chapitre un, dead alive
i survived because the fire
inside me burned brighter
than the fire around me.
Cinquième jour de la première lune de l'an 129
LYSSA NE SAURAIT DÉCRIRE le charme de Port-Réal, et ce même après toutes ses années à arpenter les couloirs du Donjon Rouge ou ses jardins. La beauté de la ville l'avait saisi avec les années, avec brutalité. Comme si une main invisible maintenait ses yeux bien ouverts vers celle-ci, comme un martyr admirant son bourreau.
Car la splendeur de la capitale de Westeros était indéniable, près de cent vingt ans s'était écoulé depuis la conquête d'Aegon et cette ville qui n'était autrefois qu'un fort sans importance n'avait plus rien à envier à la gloire qu'avait pu avoir Villevieille avant elle. Mais cette douceur qu'était le spectacle de l'architecture royale laissait le gout âcre d'un poison trop assimilé qui ne vous donne pas assez, ou bien trop.
Port-Réal était un poison et cela en faisait l'arme la plus acérée du royaume, et son trône aux centaines d'épées symbolisant l'échec de chacun des ennemis qu'avait rencontré Aegon ou ses sœurs, n'en était alors qu'une démonstration plus concrète.
La jeune Strong jouait avec les pans de sa robe, les faisant s'enrouler distraitement sur ses doigts pour les relâcher lentement. Et recommencer. Comme le faisait les crocs de cette ville sur elle. La maintenir en place, en attente, admirant, puis la laisser prendre contrôle assez pour perdre attention et la remettre à nouveau à terre, heurtée et en haleine. En alerte.
Le bruissement des feuilles l'avait tant apaisé dans le passé, aujourd'hui, tout cela la rendait folle. Cette pierre taillée sur laquelle elle reposait, l'espèce de cette fleur devant elle qui ne poussait qu'ici, et même le tissu qui recouvrait sa peau. Tout venait d'ici, tout d'elle venait d'ici et il lui paraissait que désormais elle ne reconnaîtrait rien d'autres. Lyssa n'avait jamais eu l'âme d'une aventurière, encore moins d'une vagabonde, mais le reste de ce monde se refermait sous ses yeux, par le strident bruit des portes de ce château.
Bientôt, elle oublierait Harrenhal, Lyssa oublierait sa mère, son père et son frère. Elle oublierait les morts qui avaient été de son sang et de son nom. Elle ne saurait plus distinguer sa vie ici de celle d'avant, les différents souvenirs s'entrechoqueraient jusqu'à ne muter qu'en un seul.
Targaryen.
Ce nom lui paraissait si étranger, comme si elle ne l'avait jamais pleinement prononcé avant de s'imaginer le portant. Mais ce n'était pas une question d'imagination, simplement une question de temps. Combien, elle ne saurait dire, mais si Larys prévoyait son mariage aussi vite qu'il se déciderait à la rejoindre à leur point de rendez-vous, elle pourrait espérer être déjà sénile.
Lyssa l'attendait depuis une dizaine de minutes dans un des jardins intérieurs où il aimait tant lui parler. À demi-mots uniquement, comme si en privée, il ne poursuivait pas de la même manière ses monologues interminables et incompréhensibles. Au loin, elle finit par entendre le pas lent de son frère. L'écho de son pied en ferraillé venait jusqu'à elle et s'insinuait jusque dans son crâne. Depuis la mort de son frère et de son père, Lyssa ne parvenait plus à le voir, à lui parler ou à l'entendre de la même manière. Car la jeune femme n'avait aucun doute qu'il en était responsable quand d'autres s'évertuaient à s'imaginer d'autres scénarios. Larys avait tué le reste de sa famille et maintenant il ne lui restait que lui.
La haine était pourtant éloignée de son ressenti envers son grand frère, elle s'y accrochait fermement, assez pour espérer le laisser lacéré par sa présence. Car il ne passait pas un jour de sa vie où elle ne voulait pas avoir senti les flammes la consumaient comme elles l'avaient fait pour eux. Lyssa n'avait encore volonté de mourir mais elle aurait voulu l'être il y a de cela des années maintenant.
Neuf ans, bientôt dix, se dit-elle difficilement. Plus de temps encore qu'elle n'avait pas mis les pieds dans l'enceinte d'Harrenhal. Elle se disait souvent comme c'était étrange que le manque nous fasse tant aimer une chose qu'on avait méprisé toute sa vie. Le château à moitié en ruine ne l'avait jamais séduite dans ses plus jeunes années passé là-bas, mais c'était sa maison.
La silhouette de Larys se dessina à elle finalement, et s'installa en silence à ses côtés.
- J'imagine que tu dois avoir certaines questions, finit-il par lui adresser
La veille, après l'annonce de son mariage, Lyssa avait simplement tourné les talons et quitter les appartements pour rejoindre les siens. Elle ne s'était pas préparée à pleurer mais ce fut sûrement plus fort qu'elle, après tout, elle ne se rappelait plus de la dernière fois où elle avait senti le sel de ses larmes teintait ses joues.
