CHAPITRE IV
- Moi aussi je t'aime. A ce soir.
Et après un dernier sourire, je repose le téléphone pour raccrocher. Ça m'a fait du bien de l'entendre. De pouvoir lui parler. J'ai l'impression que maintenant je pourrais...tout affronter.
- Un appel important ?
Je sens mon corps se paralyser pendant un quart de seconde, avant de finalement pouvoir me retourner vers celui qui vient d'arriver derrière moi sans que je l'entende. Pourquoi il fait toujours ça ?!
- Cinq. Ça fait longtemps que t'es là ?
- Peu importe.
Mais je vois bien qu'il est troublé. Même s'il essaie de ne pas le montrer comme toujours. Et merde...
- Cinq...
- Je vais me faire un café.
- Cinq !
Mais il disparaît avant même que je puisse ajouter quoique ce soit. Et merde ! Sans attendre une seconde de plus, je commence à me diriger vers la cuisine pour essayer de le rattraper. De lui parler. De lui expliquer ! Mais je m'arrête en tombant sur Vanya dans l'entrée. Qui semble...partir.
- Vanya ?
Elle se tourne vers moi en soupirant.
- Epargne-toi cette peine. J'aurais pas dû venir, Diego avait raison.
Encore Diego. Bon sang cette famille a vraiment des problèmes de communication.
- Vanya j'adore Diego. Je suis peut-être même la seule dans cette maison à vraiment l'apprécier. Mais il peut aussi être vraiment con parfois. Quoiqu'il t'ait dit...
- T'en fais pas ça va.
Elle essaie de me sourire mais ça me fait de la peine de la voir comme ça. J'ai toujours détesté la façon dont elle se faisait traiter quand on était petits.
- Je viendrai aux prochaines répétitions.
- T'es pas obligée Huit.
- C'est pas une obligation. Tu sais que j'aime t'entendre jouer.
Elle me sourit, puis c'est le klaxon d'une voiture à l'extérieur qui vient nous interrompre beaucoup trop vite.
- C'est mon taxi, m'informe-t-elle. Huit...à propos de...
Je sais de quoi elle parle. Et j'aimerais ne pas aborder le sujet maintenant.
- Tu lui as rien dit. Pas vrai ?
J'aimerais pouvoir lui dire que si. J'aimerais que tout soit plus simple. Pourtant j'avais l'impression de m'être bien préparée à cette éventualité. Je secoue simplement la tête de gauche à droite en essayant de cacher mon désarroi. Même si je sais qu'elle ne me jugerait jamais.
- Ton taxi t'attend.
Elle continue de me fixer pendant un moment, avant de lâcher l'affaire.
- Alors à très vite.
Je lui souris une dernière fois, la prends dans mes bras, et la voilà partie. Je déteste qu'elle se sente aussi rejetée. Pourtant on est supposés être des adultes maintenant.
- Numéro Huit ?
Pogo. Je me retourne en soupirant, les mains dans les poches.
- Si tu es venu me faire la morale parce que je suis pas restée pendant vos discours larmoyants...
- Non je peux comprendre votre peine et votre rage. Mais sachez...que votre père avait toujours une bonne raison d'agir. Même lorsqu'il semblait faire preuve de cruauté.
Waouh. J'arrive pas à croire que Pogo prenne toujours sa défense. Ou plutôt...non ça ne m'étonne pas vraiment de lui. Et je ne veux pas me disputer avec lui. Je dois encore trouver Cinq.
- Tu sais quoi Pogo ? Je crois que t'aurais pas besoin de cette canne si t'arrêtais de prendre tout le poids des actions de papa sur ton dos.
Et sur ces mots, je le contourne pour me diriger vers les escaliers.
- Votre père vous aimait énormément Numéro Huit. Certes à sa manière.
Je m'arrête net en serrant mon poing pour ne pas...non. Pas maintenant. Pas ici. Pas Pogo. Pas...encore.
- Même s'il m'aimait vraiment, et j'en doute...l'amour à sens unique c'est pas de l'amour.
Et je reprends ma route, cette fois sans laisser à Pogo le temps d'ajouter une nouvelle débilité du genre. Je descends les escaliers pour rejoindre Cinq dans la cuisine.
- Cinq il faut que je...
Mais la présence de Klaus m'empêche de poursuivre ma phrase. Ça ne me dérangerait évidemment pas d'en parler devant mon frère qui est déjà au courant de tout. Mais c'est une discussion qu'on doit avoir à deux. Génial ! Cinq se tourne vers moi en haussant un sourcil avec curiosité.
