45 ~ Mattress and fragrance

Kala


Je descends les escaliers deux par deux, c'est la veille de mon anniversaire et je suis sûre que maman me fait une surprise. Au-dessus de moi Ohani m'appelle, elle veut que je remonte, sauf que je veux entendre. Une fois arrivée au rez de chaussée, je marche sur la pointe des pieds, enfilant mes chaussons blancs avant de me caler derrière la porte. Quelqu'un parle. Je jette un coup d'œil au travers de l'embrasure de la porte et ouvre grand les yeux. C'est Ashton derrière la porte, il parle avec quelqu'un, mon père ? En tout cas peu de temps après j'entends une moto et je sais ce qu'il va se passer. J'essaye de prévenir Ashton, mais lorsqu'il me voit il hausse un sourcil, il ne me reconnait pas. Et  à peine ai-je le temps de lui crier de s'en aller qu'une balle le traverse et éclabousse mon visage de son sang.


Sans prévenir je me met à hoqueter de terreur avant d'ouvrir les yeux sur la chambre éclairé par la lampe de cheveux à côté de moi. J'ai le souffle coupé et le visage ruisselant de sueur alors qu'Ashton est au-dessus de moi, la mine inquiète. Il tapote mon front avec un gant humide et m'enroule dans ses bras alors que je m'y agrippe fermement.

« Qu'est-ce qu'il se passe Kala ? —Me demande-t-il doucement au creux de l'oreille-

-Mes cauchemars... Je... Je te vois mort à chaque fois.

-Je suis là avec toi, tu n'as rien à craindre pour moi Kalanisse.

-J'ai peur qu'il ne t'arrive quoi que ce soit, aux autres aussi bien évidemment, mais il n'y a que toi que je vois morts quand je ferme les yeux.

-Ce ne sont que des rêves, il ne m'arrivera rien je te le promets —Il enlace nos doigts ensemble- Rendors-toi.

-J'ai peur de fermer les yeux.

-Alors je vais laisser la lumière allumée et tu vas me regarder dormir jusqu'à ce que tu ne t'endormes toi aussi, comme ça tu seras certaine que je suis en vie. »

Je fais un timide oui de la tête avant que ses lèvres encore endormies ne se réchauffent contre les miennes. Il a raison, ce ne sont que des rêves, mais je n'arrive plus à discerner le vrai du faux.

Après quelques baisers il finit par se rallonger sur le côté, la tête face à moi alors que je le regarde fermer ses yeux. Il est tellement beau et j'admire sa sérénité alors que pour lui aussi les temps sont durs. Serait-ce moi le problème ? Suis-je trop égoïste à tout le temps m'écouter et à croire qu'il n'y a que moi qui souffre ? Je mordille ma lèvre de culpabilité avant de caresser la joue d'Ashton. Ce dernier ouvre un œil et embrasse ma main lorsqu'elle passe devant ses lèvres, avant de somnoler à nouveau.

Son souffle m'apaise et bientôt je niche mon visage dans son cou, encore tremblante de mon cauchemar et essayant de fermer les yeux. Mon cœur bat sous l'effet de la peur, mais le parfum d'Ashton m'enivre et me détend doucement, avant de finalement tomber de sommeil.

*

Comme chaque matin nous prenons notre douche ensemble, j'ai fini par m'y habituer et bien que l'on pourrait s'adonner à quelque chose de plus intime, nous avons conscience que Luke se trouve dans la pièce à côté et aucun de nous ne veux lui affliger ça de bon matin, alors nous nous contentons de quelques baisers.

Je suis épuisée, j'ai pourtant énormément dormi à l'hôpital, mais d'après Ashton c'était un sommeil artificiel et en aucun cas réparateur, d'où ma fatigue importante. Alors je m'allonge un peu sur le lit, attendant qu'Ashton ne sorte de la salle de bain, vêtu d'un pantacourt descendu si bas que je peux voir distinctement la marque de son caleçon et le v de son aine qui en ressort. Ses cheveux sont encore humides mais déjà des bouclettes commencent à se former.

