Chapitre 9-1
Le pub de cette station balnéaire unique en son genre était bondé et rempli d'Américains comme partout ailleurs sur l'île. À Los Cabos, tout le monde parlait anglais. Ni les serveurs ni les employés ne parlaient un seul mot d'espagnole. Une raison de plus d'en vouloir à Yeraz de m'avoir traîné ici. Nous avions atterri il y avait à peine une heure et nous étions déjà sur ce ponton, au bord de la plage. Nous n'avions même pas eu le temps de passer par la chambre d'hôtel. La voiture qui nous attendait en bas du jet privé nous avait directement emmenés à cette adresse.
Le soleil était au Zénith et tapait fort sur ma peau. Je sirotai mon cocktail, appuyée contre la barrière de la terrasse tandis que Yeraz discutait un peu plus loin avec Lucas, l'avocat des Mitaras Almawt que j'avais rencontré le premier jour chez Hamza. Les hommes de main, Miguel et Fares, faisaient aussi partie du voyage et ils ne me lâchaient pas d'une semelle, sauf quand je me rendais aux toilettes. Plantés à l'autre bout de la terrasse, ils surveillaient les environs en revenant toujours sur moi. Je me demandai combien ils étaient payés pour assurer ma sécurité et celle de leur boss, à l'occasion. Soudain, je vis Yeraz, lunettes de soleil sur le visage, s'approcher de moi, accompagné d'un homme de haute taille, à la carrure imposante et aux traits sévères.
— Voici mon assistante, miss Jimenez. Ronney, je te présente monsieur Al Jasser.
Yeraz ne s'attarda pas sur les présentations. Il omit de dévoiler l'activité de cette personne d'une cinquantaine d'années qui ressemblait à un émir arabe. À ces côtés, un homme plus frêle au visage impassible tenait des portes-documents. Lui ne me fut pas présenté. J'imaginais que son rôle devait se tenir à porter des dossiers toute la journée, dans le silence absolu. Derrière l'émir, deux armures à glace en chemise à fleurs qui assuraient sa sécurité hochèrent la tête. Ils n'avaient pas la mine de touristes ni de pêcheurs du coin. En réalité, aucun des quatre personnages n'avait la tête de l'emploi.
La poignée de main ferme de monsieur Al Jasser se prolongea. Son regard sombre m'étudiait jusqu'à ce que je retire ma main.
— Monsieur Khan se passe toujours d'assistants lors de ses voyages d'affaires. Vous devez sûrement être indispensable pour qu'il vous emmène dans ce voyage.
Avec un sourire, je m'efforçai d'avoir l'air heureuse de me trouver ici. Yeraz s'avança entre nous pour couper tout début de conversation.
— Miss Jimenez, pouvez-vous nous apporter de quoi boire et nous laisser ensuite ? Monsieur Al Jasser et moi devons nous entretenir un petit moment.
Je pris une grande inspiration et continuais d'afficher un sourire professionnel. J'avertis Yeraz du regard, mais j'ignorais s'il se sentait concerné par cette menace implicite derrière ses lunettes.
Lucas m'avait rejoint au fond du pub où je commençai à déprimer à force d'écouter les histoires de ces milliardaires tout autour de moi.
— Ils en sont où ? lui demandai-je.
Il prit ma question en riant.
— Les affaires peuvent durer un moment. Je vous assure, vous êtes mieux ici que là-bas à écouter leur conversation.
Dans l'encart des fenêtres ouvertes sur la terrasse, je voyais Yeraz en pleine discussion. Pouvait-il me voir d'ici ? Je tournai ma tête vers Lucas, mais le regardais d'un air absent.
— Je vous trouve beaucoup mieux sans vos lunettes.
Un petit sourire timide se dessina au coin de mes lèvres. Je rougis légèrement.
— Moi aussi, je me trouve mieux comme ça.
— Pas trop dur de quitter Sheryl Valley ?
— Je pense que ça l'a été plus pour ma mère que pour moi. Elle a passé cette dernière semaine à prendre de mes nouvelles comme si je n'allais jamais revenir. C'est bien la première fois.
Nous rîmes ensemble. Lucas éprouvait de la compassion pour moi, il était assez prévenant et ça me faisait du bien.
— Combien de mois vous reste-t-il au service de Yeraz ?
— Beaucoup trop à mon goût, grognai-je à voix basse avant d'avaler une gorgée de ma Tequila Sunrise.
Lucas sortit son téléphone qui venait de biper.
— Merde, plus de batterie !
À cet instant, un flyer au bout de la table attira mon regard. Je le pris. Il s'agissait d'une excursion au rocher d'El Arco uniquement accessible en bateau.
— Ça a l'air sympa, déclarai-je en montrant le papier à Lucas.
— Nous partons après demain. Pas le temps pour les activités de l'île.
— Et quoi ? Nous allons rester comme ça pendant deux jours ? À boire dans des pubs et à se regarder dans le blanc des yeux en attendant que Yeraz et son émir finissent je ne sais quel transfert d'argent ou bien qu'ils se mettent d'accord sur les futures modalités d'un possible contrat ?
Je discernai une expression amusée sur le visage du jeune homme. Il haussa les épaules.
— Si c'est ce que souhaite le boss. Ça ne sert à rien d'aller contre sa volonté.
Désespérée, je pris mon visage entre mes mains. À l'autre bout du pub, Miguel et Fares étaient distraits par deux femmes qui dansaient langoureusement l'une contre l'autre sous les sifflets des hommes surexcités. Yeraz, lui, était absorbé dans sa discussion et ne prêtait pas attention à Lucas ni à moi.
— Je m'en vais !
— Quoi ? paniqua le jeune homme.
— Je pars faire ce tour de bateau avec du parachute ascensionnel.
Je me levai brusquement et me dépêchai de partir avant de me faire repérer par les gardes du corps de Yeraz ou bien que Lucas ait le temps de les interpeller.
— Ronney, s'il vous plaît, vous ne pouvez pas partir. Nous devons nous conformer au plan.
— C'est hors de question que j'apporte les boissons toute la journée ! Restez si vous voulez, vous ferez le serveur à ma place.
Lucas me suivait en me suppliant de revenir à la raison, mais c'était trop tard.
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