chapitre six, women's burden
this is not your destruction
this is your birth
Dix-huitième jour de la deuxième lune de l'an 129
LYSSA ÉTAIT ASSSISE, les couvertures couvraient sa nudité alors qu'elle observait Aemond se relever. Elle fixait le vide. Lyssa avait passé une bonne partie de sa vie à craindre et attendre le jour de son mariage. La jeune Strong avait lu et lu à propos de la douleur, de la terreur de ce moment.
Elle avait senti une légère douleur, et très vite, Aemond était descendu d'elle la nuit dernière. Depuis, elle fixait le vide, se demandant si toute sa vie n'avait vraiment que pour but d'arriver à ça. C'était cet instant, cette bribe de minutes qui devait faire d'elle une femme entière. Qui devait faire que tout prenne sens, et pourtant, rien ne le faisait, au contraire.
À mesure que Lyssa essayait de comprendre, la colère l'éprenait de plus en plus. Tout ça pour ça.
Après qu'Aemond soit parti, sans qu'elle ne l'ait réellement remarqué, Lyssa repoussa ses couvertures. Elle se leva, et plantée devant le miroir, elle se questionna d'autant plus.
C'était ça qui faisait d'elle une femme. Cet acte, cette légère douleur, cette pénétration et de ça, elle était soumise. Son corps lui semblait le même, autant que l'était son esprit. Et sa rage.
Car Lyssa n'arrivait pas à comprendre.
Doucement, elle se laissa glisser sur le sol. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas et elle voulait qu'on lui explique. Lyssa ne comprenait pas ce qui lui arrivait, son corps se secoua de longs sanglots. Elle voulait qu'on lui réponde.
Innocemment, les yeux fixés vers le ciel, elle se demanda si les dieux pouvaient la voir. Larmoyante, lancinante de haine et de doute. Était-elle faite femme par la douleur ? Était-ce la seule chose qui devait faire sens en elle ?
Était-ce la seule chose qu'elle devait rechercher ? Étaient-elles punies par la malice divine ? Était-ce un jeu dont nul n'avait les règles ?
Elle se mentait à elle-même, ce n'était pas une légère douleur. Elle était lancinante et constante, et elle ne voulait pas accepter qu'elle soit innée. Elle regardait son corps nu sur le sol froid et se demandait vainement si les dieux les avaient faites pour endurer la douleur de tous. Cela ne pouvait pas être.
Et pourtant, Lyssa ne ressentait que cela, cette étrange pointe lancinante, cette constance de savoir que ce monde n'avait pas été modelé pour elle.
Aemond était monté sur elle puis descendu, sa vie avait continué et n'avait pas pris sens à cet instant. Pourtant, Lyssa ressentait le poids du monde et savait que sa propre vie aurait dû prendre sens à ce moment.
Elle était femme, enfin, elle était femme de quelqu'un. Ce pourquoi elle était née.
La jeune Strong retint un hoquet de terreur et de dégout car rien n'avait pris sens pour elle et tout semblait avoir pris feu.
Elle se sentait mal, terriblement mal.
Lyssa ne perçut pas le bruit de pas s'approchant des appartements du prince, ni celui de la porte s'ouvrant. Elle ne remarqua la présence d'Alicent que lorsque celle-ci fut face à elle. La jeune mariée releva les yeux vers elle, son visage baigné de larmes, elle ne la distinguait pas clairement. Comme cela, Alicent était une grande silhouette maternelle et pour un instant, peut être que Lyssa pouvait l'imaginer être sa mère. Qu'un instant, seulement, elle soit là à nouveau.
- Je-, Lyssa tenta de parler mais les mots ne venaient pas et seules les larmes le firent.
Mécaniquement, Alicent se saisit de la couverture et la plaça sur son corps nu, démuni, tremblant. Lyssa ne savait quoi faire mais elle espérait que la reine le sache, qu'elle sache ce qu'elle devait faire pour trouver la douleur et la détruire, pour arrêter de brûler sans arrêt sans jamais réellement mourir.
Alicent plongea à ses côtés, ses bras l'enveloppèrent doucement et la bercèrent. Lyssa n'avait pas eu à parler, Alicent savait.
