Chapitre 21-1
Des éclats de voix me parvinrent de loin puis le silence retomba. Des prières, des mots puis le silence. Des disputes, de la musique puis le silence. La sensation d'un souffle sur ma peau, d'un baiser sur mes lèvres, puis plus rien.
Quelques semaines plus tard
Bergamote examinait la cicatrice sur ma poitrine avec délicatesse.
— Ça va ? demanda-t-elle, inquiète.
Cet air ne disparaissait jamais de son visage depuis que j'avais quitté l'hôpital.
— Oui, mentis-je encore une fois.
— Tu devrais manger un peu, je t'ai préparé ton sandwich préféré.
Elle se leva et partit en direction du frigo. Mon regard se posa sur les murs de la cuisine. Alistair avait repeint toute la pièce ainsi que le reste de l'appartement. Il était en ce moment même en train de monter les nouveaux rideaux dans le salon. C'était comme ça depuis presque deux mois, depuis ma tentative d'assassinat, au club. Mon colocataire s'était plongé à corps perdu dans des travaux de rénovation pour oublier la douleur qu'il ressentait à l'idée de peut-être me perdre.
Le bruit de la perceuse troublait le lourd silence qui régnait dans la cuisine. Bergamote essayait de faire bonne figure, mais c'était dur aussi pour elle. Je savais que beaucoup de gens avaient traversé une période difficile pendant que j'étais plongée dans le coma.
— C'est l'anniversaire de Yeraz, aujourd'hui, murmurai-je comme si c'était interdit de prononcer son prénom.
Bergamote resta plantée devant la porte close du frigo, dos face à moi. Elle mit ses mains sur ses hanches et leva sa tête en direction du plafond quelques secondes.
— Je sais, Ronney. Malheureusement, cet homme a un jour de naissance.
Sa phrase me fit mal. Je baissai les yeux sur la table. Ma colocataire revint avec une assiette, mais je n'avais pas d'appétit. Je l'avais perdu le jour où j'avais rouvert les yeux dans ma chambre d'hôpital, plusieurs semaines après mon long sommeil.
Les paroles de mes parents résonnaient encore dans ma tête. Ils avaient tout découvert sur Yeraz. Leur jugement à son encontre avait été sans appel. Si tu étais morte, je l'aurais tué de mes propres mains, avait hurlé mon père, fou de rage.
— Tout le monde le déteste.
L'émotion criante dans ma voix obligea Bergamote à s'adoucir un peu.
— Il n'est pas bon pour toi.
— Je ne peux pas le laisser.
Je relevai mes yeux sur mon amie qui cherchait ses mots.
— Pendant près de six semaines, lorsque tu étais dans le coma, il a mené la vie dure à tes parents. C'est lui qui instaurait les heures de visite, qui acceptait ou refusait les visiteurs. Les hommes de la sécurité fouillaient chaque membre de ta famille à l'entrée de l'hôpital. L'établissement était mieux gardé que la Maison-Blanche elle-même. C'était du délire.
— Il voulait juste me protéger. Je ne suis pas morte, mon assassin a raté son coup.
Bergamote ferma ses paupières comme pour se contenir avant de les rouvrir doucement.
— Non, Ronney. Si tu n'es pas morte, c'est que les médecins tenaient beaucoup trop à leur vie. Cette nuit-là, quand tu es arrivée dans leur service, ils avaient été clairs : ton état était trop grave, tu ne devais pas passer la nuit. Seulement, Yeraz n'était pas de cet avis. Ses hommes et lui ont surveillé les moindres faits et gestes des chirurgiens durant l'opération, sans les quitter une seule fois des yeux. Imagine !
Les paroles de Bergamote ne me surprirent pas. Je poussai mon assiette et détournai mon regard. Elle poursuivit :
— Ce terrible évènement a eu au moins le mérite de faire bouger les choses. Les autorités ont ouvert pour la première fois une enquête sur ces deux organisations criminelles. Ils ont arrêté quelques hommes choisis pour porter le chapeau, mais aucun chef mafieux. Les gros bonnets n'ont pas été inquiétés.
Bergamote marqua une pause avant de reprendre dans un soupir :
— Nino a été retrouvé mort au bord du lac, quelques jours après ta tentative d'assassinat, exécuté d'une balle dans la tête, à bout portant. Tout le monde connaît le nom de son meurtrier, toi aussi. L'histoire ne s'arrête jamais, pas à Sheryl Valley.
Le silence s'étira. J'évitai de croiser le regard de ma colocataire avant de finir par déclarer :
— Je dois lui dire au revoir, je suis désolée.
Lorsque je me levai de table, elle agrippa mon bras.
— Il ne t'a pas choisie, Ronney. Il a choisi les armes et une vie sans toi. C'est quel amour ça ?
— Je sais, murmurai-je.
Les larmes me montaient aux yeux. Je m'efforçai de sourire puis quittai la pièce pour rejoindre Alistair au salon.
— Je vais à l'anniversaire. Veux-tu que je te ramène quelque chose en rentrant ?
En haut de son escabeau, Alistair ne répondit pas. Il faisait mine d'être absorbé par les travaux qu'il était en train de réaliser.
— J'aurai besoin de toi et de Bergamote, tout à l'heure, quand tout sera fini. Ne m'en voulez pas.
Mon colocataire arrêta ce qu'il était en train de faire et descendit de l'escabeau.
— Je veux bien une part de gâteau à la fraise, s'il y en a.
Soulagée, je laissai échapper l'air que je retenais depuis longtemps dans mes poumons. Nous échangeâmes un long regard puis sans crier gare, Alistair se précipita sur moi pour me serrer dans ses bras. Je posai mes mains sur son dos et fermai les yeux, reconnaissante.
— Si mes parents passent...
— Nous leur dirons que tu es partie te promener. Ne t'inquiète pas.
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