CHAPITRE LVII

Ma vie est devenue un véritable cauchemar.
En seulement quelques jours, j'ai eu 34 ans, puis 13 ans, et maintenant 16 ans !
D'accord l'idée de rajeunir davantage, même de quelques jours ne me plaisait pas énormément, mais je me souviens de mes 16 ans !
La colère et la frustration constantes, les hormones en ébullition...
J'avais pas besoin de ça maintenant !

- Maman ?

J'essaie de me calmer en me tournant vers une Grace gênée qui n'a pas l'air de savoir comment s'y prendre avec moi. Super, je commence déjà à être désagréable...
Je peux pas lui en vouloir, c'est pas sa faute.

- Ça va Grace. Je vais bien il me juste un moment pour digérer la nouvelle.
- Je sais mais...le bon côté des choses c'est que t'as l'air d'aller beaucoup mieux.

J'irai mieux quand je me serai réveillée après une semaine entière de sieste. Mais c'est vrai que je ne m'étais même pas rendue compte du poids que je portais sur mes épaules avant cette petite expérience. Maintenant qu'il est parti, je me sens beaucoup plus libre.
Je me tourne aussitôt vers Cinq qui essaie de remettre sa cravate en place sans s'étrangler cette fois.

- Tu crois que ça a marché ? l'interrogé-je en détachant les deux premiers boutons de ma chemise pour pouvoir moi aussi respirer correctement.
- Si t'étais retourné au moment où la boucle avait pas encore eu lieu, le traumatisme temporel se serait simplement effacé de ton esprit. Le problème c'est que ton corps croit avoir passé trois ans dans cet état, et que t'es toujours en vie. Ce qui veut dire qu'il s'est habitué au traumatisme, ce qui n'a jamais été accompli auparavant puisqu'habituellement personne n'y survit plus de quelques jours.

Alors...on a aucun moyen de savoir ce qui va m'arriver ? Ou même ce qui m'est arrivé pendant les trois années que je viens de sauter.

- Comment tu te sens ? me demande-t-il finalement en venant poser sa main sur ma joue pour m'examiner de plus près.
- Je me sens bien.
- T'en es sûre ? Pas de vertiges ? De maux de têtes ? De pulsions meurtrières ?

Je laisse un léger rire s'échapper de mes lèvres tandis que je saisis sa main pour la retirer de ma joue.

- Cinq si je sens quoique ce soit d'anormal m'arriver tu seras le premier au courant, en attendant je vais parfaitement bien. Je te le promets.

Au début peu convaincu, il suffit que je plonge mon regard dans le sien pour lui montrer que je ne suis pas en train de lui mentir uniquement pour le rassurer, et il finit par hocher la tête pour accepter mes conditions. Je souris de son comportement surprotecteur, que je peux parfois trouver étouffant. Je suis bien trop soulagée d'être en vie pour lui en vouloir de s'inquiéter.
Il me sourit à son tour en caressant le dos de ma main avec son pouce et...
Fait chier...
J'ai envie de l'embrasser. Mais je veux dire...j'en ai maladivement envie. Je peux pas m'empêcher de regarder ses lèvres et le voir fixer les miennes pousse les battements de mon cœur à s'accélérer de plus en plus...

- Oh pitié !

Je sursaute et m'éloigne immédiatement de Cinq lorsque la voix de Grace me ramène à la réalité. C'est pour ça que j'aurais préféré n'importe quel âge, à part celui-là...

- Est-ce que vous pourriez attendre d'avoir empêcher cette nouvelle Apocalypse pour me faire une petite sœur ou un petit frère ?
- Grace ! hurlons-nous en même temps.

Fière d'elle, l'insolente se contente d'hausser les épaule en esquissant un léger sourire amusé. J'arrive pas à croire que c'est ma fille qui est en train de me donner des leçons d'abstinence. Je déteste ce corps !

- Hey vous avez fini là-haut ?! se met à hurler Diego en bas des escaliers. On a un plan à exécuter je vous rappelle !
- C'est bon on se calme Batman ! réponds-je avec agacement.

Je devrais plus avoir à subir ce genre de conneries à mon âge ! Mon vrai âge !

- Il a raison maman. Vous devez vous dépêcher.
- Attends... ta montre n'a même pas encore sonné mais tu vas pas nous supplier de nous accompagner ?
- J'ai utilisé pas mal d'énergie pour vous vieillir tous les deux. Je dois me reposer pour pouvoir repartir dès que possible.

Je suis toujours curieuse de savoir où elle peut bien se précipiter à chaque fois. Et pour qui ?
Mais je suis d'accord avec elle sur le fait qu'elle a besoin de repos, et je suis fière qu'elle soit assez mature pour s'en apercevoir elle-même.
Contrairement à Cinq qui semble bien trop impatient pour éprouver la moindre fierté paternelle.