- J'ai mal..., réussit-elle à dire après un temps, je-
La main de la jeune Strong reposait sur le creux de sa poitrine, elle appuyait essayant d'en faire sortir la tragédie de son genre, la tragédie de leur monde injuste.
- Je sais, je sais, répondit la reine doucement, comme un secret.
Car même dans le plus grand de leur tourment, elles ne pouvaient être trop bruyantes, ou le monde allait les remarquer. Le son de leur sanglot pourrait bien secouer l'équilibre. La conscience de leur douleur était trop dangereuse.
Car si elles savaient, ne pourraient-elles pas lutter ?
Elle ne sut combien de temps la reine et elle restèrent comme cela, assez pour que ses larmes sèches, mais non pour que la douleur disparaisse. Alicent se redressa et porta son regard sur la créature face à elle. Comme cela, Lyssa semblait inoffensive, et traquée. Elle regardait la reine, les yeux grands ouverts, en alerte d'une traque qu'elle n'avait jusque-là pas remarquer subir.
- Lyssa, finit-elle par prononcer après un moment, son pouce caressant doucement son épaule à travers la couverture, je ne peux pas te mentir plus. Je ne pourrais pas te protéger...Pas même d'Aemond...
La tragédie de la reine brûlait sa peau là où sa main reposait, était-elle destinée à cela ? Craindre et haïr le mal que sa propre chair pourrait produire sur d'autres femmes. Contraindre à aimer et détester. Contrainte, par tous, même ses propres fils.
- Mais, un jour, Alicent planta ses yeux dans les siens, tu t'y habitueras. Un jour, ça sera plus simple.
Lyssa voulait la haïr, de tout son cœur, elle n'avait jamais souhaité se détacher de la sympathie à ce point et pourtant, elle n'avait jamais senti la douleur d'une autre la déchirer comme cela.
Elle se contenta d'hocher la tête.
Alors qu'Alicent s'apprêtait à la laisser, Lyssa ajouta simplement :
- Et, est-ce qu'un jour, on accepte ?
La question n'avait pas d'intérêt pour elle. Lyssa n'avait pas l'intention d'accepter sa position, et même si la pression des dieux et du monde brisait son dos, elle croulerait jusqu'à son but. Jusqu'à une place là où les femmes n'en avaient aucune.
- Il le faut, Lyssa. Si..., Alicent fit une pause, sinon, rien n'a de sens.
Alicent s'était permis d'avouer. D'avouer sa douleur un instant, d'avouer l'injuste, d'avouer ce qu'elle reproduisait sur elle et Helaena. Puis, elle partit, le refrénant d'autant plus.
Sinon, rien n'a de sens, se répétait-elle toute la journée. Un sens, elle devait trouver un sens à tout cela. Trouver un sens à la douleur, trouver un sens à la terreur, à la soumission. Ou sinon, Lyssa deviendrait sûrement folle.
Mais Lyssa savait et Alicent tout autant, au fond d'elle, enfouie sous sa religiosité. Rien n'avait de sens puisque rien n'était innée. Rien n'était juste ou justifiable et alors, tout était renversable.
Plus tard dans la journée, Lyssa se préparait à rejoindre ses draps, troquant sa robe de chambre pour une autre puisqu'elle avait passé toutes ces heures dans ses appartements. Elle ne se tourna pas à l'entente de la porte ni des pas de son mari. Ce fut au contraire lorsqu'elle ne perçut rien d'autre qu'elle s'interrogea.
Aucun bruissement de tissu pour se changer, aucune parole. Il était juste entré et se tenait là.
Alors, la jeune Strong porta son regard sur lui, lui le faisant déjà. Aemond la regardait, comme blessé, comme s'il avait fait quelque chose de mal.
- Un problème, Aemond ? demanda-t-elle après un moment.
Il déglutit, visiblement mal à l'aise. Lyssa ne mit pas longtemps à comprendre qu'Alicent avait touché deux mots à son fils à propos de son état de ce matin. Elle ne lui en tenait pas rigueur, c'était d'une bonne intention que cela avait été fait.