- Non je...laisse tomber.
Je me dirige vers la table pour m'asseoir à une chaise comme Klaus. Et Allison choisit ce moment pour faire son entrée.
- Elle est où Vanya ? demande-t-elle en posant son manteau sur une chaise.
- Je viens de la voir partir. Tu l'as raté de peu.
- C'est vraiment regrettable, déclare Cinq en s'approchant de la table.
- Oui, répond Allison.
Ça me fait plaisir de voir qu'Allison se soucie aussi de Vanya. Elle au moins elle se rend compte qu'on n'a plus 13 ans. Enfin...pour la plupart d'entre nous.
- C'est quand même dingue que dans une propriété où il y a 42 chambres et 19 salles de bains il n'y ait pas une seule goutte de café.
Cinq dans toute sa splendeur. Il se préoccupe évidemment de choses bien plus graves, pourtant le seul commentaire qu'il trouve à faire, c'est qu'il n'y a pas de café. C'est Allison qui décide de répondre à cette remarque.
- Papa détestait la caféine.
- Il détestait les enfants aussi, renchérit Klaus amusé. Et ça l'a pas empêché d'en avoir une tonne.
Son sourire s'efface alors rapidement. Comme s'il réalisait ce qu'il venait de dire.
- Je prends la voiture, nous annonce alors Cinq sur un ton nonchalant.
Klaus se redresse, de toute évidence extrêmement intéressé par ce que s'apprête à faire Cinq.
- Pour aller où exactement ?
- Me trouver un café digne de ce nom.
- Est-ce que tu sais conduire au moins ?
Je me lève en souriant.
- C'est Cinq, Allison. Il y a rien qu'il sache pas faire.
Il m'adresse un grand sourire. Il faut toujours flatter son ego pour qu'il retrouve sa bonne humeur. Je pose un pied sur la table pour passer par-dessus et atterrir à côté de lui en effectuant un parfait saut périlleux. C'est dingue ce que ce corps est plus léger. Je me tourne ensuite vers Cinq en remettant en place ma cravate.
- Je viens avec toi. J'aurais bien besoin d'un café moi aussi.
Il hausse alors les épaules en me tendant sa main. Ça faisait longtemps. Je l'attrape en souriant et très vite je me retrouve assise à l'avant de la voiture. Sur le siège passager. Cinq ne tarde pas à démarrer et nous voilà partis. Je sais qu'il a totalement l'âge légal de conduire, mais ça me fait bizarre de le voir faire...avec ce corps. Je crois que moi-même j'oserai plus toucher à un volant avant au moins trois bonnes années.
- Je suis content pour toi au fait.
Quoi ?
- Pourquoi ?
- Tu as quelqu'un dans ta vie. C'est une bonne chose.
Quelqu'un dans ma...oh bon sang. Oh...bon sang ! Il a dû entendre uniquement la fin de mon appel ! Et se faire des idées...
- Non attends...je suis pas en couple ou...
- Vraiment ?
Je sais que s'il n'était pas en train de conduire, il se serait déjà tourné vers moi avec surprise. Pourtant ça ne devrait pas le surprendre. Il a toujours été, et sera à jamais l'homme de ma vie. Jamais je ne pourrais m'imaginer avec quelqu'un d'autre que lui !
- Ouais ! Je suis...libre comme l'air.
Voilà que moi aussi je me mets à faire des jeux de mots. Je dois arrêter de traîner avec Klaus. Ou d'être aussi nerveuse.
- Tant mieux.
- Pourquoi ?
Il se gare finalement dans le parking d'une vieille boutique de donuts dans laquelle on avait l'habitude d'aller quand on était petits. Puis se tourne vers moi en souriant.
- Personne ne te mérite.
Et il disparaît de la voiture, me laissant là, rouge comme une idiote. Dîtes-moi que c'est ce corps qui réagit comme ça. Dîtes-moi que si j'avais l'apparence d'une adulte normale je ne serais pas en train de rougir ! Je secoue la tête rapidement, exaspérée, avant d'attraper les clés et de sortir à mon tour pour le rejoindre. On entre tous les deux, et on ne tarde pas à s'installer au comptoir. Comme toujours, impatient, Cinq se met à taper sur la sonnette. Un homme entre au même moment, venant s'asseoir à côté de lui. Et enfin, la serveuse arrive. Une femme d'un certain âge, vêtu d'un uniforme rose qui n'est pas vraiment mon style honnêtement.
