CHAPITRE LV
- Combien de litres de café un corps humain peut supporter ?
J'attrape deux gobelets sur le comptoir et laisse Grace prendre les deux autres sans répondre à sa question. Elle s'impatiente, je le sais. Mais je ne veux pas me lancer dans cette histoire de rajeunissement avant d'être sûre que Luther et Vanya vont bien. Et pour ça j'aimerais retourner à la voiture le plus rapidement possible.
- Je suis désolée maman.
Evidemment mon empressement ne m'empêche pas de me stopper net au milieu du trottoir en entendant ma fille prononcer ces quatre mots. Elle s'arrête à son tour en tentant de cacher son air triste derrière un sourire forcé que je connais trop bien. J'aurais aimé qu'elle n'hérite pas ça de moi...
- De quoi tu parles Grace ?
Je peux voir ses doigts se resserrer sur les gobelets qu'elle tient fermement.
- Je sais que tu vas me dire que j'étais même pas encore née et que ça pouvait pas être ma faute mais...si j'avais pas été là, tu serais restée avec papa. Je t'ai forcée à quitter l'Apocalypse.
Est-ce qu'elle parle de mon retour dans le passé quand j'étais enceinte d'elle ? Comment elle peut s'en vouloir pour ça.
- Tu voulais juste m'aider. Tu sais que je t'en veux pas pour ça.
- Papa a passé des décennies à croire que tu l'avais abandonné, alors que...
- Grace j'aurais jamais pu te mettre au monde dans cet endroit. Et même si je l'avais fait, Cinq et moi on vivait uniquement de ce qu'on pouvait trouver, c'est-à-dire quasiment rien. Tu serais morte bien avant de pouvoir prononcer ton premier mot.
Oui, pendant ma grossesse j'en voulais au bébé qui était dans mon ventre. Je ne le connaissais même pas encore et il m'avait séparée de l'amour de ma vie, mais...
- Le jour où tu es née, a été le jour le plus atroce de ma vie. Parce que la douleur que j'ai ressenti en perdant Cinq, n'était absolument pas comparable à celle que ton grand-père m'a infligée en t'arrachant à moi. C'était pas mon choix de quitter Cinq t'as raison, mais quand on m'a demandé à mon départ de La Commission si je voulais te retrouver toi ou le retrouver lui, je t'ai choisi toi. Parce que je suis ta mère et que la seule chose pour laquelle tu devrais t'excuser c'est de t'être pris une balle en essayant de m'aider.
Une simple larme parvient à trahir son sourire lorsqu'elle se met à rouler le long de sa joue avant qu'elle ne l'essuie d'un simple coup de poignet.
- C'est dommage que je sois pas désolée pour ça.
Je réponds enfin à son sourire, mais j'ai besoin qu'elle sache qu'elle n'a pas besoin de faire ce genre de choses maintenant.
- Grace, j'ai pas l'intention de te quitter aussi vite alors que je viens juste de te retrouver. Mais si on arrive pas à empêcher ce qui doit m'arriver, tu dois savoir que je ne te reproche absolument rien. D'accord ?
Elle n'aime pas discuter de cette éventualité visiblement, mais accepte tout de même en hochant la tête. Même si elle refuse de penser à ma mort, je crois que ça lui a fait du bien d'en parler. Je suis soulagée qu'on l'ait fait.
- Maintenant on ferait mieux d'aller s'assurer que ton oncle Luther et ta tante Vanya ne se sont pas entretués pendant notre absence.
On reprend notre route comme si rien de tout ça ne venait de se produire, et avec le sourire aux lèvres. Cette fois de vrais sourires.
- Tu crois que papa les laisserait se battre sans rien faire ?
- Il aurait aucun mal et aucun regret à mettre Luther KO pour l'empêcher de se comporter comme un imbécile, mais il ferait jamais de mal à Vanya. Il se comporte comme un con avec tout le monde, mais il sait faire des efforts pour certaines personnes.