Elle s'était lamentablement échouée sur le sol de sa chambre, ses genoux avaient été laissé écorché par sa chute mais pas plus que ne l'était sa confiance en son frère. Sa confiance au monde entier.
Lyssa ne pleurait pas son mariage. Elle pleurait la trahison, elle pleurait la solitude.
Elle pleurait Harwin. Oh, elle étouffait les sanglots qu'elle n'avait jamais laissé éclaté pour son grand frère. Pour celui qui lui avait permis de croire un temps que les hommes n'étaient pas destinés au mal et aux femmes à être enchaîné à cette douleur de n'être qu'elles.
Elle ne croyait plus en rien de tout cela.
- Pourquoi m'avoir menti, fut la seule chose qu'elle se permis de demander.
Et pourtant, elle regretta ses paroles dès qu'elles eurent franchi la barrière de ses lèvres. Il n'y a évidemment pas de pourquoi à questionner, il n'y avait ni parole donnée ni promesse dans tout ce qu'avait pu lui dire Larys.
- Je ne fais que ce qui est nécessaire, Lyssa, et jusqu'à lors aucun mariage d'aucune sorte ne nous était favorable.
- Les Hightower sont déjà tes alliés, pourquoi un mariage de la sorte te paraît tant nécessaire ?
La jeune femme coulait lentement dans la fatalité et la berge auquel elle tentait de se raccrocher était faite de boue visqueuse qui glissait entre ses phalanges. Ou peut-être était-ce les mains d'un destin inconnu qui l'a poussé plus encore au fond. Elle se fichait bien de qui était ce sort indésirable qui enserrait ses poignets, car pour tous, elle nourrissait la même rancœur.
- Il nous faut redorer l'image de notre famille après la débauche dont a fait preuve Harwin et la princ-
- Modère tes propos, grand frère, le coupa-t-elle sèchement, comme tu l'as dit, il s'agit de la princesse et qui plus est de rumeurs qui ont été démenti des années de cela.
- Évidement, répondit-il pour mettre fin au débat qui ne concernait pas leur entrevue.
Un silence plana pourtant lourdement après cela. Lyssa ne souhaitait plus rien dire, ni entendre en réalité. Une vague de dégoût parsemait son cœur, son frère la vendait aux plus offrants et il s'obstinait à juger les femmes qui souhaiteraient connaître une trêve de paix dans leur mariage forcé.
- Quand aura lieu le mariage ?
Le ton employé fut plus dur qu'elle ne l'avait imaginé. Mais elle ne plaint pas son pauvre frère qui se contenta d'un rictus amusé. Comme il l'avait toujours fait, Larys observait les choses de loin et au-delà de cela, il savait bien que les douleurs du monde n'étaient pas les siennes. Jamais il ne participerait à une guerre même l'ayant provoqué, jamais il ne prendrait de femme, il était un homme et qui plus est, était infirme et puissant socialement. Le monde lui tournait le dos, honteux de trop le regarder et lui donnait le loisir du contrôle.
Et même en cette connaissance de son propre frère, Lyssa n'en était pas moins un des pions qu'il déplaçait sans relâche.
- L'organisation prendra tout au plus une lune et demi.
Elle hocha la tête, lissa le bas de sa robe qui ne le nécessitait pas et se redressa.
- N'as-tu aucune autre question ? S'étonna-t-il, attendant probablement des crises de larmes et des prières de lui faire échapper à ça.
- Non, je sais tout ce qu'implique un mariage, clama-t-elle en le surplombant maintenant debout, et épargne-moi le déplaisir de tes discours sur notre devoir familiale.
Lyssa n'attendit pas plus de remarques cinglantes de son frère ou de son rictus moqueur, elle traversa les jardins intérieurs pour pénétrer l'enceinte du Donjon. Le bruissement de sa robe sur le sol lui était nettement moins désagréable que le timbre de voix de Larys.
La jeune Strong parcourait la longue distance jusqu'à ses appartements en silence, ravie de ne croiser personne. Ravie de ne pas croiser Aemond.
Durant cette marche, ce fut la première fois qu'elle s'autorisa à penser non seulement à son mariage mais à son futur mari. Aemond allait sur ses dix-neuf ans, et bien qu'elle en ait vingt-trois, le jeune homme la surplombait largement. Elle ne se souvenait pas avoir déjà entretenu la moindre discussion avec lui, même enfant. Heleana trouvait bien plus sa sympathie que ne l'avait ses frères mis à part le plus jeune Daeron bien que parti étudier au près du lord Hightower à Villevielle depuis maintenant trois ans.
Aemond ne semblait que trouver satisfaction dans la violence et les armes comme Aegon ne le faisait avec les bordels et la liqueur. Il marchait, parlait et vivait simplement pour qu'on le remarque être si terrifiant. Et il était le prince qu'elle méprisait le plus.
Toujours cette fatalité qui maintenait sa tête en dessous de l'eau, se dit-elle en poussant la porte de ses appartements. S'attendant à la solitude rassurante de son intimité, Lyssa commença à défaire les tresses qui enfermaient ses boucles.
Elle releva pourtant les yeux et se figea.
- Votre majesté, s'exclama-t-elle en faisant une révérence hésitante sous la surprise.
