𝕔𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟙

• ❦︎ •
.
.
.


Minho regarda sa montre. Depuis qu'il s'était fait confisqué son portable, c'était l'unique objet qui lui donnait encore la force d'assister aux cours de Monsieur Kim. Et encore, quand la grande aiguilles voulait bien se donner la peine d'avancer... Ce jour là, comme souvent, elle prenait bien son temps, la sadique. Pas la moindre chance d'être sauvé par le gong : il faudrait résoudre ce problème de math quoi qu'il en coûte. Minho soupira sans s'en rendre compte.

- si ce que je raconte vous intéresse pas, monsieur Lee, vous pouvez sortir. Lui intima son professeur, le regard neutre.
- Si, si, je vous assure.

Encore un mensonge éhonté. Mais comment avouer à son prof que son cour était le plus mortel du monde, et qu'à cette heure-ci Minho aurait encore préféré courir un marathon en bikini sous les neiges finlandaises, une raquette à chaque pied, avec un bout de steak de phoque desséché pour unique déjeuner ? Mais il ne faut pas s'y méprendre, lorsqu'un professeur vous propose de sortir, c'est plus une boutade qu'une invitation.

Un coup d'œil à droite, un à gauche. Soulagement : Minho n'est pas un sociopathe, il n'est pas le seul à se sentir de trop dans cette classe de math. Jungkook est en train de dessiner, Yugyeom confectionne des avions en papier, et Baekhyun envoie des textos en douce. Le veinard.

Depuis que Minho est dans ce lycée, il comprend à quel point sa mère s'est trompée quand elle pensait qu'il allait pouvoir mieux se concentrer, et améliorer ses performances.

L'internat, soyons sérieux, ce n'est pas fait pour avoir de meilleurs résultats. L'internat, c'est pour pouvoir entretenir un bazar innommable dans son placard sans que sa mère le sache. À part ça, rien de vraiment exceptionnel. Pas d'interrogatoire le soir au repas pour savoir comment s'est passée l'interrogation de chimie, pas de pression pour vérifier si les devoirs du lendemain sont bien faits.

En somme, la vie y est plutôt tranquille. Enfin, tranquille.... C'est aussi une question de point de vue. Et de fréquentation. Si on lui avait posé la question, Minho aurait juré qu'il n'avait pas fait exprès de se lier d'amitié avec Felix, et c'était la vérité. Ce garçon lui était tombé dessus le soir de son entrée à l'internat, et ne l'avait plus lâché. Il était génial, Felix, et était l'une des personnes en qui il faisait le plus confiance.

Après trois ans de présence dans l'établissement... Dont deux redoublements, il ne s'était pas fait beaucoup d'amis parmi les professeurs, mais au moins, on le connaissait. Et cette petite réputation lui suffisait. " Il faut savoir se contenter de ce que l'on a " disait-il lui-même.

Pour résumer, après deux mois de présence de l'établissement, Minho n'avait pas progressé d'un iota, dans aucune matière. Mais il s'était fait des amis.

Après avoir résolu une improbable situation de robinets qui fuient dans la même baignoire à deux vitesses différentes -quel cerveau tordu peut bien concevoir de pareils problèmes ? Lorsqu'un cas comme celui-là se présente dans la vrai vie, est-ce qu'il ne vaut pas mieux contacter un plombier plutôt que perdre son temps dans des calculs ? Et qui est équipé d'une baignoire à deux robinets ?-, il était l'heure de s'entraîner à l'art du commentaire composé, sous la houlette de madame Wang.

Faire un commentaire composé, c'est facile, pensait Minho : cela consiste à reformuler les textes d'un auteur en trouvant des analogies incroyable pour arriver à lui faire dire plein de trucs auxquels l'auteur n'aurait jamais pensé. C'est un coup de pouce en quelque sorte. Felix était maître en la matière. La seule matière qui ne lui posait pas de souci particulier. Vu ses capacités à baratiner, ce n'était pas étonnant. Minho, quand à lui, passait plus de temps à rêvasser qu'à écrire. Son excuse était valable: il respectait l'intégrité de l'auteur, lui. Il ne savait pas pourquoi Victor Hugo avait choisi tel mot plutôt qu'un autre et, dans le doute, il se gardait bien de donner son avis. Il savait rester humble.

