nana
L'ambiance était étrange ce matin. Le marché grouillait comme à son habitude, et le strident des scies faisait grincer des dents, mais il y avait comme une euphorie, une tension, un énervement qui saturait la chaîne du froid.
Jeongguk interrogea Atsuko. Cette dernière grommela quelque chose avec les sourcils froncés, agita son bras ganté puis échappa au noiraud sans qu'il puisse saisir quoi que ce soit. Alors, en apportant des boîtes de polystyrène à l'autre bout du marché, il croisa Haru. Celui-ci lui apporta plus de réponses.
"Vente aux enchères de ce matin. Ils ont choppé un thon rouge d'un peu moins de 300 kilos, il s'est encore vendu à des blindes."
"Kiyoshi Kimura? "
"À ton avis? "
Jeongguk pinça ses lèvres.
Il n'était pas celui qui n'avait rien à se reprocher dans cette univers de consommation, de vente et d'argent. Tout prêtait à l'abus et l'odeur de billet faisait tourner girouette même les plus dignes. Mais il y avait toujours cette colère lorsqu'il y avait ces poissons rendus blancs par la congélation, rendus inerte par cette pointe dans la cervelle, rendus bête de foire car vendus à des millions de yen.
La naïveté n'avait pas sa place à Toyosu, à certains stands, pour certains poissons, le marché était aussi l'abattoir et Jeongguk voyait au fil des années ces milliers de créatures augmenter, encore plus, toujours plus pour satisfaire les palais des plus grands. De par son maillon dans la chaîne, il participait au système. Mais rien ne pouvait calmer la colère d'un combat de coq autour d'êtres vivants.
Kiyoshi Kimura, gérant d'une chaîne de sushi populaire, prenait les enchères de thon comme un terrain où faire ses preuves. Jeongguk était arrivé un de ces matins là où les journalistes et les caméras éclairaient la nuit comme des éclairs et cet homme rond, au portefeuille aussi gras, se tenait fièrement devant un gigantesque thon rouge.
L'argent dépensé faisait tourner la tête et faisait le tour de Toyosu, des journaux, de la télévision.
Les poissons, les créatures des mers n'étaient que l'excuse d'un coup de communication. Dans les chairs d'un être-vivant, l'homme voyait la souplesse des liasses. S'écrire un nom dans le sang de l'animal et l'encre des journaux.
C'était terrible.
Quand Jeongguk sût où prêter attention, il remarqua ce sourire carnassier qui cicatrisait sur le visage de la famille Yoshida. Ces longs couteaux encore de sortie après la découpe du thon. Et sans doute, cette odeur d'argent qui restait accrochée à leurs vêtements.
Lorsque Jimin arriva au marché et atteignit la maison Sugawara, il chercha immédiatement le noiraud du regard. Il arriva à l'attraper tandis que Jeongguk éviscérait une série de vivaneau sur le plan de travail un peu en retrait. Jimin était appuyé contre ces tours de boîtes et panier et étudiait Jeongguk avec un regard inquiet.
"J'ai vu les news."
"Hm."
Jimin se mordillait les lèvres, préoccupé.
"J'ai l'impression de participer à tout ça et ça me fait me sentir super mal.", fit Jeongguk.
Il était un peu brusque avec le jet d'eau alors le chef s'écarta un peu.
"Désolé."
"T'inquiète."
"C'est juste, fin, ils en ont tellement rien à foutre de ce qu'il y a derrière les zéros, et je sais, je sais que je participe à tout ça, je sais, j'ai déjà aidé à découper un de ces foutu thon pour Kimura, mais, je sais pas, je suis super pas à l'aise avec tout ça."
"Tu y es pour rien Jeongguk."
"Pas personnellement. Mais j'y suis pour quand même un peu."
Il y eut un silence, et Jimin observait la mécanique de ses gestes, le bruit désagréable des écailles contre la lame du couteau. Il prit une inspiration, hésitation.
"J'ai...déjà servi du thon rouge, même quand je savais pertinemment que ça venait de la surpêche. C'était... c'était pour un client, il insistait, et, il m'a donné une belle somme d'argent pour que j'achète un morceau de thon rouge... et... je savais vraiment que je faisais n'importe quoi, et que j'allais contre mes principes, les principes qu'on m'a enseigné, mais j'étais jeune, et j'avais besoin de me prouver, de me faire une clientèle... Je..."
Jeongguk observa le poisson vidé de sa substance. Il soupira.