Et c'est sûr que je n'aurais jamais parlé de lui de cette manière à notre fille de six ans. Mais Grace semble avoir connu bien assez d'épreuves pour ne pas être choquée d'apprendre que son père a un bon fond derrière son armure de sarcasme.
- Vanya !
Grace et moi échangeons le même regard en entendant la voix de Cinq au loin, et je n'ai même pas le temps de me précipiter dans sa direction que Grace lâche le café brûlant qu'elle tenait pour attraper mon bras et nous faire apparaître juste à côté de son père qui regarde la voiture que Vanya conduisait, s'éloigner au loin. C'est quoi ce délire ?
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Cinq ne me répond même pas, il se contente de lever les yeux vers un trou dans le mur qui donne sur l'appartement de Luther. A travers ce désastre qui a certainement été causé par le poing maladroit de mon frère, je parviens à voir ce dernier adresser son plus beau doigt d'honneur à un Cinq furieux.
- Imbécile, peste-t-il très vite en attrapant un des gobelets de mes mains pour en prendre une gorgée.
Donc pour récapituler, je me retrouve avec un frère cloitré dans son appartement, une sœur partie je ne sais où pour je ne sais quelle raison, et un Cinq qui n'a pas l'air d'avoir envie de me répondre. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?!
- Cinq qu'est-ce qu'il s'est passé ?!
- Cet idiot de Luther a tout raconté à Vanya ! Elle sait qu'elle a joué un rôle dans la première Apocalypse, qu'on a volontairement omis ce détail, et maintenant elle est en route pour retourner à sa ferme ou je ne sais quelle connerie !
Et merde...
Je savais que c'était une mauvaise idée de lui mentir, mais je n'aurais jamais pu lui dire la vérité. Je me fais du souci pour elle, mais là maintenant je crois qu'elle a besoin de temps pour digérer la nouvelle. Et que Luther a besoin de temps pour se calmer.
- Okay...on peut pas rester là. On doit encore retrouver Allison et Klaus, et découvrir ce que le vieux est en train de manigancer. On devrait retourner chez Eliott pour...
Je suis à deux doigts d'exploser le fichu engin lorsque la montre de Grace m'interrompt avec ses bips incessants. Encore une fois.
Sa propriétaire lève vers nous des yeux désolés en essayant de couvrir l'objet.
- Je vous promets que si c'était pas une question de vie ou de mort...
- Je veux que tu nous promettes que c'est pas ta vie qui est en danger, la réprimandé-je le plus calmement possible.
- Non c'est pas moi le problème, c'est mon ami, il est...ça sera pas long. Mais à mon retour on va devoir faire ce qu'on a dit, on peut pas attendre plus longtemps.
C'est bien ce qui me fait peur.
- Sois prudente Grace, ajoute Cinq avec une légère hésitation dans la voix.
Je me retiens de sourire jusqu'à ce que Grace disparaisse et que je puisse me tourner vers lui pour le taquiner comme je sais si bien le faire.
- Tu sais que t'as le droit de t'inquiéter pour elle Cinq. Elle va pas en vouloir à son père pour ça.
- Je m'inquiète pas. C'était juste un conseil.
Il finit le reste de son café et se met déjà en direction vers notre "QG", jetant au passage son gobelet derrière lui, que je fais très vite atterrir dans une poubelle près de nous.
Incorrigible.
QUELQUES INSTANTS PLUS TARD
- Et donc tu l'as laissée s'en aller ?
Voilà que c'est Diego qui se met à nous donner des leçons...
- Vanya a beaucoup de choses à digérer, lui répond très vite Cinq sur le ton nonchalant habituel qu'il utilise avec Diego. Elle va faire le bon choix, j'en suis certain.
- Et les types qui l'ont attaquée alors ?
- Les Suédois ?
- Comment tu sais qu'ils vont pas s'en reprendre à elle ?
- On en sait rien.
- Tu plaisantes ? le corrigé-je aussitôt. S'ils ont décidé de s'en prendre à l'une des plus puissantes d'entre nous en premier c'est qu'ils manquaient d'informations. Ils referont pas la même erreur et peut-être que la prochaine fois ils choisiront Luther ou Diego.