Automatiquement ses yeux se posent sur mon corps allongé paresseusement et un sourire en coin vient illuminer son visage alors qu'il s'approche de moi. Il grimpe sur le lit et s'apprête à avancer vers moi lorsque Fletcher vient s'allonger sur mon ventre, empêchant Ashton de s'y mettre.

« Fletcher, c'est ma place —Bougonne le bouclé- Laisse papa jouer avec maman.

-Oh parce que Fletcher est ton fils ? —Je demande en retenant un rire-

-Notre fils, nuance.

-Tu veux dire que j'ai pondu un chat ? —J'hausse un sourcil- Tu as vraiment des fantasmes douteux Ashton.

-Oublie-ça —Il glousse à son tour et vient finalement s'allonger à côté de moi- Mais j'aime l'idée que Fletcher soit notre petit à nous. Il agit comme un lien entre nous.

-Qu'es-tu en train d'essayer de dire Ashton ?

-Rien du tout —Il rougit-

-Tu voudrais avoir un enfant n'est-ce pas ?

-Un jour j'aimerais bien oui —Il soupire et fixe le plafond- Pouvoir être papa et me sentir important, pouvoir être la fierté de mon enfant et surtout leur présenter Oliver, rien qu'à lui ça lui ferait du bien, ça amènerait un peu de lumière dans sa vie.

-J'imagine oui —Dis-je évasive-

-Et toi ?

-Quoi ?

-Tu voudrais avoir des enfants, je veux dire, plus tard ?

-Si c'est pour que l'enfant en question voit sa mère se prendre une balle dans la tête alors non. J'aimerais éviter de refaire vivre à un être innocent ce que j'ai vécu.

-Je me doutais que tu répondrais ça —Il marmonne avant de se tourner vers moi- Mais quand tout ceci sera fini ?

-Peut-être que oui alors, dans plusieurs années.

-Tu... Tu voudras en avoir avec moi ? —Il me fait un sourire timide, colorant de rouge ses fossettes ressorties- Si on est encore ensemble j'entends.

-D'accord mais à une seule condition.

-Laquelle ?

-Que tu leurs apprennes à sourire. »

Il semble étonné de ma remarque pourtant sérieuse. Je ne pense pas qu'il ait compris à quel point son sourire avait été le déclencheur de notre rencontre mais surtout de mon évolution. Sans ce sourire j'aurais continué à vivre ma vie programmée au centimètre près, fuyant les gens et les sentiments. Fuyant la vie elle-même. Il finit par hocher la tête et nous échangeons un dernier baiser avant de rejoindre Luke dans le salon.

« Veux-tu que je te rende les papiers Luke ? —Je demande timidement-

-Non ils sont plus en sécurité avec toi —Me répond ce dernier en buvant une tasse de café-

-Tu as l'air fatigué —Dis-je en remarquant les cernes sous ses yeux fades-

-J'ai pas mal cogité —Dit-il en lançant un regard à Ashton que j'ai du mal à interpréter- Je pourrais te parler cinq minutes ?

-Bien-sûr. »

Je les regarde qui s'engouffrent dans la chambre de Luke, me laissant seule sur le canapé. De quoi vont-ils parler ? Luke a-t-il pensé que les cris que je poussais hier étaient à caractère sexuel et dans ce cas cherche-t-il à s'en plaindre à Ashton ? Je triture mes doigts lorsque les deux sortent de la chambre, la mine sombre quelques instants avant de finalement me sourire.

Encore quelque chose que je serai contrainte d'ignorer.

*

C'est en milieu d'après-midi que nous prenons la route pour l'Orphelinat. Visiblement il n'y aura que Luke, Ashton et moi. Michael et Oliver sont encore de leur côté ce qui est louche mais qui, en ce moment même, m'arrange. Je ne veux pas que tout le monde lise les papiers. Je suis certaine que Liz m'a adressé un message personnel avant de mourir et ça ne concerne que moi.