- Je vais bien.
Aussi bien qu'elle le pouvait, se dit-elle sans chercher à croiser le regard de son mari. Lyssa se hissa difficilement dans le lit qui n'avait définitivement pas été fait pour elle.
- Ce serait sûrement mieux que tu retournes dans tes anciens appartements.
Les mots d'Aemond était doux. Ils devaient l'être du moins, à ses yeux. Il ne souhaitait plus la blesser qu'il ne pensât l'avoir fait. Et dans son esprit, les mots de Lyssa avant leur union retentissaient : Croyez-vous que je veuille me marier ? M'allonger chaque soir que vous le voudrez et attendre que vous vous vidiez en moi et voir ma fille, si le malheur m'en donne une, subir le même destin, sans pouvoir rien y faire.
Aemond ne se considérait pas comme un homme bon, mais du moins, il se considérait juste. Et cette douleur que lui avait décrite sa mère, il ne la trouvait pas juste. Cette douleur était hideuse et il l'avait perpétué.
Mais à présent, le sang de Lyssa filait brûlant dans ses veines, dont l'une apparaissait dans son cou. La colère, voilà une visqueuse sensation. La colère face aux privilèges. Car la simple présence de Lyssa ici, dans ce lit, dans ces appartements. Ceux du prince et de sa femme. Cela la rendait différente. L'oreiller plus confortable, les servantes royales venant la préparer, la nourrir, la choyer presque. Les parures luxueuses.
Tout autour elle était destinée à rappeler qui dormait ici : les membres de la famille royal. Et elle en faisait partie.
Alors, Aemond ne pouvait pas comprendre. Lui ne voyait de mal que dans ces actions perpétuées la veille, dans la manière dont il l'avait forcé indirectement, pousser par ses devoirs. Et toutefois, le mal, lui et sa famille le perpétuaient en respirant le même air qu'eux, les laissant pourtant asphyxiés. Parures, tournois, guerres, fêtes, robes, culture, savoir, histoire, argent, liberté, excuses, impunité.
Ils avaient tout. Et Aemond tentait de la priver de la bribe qu'elle caressait du doigt, comme un rêve. Elle était de leur monde maintenant, et Lyssa Strong ne regarderait en arrière que lorsqu'elle aurait gravi plus encore.
- Non, fut au départ la seule chose qu'elle se permit d'avancer.
Le prince commença à rétorquer et elle répéta.
- Non, Aemond.
Il y avait même quelque chose de froid dans sa colère, elle brûlait et resta glaciale du même temps. Lyssa fixait le vide, et Aemond la fixait elle. Elle finit par s'exprimer :
- Tu n'as rien de mal, Aemond. Je t'assure, elle posa sa main à côté d'elle sur le lit, l'invitant à la rejoindre. Tu ne m'as pas fait mal, hier.
- Il doit bien avoir quelque chose alors, riposta le prince, d'un ton brusque.
Elle ne pouvait réellement dire s'il était inquiet ou simplement en colère de ne pas comprendre. Comment pouvait-Il ? Lui homme et prince, comprendre une bribe de sa douleur.
Elle essaya pourtant :
- Après avoir passé toute ma vie à tenter d'être quelqu'un, d'être quelque chose, je me retrouve ramener à la dure réalité, dans un soupir qui servait à retenir ses larmes de couler, je ne suis qu'une femme et je ne suis que ta femme. On se rappellera de moi comme cela. Et pourtant...
Lyssa se coupa, coupa ses propres désirs, ses révélations. Elle ne pouvait parler librement. Puisqu'autant qu'il était son mari, il était du sang du dragon.
- Pourtant, tu voudrais plus.
Aemond s'était installée près d'elle. Assis, hors des couvertures, toujours dans sa tenue de combat. Comme s'il était prêt à la guerre chaque matin. Comprenait-il même que la guerre avait commencé le jour où Aegon était né ?
Elle hocha la tête. Il pouvait comprendre cela, il était le second fils. Mais la tragédie et la damnation, la profonde et entière connaissance qu'elle n'était que ce que les dieux avaient fait d'elle. Les chaînes, il ne pouvait les entendre, les voir. Il les tenait pourtant, autour de sa gorge, autour de son ventre.