- Je m'excuse pour cette intrusion, mais j'avais besoin de te dire quelques mots...
À cela, Alicent Hightower indiqua la table du petit salon qui bordait sa chambre. Elle s'avança alors, laissant la reine s'y installait en premier lieu. Une fois côte à côte, cette mère attrapa les mains de l'orpheline qu'elle était, comme pour la réconforter d'une peine qu'elle ne lui aurait partagé mais qu'elle sentit tout de même.
- Je ne peux que comprendre ce qui se passe en toi à cet instant, avoua-t-elle en caressant de son pouce le dos de sa main, le choix en amour nous est rarement permis, Lyssa et tu te dois de le comprendre.
Elle inspira longuement et cela permis à Lyssa de remarquer que la prise de ses mains n'était pas pour la réconforter mais pour éviter le tremblement de ses propres mains, car même à travers le tissu de sa robe, elle voyait le tremblement de ses jambes. La jeune femme en ignorait la raison mais dans les traits épuisés de cette reine d'à peine quarante ans, elle pouvait voir la pression essayait de briser ses frêles épaules.
- Mais cela ne signifie pas que tu es seule à affronter tes propres obligations.
Lyssa haussa un sourcil, étonnée de ce mensonge si grand, mais la reine ne sembla pas remarquer ce manque de respect.
- Je t'accompagnerait à chaque fois que tu le nécessiteras et je tâcherais de te protéger au mieux.
Une part d'elle s'échauffa à cette parole, une part de l'enfant qu'elle était avant tout cela se ravit enfin à l'idée qu'on prenne soit d'elle à nouveau. Qu'on la conçoive avec douceur et amour. Elle regardait la reine et la teinte de ses joues se rosit d'émotion.
Celle-ci s'approcha et déposa un baiser sur son front avant de lui murmurer :
- Avec cette union, tu seras ma fille.
Cette fois-ci, la chaleur qui s'était répandue en elle se transforma lentement en la viscosité étonnante du dégoût. Puisque tous les dires de la reine reprenaient maintenant leur véritable forme et elle ne pouvait plus croire en ses bons sentiments. Alicent n'avait pas d'attention envers elle mais simplement un intérêt à ce qu'elle serve particulièrement leur famille, la sienne, bientôt. Qu'elle serve la légitimité d'Aegon sur le trône de fer, indiqua-t-elle intérieurement.
Elle était forcée de sortir de sa prison pour s'enchaîner à une guerre familiale qu'elle ne voulait mener.
Lyssa hocha pourtant la tête et afficha un sourire à sa reine qui le lui rendit. Après cela, au moment de quitter ses appartements, Alicent se retourna vers elle et lui indiqua :
- Il te faudra éviter les couleurs noires et rouges désormais.
Elle avoua cela sans attendre de réponse et avec une fausse joie sur son visage. Comme s'il ne s'agissait que d'une préférence vestimentaire. Mais si l'assemblement de lettres formait des noms qui dominaient ce monde et d'autres qui ne faisaient qu'être soumis. Les couleurs avaient en tout point leur politisation. Son camp ne serait jamais l'essor d'une réflexion poussé, elle n'avait pas le droit au choix.
Lorsque la reine quitta l'espace, Lyssa s'allongea dans son lit, les yeux rivés sur un plafond uni.
Les temps devenaient troubles dans le royaume, le roi se fatiguait et n'opérait son pouvoir que dans le cadre de son lit ou par le biais de sa main, Otto Hightower, qui siégeait le trône de fer. Le gardant pour le successeur de Viserys. Les murmures recommençaient, cette fois-ci comme de véritables paroles, qui d'Aegon ou Rhaenyra se verra la continuité de la dynastie Targaryen ?
Lyssa n'y avait jamais songé, elle ne serait jamais au cœur de cette guerre. A présent, il n'était plus temps de penser semblait lui annoncer son mariage approchant et sa nouvelle mère. Elle devrait soutenir les droits d'Aegon à régner. Pourtant, ce fut à cet instant que Lyssa s'autorisa la réflexion.
Cette protection que lui offrait les verts était factice. Cette mère qui n'avait jamais pu protéger sa propre fille des marques qu'Aegon avait diablement laissé sur elle. De la rougeur de ses yeux, du bleu de son cou, de ses poignets. Elle ne la protégerait pas non plus.
Lyssa était seule, et ce depuis plus de neuf ans. Et maintenant qu'on la propulsait dans cette guerre, lui donnant armes et manœuvres d'agir, elle ne servirait aucun camp si ce n'est le sien. Une haine d'accomplir sa propre justice brûlait en elle et le Targaryen siérait bien le dragon qu'elle se voulait devenir.
•
bonjour ! je vous poste finalement le premier chapitre de cette histoire hotd, il est bien plus court que ce que j'ai l'habitude de faire mais cela me permettra d'être plus régulière tout en jonglant avec mes cours !
j'espère qu'il vous a plu, qu'en avez-vous pensé ? Bien qu'Aemond n'apparaisse pas dans ce chapitre, que pensez-vous des personnages de Lyssa, Larys et Alicent ?
merci d'avoir lu, à la prochaine !
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