Une fois garés devant j'observe les environ, est-ce qu'Oriane se cache derrière les buissons et va revenir pour tuer l'un de nous ? Je déglutis et sens la main d'Ashton enrouler la mienne avec délicatesse, coupant court à mes réflexions. Dans son regard je ressens cette volonté de me protéger, mais en aucun cas je ne veux qu'il meure pour moi.

Luke est le premier à entrer, verrouillant derrière-nous alors que le bruit de nos pas résonne à travers les pièces vides.

« Bon tu as fouillé où la dernière fois ? —Me demande Luke-

-L'aile ouest, ma chambre plus particulièrement.

-Et tu n'as rien trouvé ?

-Disons que j'ai été interrompue dans mes recherches.

-Bon, on va se séparer, Ashton comme tu ne connais pas les lieux tu vas chercher ici et dans la cuisine, autrement dit les pièces que tu avais pour ton anniversaire, Kala tu vas retourner dans ta chambre et la mienne, pendant que j'irai fouiller la chambre et le bureau de ma mère, ok ?

-On... On doit vraiment se séparer ? —Je déglutis-

-Ce sera plus rapide. »

Je lance un regard un Ashton qui se contente de lever les yeux au ciel avant d'embrasser ma tempe, murmurant discrètement à mon oreille 'Si jamais tu ne te sens pas bien tu m'appelles d'accord ? Je te rejoindrai.' Je lui rends son baiser et murmure à mon tour 'Tu ne sais même pas où se trouve l'aile ouest'. Il hésite un moment avant de s'avouer vaincu, rigolant de sa bêtise 'Tu me diras comment te rejoindre'. Je fais oui de la tête et nos mains se séparent au moment où Luke détourne vivement la tête. Etait-il en train de nous observer ?

*

J'ai l'impression de connaitre le chemin par cœur et bien que je sache que je ne suis pas seule, le fait d'être entourée par le silence et le bruit que provoque mes pas sur le sol défoncé, me tétanise. En moins que cinq mois je suis retourné à l'Orphelinat au moins trois fois, alors que je m'étais juré de ne plus jamais y remettre les pieds de ma vie. Je déglutis et pousse la porte de ma chambre dans laquelle règne une odeur particulière, comme du parfum.

Un parfum de femme.

Je me recule vivement mais je ne fais face qu'à la porte ouverte sur le couloir vide. Il n'y a personne, mon imagination me joue des tours. Pourtant cette odeur je la connais, je l'ai déjà senti quelque part mais je n'arrive plus à me souvenir où. Si jamais c'est Oriane, alors je suis prête à l'accueillir. Je sors de mon sac à main le flingue d'Oliver que je glisse dans la poche de ma veste. Cette fois-ci, ce sera elle ou moi.

Cependant au bout d'une dizaine de minutes personne ne vient, il me semble seulement entre les voix des garçons qui fouillent les autres chambres de l'Aile Ouest. Je me calme un moment avant de me mettre à chercher, essayant de me souvenir où je n'avais pas cherché la dernière fois. Pourtant j'avais fouillé partout, jusqu'au moindre recoin et ça me parait absurde de reproduire les même gestes car je sais pertinnement qu'ils ne mèneront à rien.

Peut-être me suis-je réellement trompé, Liz m'a tout simplement légué l'Orphelinat car elle voulait me donner quelque chose, pensant me réconcilier avec ce lieu de malheur. Je serre les poings et donne un coup de pieds dans le matelas d'Ohani duquel s'échappe un léger nuage de poussière. Je n'aurais jamais les réponses à mes questions et jamais je ne retrouverai les membres restant de ma famille. Je lâche un grognement et donne un coup plus fort, dans mon matelas.

Sauf qu'il ne se passe rien.

Aucun nuage de poussière.

Est-il possible que quelqu'un soit venu fouiller ma chambre depuis ma dernière visite et plus particulièrement mon lit ? Je respire profondément avant de manipuler mon matelas, poussant un petit cri lorsque je sens l'habituelle bosse.