- Tu avais avancé, avant notre mariage, vouloir nous aider à faire les bons choix, est-ce toujours le cas ?
Elle hocha lentement la tête et confirma. Elle était de toute manière dans cette guerre, qu'elle le veuille réellement ou non.
- Alors, transformons cette alliance politique qui n'était aucunement de notre fait en une alliance plus personnelle, plus sûre. Une alliance entre toi et moi, Lyssa.
Il ne prononçait que rarement son prénom, mais lorsqu'il le faisait, Lyssa avait l'impression que les doubles consommes de son prénom était une formule sainte entre ses lèvres. C'était étrange.
- Qu'en dis-tu ?
Lyssa pinça ses lèvres, longuement jusqu'à se faire mal. Plus que mari et femme, ils seraient véritablement alliés. Mais alliés pour quoi ? Pour lui, tout était limpide. Lyssa plongeait quant à elle dans un gouffre de doutes. À quel point était-elle prête à les faire payer pour leur indifférence, leur impunité ?
Elle les détestait autant qu'elle voulait être eux.
- J'accepte, soyons alliés, Aemond.
Ils restèrent plongés dans le silence quelque instant.
Lyssa se laissait aller à ses pensées, à ses démons, toujours les mêmes.
Elle se demandait ce qu'Harwin avait pensé lorsque les flammes s'étaient répandues tout autour de lui, le revers de sa gloire, la rétribution du dragon mais n'était-ce un vague souvenir de la princesse à ses yeux ?
Avait-il songé que la bribe d'euphorie que provoquait la chaleur des dragons suffisait à faire oublier les brûlures ? Était-ce ce qu'Harwin s'était dit, sous les flammes, qu'avoir côtoyer les dieux valait la douleur de sa fin ?
La main d'Aemond vint attraper la sienne dans une douceur étrange. Les mains du prince étaient froides et les siennes brûlaient. Lyssa osa se demander si le feu pouvait le heurter.
- Je pense que je devrais, moi, retourner dans mes anciens appartements, murmura Aemond, comme s'il avait peur de la brusquer, ils ne sont que de l'autre côté du couloir. Tu pourras rester ici.
Lyssa fut touchée par l'attention qu'il lui portait. Comme cela, elle pourrait presque croire qu'il se souciait d'elle, en tant que personne. Mais elle n'était pas dupe. Sa seule valeur à ses yeux était la bague à son doigt. Lyssa ne lui en tenait pas rigueur, cela lui suffisait amplement.
- Pour les quelques prochaines nuits, ils seraient mieux que l'on reste ensemble, répondit-elle calmement, cela montrera l'idée d'un couple uni et épanoui devant le personnel de chambre qui parlera autour d'eux jusqu'à ce que tout le monde le pense également. Au contraire, un jeune couple qui ne partage pas leurs appartements durant les premiers jours est synonyme d'une négation de tes droits de mari et donc de procréation.
Elle soupira en s'installant confortablement dans son lit, prête à dormir.
- Je serais mal vue de tous et tu le seras également de ta mère.
Aemond hocha la tête, il se redressa pour se changer et revint rapidement dans le lit. Alors que la nuit les avait plongés dans un calme étrange, presque pesant. Aemond se saisit du bras de Lyssa pour la tourner vers lui, non violemment, non sans lui laisser l'opportunité de s'en défaire. Il murmura, l'obscurité les camouflant tous deux :
- Je ne te toucherais plus sans que tu ne le veuilles vraiment. Nous n'avons aucun besoin d'héritier pour le moment et je n'ai aucune volonté à te faire souffrir.
Lyssa sourit doucement. Les chaînes du mariage la paraient superbement. Elle était dans les appartements princiers, alliés à l'un des fils du roi, et le feu semblait contagieux, emplissant son corps, sans la brûler pour autant.
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comme promis j'ai pas mis un an à sortir la suite mais moins d'une semaine !!!! j'espère que le chapitre vous a plus et dites moi vos avis dans les commentaires !
a très vite pour le prochain chapitre !!
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