Chapitre 13-6
Le son de l'accordéon de la chanson Milord nous parvenait jusqu'ici. Je posai mes mains sur mes hanches et me mis à bouger légèrement mon bassin, de gauche à droite, au rythme de la chanson dont les longues notes tenues et la mélodie se répétaient joyeusement lors du refrain. Yeraz me contemplait et je sentis la pression de ces derniers jours s'échapper petit à petit de lui. Son expression s'était radoucie. Puis, le rythme de la chanson ralentit. L'accordéon laissa place aux notes soutenues et tristes du piano. Je connaissais les paroles par cœur. Les mains toujours posées sur les hanches, je fronçai les sourcils et pointai mon menton vers Yeraz qui, suspicieux, me regardait en biais. Je me mis alors à chanter sur le dernier couplet :
— Mais vous pleurez, Milord ? Ça, j'laurais jamais cru...et ben, voyons, Milord ! Souriez-moi, Milord !
Yeraz, amusé, secoua la tête puis esquissa un petit sourire au coin des lèvres.
— Mieux qu'ça ! Un p'tit effort !
Cette fois, son sourire s'élargit. Il passa une main sur son visage comme s'il se retenait de prendre un instant pour respirer, pour oublier ses idées noires.
— Voilà, c'est ça ! Allez, riez, Milord ! Allez, chanter, Milord !
Yeraz se redressa et s'approcha de moi. Ses yeux brillaient. Ça y est, tous ses démons s'éloignaient.
— Pa lalalalalala...
Il rapprocha son visage jusqu'à coller doucement son front contre le mien. Lorsque sa main se posa en bas de mon dos pour venir me plaquer contre son corps parfaitement bâti, mon estomac se noua. J'arrêtai de chanter et me laissai entraîner par les mouvements de ses hanches qui suivaient le rythme maintenant relevé de la musique. La voix se mit à chanter de plus en plus fort, de plus en plus vite. Nous étions tellement proches que je sentais ses muscles massifs à travers nos vêtements. Je me laissais emportée dans cette valse folle et tournoyante conduite par Yeraz.
Essoufflée, j'essayai de reprendre ma respiration entre deux éclats de rire.
— Ronney !
Avec sa vivacité primesautière, Bergamote accourrait vers nous :
— Ça commence ! Daphné est là !
Arrivée près de nous, elle salua Yeraz d'un signe de tête. Je sentais qu'elle avait mille et une questions à lui poser, mais ça attendrait, car notre Daphné nationale commençait son cours de danse. Yeraz la salua d'un timide bonjour. Je l'agrippai par le bras pour l'entraîner de l'autre côté de la terrasse.
Alistair l'accueillit l'air renfrogné en reniflant. Yeraz lui tendit la main et après une courte hésitation, mon ami la prit. Cet échange bref chargea l'atmosphère d'électricité. Pour la première fois, je voyais la confiance de Yeraz réduite en miettes. Alistair semblait le mettre en garde avec son regard d'un bleu glaciale.
— Un verre de vin, monsieur Khan ? intervint Bergamote, les yeux papillonnants.
Elle semblait à cet instant être redevenue une adolescente, happée par le charisme de cet homme. Yeraz refusa avec courtoisie. Alistair demeura un instant sur la défensive, puis son visage s'éclaira :
— Regardez ! Les filles commencent leur cours.
Yeraz se plaça derrière moi. Ses bras me ramenèrent contre lui. Il me demanda d'une voix douce, à mon oreille :
— Alors c'est là que vous passez vos samedis soir, miss Jimenez ?
Je hochai la tête. J'étais là où je voulais être, lovée dans ses bras, lui qui m'avait tant manqué. L'instant était magique.
La troupe, aux lignes esthétiques, s'éparpillait dans des mouvements aussi gracieux que fracassants. Les danseuses nous donnaient un spectacle magnifique. Soudain, Daphné apparut sur la piste telle une impératrice.
— C'est elle, chuchotai-je à Yeraz. C'est Daphné.
— Tu l'as déjà rencontré ?
— Non, jamais.
— Alors comment sais-tu qu'elle s'appelle Daphné ?
Je laissai échapper un petit rire.
— Nous ne connaissons pas son prénom, mais Daphné, ça lui va bien.
Je sentis le corps de Yeraz se crisper. Il se retenait de rire, lui aussi.
— OK, je l'avoue, votre Daphné se débrouille plutôt bien.
Les danseuses semblaient flottées dans les airs. Sous un ciel étoilé et sans nuages, Sheryl Valley dansait.
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