Chapitre 10-7

— Ferme la porte ! m'intima Yeraz.

À l'autre bout de la pièce, je vis ses yeux luisants et perçants se plisser. Déjà passablement ébranlée par notre altercation dans le séjour quelques minutes plus tôt, je n'avais pas le courage de me battre contre lui maintenant.

— Pourquoi veux-tu partir ?

— Pourquoi veux-tu que je reste ?

Il m'examina attentivement d'un regard indéchiffrable avant de laisser échapper un soupir d'exaspération.

— Je ne sais pas, Ronney. Je ne sais pas, putain !

Quand il détourna enfin son regard de moi, ce fut comme si on enlevait un énorme poids de sur mon ventre.

— Tu n'as pas besoin de moi pour foutre ta vie en l'air.

Ma voix éraillée trahissait ma nervosité, ma peur de le laisser à son sort. Yeraz, contrarié par mes paroles, passa ses mains sur son crâne.

— Écoute, repris-je d'une voix douce pour éviter de le contrarier davantage. J'ai besoin de prendre un peu de distances avec ce boulot et avec toi. Tu ne comprends pas, ma vie était si simple avant de te rencontrer. Dans quelques mois tu seras à la tête de la Mitaras Almawt et je ne cautionnerais jamais ton choix.

Yeraz me considérait pensivement.

— Tu te donnes du mal depuis le début pour que je démissionne. Tu t'acharnes contre moi afin que je laisse tomber ce job. Félicitation, je suis à deux doigts de tout plaquer. Alors, pourquoi ai-je l'impression que tu refuses maintenant de me laisser partir ?

Son regard descendit nonchalamment de la racine de mes cheveux à mes converses rouges. Il secoua la tête puis l'ombre d'un sourire effleura ses traits.

— J'aime ton côté simple, sans chichi, avoua-t-il à voix basse. Avec toi, j'ai l'impression d'être quelqu'un de meilleur.

Il traversa la pièce pour venir se poster devant moi.

— Tu dois comprendre, Ronney. Il n'y a rien sur cette terre qui me fera changer mon destin. Nous sommes là où nous devons être. Il n'y a pas de bon ou de mauvais chemin. Personne ne se lève le matin en réfléchissant à comment foirer sa vie. Je fais des erreurs comme tout le monde et j'apprends de mes erreurs, mais jusqu'ici, personne n'a réussi à me prouver que mon chemin n'était pas le bon.

C'était sa façon à lui de me dire combien nos mondes étaient différents. J'étais incapable de cohabiter avec la mort donc incapable de rester auprès de lui plus longtemps. Ses doigts frôlèrent mon visage et un courant électrique me traversa. Je sentis mon corps se plaquer contre la porte. Ne voulant pas revivre la scène du bateau, je me dégageai avant que les choses ne dérapent.

— Je dois y aller, soufflai-je.

Yeraz ne répondit pas. J'agrippai la poignée de la porte en évitant de le regarder puis m'enfuis avant qu'il puisse me retenir avec des ordres.

Je passai ma tête dans la cuisine, seul Timothy était présent. En me voyant, il tourna brusquement la tête, faisant mine de contempler d'un air inspiré l'électroménager de la cuisine. Il se doutait de quelque chose, c'était sûr.

— Où est Ashley ?

Mon assistant se racla la gorge, mal à l'aise avant de répondre :

— Partie chercher les journaux.

— OK, faites-moi parvenir l'agenda de monsieur Khan sur ma boite mail, s'il vous plaît. Je réserverais les suites et les restaurants s'il y a des déplacements de prévus. Il faut aussi s'occuper du recrutement des nouveaux gardes du corps. Envoyez-moi les CV, je ferais un premier tri.

Je cherchai quelles autres informations je pouvais lui donner avant mon départ.

— Ronney, ça va aller. Je vous assure.

Timothy m'adressa un sourire et je relâchai la pression qui pesait sur mes épaules.

— Je sais, mais Yeraz est un hyperactif avec une idée à la minute. Il déplace ses rendez-vous en permanence.

— Nous allons gérer. C'est juste l'histoire d'une semaine après tout.

— Merci, prononçai-je avec sincérité.

En franchissant le portail de la résidence, je ressentis un inexplicable soulagement. Avant de rentrer chez moi, je décidais d'aller marcher un peu en ville et de m'arrêter prendre un café dans le centre. Il fallait absolument que j'oublie le regard magnétisant, pénétrant de Yeraz.

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