Chapitre 1-4
— Qui êtes-vous, miss Jimenez ?
Avait-elle deviné la véritable raison de ma présence ici ? Son ton glacial et suspicieux m'arracha un frisson. Je fermai un instant les yeux et attendis que les battements de mon cœur ralentissent. Je les rouvris au bout de quelques secondes et pris une profonde inspiration :
— Qui suis-je ? Euh, une jeune femme normale ou presque. Enfin, je crois.
Je me raclai la gorge et repris en essayant de regarder le plus possible mon interlocutrice qui me fixait toujours avec son regard perçant.
— J'ai eu vingt-cinq ans hier. Pour tout vous dire, je ne connais rien au métier d'assistante.
Mes paroles lui firent soulever un sourcil.
— Comment ça ? Pourquoi voulez-vous ce poste alors ? Vous comprenez que je ne peux pas laisser n'importe qui entrer chez moi. C'est un poste avec énormément de responsabilités.
— Oui, bien sûr, je comprends. Je pense que c'était une erreur de me présenter ici, aujourd'hui.
Madame khan sembla décontenancée par mon attitude. Ses doigts se mirent à monter et à descendre nerveusement le long de son cou. La femme d'affaires se leva brutalement de son fauteuil et fixait le plafond pour se ressaisir. Il n'y avait rien pour troubler le silence autour de nous. De mon côté, j'essayais tant bien que mal de maîtriser les tremblements de ma jambe. À cet instant, j'étais persuadée qu'elle allait me demander de partir. La matriarche fit le tour de son bureau.
— Que faites-vous dans la vie, Ronney ?
Ronney ? Elle m'appelait soudain par mon prénom. Était-ce une stratégie pour me tirer les verres du nez ? Jusqu'ici personne ne s'était encore intéressé à ma vie, à part peut-être Caleb et encore, je n'en étais pas vraiment sûre.
— Le week-end je suis doubleuse de voix.
— Ça consiste en quoi ?
— Je transforme ou plutôt je prête ma voix aux personnages d'animation. C'est principalement des dessins animés.
Madame Khan parut à la fois surprise et soulagée d'avoir finalement quelqu'un de normal en face d'elle.
— Vous aimez ?
Drôle de question. Ce que j'aimais avait-il de l'importance ? Je balayais la pièce du regard avant de répondre timidement :
— Oui, ça me permet de m'échapper de mon quotidien. C'est ce que je sais faire de mieux.
Madame Khan hocha lentement la tête. Elle venait de perdre un peu de raideur qu'elle avait jusqu'à présent. Je ne voyais pas une Ogresse devant moi, bien au contraire. Non, il y avait en cette femme de l'humanité, chose très rare que peu de gens possédaient ici-bas.
— Et la semaine ?
— J'aide mes parents au restaurant qui se trouve dans le Bakery District.
Madame Khan hocha de nouveau la tête avec un air désolé. Elle connaissait la mauvaise réputation de ce quartier pauvre et dangereux.
— Vous avez fait des études ?
— Non.
De nouveau, je me renfermai sur moi-même et baissai mon regard.
— J'ai arrêté le lycée dès ma première année.
— Ronney, je peux vous poser une question ?
Sérieusement ? Vous ne faites que ça depuis déjà plusieurs minutes ! Je relevai la tête avec difficulté.
— Êtes-vous célibataire ?
Surprise et gênée, je remontai mes lunettes et répondis à voix basse :
— Pour être honnête, je sors d'une relation compliquée. Il m'a quitté et...c'est tout.
— Oui, je comprends.
Non, vous ne comprenez pas ! Je voulais crier. L'homme que j'aimais m'avait quitté pour ma cousine, il y avait près d'un an déjà. Ils vivaient heureux tandis que moi, c'est à peine si j'arrivais à marcher tellement que la douleur était encore vive.
— Oui, vraiment, je comprends, insista cette dernière qui devinait mes pensées.
Je vis à mon tour, au plus profond d'elle, une tristesse absolue.
— Mon mari est mort il y a presque quatre ans maintenant et je n'ai toujours pas fait mon deuil.
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