Chapitre 04 - When you play the piano...
Ses journées étaient ce que l'on appelle un éternel recommencement, d'une routine presque mortelle.
Il se réveillait aux premières lueurs du soleil alors que l'obscurité se teintait de pourpre, la nuit avait, comme souvent, été agitée, ponctuée de réveils intempestifs et brutaux.
Cependant, il restait dans la chaleur du lit encore pendant de longues minutes, le temps de consulter ses mails et de lire les dernières nouvelles du vaste monde sur son smartphone.
Puis il se levait, faisait son lit, insérait une capsule dans sa machine à café et allait faire sa toilette.
Il n'était pas du genre à traîner sous la douche, mais par contre, il se lavait toujours avec soin.
Il appréciait l'effet revigorant de l'eau le matin et plus que tout, il aimait cette sensation de propreté, c'était réconfortant.
Après s'être séché à l'aide d'une serviette de bain cotonneuse, il enfilait sa sempiternelle chemise bleu nuit et son pantalon noir.
Il les avait en plusieurs exemplaires, c'était simple et efficace, pas besoin de réfléchir sur sa tenue et il ne mettait jamais un vêtement plus de deux fois.
Une fois frais et dispo, il s'installait au bar de sa cuisine ouverte pour boire son café tout en vérifiant son planning de la journée, celui-ci s'avérant des plus classiques.
Une fois son breuvage avalé et sa tasse rincée, il quittait son appartement, sa sacoche de partitions sous le bras, et se rendait sur son lieu de travail à quelques rues de là.
Il habitait à quelques encablures de Wausan Ro, ou encore Hongsik University Street, et la traversait chaque jour en se rendant et en rentrant du travail.
À cet instant de la journée, les étals étaient vides et les commerces encore fermés, seuls les employés de la ville travaillaient à nettoyer les rues et à rendre au quartier un visage décent.
Il aimait cette heure matinale ou les premiers rayons de soleil jouaient avec la brise dans les branches printanières des arbres empreints de rosée et ou seul l'écho de ses pas sur la surface bétonnée et la sonorité des jets d'eau puissants ratissants le trottoir venaient perturber le silence environnant.
Son pas au diapason le mena assez rapidement devant la devanture bleue de son petit commerce de musique, et une fois le volet roulant relevé et la porte refermé derrière lui, il inspecta succinctement les lieux avant de sortir ses partitions et de s'installer face à son piano.
Son piano... Son meilleur ami depuis toujours, mais aussi son pire ennemi.
Il lui avait donné des ailes et de l'ambition, mais il les lui avait aussi chèrement fait payer. Il s'était usé la santé pour lui, avait perdu tant d'amis pour lui, avait blessé ses proches pour lui.
Il était devenu si avide pour lui.
Pourtant, il ne pouvait s'en passer, car c'était la seule chose qu'il savait faire et qui pouvait, un court instant, lui apporter la paix dans son monde tourmenté.
Alors il jouait, encore et encore chaque jour, interprétant ces morceaux qu'il connaissait par cœur ou en composant de nouveaux quand l'envie lui en prenait.
Ses doigts virevoltaient sur les 88 touches du piano avec dextérité et grâce, faisant vibrer les cordes inlassablement frappées par le feutre des marteaux.
Les notes tantôt douces et légères, tantôt rudes et graves s'enchaînaient alors que son cœur battait la mesure.
C'était une sorte de transe, une osmose totale avec l'instrument et la mélodie.
Chaque cellule de son corps était envahie par la musique, et dans ces moments-là, le reste du monde n'existait plus.
Ce monde qu'il détestait tant n'était plus que lointain souvenir quand la première note s'élevait dans les airs.
Chopin était le compositeur qui lui procurait le plus d'émotions et celui qu'il aimait interpréter quand l'aurore du jour laissait percer ses doux rayons à travers les cumulus qui parsemaient le ciel orangé, faisant s'évaporer les dernières gouttes de rosée.