"Tu y peux rien non plus, c'est la concurrence, c'est la demande."
"Non, j'ai ma carte à jouer aussi."
"Peut-être, mais si tout le monde ne se jetait pas pour-, pour en manger, peut-être qu'on s'en sortirait mieux. La seule alternative qu'on prend c'est ces foutues fermes d'élevages, où on verse des tonnes et des tonnes de nourriture vivantes dans des enclos minuscules où s'entassent des milliers de thons et, et ça me rend fou. Mais en même temps je suis là, en train de..."
"Jeongguk..."
"Désolé, je sais pas ce qu'il m'arrive. Je suis super à fleur de peau en ce moment, tout... tout me touche puissance mille alors que ça devrait pas, c'est l'enfer."
Il eut un rire un peu triste.
Et puis Jimin s'approcha et attrapa la lanière de plastique autour de son cou, celle qui tenait son tablier de plastique épais, palette où des restes de sang se diluait dans des gouttelettes d'eau. Il la passa par-dessus sa tête, puis fit pivoter Jeongguk sur ses talons pour détacher le nœud qui maintenait l'habit autour de sa taille. Une fois qu'il fut débarrassé, il posa le tablier sur un carton qui allait sûrement être souillé de fluides et enlaça le noiraud.
Le chef portait cet imperméable pas très beau, noir avec de grands ronds bleu, les manches assez longues pour ne laisser apparaitre que le bout de ses doigts rougies par le froid. Le vêtement était encore perlé par la pluie qui avait repris ses droits sur la capitale. Alors les bras enroulés autour de son cou le firent frissonner, et ses avant bras découverts qui se lovaient dans le creux de sa taille récoltèrent les perles.
"Ça va aller. Je suis désolé que tu te sentes mal en ce moment. Ma mère dit que c'est le changement de saison. Tu fais ce que tu peux dans un monde qui n'est pas facile. C'est normal qu'on ait des incohérences parfois, qu'on ait des idées et des principes qui se trouvent freinés, entravés par la réalité des choses. Ça ne fait pas de toi un mauvais humain pour autant."
Le noiraud avait envie d'enfouir son grand nez dans le creux de son cou autant que l'envie de se détacher du chef, les yeux autour d'eux faisant bouillir son estomac. Il ne fit qu'acquiescer dans un petit son.
"Désolé, je suis trempé."
"C'est pas grave."
Un court silence. Park Jimin ne le lâchait pas.
"Tu fais ce que tu peux à ton échelle."
"Peut-être."
"Allez, tu serais pas aussi dur si c'était moi qui te disais ça. Tu es trop exigeant envers toi-même. Regarde, tu justifiais facilement mon comportement avec mon foutu client, alors soit aussi indulgent et compréhensif avec toi-même Jeongguk."
"Mh... Entendu..."
"Fais-moi un sourire. J'aime pas te voir tout énervé et triste en même temps. On dirait que tu boudes."
Il se détacha de lui et prit son visage entre ses mains. Il lui offrit un de ses sourires dont seul lui avait la recette, comme pour lui donner le la.
Jeongguk se retint de l'embrasser. Et sourit.
Apparemment ses petites accolades avec Park Jimin avaient fait le tour du marché. Toyosu était le nid aux commères, c'était surtout ces femmes qui s'ennuyaient aux guichets de commande et de règlements, qui se retrouvaient quand elles le pouvaient autour d'une tasse de thé et racontaient toutes leurs aventures et leurs ragots.
C'était venu aux oreilles de Haru qui profitait peut-être un peu trop de ces pauses boisson avec les dames. Et il en avait parlé à Rena avant Jeongguk, si bien que la fois où il s'arrêta au Layla's Café, la jeune femme pinçait son sourire amusé sous ses dents de travers.
"Jeongguk, Jeongguk..."
Il y a quelques jours, elle aurait sûrement dû ramasser le noiraud à la petite cuillère. Le garçon si tourmenté par ses sentiments, la tête dans les nuages mais surtout leur tempête. Et il lui aurait demandé de le guider pour savoir si oui ou non, Park Jimin brisait lentement son cœur.
Aujourd'hui, il était un peu plus serein. Le clair de lune avait blanchi ses démons, la pluie, adouci ses inquiétudes. Si Jimin n'avait pas ne serait-ce qu'une once de sentiment pour lui, c'était sans doute quelqu'un d'une grande cruauté. En tout cas, c'est ce que lui dit Rena après l'avoir taquiné un moment sur ses démonstrations publiques.