Humble, c'était bien le mot qui venait à l'esprit quand on jetait un coup d'œil à son bulletin. Selon les appréciations, Minho était un élève " potentiellement brillant, potentiellement ", ce qui signifiait, en langage moins ironique, qu'il était intelligent, et qu'il aurait pu être brillant s'il ne lui manquait un peu de motivation...

La motivation, toute une histoire ! Derrière ce mot générique se cachent plusieurs définitions. C'est la réflexion hautement philosophique dans laquelle était plongé Minho pendant que les autres planchaient sur les raisons qui avaient pu conduire Thérèse Desqueyroux, héroïne du roman éponyme, à commettre le presque irréparable. On peut être motivé, comme Thérèse, à tuer quelqu'un si on a un grave trouble psychologique ou si on veut trouver un truc imparable pour apparaître dans un bouquin de Mauriac. C'était plutôt moyen comme raison. Voilà déjà une héroïne à écarter en termes d'exemple, pensa Minho. Peut trouver mieux.

Ce début de réflexion ne le quitta pas de la journée. On peut être motivé, continua-t-il pendant le cours d'EPS, et accepter de souffrir pour devenir plus mince, plus beau, plus rayonnant et juger dans le regard des garçons la récompense de ses souffrances...

Un regard en arrière, pour voir d'un coup d'œil le troupeau de garçons qui couraient derrière lui. En cet instant, même les plus beaux avaient un œil de vache folle, ils soufflaient et gémissaient comme des bœufs. Leurs efforts désespérés pour franchir la ligne d'arrivée leur donnaient un air grotesque. Plaire ou ne pas plaire ...? Peut trouver mieux.

On peut être motivé, se dit-il pendant l'étude, à finir ses devoirs par l'idée qu'on pourra ensuite aller jouer au foot. Il se trouve qu'il n'avait absolument pas envie d'aller jouer au foot, et, de ce fait, ses devoirs promettaient d'être extrêmement longs.

Non, il fallait qu'il trouve en lui une réelle motivation, longue, durable, stable, sur laquelle poser les fondements de son avenir. Une motivation inédite qui ferait dire à ses bulletins de notes futurs : " élève absolument brillant ! Plus émérite cerveau que la terre ait jamais porté ! Génie des temps modernes , appelé à un avenir radieux. Laissera longtemps ses empreintes dans les annales de l'intelligence humaine ! " Ou un autre truc un peu plus sobre, comme " en progrès ".

Être motivé à apprendre des phrases de cours inintéressants, dans la perspective, un jour, de pouvoir passer brillamment son bac et s'engager dans de longues, très longues études ...

C'est un concept un peu abstrait lorsqu'on a dix sept ans. Minho manquait peut-être de cette faculté d'abstraction. Il était capable d'avoir de très bons résultats. Mais à quoi bon travailler des heures pour obtenir un dix-huit, alors qu'en fournissant un moindre effort, on pouvais avoir quatorze, ce qui est une très bonne note ?

Bien sûr, les adultes, en particulier les parents, ont du mal à saisir ce raisonnement. Le plus drôle, c'est que ce qui paraît logique aux élèves de dix sept ans devient inacceptable lorsqu'ils ont grandi et deviennent à leur tour parents. Ils passent alors leur vie à se citer en contre exemple " moi, si j'avais su, j'aurais continué mes études ! ".

Or, dans neuf cas sur dix, ils ne l'ont pas fait. Ceci devrait constituer une preuve qu'eux aussi, à dix sept ans, avaient une façon de voir les choses toute différente. Mais, allez savoir pourquoi, ils ne veulent jamais l'admettre.

Bref. Minho était motivé lorsque le cour l'intéressait, lorsque le prof était sympa, et qu'il était de bonne humeur. Motivé aussi lorsqu'il fallait se surpasser pour sauver sa vie, comme cette jolie matinée de janvier durant laquelle il se retrouva, suite à un fâcheux concours de circonstances, poursuivie par une meute de chiens qui, de toute évidence, n'avaient pas envie de jouer à la baballe. 