Mon frère me lance un regard noir à l'autre bout de la pièce tandis que Lila continue de changer son pansement en souriant.
- Désolée, ajouté-je très vite sur un ton sincèrement faux. J'avais oublié que de toute évidence c'est toi le plus fort, le plus courageux et le plus intelligent de l'Umbrella Academy. C'est sûrement pour ça que t'es le seul ici à avoir besoin d'une infirmière pour soigner tes bobos.
- Je vais très bien. La prochaine fois que je verrai le vieux c'est lui qui aura besoin d'une infirmière.
C'est fascinant comme il n'apprend pas de ses erreurs. Je saute de ma chaise haute et viens me poster juste en face de lui pour le regarder droit dans les yeux. Et il semble se méfier.
- Tu fais quoi là ?
- J'essaie de voir si t'es vraiment sérieux ou si tu fais semblant d'être aussi naïf.
Il se redresse pour se rapprocher de mon visage avec un air menaçant qui est plus que ridicule sur lui.
- Je suis pas na...
Il pousse un grognement de douleur au milieu de sa phrase lorsque je me mets à appuyer sur sa blessure en me retenant quand même de lui faire trop mal. Il se relaisse tomber sur le canapé en continuant de me fixer avec rage, mais je me contente de me tourner vers Cinq avec satisfaction.
- Il fait pas semblant.
Cinq ne cache même pas son sourire en s'asseyant en face de Diego que Lila se remet à soigner en riant doucement de ma remarque. Je l'aime vraiment bien elle.
Je vais m'asseoir à côté de Cinq en prenant de ses mains la tasse qu'il venait de se servir. N'importe qui serait déjà mort pour avoir fait ça, mais moi je m'en sors avec un simple soupir d'exaspération.
- En tout cas pour l'instant, reprend-t-il tout en retournant se servir de son précieux nectar, notre priorité c'est de trouver papa et d'avoir des réponses qu'on aurait pu avoir si Diego ne l'avait pas laissé partir avant qu'on puisse avoir une conversation.
- Vous allez arrêter tous les deux ? s'impatiente notre malheureuse cible. Il m'a poignardé !
- Ça m'étonne qu'il ait attendu aussi longtemps on en a tous eu envie un jour ou l'autre.
Cette fois Lila se met vraiment à rire en levant sa main en direction de Cinq.
- Très drôle.
Sans surprise elle ne reçoit qu'un regard ennuyé. A sa place je ne le prendrais pas personnellement, Cinq ne fait pas confiance aux inconnus, puisqu'il ne fait même pas confiance à ses proches, ou à sa propre personne.
Je les ignore et m'adresse à Diego avec plus de sincérité cette fois.
- Fais pas ton bébé, tu sais bien qu'on se moque de toi parce qu'on t'aime Numéro Deux.
- J'ai jamais dit que je l'aimais, rectifie Cinq en venant se rasseoir près de moi.
Je lance quand même un clin d'œil en direction de Diego pour contredire les paroles de Cinq sans le faire à voix haute. On en aurait pour des heures sinon.
- Heureusement, ajoute Cinq en sortant une feuille pliée de la poche de sa veste, je sais où sera le vieux ce soir.
Diego s'empare du bout de papier, agacé que Cinq ait trouvé une information, qui lui a échappé.
- Où t'as trouvé ça ?
- Dans son bureau, quand il était occupé à te poignarder.
Et je continue de croire que j'aurais aussi pu leur être utile à ce moment-là s'ils ne m'avaient pas mise de côté...
- Hoyt Hillenkoetteret le consulat général du Mexique à Dallas vous invite cordialement à un Gala.
- Wow attendez, s'exclame subitement Eliott qui jusqu'à présent était resté totalement silencieux. Hoyt...Hilllenkoetter ? Vous êtes sérieux ?
- Tu le connais ? l'interroge Cinq intrigué.
