Chapitre 14-3

Peter attachait méticuleusement mes escarpins pendant que j'essayai tant bien que mal de tenir debout.

— Pourquoi vous acharnez-vous à vouloir m'apprendre à marcher avec ces chaussures ? Cela fait deux mois que vous perdez votre temps avec moi.

Peter se redressa et me parcourut d'un regard bref. Il esquissa un geste évasif avant de répondre d'une voix monocorde :

— Comme si j'avais le choix !

Je me pinçai les lèvres, ennuyée. Le pauvre homme était obligé de supporter ces séances avec autant de joie que moi. Nous étions à moins de deux semaines de Thanksgiving, lui comme moi avions d'autres choses de plus urgentes à faire. Malheureusement, les filles Khan s'obstinaient à croire que je pourrais, un jour, marcher sur ces échasses.

— Dépêchons-nous avant que monsieur Khan ne nous surprenne, déclara Peter.

Il attrapa mes mains pour m'aider à avancer au milieu de la pièce. J'avais l'impression que mes jambes allaient céder sous mon poids tellement qu'elles étaient arquées. Peter s'éclaircit la gorge.

— Notre seigneur est d'une humeur exécrable depuis ce matin. Je ne l'ai encore jamais vu aussi...

Peter cherchait le mot pour définir le comportement de Yeraz.

— Détestable ? finis-je par lâcher.

— C'est vous qui l'avez dit. Moi, je n'aurais jamais osé.

J'esquissai un petit sourire face à Peter qui dissimula difficilement le sien. Il me lâcha les mains et s'écarta de moi pour m'observer.

L'assistant de Camilia connaissait Yeraz depuis toujours, il pourrait sûrement répondre à mes questions. J'avais passé tout mon dimanche à me refaire le film de notre soirée de samedi sans toujours rien comprendre à son brusque changement de comportement. Je rassemblai mon courage et demandai d'une voix faussement détachée :

— Yeraz a-t-il déjà eu une liaison ou une relation à long terme avec une femme ?

D'un haussement de sourcil, Peter m'invita à poursuivre. Je bafouillai :

— Peut-être qu'il ne serait pas aussi...si...

— Non ! trancha Peter. Monsieur Khan est un homme à femmes, mais aucune d'entre elles n'a conquis son cœur. C'est un célibataire endurci qui refusera toute relation sérieuse au cours de sa vie.

Il marqua une pause avant d'ajouter d'un air navré :

— Loin de moi l'envie de vous blesser, mais monsieur Khan aime les belles femmes. Je pense que vous pouvez essayer d'être une bonne amie.

— Oui, une bonne amie

Mes paroles n'étaient qu'un léger murmure. Il émanait de moi une impression de désespoir absolu. Peter, abasourdi, arrêta brusquement d'incliner sa tête d'un sens puis de l'autre et se figea.

— Non, Ronney ! Vous ne pouvez pas, vous ne devez pas tomber amoureuse de cet homme. Il vous détruira.

— Il m'a détruite le jour où il a posé les yeux sur moi.

Le souffle de mes mots resta suspendu dans l'air. Pour la première fois, je lus dans ses petits yeux marron de la compassion à mon égard mélangé à une terrible tristesse.

— Camilia ne doit rien savoir au sujet de vos sentiments ni monsieur Khan. Il vous reste deux mois. Ne gâchez pas tout, surtout pour lui. Yeraz ne connaît que la violence, le goût du sang, les ténèbres. Il tutoie la mort et le Diable, mais il est effrayé à l'idée d'aimer une femme. Ça le rendrait vulnérable et dans ce milieu, ça ne pardonne pas.

Je lui décrochai un sourire suffisant pour cacher mon désespoir. Peter étouffa un soupir avant de secouer la tête :

— Bon, nous avons encore pas mal de boulot ! Vous allez suivre la ligne droite jusqu'à la fenêtre. Tâchez de ne pas vous écrouler, car je vous assure, Ronney, ce sera encore pire après. Je ne plaisante pas.

J'acquiesçai, puis me retournai en levant ma tête bien droite comme Peter me l'avait appris.

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