" Cours ! Mais cours , j'te dis !

- si tu crois que c'est facile !"

Minho jeta un coup d'œil rapide et compatissant sur le jeune lycéen qui faisait de son mieux pour rattraper les dix ans d'activité physique qui lui manquaient. Ah, quelle flèche ! On faisait sa maligne en français, mais sorti du commentaire composé, il n'y avait plus personne !

Minho grimpa sur le mur qui encerclait le jardin et sauta prestement de l'autre côté. Puis il s'assit tranquillement sur l'herbe et sortit les trois pommes qu'il cachait dans ses poches. Au bout de quelques minutes, les grosses joues rouges et dégoulinantes de Felix apparurent au-dessus du muret.

" Ah, quand même ! Tu vois quand tu veux...! "

De l'autre côté, les chiens continuaient d'aboyer.

" Ils ne lâcheront pas l'affaire. Viens, éloignons-nous un peu. "

Les deux jeunes hommes longèrent l'orée du bois.

" C'est malin, ça, commença Minho

- oh, si tu n'étais pas d'accord, tu n'avais qu'à pas me suivre !

- tu ne m'avais pas dit que ton intention était d'aller dévalisé le réfectoire !

- dévaliser ! Tu ne trouves pas que tu exagères ? Pour trois malheureuses pommes... "

Minho regarda son ami. Trois malheureuses pommes en effet. Pourquoi diable ce gars prenait-il autant de risques pour voler trois pommes, qu'en plus il ne mangerait pas puisque Minho venait déjà d'en dévorer deux ? Rien à faire, Felix avait un problème. Il n'était pas cleptomane, ce n'était pas ça. Il avait juste besoin de se lancer des défis, pour voir si il était capable de les relever, et, surtout, de se faire remarquer.

Derrière la fenêtre de son bureau, monsieur Jeon, le père de Jungkook et le proviseur adjoint, n'avait perdu une miette de la scène. La course poursuite l'avait d'ailleurs beaucoup amusé. Il avait laissé les garçons courir sans rappeler les chiens, juste pour apprécier leurs performances. Mais il avait noté les noms du coupable et du complice, et ne comptait pas s'en tenir là.

En attendant, les lycéens s'amusaient à longer la rivière, en jetant de temps en temps un caillou dans l'eau. Felix avait l'air soucieux. Au bout d'un moment, il se décida à se confier

" Dis-moi... Qu'est-ce que tu penses de Changbin ?

- hum... Un peu trop froid et distant à mon goût. "

Au visage décomposé de Felix, Minho comprit sa bourde.

" Excuse moi, je plaisantais. Attend...Tu ne vas pas me dire que ... Tu es amoureux ?

- Mais non ! "

Felix éloigna l'idée d'un revers de main, mais Minho n'était pas convaincu. Et bah ça alors ! Felix, amoureux de Changbin !

L'idée ne le quitta pas de la journée. Il essayait d'imaginer le joli couple que formeraient cet empoté et cet homme de pierre, et, malgré lui, un petit sourire s'était formé sur ses lips et ne le quittait pas.

" Tu vas lui dire ?

- lui dire quoi ? À qui ?

- À Changbin, que tu es amoureux, imbécile ! Charria Minho, un brin désespéré.

- mais je ne suis pas amoureux, arrête avec ça ! "

Mais l'occasion était trop belle. Felix n'a jamais été en couple, et étais novice dans les relations. C'était une première pour lui et Minho était fier de pouvoir enfin l'aider. Felix n'avait cessé de le guider dans cette école, alors à lui de l'aider maintenant !

Son autosatisfaction fut de courte durée. À leur retour au collège, à l'heure du repas, le proviseur adjoint attendait les pensionnaires au milieu de réfectoire. Il attendit que tout le monde soit installé pour commencer un petit discours pour vanter les mérites des élèves, et "Blabla, et blabla" ... Et "bien travaillé durant ce premier trimestre"... Et "blabla, et la fierté de l'établissement, qui blabla" , et "voleurs de pommes seront sanctionnés, et... "

Quoi ? Minho sursauta. Que venait-il de dire ? Un coup d'œil à son complice confirma ses craintes, car Felix, à ce moment précis, n'en menait pas large. Si le proviseur adjoint ne l'avait pas pris sur le fait, il aurait certainement compris à ce moment là. Car l'imprudence, tête baissée, arborait des joues plus rouges que des panneaux lumineux, et son regard coupable semblait dire "c'est pas moi !" .

