hachi
Cette atmosphère annonçait tout ce dont Jeongguk n'était pas prêt.
Il ne savait pas si c'était la tension, si c'était l'espèce de défonce de fatigue qui les faisait rire à tout, ou bien la chaleur réconfortante de l'appartement de Jimin quand la neige recouvrait Tokyo.
Un drôle de magnétisme les aimantait et ils avaient envie de se toucher, de se caresser. Jimin avait emprisonné entre ses chevilles, la jambe gauche du jeune homme et il la faisait tanguer, comme il aimait toujours jouer avec des parcelles de lui :il pliait ses doigts quand sa main traînait, écrasait du bout de son index, les veines qui serpentaient ses bras. Ses mains étaient toujours partout, dans ses vêtements, à tirer sur les cordons de son pull et à entortiller les fils de son jean troué et quand Jimin le quitte, il a l'impression que quelque chose manque.
Il les connaît, ces moments chargés de sexe et de charnel car Jeongguk a vécu d'autres histoires. Et il est certain que Jimin les reconnaît.
En deuxième année d'université, ça arrivait souvent au milieu de soirée lorsqu'ils échappaient à la moiteur de l'appartement pour "s'en griller une". Et puis la cigarette de celui qui l'avait zieuté toute la soirée s'éteignait, la flamme du briquet était malmenée par le vent alors ne restait que Jeongguk et son bâtonnet brûlant. Ils s'approchaient alors, prêts à s'embrasser si l'opium de poumon ne leur interdisait pas. "Tire dessus". L'atmosphère bascule et ils s'approchent, ils discutent comme si le froid ne dévorait pas le bout des doigts mais l'idée de retourner se mélanger aux autres n'est plus séduisante. Pas autant que celui sur les mêmes graviers du trottoir.
Chez Park Jimin, c'était sur un canapé de cuir marron, après des mois de découvertes.
Jeongguk ne suivait même plus le fil de la conversation, il y avait des silences chargés de quelque chose encore et la chaleur du feu aussi. Il se croyait de retour à l'Otsukimi auprès de son foyer de chair brûlée ; mais c'était des semaines après et rien ne s'était tari.
Au contraire, Jimin était encore plus charmant, il ne s'arrête jamais.
Jeongguk l'était aussi, dans ses yeux, il baigne dans du sucre. Jimin le regarde avec tendresse ou amusement mais il ne s'arrête pas en tout cas. Il ne s'arrête jamais.
Jeongguk se demande quand est-ce que c'est le bon moment, il laisse des ouvertures que Jimin ne prend pas, il n'est plus autant sur le qui-vive que lors de leur partie d' airsoft, là où rester à découvert quelques secondes lui valait quelques bleus. Pourtant, il n'a jamais autant voulu que Jimin laisse sa marque.
La Lune, ce soir, est dans un entre-deux, ni croissant ni ronde.
Le seuil n'est pas si loin, peut-être que dans quelques nuits, les deux pointes équilibreront le berceau.
Mais le noiraud espère que pour eux, c'est ce soir. Qu'ils ont passé trop de Lunes et de phases pour attendre la précision. Et puis ils ont toujours été brouillon, à flouter des limites là où personne n'en avait mis, alors à quoi bon faire semblant de croire à l'astre parfait.
Jimin sent quelque chose comme l'eucalyptus et le romarin, il avait pris une douche avant que le noiraud arrive et lorsqu'ils s'étaient enlacés, la pointe de ses cheveux avait tracé de jolis ruisseaux sur sa joue. Quelque heures après, le parfum lui colle toujours à la peau et s'entremêle avec une faible odeur de transpiration et d'odeur de cuisson. Il retourne de l'addiction, Jeongguk est si sensible aux odeurs, il veut enfouir son nez partout, là où le superficiel de l'arôme créer une personnalité, et puis dans la crèche du musc, animal et fort. Il veut que Jimin laisse son odeur sur ses oreillers et dans ses draps, qu'une fois la nuit passée, le noiraud puisse s'y envelopper, s'y enrouler, et humer la fragrance d'un amour d'adulte.
"Tu es tout distrait."
Jeongguk nie. Il fait tournoyer son téléphone entre ses deux doigts et les yeux de Jimin le couvent avec amusement. Il a ce rictus insupportable, qui connaît tous les secrets, les réponses.
"Qu'est-ce qui y'a ?"
"Rien.", insiste Jeongguk. "Y'a rien."
Jimin porte ce large pull qui l'avale tout rond et Jeongguk, un gilet qui lui tombe presque au genou. Ils sont similaires dans cette recherche de l'englouti et du confort. Une nouvelle fois, Jimin a réussi à enfouir son pied dans une poche de son habit et le noiraud veut se moquer de cette manie mais il l'aime de trop.