Je pensais qu'elle était anodine, comme à l'époque, mais lorsque je retourne le matelas sur le sol, scrutant le tissu avant de trouver une discrète entaille, je ravise ma pensée. Elle était anodine, mais visiblement, Liz avait jugé bon d'en faire une cachette. Personne n'irait chercher parmi la mousse et les armatures défoncées d'un innocent matelas.

Personne sauf moi.

J'enfonce ma main avec hantise dans le trou maintenant béant du matelas et mon cœur rate un battement lorsque mes doigts heurtent quelque chose. Du papier. J'attrape fermement les feuilles et les extirpe du matelas avec un sentiment de victoire. Alors finalement je ne m'étais pas trompée, Liz m'avait bel et bien légué quelque chose de plus important et plus précieux que son Orphelinat.

Je reste debout un instant et regarde les feuilles que je continue de serrer fermement dans ma main, de peur de les voir s'envoler si près du but. Il y a des extraits de journaux, sûrement celui qu'écrivaient ma mère et son groupe, puis des photos, des lettres et seul un mot semble faire tache dans le lot de feuilles jaunies par le temps.

C'est un petit post-it blanc, sur lequel est inscrit quelque chose. L'encre est encore bleue foncée, signe que ça a été rédigé il y a peu.

Mr WEFFLE Hanston

905 Lake Street

Hawaii

Je ne connais aucun Hanston Weffle. Cependant j'ai connu un Hans, à Hawaii. Quelqu'un qui a surement changé de nom...

Mon père.

D'épaisses larmes affluent au bord de mes yeux lorsque j'entends des bruits de pas se rapprocher.

« Kala tu es dans ta chambre ? —Je reconnais la voix de Luke et cache rapidement le post-it dans une poche de mon jean, faisant semblant de lire les papiers- Oh tu es l... Tu les as trouvés ?!

-O...Oui ! —Dis-je encore sous le choc-

-Où c'était ?

-Dans mon matelas —Je le montre d'un signe de tête et regarde Ashton qui entre pour la première fois dans mon ancienne chambre-

 -C'est là que tu vivais ?

-Oui —Je regarde la pièce d'un simple coup d'œil avant de reporter faussement mon attention sur les papiers-

-Ca a l'air sympa —Dit-il simplement alors que je remarque que Luke est parti dans son ancienne chambre, me laissant seul avec Ashton-

-C'était, jusqu'à ce que je perde ma sœur.

-Je comprends —Il embrasse doucement mon épaule et se remet à observer la chambre-

-Viens on s'en va —Dis-je-

-Pourquoi ? J'ai l'impression d'apprendre à mieux te connaitre tu sais.

-J'aimerais que tu puisses ignorer cette partie de mon passé —Je rougis- Je ne me sens pas à l'aise ici.

-En tout cas ça sent bon, quelqu'un est venu nettoyer les lieux dernièrement ?

-Je ne sais pas, je... Je crois qu'il n'y a que moi qui ai la clé.

-Non —Dit Luke dans mon dos, me faisant sursauter-

-Q...Quoi ?

-Tu n'es pas la seule à avoir une clé, j'en ai un double et Evanna aussi. »

Un déclic se fait dans ma tête.

Ce parfum.

Je crois que c'est celui d'Evanna Sommerfield.


~ Bonsoir :) voilà elle a enfin trouvé le pourquoi du leg ! J'espère que vous avez fait le rapprochement entre le chapitre 44 et le 45 sur un certain point ;) en tout cas j'espère que vous avez aimé ce chapitre :) mais également l'histoire au complète car d'ici 5 chapitres ou plus, TPFOT sera terminée :(

Du coup je tenais à vous remercier de m'avoir soutenu jusque là, cette histoire est très compliquée et avec mes cours j'ai eu du mal à m'appliquer dessus, mais je suis heureuse de l'avoir continuée jusqu'au bout :) et j'ai hate d'écrire de nouveau.

En attendant je pars demain à Londres donc je ne posterai pas avant jeudi ou vendredi soir :/ (Pour l'anecdote, à ceux qui ont lu AYWK, sachez que je suis pire qu'Alouette en ce qui concerne l'avion ;))

Merci pour tout !

Kactus

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