"Tu te rends compte? Profiter d'un mec qui travaille au marché pour avoir des bons plans, lui faire croire des trucs, le draguer tout ça pour son propre cul? C'est juste super cruel. Je pense pas que ce soit quelqu'un d'aussi cruel. J'espère pas. Tu le connais un peu, tu sais de quoi il serait capable? Non?"
"Si depuis le début, il joue un jeu, alors il devrait pas être chef, acteur lui irait très bien."
"Voilà. Il peut pas... Il peut pas jouer complètement un jeu, y'a forcément un peu de sincérité. Je pense."
"Hm."
Et même l'hésitation transpirait dans le réconfort de Rena.
Park Jimin était-il de ces hommes qui aiment plaire?
Ces hommes aux sourires qui attirent et désarment.
Ces hommes qui jouent cette carte pour voir toutes les barrières s'ouvrir, pour voir les yeux se gorger de sucre et les mots s'en mêler. Jeongguk sait comme cela nourrit l'égo, c'est son plus beau des mets. C'est tout de même fascinant de voir l'autre prêt à tout pour te plaire, prêt à tout pour voir ce sucre dans tes yeux à toi aussi. Mais ça ne vient pas, alors il essaye autre chose, et il bave, comme un chien, parce que dans sa gorge à lui, le sucre l'empêche de bien avaler. Il est si transparent alors, on sait tout de ce qu'il essaye pour faire tomber le confiseur, pour engraisser, mais rien ne fonctionne, car le caramel ne prend pas, rien est assez chaud. C'est un dialogue à une réplique. Un océan de solitude dans un tête à tête.
Mais c'est si réconfortant.
Peut-être que Park Jimin fait partie de ces hommes qui aime voir l'écume au bord des lèvres. Le désespoir d'y croire. Qui aime voir ces dizaines de messages de chiens d'espèce différentes. Oh, car il les entretient, puisqu'il faut faire croire, il faut le faire dégouliner, ce sucre. Il n'est pas question de briser l'illusion, rompre le sortilège, atténuer les dégâts. C'est toujours plus sucré quelques jours après.
Alors oui, c'est cruel.
Mais c'est addictif.
Quand il en manque, quand c'est trop sincère mais surtout lorsque c'est sain, ça n'a plus de goût. Ça n'est plus excitant, alors on s'ennuie, on grimace et on veut quelque chose à se mettre sous la dent, autre chose, un peu plus encore, donnez-en plus. On en trouve là où il ne devrait pas en être. La gangrène se répand comme du sirop.
C'est fatiguant, le sucre.
Mais Jimin est umami.
Il croit.
Il pense.
Il est doux, comme l'umami.
Il est agréable, comme l'umami.
Il est délicieux, comme l'umami.
Addictif.
***
Les barrières étaient tombées depuis quelque temps maintenant. Les inquiétudes se dressaient toujours mais il ne restait maintenant à Jeongguk que l'envie de goûter. Jimin allait-il envahir toute sa langue et le faire frissonner comme un bouillon aux algues? Ou allait-il se contenter d'empoisonner la pointe de son muscle de papilles ?
Si le noiraud cédait à sa tentation, peut-être qu'il le saurait déjà depuis longtemps. Ses lèvres étaient un appel au crime et Jeongguk un bon et craintif citoyen. Rien ne l'avait encore poussé à commettre l'irréparable, mais ce n'était qu'une question de temps. Il l'a sentait, l'horloge tourner. Surtout quand Jimin dégageait ses mèches rebelles de son visage avant de prendre une photo, ou quand il s'était mis à porter autour de son poignet, un élastique à cheveux pour toutes les fois où Jeongguk oubliait.
Il avait eu envie de l'embrasser aussi, la fois où ils s'étaient fait un petit salon de manucure dans l'appartement de Jeongguk. Ce dernier avait eu droit de choisir le petit dessin sur le pouce du chef, et il avait sélectionné un petit cœur tout simple, facile à reproduire. Jimin l'avait laissé le loisir de s'amuser sur son ongle et trois cœurs violet, rose et rouge décoraient sa main. Le chef lui avait peint un petit poulpe sur son pouce droit.
Mais tous les exemples s'accumulaient avec trop d'envie.
Tout lui donnait le feu vert.
Pourtant, Park Jimin venait d'un autre monde.