La Ballade No 1 en sol mineur, op 23, était de loin un de ses morceaux préférés.
Un départ tel un léger coup de semonce, mais sitôt suivi par une douce mélancolie aux notes légères et mystérieuses absorbant le silence environnant avant de se déchaîner énergiquement en des sentiments tumultueux.
Alors que la musique prenait vie sous ses doigts de porcelaine, il sentait les palpitations de son cœur s'accélérer et ses membres tressaillir submergés par cette bénédiction mêlée à son affliction.
Tout se mélangeait, le malaise qu'il ressentait chaque soir en fermant les yeux, l'angoisse en les rouvrant à l'aube, la colère et le dégoût quand il se regardait dans un miroir, la honte aussi... Et son désir d'en finir.
Mais à tout cela s'associait la satisfaction de jouer à la perfection, l'extase de ne faire qu'un avec son piano, l'envie de revoir une foule prête à l'acclamer... Comme pour ce danseur qu'il observait chaque soir, et la tentation charnelle qu'il nourrissait depuis...
Et alors que retentissait la dernière note, il reprenait seulement son souffle qui semblait s'être arrêté face à son intense désordre émotionnel, puis le silence l'enveloppait dans un court instant d'apaisement.
C'était comme si la musique avait emporté dans son ivresse toute l'effervescence de son désespoir, lui offrant l'apaisement pour une journée de plus.
Alors, oui, il aimait son piano au moins autant qu'il le détestait...
S'il en avait eu la force, il le brûlerait. Mais il en était incapable, son emprise était trop grande, sa vie en dépendait.
Après avoir joué plusieurs morceaux, il ferma le couvercle du piano, le caressant au passage, puis s'en écarta pour allumer les lumières et ouvrir la boutique.
La journée allait être des plus banales, à part le cours de guitare, car oui, il pratiquait aussi la guitare.
Peut-être allait-il tout de même lui donner satisfaction, un de ses élèves, pour lequel il nourrissait beaucoup d'espoirs, étant particulièrement doué.
Malgré tout, une sorte d'impatience l'habitait désormais, celle qu'il nourrissait à l'idée de revoir le regard impétueux du danseur de Wausan Ro.
Le jeune homme avait, sans le savoir, affecté le pianiste bien plus qu'il ne l'aurait cru possible.
Petit à petit, son image s'imposait à sa vie si millimétrée...
Elle était là à son réveil, en effaçant peu à peu les affres.
Elle était là quand il pratiquait le piano, virevoltant avec nonchalance autour de lui.
Et elle était là quand il rejoignait son oppressant sommeil, éloignant de son sourire les sinistres rêves qui le hantaient.
Pourtant, son esprit rationnel tentait de la combattre sans succès... Qui plus est, depuis qu'il connaissait son prénom.
Alors ce soir-là, une fois étendu dans son lit après sa journée si ordinaire, le sommeil finissant enfin par avoir raison de lui, un mince sourire se dessina sur son visage aux reflets de lune.
- Hoseok, il s'appelle Hoseok... Murmura-t-il dans un dernier soupir.
◇◇◇◇◇◇◇
Bonjour à tous 😊
J'espère que vous allez tous bien.
Aujourd'hui, Bangtan reprend l'avion pour la première fois depuis bientôt 2 ans... J'espère qu'ils feront un bon voyage.
Je dois avouer que j'avais hâte de publier ce chapitre, car j'ai adoré l'écrire. C'est celui dont je suis la plus satisfaite jusqu'à présent.
Alors bien sûr, j'attends vos avis avec impatience.🌸
Que pensez-vous de ce Yoongi ? Et de sa relation avec son piano ?
Aimez-vous la ballade de Chopin qu'il interprète ?
C'est un de mes morceaux préférés.
J'aime beaucoup ce personnage, j'essaie de le rendre intriguant, et j'espère que c'est le cas.
En tout cas, merci de me lire, ça me fait chaud au cœur. 💜
La suite, samedi prochain. 😘
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top