- Excusez-moi l'évier était bouché. Alors dîtes-moi tout.
Ça m'énerve qu'elle se tourne vers cet homme en premier. Ça m'énerve d'être une enfant. Mais l'adulte que je suis se doit de garder son calme, et de simplement...attendre. Je pense surtout à Cinq qui a un peu moins du double de mon âge et qui doit subir ça lui aussi.
- Je vais vous prendre un éclair au chocolat, demande l'homme à la chemise à carreaux affreuse.
- D'accord. Est-ce que les petits voudraient...des verres de lait ou autre chose ?
Waouh. Garder son calme Huit. Surtout garder son calme.
- Les petits voudraient deux cafés, répond très vite Cinq.
- Bien noirs, ajouté-je simplement.
La serveuse commence visiblement à se demander si tout ça est une blague.
- Mignons vos enfants.
L'homme choisit de ne pas la contredire, sûrement aussi perturbé qu'elle. Et le grand sourire exagérément innocent que lui lance Cinq m'oblige à tourner la tête afin de cacher celui qui apparaît sur mes lèvres. Il est ridicule. La femme finit par se retourner pour préparer nos commandes à mon grand soulagement. J'aperçois du coin de l'œil Cinq, qui scrute les environs, étonné.
- Dans mon souvenir cet endroit était pas si dégueulasse. Tu te souviens qu'on venait ici quand on était gosses ?
J'hoche la tête en riant. Certains des seuls souvenirs d'enfance avec ma famille que je ne voudrais jamais effacer de ma mémoire.
- Comment oublier ? On filait en douce avec les autres et on se gavait de donuts jusqu'à en avoir la gerbe.
Surtout Klaus. Même sobre il a toujours été...particulier. Cinq se tourne alors vers l'homme à côté de lui.
- Le temps de l'innocence.
Encore une fois, je me retiens de rire devant l'air ébahi de cet homme.
- Euh...oui on peut dire ça.
Nos cafés arrivent et notre nouvel ami décide de payer pour nous. On le remercie, puis très vite je bois une première gorgée qui s'écoule lentement dans mon corps. Me réchauffant un peu. J'ai pas bu de café depuis ce matin, j'étais clairement en manque. J'aimerais que Klaus n'ait que ça comme addiction lui aussi. Quand je le vois aussi mal...ça me fait de la peine. Vanya aussi semblait très perturbée par ces retrouvailles. Je sais qu'ils lui en veulent pour le livre qu'elle a écrit qui dénonçait la famille Hargreeves. Mais moi je pense qu'elle a eu raison de s'exprimer. Je l'ai même soutenue pendant l'écriture, ce qui semblait étrange puisque je l'ai aidée à écrire un livre que j'avais déjà lu dans le futur. Le futur...dans une semaine, il n'y en aura plus. J'entends la porte se refermer assez fort derrière moi pour me rendre compte que l'homme avec qui Cinq s'était mis à discuter de je ne sais quoi, vient de partir.
- Te revoilà. Tu semblais perdue dans tes pensées.
- Je l'étais. En fait depuis ton retour j'essaie de me convaincre qu'au moment où je fermerai mes yeux, tu seras encore là quand je les ouvrirai.
- Bien sûr que je serai là.
Il pose sa main sur la mienne en me souriant. Je lui souris à mon tour, sentant les souvenirs remonter en moi.
20 ANS, 4 MOIS, et 14 JOURS AUPARAVANT
Et un an de passé. Déjà.
- T'en penses quoi Cinq ? On devrait...organiser une fête d'anniversaire de voyage dans le temps raté ?
Assis près du feu qu'on a allumé il y a quelques heures pour se réchauffer, je l'entends souffler du nez avec désespoir.
- Je suis sûr que si papa était là il serait déjà en train de me dire « je te l'avais bien dit ».
C'est pas vrai. Encore le refrain du paternel. Je me lève de mon perchoir, pour aller m'installer sur le rocher à côté de lui et lui donner un coup de coude.
- Dis encore une seule fois le mot papa devant moi et je t'explose la tronche.
- Comment tu peux être aussi calme en sachant que ça fait déjà un an ? Combien d'années on va devoir passer ici pour que tu comprennes qu'on est coincés ?
Je comprends qu'il soit à cran, je le suis aussi à certains moments. N'importe qui le serait à notre place.
- Je sais très bien qu'on est coincés ici.
- Dans ce cas pourquoi ça n'a pas l'air de t'affecter ?!