Il y avait ces petites remarques qui faisaient dresser les poils de ses bras. Rien de bien méchant, mais seulement cette fâcheuse manie de prendre un peu de haut la vie de Jeon Jeongguk. Cela avait commencé dans des remarques régulières sur son travail, sur sa fatigue, sur comment ça l'esquintait, et tout cela partait d'un si tendre sentiment. Mais Jimin semblait vouloir l'emmener autre part.
Une fin d'après-midi, après l'avoir rejoint au restaurant, Jeongguk l'avait aidé à préparer quelques poissons pour le service du soir. L'apprentie du chef, Tōda Mariko l'avait étudié avec curiosité. Ils avaient fait connaissance quelques semaines auparavant et cela avait été dur d'oublier tout ce que Jimin avait pu raconter à son sujet, lorsque les journées avaient été longues et que la fatigue avait boursouflé ses yeux. Mais Mariko avait beau être un peu rigide, elle avait fini par ramollir sa glace de méfiance et accepter la présence maladroite de Jeongguk. Peut-être que l'aide de ce dernier pour nettoyer et ranger le restaurant après le dernier service de la journée avait aidé à rentrer dans ses petits papiers. Elle semblait être de celles qu'il faille impressionner d'actes et de volonté.
Cette journée-là, alors que Jeongguk tranchait la chair et retirait des centimètres de squelette à des bêtes qui lui étaient familières, elle revêtait son regard un peu distant mais cruellement critique, jaugeait ses capacités. Mariko travaillait à côté de lui, cernée par des bouteilles sans étiquette, au liquide plus brun puis plus translucide, et dosait des sauces qui réveillait le meilleur des produits. Des fois, elle suspendait ses gestes et étudiait longuement la gestuelle de Jeongguk. C'était comme si elle y avait gardé un œil tout le long de la découpe et qu'elle connaissait parfaitement, où la minutie et la technique allaient se prouver. Si Jeongguk n'était pas un peu anxieux, il aurait fait tourner son couteau entre ses doigts pour vendre un peu de spectacle mais il n'était pas certain que cela ravie la jeune femme. Alors il se contenta de faire ce qu'il savait et lorsqu'ils retrouvèrent Jimin, qui préparait le riz dans son gigantesque hangiri, elle fit une remarque sur sa précision et sa rapidité.
"Un beau poulain hein ?", avait taquiné Jimin en faisant tressauter ses sourcils. "Ça fait plusieurs fois que je lui dit qu'il devrait travailler dans un restaurant ou une chaîne de sushis, il a tout de quoi faire un bon commis. Tu aurais des horaires plus sympas et puis tu gagnerais mieux."
Et puis il lui répétait à d'autres occasions. Quand sa curiosité faisait de lui l'élève de Park Jimin et qu'il apprenait à maîtriser les goûts et les sauces, Jimin avait cette fierté et cette remarque qui lui soufflait qu'il méritait mieux que Toyosu.
Il avait été naïf, Jeongguk, de répondre à la question du chef lorsqu'il s'était étonné du prix raisonnable de son appartement. Jiko bukken. Dans l'étroitesse d'une chambre ou d'un salon, l'espace d'instants ou d'heures, la mort avait imprégné les tapisseries et pourri le parquet. Jeongguk n'avait pas eu la curiosité morbide de demander ce qu'il s'était passé exactement. Si les prix étaient aussi satisfaisants, c'était que la mort n'avait pas été jolie. Peut-être même que la poutre apparente au plafond de la chambre, avait servi de support. En apprenant l'existence de cette histoire, Jimin avait arrêté de s'inviter chez le garçon pour passer du temps ensemble. Il l'appâtait toujours dans son propre appartement luxueux, dans une excuse qui perdait de créativité de jour en jour. Jeongguk ne l'avait pas pensé aussi gêné par le passé.
Peut-être que c'était une raison enfin valable pour éviter l'appartement étriqué du noiraud. Éviter les odeurs de marché. Et la vaisselle qui s'accumulait dans l'évier car Jeongguk était paresseux.
Chez Jimin, il y avait toujours un parfum d'encens ou de bougie. Tout était si propre et lisse qu'il l'avait cru obsédé par le rangement avant qu'il ne croise le service de nettoyage dans les couloirs, un matin.
Alors c'était peut-être stupide, mais Jeongguk sentait un fossé de milieux se creuser entre eux. Quand Jimin parlait d'études, parlait de ces livres, musiques, films et que Jeongguk n'avait que ses yeux ronds, curieux et de plus en plus inquiets pour répondre.
