Chapitre 1-2
Mes doigts s'arrêtèrent à quelques centimètres de l'interphone. Je me retournai vers le véhicule garé un peu plus loin, l'air inquiet. Mélissa, angoissée, me fit un petit signe de tête à travers la vitre tandis que Gabriella leva les yeux au ciel, exaspérée par mon attitude. Je déglutis.
— Allez, Ronney, murmurais-je à moi-même, juste un petit cou sur cette sonnette. Avec un peu de chance, personne ne répondra un dimanche.
Je comptai jusqu'à trois dans ma tête et enfonçai le bouton toujours le cœur battant. Les secondes semblaient durer une éternité dans le lourd silence qui s'était installé autour de moi. Les battements de mon cœur ralentirent au fur et à mesure que le temps passé, il n'y avait personne. Soulagée, je tournai les talons pour repartir lorsque soudain, une voix rude féminine se fit entendre dans l'interphone. Mon sang quitta mon visage et je me mis à bégayer :
— Ronney Jimenez, Madame.
— C'est pour quoi ?
Alarmée par la question, je cherchais désespérément de l'aide autour de moi. L'allée était vide et les villas très éloignées des unes et des autres. Impossible de repartir en courant dans le Van. Mes cousines et Louis me le reprocheraient pendant des mois, voir des années. Ce serait encore une occasion de plus pour se moquer de moi au sein de la famille. En plus d'être "Ronney la moche", je deviendrais "Ronney la trouillarde". Bon sang ! Je serrai ma mâchoire de toutes mes forces.
— Que voulez-vous ? s'agaça la voix à l'autre bout de l'appareil.
— Je viens pour le poste, répondis-je sans réfléchir en espérant que la bonne femme m'envoie balader.
— Quoi ? Un dimanche !
Je l'entendis soupirer derrière le gros boîtier en métal puis bougonner quelques paroles que je ne compris pas.
— Porte de droite, derrière le patio.
Avant que je ne puisse réponde quoi que ce soit, le portail s'ouvrit lentement, sans bruit. Paniquée, je me retournai vers le Van prête à m'enfuir. Les mains de Gabriella s'agitaient dans le vide pour me contraindre à rester où j'étais. C'est alors que Louis sortit de la voiture, le doigt pointer vers moi. Il parlait assez fort pour que je l'entende :
— Tu dois faire le gage jusqu'au bout ! Tu n'as le droit à aucun traitement de faveur, Ronney. Nous l'avons tous fait dans la famille.
— J'en ferais un autre, c'est promis. Laissez-moi revenir.
— Non ! Sois courageuse pour une fois.
Qu'est-ce qu'il connaissait du courage lui ? Furieuse et tourmentée, je n'avais pas d'autre choix que d'aller jusqu'au bout de ma mission pour que mes tortionnaires me laissent enfin tranquille avec cette stupide tradition du vingt-cinquième anniversaire. Je franchis le portail, la boule au ventre, priant pour que ce cauchemar se termine au plus vite.
Sous le soleil éclatant, l'allée de la villa était verdoyante et l'atmosphère y était paisible. Les pavés, abondamment fleuris, entourés l'immense demeure qui se dressait devant moi. Celle-ci, tout en pierre à l'allure ancienne était lové dans un drap de verdure et possédait des vignes grimpantes. Sur la gauche, beaucoup plus loin, je devinais une cuisine ouverte qui donnait sur le parc derrière la villa. J'aurais pu profiter de ce lieu au paysage éblouissant dans d'autres circonstances, mais pour l'heure je me battais à dénouer les nœuds dans mon ventre.
Je m'engouffrai dans une petite cour sur la droite et découvris le patio au charme méditerranéen traditionnel avec une fontaine centrale qui apportait beaucoup de fraicheur à cet endroit. Ce petit salon à ciel ouvert prenait les traits d'un salon, une pièce de réception estivale. Après avoir marché sans me presser, je m'arrêtai au milieu de ce lieu et me mis à regarder tout autour de moi, les yeux ébahis par cette architecture tout simplement sublime.
— Vous êtes la jeune femme pour le poste d'assistante ?
Surprise par le son de la voix qui venait de troubler le doux silence de la nature, je sursautais avant de me retourner vers celle-ci puis bafouillai :
— Oui, mais je peux repasser un autre jour si vous préférez.
Je remontai mes lunettes, puis tortillai mes doigts, mal à l'aise, devant cette gouvernante de petite taille. Ses cheveux blonds tirés en arrière dans un chignon impeccablement coiffé accentuaient son air strict sur son visage oblique. Je priais au fond de moi pour que cette femme me congédie le plus rapidement possible. Elle posa ses yeux sur mon baggy trop grand, puis sur mon tee-shirt informe avant de planter ses yeux clairs perçants dans les miens. Je vis alors dans son regard de la consternation face à mon apparence repoussante. Après une seconde de réflexion, elle hocha la tête avant de déclarer sur un ton sec :
— Autant en finir maintenant ! Je pense que l'entretien avec madame Khan ne sera pas long.
Elle pivota sur elle-même avant de me faire signe de la suivre. Maladroitement, je pressai le pas pour la rejoindre.
— Madame Khan ? Je vais réellement la rencontrer ?
La gouvernante s'arrêta dans le hall avant de se retourner vers moi, puis leva les yeux au ciel.
— Peter a vraiment le chic pour choisir les candidats. C'est logique que vous fassiez l'entretien avec elle vu que vous allez travailler POUR elle.
Puis de nouveau, elle m'examina de haut en bas avant de reprendre :
— Enfin, passer l'entretien ça sera déjà pas mal. Madame Khan a déjà vu des dizaines de candidats et sans vous offenser, vous n'avez pas le profil.
Un soupir de soulagement s'échappa de moi en entendant ces reproches à peine voilés. J'avais hâte de revenir à ma journée normale, dans un monde normal. Face à mon attitude un peu trop réjouie, la gouvernante me regardait maintenant avec un air suspicieux. Elle allait ajouter quelque chose quand une voix grave qui provenait du fond du couloir l'interrompit :
— Miss vous en êtes où ? Camilia s'impatiente.
— Nous arrivons, Pierre. Annoncez, s'il vous plaît, l'arrivée de Ronney Jimenez.
L'employé était parti avant même que j'eus le temps de l'apercevoir.
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