Chapitre 3-1
J'étais heureuse d'arriver enfin à destination. Ce trajet au côté de Yeraz m'avait paru durer une éternité. La grande bâtisse ancienne au milieu de cette nature sauvage paraissait sortir tout droit d'un film romantique d'Hollywood. Les deux hommes en costumes noirs nous suivaient de près. Il n'y eut aucune présentation, mais je reconnus les deux colosses que j'avais vus en photo quelques minutes plus tôt dans la tablette d'Ashley. Miguel avait les yeux noirs, le visage étroit et allongé avec des arcades sourcilières proéminentes tandis que Fares, lui, était légèrement plus mince, le nez en bec d'aigle. Son visage carré recouvert d'une mince barbe renvoyait une certaine rudesse. Contrairement à Miguel, Fares avait les cheveux longs et attachés en arrière avec une queue de cheval.
Nous fûmes reçus tous les quatre par un jeune maître de maison à l'allure impeccable et doté d'un très bon sens de l'accueil. Son uniforme élégant, mais discret renvoyait l'image d'une propreté et d'une bonne tenue de ce lieu exceptionnel. Jamais de ma vie je n'avais vu autant de domesticité à l'intérieur d'une maison.
Yeraz semblait bien connaître cet endroit. Il venait d'enlever ses lunettes de soleil et suivait le jeune homme avec une démarche ordonnée et assurée sans même jeter un regard autour de lui. En haut de l'escalier, au premier étage, le maître d'hôtel se retourna vers nous pour vérifier si nous le suivions toujours avant de nous escorter à destination.
Les voix masculines cessèrent subitement quand nous rentrâmes dans le salon privé après que son majordome nous est annoncé. Mal à l'aise, j'aurais voulu qu'ils se volatilisent tous à cet instant précis. Le lieu pimpant, sans aucune fenêtre, était équipé de nombreux fauteuils placés devant un immense bureau. Derrière celui-ci, un homme en âge d'être à la retraite, trapu et à l'air antipathique, fumait son cigare sans détacher son regard sombre de nous. Ses cheveux de couleur poivre et sel plaquaient avec une raie sur le côté, lui donnaient un air sévère et froid.
— Bonjour Hamza. Voici mon assistante, Ronney Jimenez.
L'homme me salua d'un signe de tête, mais ne se leva pas pour nous accueillir. Sa main indiqua deux sièges libres à sa gauche, près de son bureau. Traverser la salle aux murs de couleur cinabre, sous le regard appuyé et hostile de ces hommes plus intimidant les uns que les autres relevait d'une véritable torture que je m'infligeais à moi-même. J'imaginais le choc que je devais produire sur ces gens avec ma tenue négligée, mes converses abîmés et mes cheveux affreusement coiffés.
Yeraz attendit que je sois bien installée dans mon fauteuil avant de s'asseoir à mes côtés. Au moins, il lui restait quelques bonnes manières. Hamza m'examina de la tête au pied avant de déclarer d'une voix sourde et rocailleuse :
— Nous avons un problème sur le complexe "les Baléares". La construction prend du retard. Nous avons énormément investi dans ce projet. J'ai envoyé Asad à Chicago afin qu'il...
Hamza s'arrêta subitement et tourna sa tête vers moi. Je levai mon stylo de mon bloc-notes en attendant la suite, mais le regard lourd et sévère de l'homme en face de moi me glaça le sang. Yeraz poursuivit :
— Les fruits et les légumes c'est meilleur quand c'est de saison, nous le savons tous.
— Je préfère ne pas les mélanger dans le même panier. Certains pourrissent trop vite.
Je compris que les deux hommes parlaient en langage codé, ainsi je ne pourrais rien transmettre à Camilia sur les affaires de son fils. Derrière nous, des hommes prirent le relais en continuant avec les produits frais du marché et de la ferme.
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