Jimin avait la gentillesse de contenir sa surprise pour ce qui était pour lui un classique. Mais parfois, au lieu d'expliquer son idée, il lâchait son fil de pensée, comme si Jeongguk et son manque de savoir demandaient trop d'énergie.
Alors, puisque Jeongguk était de ceux qui parlaient, il avait demandé à Jimin de se voir, un jeudi de congé, là où le noiraud lui donnait rendez-vous.
Jimin s'était renfrogné d'abord, car il ne pensait pas qu'il était de ceux qui lorgnait depuis leur piédestal et dont les mots et actions se teintaient d'orgueil. Mais c'était dans les petites choses, inconscientes et enracinées dans un environnement de pousse, une éducation. Et après quelques minutes, les sourcils froncés, la moue qui trahissait son repas de morceaux de peau, du creux de sa joue à l' irrégularité de sa lèvre, il finit par souffler.
"Je crois que ce qui est le plus dur c'est que je me rends même pas compte que je te fais du mal. Je suis désolé Jeongguk. Je... J'ai pas le sentiment que je te vois comme quelqu'un d'inférieur, ou comme quelqu'un que j'ai envie de changer en mieux ? Tu es déjà... super, tu es déjà tellement super Gguk. Je suis désolé."
"Je me sens bien dans ce que je fais, je sais que je gagne pas des cent et des mille, mais je suis heureux, et j'aime beaucoup mon appartement, même s'il est petit, j'ai plein de souvenirs dedans, et j'aime tout ce que j'ai construit, et je m'aime moi, et-, et-, oui j'avais ce sentiment que je ne suffisais pas. Dans tes yeux, il fallait que je gagne plus, que j'ai un meilleur appart', que-"
"C'est de l'inquiétude mal placée, je, j'ai compris, j'étais juste inquiet parce que c'est dur de travailler à Toyosu, surtout avec ton genoux et puis ton appartement me donne la chair de poule, j'ai réalisé après, que l'immeuble était au numéro quatre de la rue, et tu sais comme je suis superstitieux Gguk, ce genre de truc ça m'inquiète, vraiment."
"Mais c'est pas ce que ça me renvoie Jimin. Ça me renvoie que JE ne suis pas ce que tu veux."
"Ce que je veux ? Je ne veux rien de toi Jeongguk, tu parles comme si j'étais un gros connard qui se servait des gens, je-"
"C'est pas... c'est pas, c'est pas comment je voulais le dire. Pas dans ce sens. Que pour être avec toi, pour que tu m'apprécies, pour que notre relation aille... je sais pas, plus... plus loin ? Peut-être, enfin, que je ne suffisais pas, que j'étais pas suffisant."
Jimin s'était figé. Il avait relevé un regard curieux vers Jeongguk. Un petit rire nerveux avait secoué le rictus sur son visage, et puis :
"C'est à dire ?"
Jeongguk mordilla sa lèvre avant de souffler :
"Je t'apprécie beaucoup beaucoup Jimin, mais, j'ai peur de m'oublier si je réponds à ce que tu projettes sur moi. Et j'ai pas envie, de suivre ce que tu veux que je sois, j'imagine."
Jimin resta immobile un moment puis hocha la tête.
"Compris. C'est compris."
"OK."
Le noiraud l'avait senti venir, mais leur courte mésentente avait refroidi l'air du marché.
Jimin ne l'ignorait pas, continuait de venir le voir quand Jeongguk ne le servait pas, mais c'était comme si désormais, il s'empêchait de parler. Avant de dire, il analysait, décortiquait, étudiait chaque lettre et rimes qui le traversaient. Et tout perdait de sa spontanéité, puisque ses phrases abandonnaient leur esprit joueur et taquin, qu'il n'osait même plus montrer son inquiétude lorsqu'un dégât des eaux avait forcé Jeongguk à prendre un jour. Park Jimin s'était censuré, faute de reconnaître les défauts de son discours. Où le chef semblait retrouver son vrai, c'était par messages. Là, il pouvait sans doute relire trois fois ses lignes avant de les inscrire, ce que l'impétuosité de Toyosu interdisait. Alors Jeongguk, encore, lui avait demandé d'arrêter de trop penser.
Et Park Jimin avait retrouvé son umami.
Jeongguk, son ami.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top