Chapitre 7-1

Je remontai l'allée du parc d'un pas lourd. Je n'avais quasiment pas fermé l'œil de la nuit. Une nuit atroce où Bryan avait une fois de plus transformé mes rêves en cauchemar. J'avais passé mon temps à me réveiller.

Je n'avais aucune envie de me retrouver ici, dans la résidence de Yeraz. Après qu'il m'est laissé sur le bord de la route, hier, j'étais restée un bon moment toute seule, dehors. Finalement, j'étais parti de la cousinade sans dire au revoir à personne. Depuis, ma mère me bombardait de message et d'appel afin de savoir si tout allait bien.

Le ciel était gris, mais la pluie avait cessé. Le soleil menaçait de percer les lourds nuages. Mon regard se posa sur le jardinier, un peu plus loin dans le parc. Il était tôt, le personnel arrivait de bonne heure et se mettait sans tarder au travail. L'homme poussait, le dos courbé, une brouette. Ses cheveux blancs flottaient dans l'air tout en se confondant avec son uniforme. Soudain, je le vis trébucher et tomber sur la pelouse. Sans réfléchir, je posai par terre ma pile de journaux que j'avais dans les mains et courus dans sa direction.

— Vous allez bien ?

L'homme d'un certain âge, au corps usé, se releva, catastrophé. Ses outils et des pots cassés de fleurs avaient atterri sur le sol, transformé en boue à cause de la pluie d'hier.

— Je vais enfin donner l'occasion à monsieur Khan de me virer.

La voix paniquée du vieillard m'obligea à le rassurer.

— Je pourrais lui dire que vous n'y êtes pour rien. J'étais là, j'ai tout vu.

— Il rêve de me voir partir à la retraite et je lui donne une bonne excuse avec mes bêtises.

Voir cet homme se tuer au travail sans visiblement aucune reconnaissance me fit de la peine.

— Pourquoi ne voulez-vous pas quitter ce travail ?

Je m'accroupis pour l'aider à ramasser les pots.

— Je suis dans la famille depuis tellement d'années. J'ai vu tous les enfants Khan grandir et Camilia se fait beaucoup de soucis pour son fils. Moi aussi.

Il leva ses yeux vitreux vers la demeure de Yeraz. Un voile de tristesse se déposa sur ses traits ridés. Malgré son âge, il avait encore de la force pour relever sa brouette. Il ramassa avec moi les morceaux cassés. Heureusement, certains pots étaient encore intacts.

— Vous êtes toute sale et vos chaussures aussi par ma faute.

Je claquai des mains pour chasser la boue collée sur ma peau.

— Ce n'est pas grave. Le principal est que nous avons réussi à tout remettre sur la brouette.

— Merci. Vous êtes une bonne personne.

Le jardinier me sourit chaleureusement puis repartit à ses tâches. J'avais fait ma bonne action de la journée pourtant, je n'arrivais pas à enlever cet homme de ma tête. Il avait l'air si fatigué, si vieux.

— Où étiez-vous passé ?

La voix angoissée et haut perchée de Timothy m'indiqua le degré de l'urgence. Je déposai sur la table du séjour tous les journaux de presse que j'avais pris ce matin à l'aube dans l'un des kiosques à côté de chez moi. Yeraz parcourait chaque article à la loupe.

— Mince ! Il y a de la boue sur les journaux. Yeraz va me tuer.

se tourna vers moi et mit ses mains sur ses joues en poussant un petit cri.

— Vous en êtes recouverte, Ronney. Vous ne pouvez pas passer le reste de votre journée comme ça. La réunion avec les collaborateurs à lieu dans moins d'une heure.

Mon assistant agita ses bras en l'air.

— OK, bon, j'appelle Ashley qui est en ville. Elle vous apportera de quoi vous changer.

Soudain, nous entendîmes une porte claquer. Timothy et moi nous précipitâmes à l'entrée. Une femme brune tout en jambe sortait du bureau de Yeraz. D'abord surprise de nous voir là, elle sourit en dévoilant une rangée de dents parfaitement blanche. Elle portait un tailleur bleu pâle et un chemisier mal reboutonné. Le crayon noir sous ses yeux coulait jusque sur ses joues. La femme s'arrêta devant moi et avec son index essuya le bord de sa bouche.

— Désolée, chérie, il ne reste plus rien.

Vu le regard qu'elle jeta sur mes vêtements, je compris à quel point je n'étais pas présentable. Elle m'adressa ensuite un petit clin d'œil complice avant de se précipiter à l'extérieur dans un grand envol. Je me retournai sans voix vers Timothy qui haussa les épaules et déclara avec un air inspiré :

— La comptable.

— C'était quoi, ça ?

— Vous vous habituerez. Les femmes, ici, aiment la compagnie de Yeraz.

— Mais, elle n'a même pas essayé de...oh mon Dieu, c'est dégoutant. On aurait cru une de ces prostituées camées à la fin d'une longue nuit de travail.

Timothy repartit au salon puis réapparut pour me charger les bras de la pile de journaux. J'étais toujours sous le choc.

— Allez donner ça au boss et priez pour qu'il ne vous jette pas dehors avec vos habits complètement tachés.

Je soupirai et regardai mon assistant comme si je portais tout le poids du monde sur les épaules. Timothy m'adressa un sourire pincé et me tapota l'épaule comme s'il n'allait plus me revoir. Je tournai les talons pour rejoindre le bureau de Yeraz.

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