- Tu crois que ça me fait rien ? Tous les soirs je fais des cauchemars Cinq. Je rêve de notre famille qui nous oublie petit à petit. J'imagine les hurlements, quand l'apocalypse a tout ravagé sur son passage. Je rêve...qu'à mon réveil tu sois parti. Et que je me retrouve seule ici.
Il réalise qu'il est peut-être allé trop loin. Et se calme enfin en retournant son attention sur le feu.
- Mais tu sais ce qui me fait tenir ? La raison pour laquelle je continue d'espérer et de faire des blagues ridicules à la Klaus ?
- Je suppose que tu vas me le dire.
Quel imbécile. J'attrape sa main en souriant, ce qui le pousse à croiser mon regard.
- Quand je me réveille, je te vois juste à côté. Et je sais que je pourrais affronter des milliards d'autres journées ici, parce que tu es avec moi.
Dans ses yeux, je peux alors voir les flammes se refléter et danser comme sur une mélodie silencieuse, mais je peux aussi voir...une incompréhension totale.
- Huit pourquoi tu me détestes pas ? Tout ça c'est ma faute.
Non mais qu'il est bête ! Je laisse s'échapper un petit rire, avant de me pencher vers lui, pour déposer sur ses lèvres, un baiser que j'attendais depuis...tellement longtemps. On pensait tant à survivre, qu'on n'a jamais pris le temps de vivre cette année. Et je sens bien qu'il est surpris, même s'il essaie de me rendre mon baiser après quelques secondes. Un premier baiser pour nous deux, qui semble assez...débutant. Chaotique. Et pourtant parfait. Et quand on se sépare, et qu'on ouvre de nouveau nos yeux, cette fois j'arrive à voir dans les siens, une étincelle qui n'était pas là autrefois. Et qui n'a rien à voir avec le feu devant nous.
- Je te déteste pas, parce que je t'aime.
Il me sourit aussitôt, en déposant un baiser sur ma main comme il sait si bien le faire. Pourtant je le sais, il n'aurait jamais fait le premier pas lui-même.
- Moi aussi je t'aime ma jolie. Je te promets que je serai toujours là à ton réveil.
Je sais qu'on a 14 ans. Je sais qu'on n'y connaît rien à l'amour. Mais on est les dernières personnes encore en vie sur Terre. Alors franchement...qu'est-ce qu'on en a à faire ?
Il fallait que je repense à ça maintenant. A notre premier baiser. Notre premier « Je t'aime ». Ce souvenir qui aurait dû rester gravé dans ma mémoire comme l'un des plus beaux moments de ma vie, est pourtant celui qui me fait le plus culpabiliser depuis des années. Je retire ma main de la sienne en me penchant vers mon café. Il m'a fait une promesse, et c'est moi qui ne l'ai pas tenue.
- Je suis désolée Cinq. Même si mon départ n'était pas...voulu, t'aurais jamais dû te retrouver seul là-bas.
Il secoue la tête de gauche à droite en souriant tristement.
- T'en fais pas pour ça. J'étais pas seul.
Minute. Quoi ? Comment ça ? On a pourtant passé des années à chercher des survivants. Comment...
- Tu ne m'as toujours pas dit comment tu étais revenue à cette époque d'ailleurs.
Moi et ma grande bouche ! J'aurais dû me douter qu'il serait trop curieux pour ne pas poser la question. A laquelle je n'ai absolument aucune envie de répondre maintenant...
- Je...
Mais je suis sauvée par la porte du magasin qui s'ouvre à nouveau derrière moi. Dans un petit claquement qui me pousse à me taire aussitôt. En entendant plusieurs pas se rapprocher de nous, mon premier réflexe est de jeter un coup d'œil vers la sonnette posée sur le comptoir. Découvrant dans le reflet, la présence de plusieurs hommes vêtus de noir dans la boutique. Pointant sur nous des armes qui ne ressemblent pas vraiment à des jouets. Il ne nous manquait plus que ça. Je soupire d'ennui en prenant une nouvelle gorgée de café.
- Ouais y a pas à dire t'es vraiment de retour Cinq.
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Voilààààà pour le chapitre 4 ! Qu'est-ce que vous pensez de tout ça dites-moi moi tout ! Je veux savoir ! Non je plaisante ! Si si si bien sûr je veux connaître vos avis !! Alors vous tous qui lisez (oui oui même les lecteurs fantômes timides, je vous vois) n'hésitez pas à laisser un commentaire et à voter pour me faire plaisir !!!
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