- On devrait y aller, l'ignore Lila. Il y aura une montagne de fruits de mer.
Et en voyant le regard qu'elle et Diego s'échangent lorsqu'elle prononce ces quelques mots, je réalise quelque chose que j'aurais préféré ne jamais réaliser. Ou en tout cas j'aurais préféré ne jamais avoir ces images en tête. Je veux dire...je suis heureuse pour eux, ils sont de toute évidence faits l'un pour l'autre, et ils se sont rencontrés dans le lieu le plus romantique du monde...mais j'avais pas besoin de penser à ça maintenant. Heureusement qu'Eliott se remet à parler avant que je puisse sentir la nausée me venir.
- Hillenkoetter c'est un des douze magnifiques.
- C'est quoi les douze magnifiques ?
- Quoi ? Un...un comité secret. Il y a des scientifiques, des militaires, des gens puissants. Personne ne sait ce qu'ils font réellement.
- Ils font partie du gouvernement ?
Ça ne m'étonne pas que Diego soit le plus curieux d'en savoir plus sur une énième théorie du complot...
- Un gouvernement de l'ombre. Et Kennedy est le premier président qui essaie de révéler leur existence mais il faut pas plaisanter avec ces types.
Sérieusement je crois que si quelqu'un mentionne Kennedy ne serait-ce qu'une seule fois encore devant Diego, il risque de nous faire une crise de paranoïa majeure...
Eliott vient nous donner une photographie sur laquelle apparaissent les supposés membres de ce "gouvernement de l'ombre", y compris le dénommé Hoyt Hillenkoetter.
- J'en vois que onze sur la photo, fait remarquer Lila.
- Oui c'est parce qu'on a réussi à en identifier que onze pour l'instant.
- C'est qui le douzième ?
Sérieusement Diego ? Est-ce qu'on a vraiment besoin de se poser la question ?
Je lève les yeux au ciel en me mettant à faire les cent pas pour essayer d'aérer un peu mon esprit. C'est une plaisanterie tout ça.
- Franchement ce sera quoi la prochaine grande révélation qu'on recevra au sujet du vieux à votre avis ? Tant qu'on y est, je suis prête à parier que c'est un extraterrestre venu conquérir la planète. Ça expliquerait son incapacité à éprouver de vrais sentiments humains, et je suis vraiment la seule à me demander pourquoi il n'a quasiment pas vieilli entre aujourd'hui et le jour de sa mort ? Il sera quand même supposé avoir 54 ans de plus, non ?
- Huit, me calme Cinq en venant poser ses mains sur mes épaules. On doit rester concentrés.
C'est vrai je me suis emportée. Mais je déteste cet homme et je ne serai pas tranquille tant qu'on ne saura pas ce qu'il est en train de manigancer. Ce foutu gala ne commence pas avant des heures, rien que l'idée de devoir attendre tout ce temps me rend folle. Et pour ne rien arranger...
- Hum hum !
Est-ce qu'elle essayait d'être discrète et de n'attirer que mon attention et celle de Cinq en toussant comme ça ? C'est du Grace tout craché, mais ce qui est étrange, c'est que d'habitude quand elle part elle ne réapparaît pas aussi vite. Je suis toujours heureuse de la voir revenir saine et sauve, malheureusement cette fois, ça veut dire qu'elle va pouvoir mener sa petite expérience sur moi plus tôt que je ne le pensais. Oui ça me fera patienter en attendant le gala de ce soir mais...j'espère au moins être toujours en vie ce soir.
++++++++++++++++++++
Voilà cette fois c'était plus rapide pour ce chapitre ! Je sais vraiment pas pourquoi il m'a fallu autant de temps pour écrire le dernier, même si c'est difficile de suivre les événements de la série tout en ajoutant ma partie. Je dois regarder les épisodes à chaque fois que j'écris une scène et faire pause pour pouvoir transcrire les dialogues exacts. J'en fais trop ? Peut-être. Mais je suis perfectionniste ne m'en voulez pas !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top