tirer doucement dessus.
Aussitôt je tombe d'à peine deux ou trois centimètres en avant, roulant très vite sur le sol dur à côté de Cinq. J'explose de rire lorsque je réalise qu'on est tous les deux allongés par terre sur le toit du bâtiment, au milieu de la nuit.
- Très drôle, se plaint Cinq en s'asseyant avec mécontentement.
Je n'arrive pas à m'arrêter de rire, au point où j'ai l'impression que je vais étouffer.
- T'as fini ? C'est bon ?
- Je suis désolée...j'ai juste...t'étais...
Et le fou rire revient de plus belle, m'empêchant d'aligner deux mots correctement.
Finalement cette nuit n'était pas si terrible que ça...
Pour moi en tout cas.
+++++++++++++++++++
Voilà pour le chapitre 58 ! J'espère que ça vous a rassuré de savoir que Huit n'est pas vraiment morte...enfin techniquement elle est morte mais pas vraiment "morte". Elle est morte mais pas morte, vous m'avez comprise !
Et puis j'ai adoré écrire la seconde partie du chapitre avec Cinq !
D'habitude j'écris en avance avant de publier un chapitre mais là je n'ai rien alors à vous de me dire vous préférez encore un peu de complicité entre Cinq et Huit pour le prochain chapitre ou que je passe directement au lendemain matin et donc la suite de la série ?
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