Bref, les coupables, "qui se reconnaîtront" selon les dires du proviseur adjoint, étaient attendus le lendemain à la première heure dans son bureau.

La nuit fut particulièrement éprouvante pour chacuns des deux aventuriers. Felix craignait pour sa vie (il avait le sens de la démesure) tandis que Minho, qui s'estimait victime d'une injustice, craignait surtout que sa mère soit au courant.

Il ne voulait pas l'inquiéter inutilement, mais comment expliquer qu'il n'y était pour rien ? Il n'avait rien fait d'autre que faire le guet, prévenir son ami de l'arrivée des chiens, et fuir avec lui... Bon , tout bien réfléchi , il avait peut-être une petite part de responsabilité dans cette affaire. Et après tout, c'est lui qui a mangé les pommes.

Il se tournait et se retournait dans son lit. Pas moyen de trouver le sommeil. Tout était calme, exception faite, bien entendu, des ronflements de Mingi, et des toussotements déconcertants de Yunho, qui était asthmatique et toussait comme un phoque. Sans compter ces ignobles grincements sur le parquet. Qui pouvait bien se balader à cette heure-ci ?

Chaque nuit, c'était la même chose : quelqu'un prenait un malin plaisir à faire les cent pas, très lentement, pesant bien de tout son poids sur les lames du plancher, clé pour les faire crier de douleur. Cela devait venir de l'étage au dessus.

Ne plus penser, ne plus écouter, se concentrer sur le sommeil qui ne devrait plus tarder. Au besoin, compter les moutons. Stupide, ça, de compter les moutons. Compter les pommes ? Sûrement pas ! Compter les bêtises que Felix avait faites depuis le de début de l'année ?

" Felix, tu dors ? Chuchota Minho

- Non, et toi ? "

Minho pouffa. Compter les questions idiotes dont était capable ce gars.

" Tu entends ces bruits de pas ? Qui cela peut être, à ton avis ?

- je pense que c'est un surveillant.

- il n'a rien de mieux à faire ? Il m'empêche de dormir ! Demain, j'irai porter plainte au directeur d'internat. "

Minho était déterminé à mettre fin à ces balades nocturnes. Puis il réfléchit. Il venait de se faire pincer pour complicité de vol. Aurait-il l'audace de se plaindre d'un type qui marchait ?

Quand même, c'était pénible à force. Déjà qu'il souffrait de troubles du sommeil depuis qu'il était ici. Chaque soir, ou presque, il avait des difficultés à s'endormir, et parfois confronté à des rêves étranges plus ou moins effrayants.

Il en avait parlé rapidement à Felix, dont la mère était adepte du Feng Shui, et qui avait conseillé de déplacer le lit en direction Sud-Ouest, d'installer une mappemonde au-dessus de sa tête, et un aquarium aux pieds -si possible peuplé de poissons tropicaux à écailles verte-, et de jeter tous les soirs de gros cristaux de sel aux quatre coins du dortoir en récitant un rituel chamanique, debout sur un seul pied, avec une couronne de papier aluminium sur la tête.

Minho avait remercié poliment et n'avait plus jamais évoqué le sujet. Tant pis, il allait chanter dans sa tête "반짝반짝 작은 별 (brille petite étoile)", comme quand il était petit. Tant que ça ne serait pas de sa tête, l'honneur était sauf.

N'empêche que pendant ce temps, au-dessus de sa tête, ça grinçait toujours.

---------

Wouhouuuu enfin ce chapitre sors, ça fait maintenant un an qu'il est dans mes brouillons ! J'espère qu'il vous a plu car j'ai mis longtemps à le peaufiner ^^

Je sortirai un chapitre toutes les semaines je pense, si je n'oublies pas x)))
On ne vois pas encore Jisung mais vous inquiétez pas, il arrive :D

Bref, see you soon~

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top