- On devrait y aller avant que Diego décide de se la jouer solo et se vide une nouvelle fois de son sang.

Grace est la première à se diriger vers les escaliers, mais perd dangereusement l'équilibre après avoir posé son pied sur la première marche. Heureusement Cinq apparaît juste à temps devant elle pour la retenir de tomber et la maintenir debout. Je m'empresse de les rejoindre pour m'assurer qu'elle n'a rien.

- Comment tu te sens ? lui demande très vite Cinq en la soutenant toujours.
- Ça va, merci papa.
- Je vais t'aider à descendre.

Et je ne parviens même pas à en placer une que Cinq commence déjà à descendre les marches en soutenant le bras de Grace qui le suit au même rythme. Je les regarde s'éloigner, sans retenir le sourire qui apparaît sur mes lèvres. Mis à part la fois où Cinq s'est occupé de la blessure de Grace quand j'étais trop paniquée pour le faire, je crois bien que c'est la première fois que je les vois vraiment se rapprocher l'un de l'autre.
Cinq n'a même pas réagi quand Grace l'a appelé papa, alors qu'avant il se mettait à regarder ailleurs, à froncer les sourcils, ou à croiser les bras nerveusement à l'entente de ce mot.
Je crois que j'avais surtout peur de mourir parce que j'ignorais comment allait être leur relation père-fille sans que je sois là pour les aider un peu.
Je crois que je n'ai plus à m'inquiéter de ça, même si je ne compte plus mourir de sitôt.

- Huit ?!

J'étais tellement perdue dans mes pensées que je ne me suis même pas rendu compte qu'ils étaient déjà arrivés tout en bas et me regardaient maintenant avec incompréhension.

- Désolée j'arrive !

J'essaie de rendre mon sourire un peu moins flagrant et me dépêche d'aller les rejoindre.
Une fois de retour à l'intérieur, on tombe avec surprise sur Diego vêtu d'un costume bien trop chic pour lui, et de Lila, portant une robe bleue qui ne semble pas vraiment correspondre à sa personnalité. Au moins ils sont assez bien habillés pour le gala, mais je ne sais pas si je devrais leur demander d'où peut bien sortir ces vêtements.

- On veut rien savoir, déclare finalement Cinq en se dirigeant vers le canapé avec Grace pour l'aider à s'allonger.

Je souris au jeune couple, jusqu'à ce que mon frère se mette à me fixer bizarrement, avant de se tourner vers Cinq d'un air perplexe.

- Y a pas un truc de changé chez vous ?

Non on vient juste de prendre trois ans de plus mais qui ça intéresse ?
Et puis on serait obligés de tout lui expliquer depuis le début et on a franchement pas le temps pour ça. Je me contente donc de passer près de lui en tapotant son épaule.

- Nouvelle coupe de cheveux, ça te plait ?

Bien sûr il ne me donne pas de réponse et ignore le léger rire de Lila qui prend à son tour la parole.

- On a encore le temps de vous trouver des vêtements vous savez ?

Trouver ? Je crois pas qu'ils aient simplement trouvé les leurs.

- Ça ira, réponds-je aussitôt. On ferait mieux de se dépêcher si on veut arriver là-bas avant les Douze Maléfiques, ou au moins y être avant leur départ.

Il suffit que je lance un regard à Grace pour vérifier que tout ira bien en notre absence, et qu'elle me réponde avec un autre regard confiant qui me rassure suffisamment pour partir avant d'hésiter à nouveau. Je me fais du souci pour elle. Et pour Cinq. J'espère qu'on n'aura pas de problème là-bas parce que malgré ce qu'il peut dire, je sais qu'il a utilisé beaucoup d'énergie pour aider Grace. Mais lui bien sûr, ne restera jamais en retrait pour se reposer. Ce serait bien trop simple sinon...

PLUS TARD

Cet endroit est beaucoup moins impressionnant que dans mon imagination. Oui d'accord, ce manoir doit valoir une bonne fortune, mais ce n'est rien comparé aux endroits que j'ai pu visiter durant mes années à La Commission. Heureusement, l'endroit est assez grand pour être rempli de personnes trop peu intéressées par les autres pour remarquer quatre personnes aussi étranges que nous arriver par la porte d'entrée sans avoir été réellement invités.
On s'arrête rapidement près d'une grande table pour scruter les environs, même si ça m'étonnerait que les Douze Magnifiques soient tranquillement en train de discuter au buffet.

- Je vois papa nulle part, fait tout de même remarquer Diego.
- Essaie de voir si tu peux repérer les Douze Magnifiques, lui ordonne Cinq avec nonchalance. Huit et moi on se charge de l'étage. Diego ?

Je sens l'insulte venir...

- Essaie de ne rien faire de trop stupide.