Jeongguk sent ses orteils gigoter dans le cocon de coton et des doigts ronds caressent sa nuque récemment tondue, faute de retrouver et jouer avec ses longues mèches qu'il lâchait en fin de journée.
"T'es tellement tactile."
"J'aime les gens.", répond Jimin en haussant les épaules et il intensifie ses caresses sur son crâne, utilise ses ongles minutieusement manucurés.
Jeongguk a un petit rire qui existe dans un froncement de nez et un rictus brinquebalant. Il ne peut plus se cacher derrière ses long cheveux, mais pourtant, il a ce même réflexe qui est de baisser la tête.
"Quoi?" Jimin se penche vers lui, se contorsionne presque pour garder son pied au chaud. "Tu pensais que tu étais spécial ?"
"Je sais que je le suis."
Jeongguk lui lance un regard après l'effet des mots. Jimin est amusé. Jeongguk lui sourit. Et puis ils ne veulent pas arrêter de se voir, de s'étudier. Alors le noiraud glisse une main dans sa poche pour saisir la cheville de l'homme et l'en extirpe. Sa jambe dépliée, Jimin n'est plus tant origami et il est tellement plus simple pour Jeon Jeongguk de doucement l'approcher, pour poser ses lèvres contre les siennes.
Il y dépose deux baisers puis s'écarte et le visage de Jimin est indescriptible.
"Y'avait bien quelque chose alors.", l'homme souffle, il sourit.
Jeongguk ne répond rien, il ne s'arrête de mordiller la peau de ses joues, peut-être qu'il hoche la tête mais c'est le même mouvement que sa jambe alors il ne sait pas trop.
Il dit qu'il la connaît cette atmosphère, qu'il a vécu d'autres histoires, mais pourtant, il a l'impression d'être l'adolescent nerveux de son premier baiser.
Les doigts de Jimin s'enroulent autour de son menton, et ils s'embrassent encore.
"Depuis le temps que je veux faire ça Jeongguk, depuis le temps."
Et le froid de la capitale n'a pas épargné leurs lèvres, ils s'écorchent de gerçures et puis se lèchent pour apaiser les blessures. Jeongguk a toujours trouvé le désir effrayant. Ou peut-être juste le sien, son désir qui l'envahit si, si facilement. Il s'était surpris les fois où il n'avait pas vraiment envie, et puis qu'on glissait des baisers le long de sa carotide et qu'on mettait une main sur son entrejambe, et que l'inquiétude disparaissait dans le brouillard du plus loin.
Alors sa force, à son désir, quand il en avait envie des pieds à la tête, que Jimin l'avait dressé à vouloir plus depuis des mois, ô, son désir était la lave sous sa peau.
"Jimin."
Le chef l'effeuille.
Il l'allonge dans ses draps.
Il goûte tout ce qu'il découvre et Jeongguk se tortille, encore vivant.
"Jeongguk."
Ses doigts le façonnent comme il le veut, là où il le veut, il sait où insister.
Il a l'exigence d'un créateur.
Le corps de Jimin est dessiné comme s'il s'était sculpté à la lame de son couteau, creusé des sillons dans tous les beaux endroits auxquels on attache des noms de mythe.
Mais ça, ce n'est pas le plus important, c'est le contact entre leurs peaux qu'il l'est, c'est leurs regards et leurs sourires. Jimin a beaucoup de mots à donner, il est plein de compliments même s'il en veut beaucoup en retour. Il les soutire à Jeongguk avec des questions qui devraient être évidentes tant ses pupilles dévorent le noir de ses yeux et que ses halètements sont stupides. Et quand Jeongguk arrive à lui offrir une telle sucrerie, une pluie de frissons balaie son corps comme le vent avait balayé les plumes des herbes de la pampa à l'Otsukimi.
Tout réfléchit la fête de la Lune, le foyer se consume, parfum de chairs carbonisées, ils veulent se donner à l'un ou à l'autre, ils se pétrissent comme le gluant du riz.
Jimin prend davantage de sens lorsqu'il lui demande d'embrasser la plante de ses pieds et de cerner sa délicate cheville de coup de langue. Jeongguk est tellement amoureux qu'il se surprend à être prêt à beaucoup. Trop, mais ça vaut tout l'or du monde lorsque Jimin sourit et respire plus fort, au rythme des découvertes du noiraud, à ses sucettes de corps qu'il déniche partout.
Ils rient lorsque Jimin le chevauche avec fougue et que Jeongguk a un misérable miaulement, quelque chose d'étranglé, d'asphyxié par l'incendie du sexe. Ça rappelle à Jimin l'air d'une vieille chanson que tout le monde connaît, alors il le fredonne pour se moquer de lui, maintenant immobile sur ses cuisses. Il chantonnent quelques mesures, comme deux grands idiots, se partagent des gorgées d'eau et puis les laissent s'évaporer dans un retour de cuisson.
Jimin le fait rougir jusqu'au tendre du chutōro et le marine de sauces amères, sucrées.
Ça prend des heures mais le chef est tout plein de patience et utilise le temps de la meilleure des manières. Il sait quand le retourner, le laisse prendre sur le dos et puis quand s'enfouir lui même dans les papillotes de draps. C'est chaud, humide, et l'odeur est entêtante, un peu dérangeante, le chef s'arrête pour y revenir un peu après, c'est un met, la notion de la nuit se floute, puis, comme deviné, Tsuki se tient pour les observer.
"J'en reviens pas que tu m'aies dis ça que maintenant."
"Écoute, j'y ai pas pensé."
"Des ōnsen privatisés pour la résidence... Qu'est-ce que c'est bien d'avoir de l'argent."
"Y'a jamais personne après minuit, une heure."
"Il est quel heure? "
"Trois quarante cinq."
"Wow."
"Ouais, on m'a dit souvent dit que ma bite était magique, elle fait perdre toute notion du temps, c'est pas incroyable ça?"
"Par pitié ne redis jamais ça."
"Que ma bite est magique?"
"Bite tout court."
"Ça risque d'être compliqué"
"Je sais... Mais ça me répugne."
"Elle te répugnait pas y'a trente mi-"
"Jimin."
"Petite nature."
"Je veux aller aux ōnsen."
"OK."
Il y a deux larges larges bassins à l'extérieur, la neige commence à recouvrir le tranchant des rochers et les feuilles d'érable qui les bordent. L'odeur de souffre n'est plus si dérangeante après tant d'années ; elle est presque bienvenue après des heures passées dans la chambre saturée de phéromones.
Jeongguk doit enjamber le tourniquet tripode car seulement Jimin et sa petite carte dorée y ont accès. Il y a des bassins plus petits à l'intérieur, l'un est d'une couleur noire qui attise la curiosité du plus jeune. Mais il ne font qu'utiliser les douches, Jimin s'assoit juste à côté de lui, ils se récurent et observent les cendres de l'amour consumé tourbillonner dans l'évacuation. Puis, dans la splendeur de leurs corps nus, ils se pressent jusqu'à l'eau fumante qui promet de détendre les muscles rétrécis par l'hiver de Tokyo. La ville se fige sous les tons froids, sous les décorations lumineuses installées dans les grandes rues, mais les sources chaudes restent chaleureuses, de bois sombres, d'ampoules jaunâtres.
Jimin attrape un seau, le plonge dans le laiteux du bassin et y trempe une petite serviette blanche qu'il pose sur sa tête avant de descendre lentement dans la source. Jeongguk l'y attend déjà, il a traversé le bassin deux trois fois, cherchant l'emplacement parfait pour végéter et apaiser les fourmillements du plus profond de lui.
Jimin ne le laisse jamais aller bien loin, vient envahir sa cachette bien trouvée, son nid et cocon et se greffe à son torse dans un petit gémissement satisfait.
"Y'a rien de mieux après l'amour que d'aller se détendre dans un onsen, rien de mieux.", il soupire alors que le noiraud frotte son nez le long de son épaule, jusqu'à son cou.
"Hm."
"L'odeur te dérange pas? Toi qui est tellement sensible aux parfums tout le temps."
"Je travaille dans une poissonnerie, j'ai l'habitude des odeurs pas cool."
Jimin acquiesce de la voix, sa main caresse le genou abîmé de Jeongguk, il a sûrement les yeux clos.
"J'ai..."
Un long silence mais le chef lui laisse le temps de réunir ce qu'il lui faut.
"Je voulais être sûr que pour toi, c'était pas... c'était pas juste un truc d'un soir, comme ça."
"Ça l'est pas Jeongguk, je pensais que c'était clair..."
Son ton est un peu offusqué, ou peiné.
"Je voulais juste être sûr."
Jimin pivote dans ses bras et ride le reflet de la Lune sur l'eau. Il a l'air fatigué mais détendu. Les ridules juste sous ses yeux se voient davantage et le font mûrir dans le regard du noiraud. Il est encore jeune, mais dans quelques mois, il a trente ans et Jeongguk sait comme ça lui fait peur.
"Tu es important pour moi Jeongguk, je t'apprécie énormément, je suis pas en train de jouer avec toi."