Bah au moins ça s'est fait...
Je lance un dernier sourire en direction de Diego et Lila avant de suivre Cinq parmi la foule. Ce n'est qu'à ce moment-là que je remarque la coupe de champagne qu'il tient dans sa main.

- T'es sûr que tu devrais boire ? T'es déjà assez désagréable comme ça.
- Comment ça ?

Je l'arrête avant d'arriver aux escaliers en me mettant devant lui. J'ai remarqué quand on se faufilait discrètement vers l'entrée du manoir qu'il avait dit quelque chose à Lila en profitant que Diego et moi on ait le dos tourné.

- Qu'est-ce que t'as dit à Lila ?

Il tente de cacher sa réaction à l'entente de ce nom, derrière un sourire amusé.

- Pourquoi ? Me dis pas que t'es jalouse.

Fier de son coup, il s'apprêtait à boire une nouvelle gorgée de champagne, mais je m'empresse de m'emparer du verre avant même qu'il ait l'occasion de le faire pour le tenir à distance de lui.

- Je sais que tu lui fais pas confiance.
- Parce que toi oui ?
- Je suis pas stupide Cinq.

Il semble vraiment étonné par ma réponse. C'est vrai que depuis le début je n'ai pas montré une seule fois la moindre once de méfiance envers elle, ça ne veut pas dire que je suis prête à confier ma vie à une inconnue.

- Je crois pas non plus que sa rencontre avec Diego soit une simple coïncidence, mais sans elle il serait toujours à l'asile, ou mort. Elle est bien plus intelligente et forte qu'elle prétend l'être, se comporter de façon si méfiante avec elle ne nous aidera pas à en découvrir plus sur sa présence ici.

Sans oublier le fait qu'elle me semble vraiment familière, mais que je suis parfaitement incapable de me souvenir où j'ai bien pu la voir avant notre rencontre. Je devrais éviter d'en parler à Cinq pour l'instant, on a des choses bien plus importantes à gérer.
En fait on a trop de choses importantes à gérer.
Sans même réfléchir, je porte à mon tour la coupe de champagne à mes lèvres pour boire la totalité de son contenu en une seule gorgée. Je suis pas certaine que ça m'ait fait du bien, mais au moins Cinq ne pourra plus y toucher.
Je pose le verre vide sur la petite table à ma droite et me retourne vers un Cinq muet.
Il me fixe avec insistance, un très léger sourire aux lèvres. Malheureusement je connais ce regard parce que la première fois qu'on a eu 16 ans, on était aussi ensemble. Il y avait juste un peu moins de foule pour nous « restreindre ».

- Cinq...
- Quoi ?
- On est adultes. Je veux dire...t'as quasiment le double de mon âge.
- Pas quasiment, on a que 24 ans d'écart...
- Okay mais ce que j'essaie de dire c'est que...je sais qu'actuellement on est tous les deux en train de revivre le putain de bouleversement hormonale qui, je dois l'admettre était assez distrayant quand on était coincés dans l'Apocalypse, mais extrêmement déconcertant maintenant qu'on est assez vieux pour avoir une fille de cet âge. Bon sang tu crois que je dois avoir LA discussion avec elle maintenant ? J'en ai pas envie mais si elle est en train de vivre ce que je suis en train de vivre...

Cinq plaque sa main sur ma bouche avant que je puisse finir ma phrase et me pousse rapidement sous les escaliers pour qu'on soit à l'abri des regards.
Qu'est-ce que...

- Chfinq ?! marmonné-je sous sa main.
- Chut ! Je crois que j'en ai vu deux monter.

Deux monter ? Deux qu....
Oh...
Les Douze Magnifiques. C'est vrai, on est en mission.
Je crois que je me suis perdue dans mon long discours qui à la base était supposé empêcher ce genre de situation.
Pourquoi ça m'arrive toujours à moi ces galères ?!
Après quelques secondes à scruter les environs de notre cachette, Cinq retire enfin sa main de mes lèvres.

- Désolé. Tu veux les suivre ou bien tu préfères qu'on termine notre conversation concernant l'éducation des adolescents ?

J'arrive pas à croire qu'il se moque de moi dans un moment pareil !

- T'es hilarant Numéro Cinq.

Je sors de notre cachette pour commencer à monter les escaliers en essayant d'ignorer le ton moqueur de mon voisin.

- C'est le moment où on doit se promettre l'un l'autre de ne pas se sauter dessus ?
- Rassure-toi, plus tu parles moins j'en ai envie.

Arrivés à l'étage, on s'arrête net lorsqu'on aperçoit au bout du couloir deux hommes suspects qui ressemblent très clairement à deux membres d'une organisation secrète, entrant dans une réunion encore plus secrète. C'est certain, on a trouvé le lieu de rendez-vous des Douze Magnifiques.
Je me tourne vers Cinq lorsqu'ils disparaissent à l'intérieur d'une pièce qu'ils referment automatiquement derrière eux.