Il lui a confié la fois où ils se sont retrouvés dans un fast-food aux tables grasses, après le service du mercredi soir. Il y avait comme une vulnérabilité facilement acquise dans ces restaurants aux couleurs enfantines, aux menus d'adolescents, surtout les passés minuit et le début d'une nouvelle année sans une étoile dans le précieux guide. Les doutes et la peur se tapissent dans l'obscurité du parking, Jeongguk les voit danser dans le noir de ses yeux et valser entre les lignes blanches. Les grandes vitres du fast-food les protègent encore.
"Je ne te ferai jamais ça, c'est pas... c'est pas moi. Tout est sincère depuis le début, tout."
Derrière son assurance, de l'autre côté de la glace, Jimin est crevé d'insécurités. Jeongguk donne tout pour colmater les brèches et se surprend à récupérer la matière dans les siennes, puis réalise qu'il n'est très peu de chose. Jimin se soigne à travers l'autre, en revendant l'amour qu'il a à donner, la panique dans ses yeux est réelle lorsque Jeongguk remet en question la sincérité de leur relation.
"Dis-moi que tu savais que c'était sincère s'il te plaît, ça me-, s'il te plaît."
"J'en ai douté à un moment mais je pense que je doutais surtout de moi, de moi, par rapport à toi, et de moi, par rapport aux autres, et on a jamais... on a jamais vraiment exprimé le fait qu'on était sérieux, je sais pas..."
"Je t'ai invité plusieurs fois au restaurant, chez... chez moi, y'avait rien d'amical là dedans..."
"Jimin, j'étais même pas sûr-sûr que tu aimais les hommes avant ce soir, tu sais bien comment ça marche, c'est compliqué d'être clair et de pas se méfier des intentions."
Il a toujours été vague lorsqu'il mentionnait de ses anciennes relations et la langue qu'ils parlaient laissait aux genres le luxe d'être flous. Cette même nuit, aux creux des insécurités aux odeurs de fritures, il en avait parlé un peu, et puis cette angoisse de ne retrouver personne et les années qui défilaient, le temps passé au restaurant et la fatigue qui rouillait ses jointures.
Jeongguk lui avait rappelé que trente ans, c'était jeune. Que ce n'était la fin de rien.
"OK... Je comprends... Mais, c'est sincère." Sa main aux doigts fripés s'accroche à sa mâchoire. Il l'embrasse deux fois. "OK ?"
"OK."
Jimin est rassuré. Il tente un sourire et Jeongguk veut embrasser à nouveau, sa dent qui rompt les rangs.
"Toi, tu étais terriblement obvious."
Un frisson d'embarras le traverse.
"Tu me regardes arriver au marché, j'ai toujours tes yeux sur moi."
Jeongguk reste silencieux mais il retient un sourire.
"Et au tout début, quand tu prétendais qu'il te restait deux kilos de magnifiques sardines, tout comme par hasard. Oh mon dieu, tu étais d'une tendresse, avec tes grands yeux là, un grand mec musclé avec un petit cheveux sur la langue, j'avais envie de te bouffer."
"T'as vu l'état de mes cuisses ? Tu avais pas envie de me bouffer, tu as fini par le faire."
Jimin rit et finit par attraper la serviette sur sa tête et éponger l'humidité qui perle sur le dessus des lèvres de Jeongguk, sur son front. Puis, il la pose sur les cheveux du noiraud avant de se retourner pour retrouver sa place contre son torse.
"Tu t'es vu ? J'aurais mon étoile si c'était toi que je servais."
L'éclat de son rire brise le calme hivernale du rotenburo. Jimin incline sa tête pour le voir rire, il a l'air satisfait.
"Tu te rends vraiment pas compte je crois. Il y avait cet Apollon qui m'observait avec des yeux doux, qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Je suis sensible !"
"Tu dois être habitué aux yeux doux, Jimin."
"Peut-être, mais il y en a pas deux comme les tiens."
Jeongguk prend un temps, puis il soupire.
"T'es bon à ça."
"Je sais."
Jimin a un grain de beauté à la base de sa nuque. Il est d'un brun si intense qu'il ne se confond pas aux vieilles cicatrices d'acné. Il disparaît sous les lèvres de Jeongguk.
Ils baignent dans un bassin de confort et d'amour.
Tout ne répond pas aux carambolages de questions dans la tête de Jeongguk, mais il se dit qu'il en retourne d'apprentissage et de temps.
Il a ce qu'il veut. Une léthargie d'après le festin, lorsqu'il se concentre sur les saveurs coriaces qui s'accrochent à sa langue, il peut encore savourer l'umami de Park Jimin.
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