- Vas-y.
- Tu viens pas ? s'étonne-t-il aussitôt.
- Diego pourrait débarquer et essayer de tous les tuer, ou les Suédois pourrait débarquer et essayer de tous nous tuer. Dans les deux cas, je crois que je suis mieux ici à monter la garde. T'as pas besoin de moi pour une simple surveillance.

Bien que réticent, il accepte par manque de temps pour mieux y réfléchir. Et le voilà parti, j'imagine dans la pièce secrète dans laquelle il aura réussi à trouver une bonne cachette. Je sais que je suis supposée monter la garde, mais je préfèrerais ne pas avoir à me battre ce soir...

PLUS TARD

Fait chier !
Je sens le tableau se briser en des milliers de petits débris lorsque mon corps se fait violemment jeter dessus. J'ai à peine le temps de tomber que je dois déjà éviter un nouveau coup de poing qui finit par s'écraser contre le mur, provoquant un grognement de douleur chez le géant qui semble de plus en plus motivé à me tuer.
Je continue de reculer dans le couloir jusqu'à ce que je me retourne et tombe nez à nez avec un autre assassin impitoyable qui attrape ma veste pour me soulever dans les airs.

- Nummer Åtta.

Génial...il se souvient de moi.

- Oscar ! m'exclamé-je avec une fausse joie flagrante tout en me débattant. Har du saknat mig ?

Visiblement non, je ne lui ai pas manqué, puisqu'il se contente de me répondre en lâchant un côté de ma veste pour serrer sa main autour de mon cou.
Bon...j'imagine que je vais devoir jouer à leur jeu.

- Huit ?!

Je reconnais tout de suite la voix de Cinq qui a sûrement dû apparaître derrière moi, ce qui veut dire que la petite réunion secrète des Douze Magnifique a été interrompue par notre petit désaccord. C'est super. Tout est super !
Je lève les yeux au ciel avec agacement et sans plus attendre, lève mon pied pour l'abattre dans la mâchoire de mon vieil ami qui me lâche instantanément, me permettant de courir rejoindre Cinq au milieu du couloir. Les deux frères commencent alors à s'approcher dangereusement de nous, tandis que Cinq et moi nous mettons dos à dos pour nous partager les tâches.

- Je croyais que t'étais supposée monter la garde !
- Et qu'est-ce que tu crois que ma gorge faisait dans la main géante de ce type à l'instant ?!

Je parviens à éviter de justesse la nouvelle attaque du plus jeune de la fratrie, attrapant au passage un chandelier pour le frapper au genou, derrière la tête, et...et il m'empêche d'atteindre ma troisième cible en saisissant l'objet que je continue de tenir fermement.
J'entends la voix de Diego débarquant précipitamment derrière moi, et voit un de ses poignards venir se loger dans l'épaule de mon adversaire. Tout se passe si vite après ça.
Je lâche le chandelier pour attaquer une nouvelle fois, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il retire le poignard de son épaule si rapidement, et le plante en une fraction de seconde dans mon ventre.
La douleur m'oblige à me courber, et des gouttes de sang se mettent à tomber de ma bouche jusqu'au sol.

- Huit !

Cinq...

- Merde Huit !

Diego...
Leurs voix sont tellement lointaines. Je titube, tenant fermement le manche du poignard entre mes mains pour l'empêcher de bouger. Si la lame sort de ma plaie...je vais me vider de mon sang.

- Enfoiré !

C'est Diego qui saute soudain sur mon agresseur avec rage, me laissant seule au milieu du couloir. J'essaie de faire quelques pas, malgré la douleur atroce que je ressens dans le ventre, mais une nouvelle erreur vient me frapper en pleine figure. Littéralement. J'avais oublié qu'ils étaient trois. L'aîné m'attrape rapidement par le col de ma chemise et...
Me jette par la fenêtre.
Le bruit de cette dernière se brisant sous l'impact, ne m'empêche pas d'entendre les cris de Cinq et Diego, incapables de venir me sauver de la chute mortelle qui m'attend.
Non je peux pas...
Je peux pas mourir comme ça.
Pourtant sans que je puisse l'empêcher, je finis par atteindre le sol.
Et continue de me vider de mon sang dans d'atroces souffrances durant quelques secondes avant de totalement sombrer dans les ténèbres.

+++++++++++++++++

Bon alors...désolée.
Pour le retard (le chapitre était déjà écrit mais j'ai été très malade ces derniers jours, impossible de le corriger), et pour cette fin ?
Oui oui elle est terrible. Mais bon...c'est moi l'auteur je fais ce que je veux. Voilà.

Je vous aime quand même m'en voulez pas hihi...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top