Kala

        Oliver jette un coup d’œil derrière lui avant de fermer la fenêtre ainsi que les rideaux de la chambre, plongeant la pièce dans un noir complet qui me rend malade. Je repense au soir de leur anniversaire, quand j’étais plongée dans le noir et que j’ai vu ces masques éparpillés un peu partout à la lumière de mon téléphone, n’attendant que ma venue. Je sens ma poitrine se soulever rapidement, ne se claquant plus du tout au rythme cardiaque d’Ashton qui retentit dans la pièce sous forme de bip lents et  stridents. Voilà maintenant que j’ai peur du noir.

Je frisonne et pousse un petit cri lorsque quelque chose attrape ma main.

« Kala c’est moi –Soupire Oliver, me donnant la main- je vais allumer la lumière, ne t’inquiète pas.

-Je…. Je ne m’inquiète pas –Dis-je tétanisée en serrant fermement sa main- Pourquoi tu nous as plongés dans le noir ?

-Parce que –Je me mets à grogner- Arrête de grogner Kala on dirait un animal.

-C’est ce que je suis –Dis-je en gardant ma main dans la sienne- Bon tu l’allumes cette lumière ?

-Nom de Dieu, je ne sais pas ce qu’Ashton te trouve –Il allume la lumière et je profite de le voir pour lui marcher sur les pieds- Hey ! Mes chaussures étaient neuves !

-Je m’en contre-fiche –Je m’avance vers le lit où Ashton est inconscient- Il va s’en sortir ?

-Je ne sais pas –Dit-il en reprenant une voix neutre et en me rejoignant à ses côtés-

-Comment tu as su ?

-Je ne saurais pas expliquer, je suis comme connecté avec Ashton. Quand il est heureux, je ressens des papillons dans mon ventre sans raison valable, quand il pleure j’ai la boule au ventre même sans le voir et quand il a mal, j’ai mal moi aussi –Il regarde son jumeau- Je me suis senti bizarre, comme si le bonheur venait de disparaitre à jamais et que l’hiver s’était installé en moi. J’avais l’impression d’avoir perdu quelque chose, comme si on m’avait arraché la vie de l’intérieur, ou plutôt sa vie à lui car moi j’étais debout, mais vide... Non vraiment c’est un sentiment qu’il m’est impossible d’expliquer, je suis lié à lui et lui à moi.

-Je n’imaginais pas qu’il puisse un jour faire quelque chose comme ça… Lui qui sourit tout le temps, il ne me montre jamais sa peine, il…

-Tu ne le connais pas vraiment Kala –Il me regarde avant de me pousser doucement vers son jumeau- Je n’arrive pas à croire que je vais dire ça mais… Embrasse-le.

-C’est complétement étrange comme situation –Dis-je mal à l’aise- Encore plus si c’est toi qui me demande de faire ça.

-Je t’ai dit que je sais ce qu’il veut, alors embrasse-le ou bien je vais t’aider à le faire – Souffle-t-il excédé-

-Je croyais que tu ne voulais pas qu’on se rapproche lui et moi ?

-Je le croyais aussi –Dit-il en haussant les épaules- Bon tu te magnes ? »

        Je déglutis et me penche en avant pour embrasser les lèvres blafardes et froides du bouclé. Dans les films romantiques que regardait Ohani je me souviens que quand la femme embrassait l’homme mourant, bizarrement son cœur se remettait à battre. Mais là rien ne se passe, les sons automatiques provenant du cardiogramme ne s’emballent pas. On ne vit pas dans un film romantique.

        Est-ce à cause de moi qu’il a fait ça ? Je me souviens l’avoir vu pleurer après qu’il m’ait balancé ces horribles phrases à la figure. Son regard quand les portes se sont fermées sur Luke et moi. C’était comme si il luttait contre quelque chose, comme si au fond de lui il aurait aimé ne jamais dire ces phrases mais qu’il n’avait pas eût le choix. Je me recule doucement de lui et me contente de caresser ses longs doigts sans vie.

« J’ai peur –Je murmure-

-Il s’en sortira…

-Je ne parlais pas vraiment de ça –Je baisse la tête- Je parle d’un sentiment général… J’ai l’impression qu’il se passe quelque chose, quelque chose que j’aurais réveillé malgré-moi et qui s’est remis en mouvement, par ma faute.

-Tu n’aurais pas dû aller dans l’aile Ouest en effet –Dit-il en fixant le sol-

-Dis-moi la vérité....Que sais-tu à propos de cette organisation ?

-Je ne sais pas si je peux te répondre Kalanisse –Il soupire- Moins j’en dis et plus tu es en sécurité.

-Oui sauf que moins tu en dis et moins je comprends.

-Il n’y a rien à comprendre, il faut simplement que tu évites de les titiller.

-Mais comment ?! Je ne sais même pas qui ils sont et qu’est-ce qui peut bien les énerver ! J’ai passé neuf ans à me renfermer sur moi-même, à me cacher, à vivre comme un fantôme et maintenant que je sors un peu la tête de l’eau on m’y ré-enfonce !

-Déjà tu n’aurais pas dû te rapprocher de Luke. Il est surveillé par cette organisation lui aussi et le fait que tu sois retournée auprès de lui a dû être perçu comme une menace.

-Mais Luke et moi ne faisons rien de mal !

-Pas à leurs yeux apparemment.

-Est-ce que ça a à voir avec le fait que Luke et moi sommes allemands ? –Il me regarde en coin-

-Je ne sais pas, arrête de poser des questions et tu éviteras les ennuis, crois-moi c’est le mieux à faire –Il se lève-

-Où tu vas ?

-Vérifier quelque chose, toi ne bouge pas, ferme à clé derrière moi, j’ouvrirai avec ma propre clé.

-Quoi mais pourqu…

-Kala j’ai dit plus de questions. »

        Je vais pour ronchonner une fois encore sauf que ce dernier sort de la chambre que je verrouille rapidement. Pourquoi avoir besoin de verrouiller ? Je triture mes mains et me tourne vers Ashton. L’ambiance est pesante, je ne supporte plus d’entendre le cardiogramme, j’essaie de l’ignorer mais c’est comme si les bips devenaient de plus en plus fort. D’un côté je ne supporte plus mais d’un autre je refuse qu’il s’arrête. Car dès le moment où le cardiogramme aura cessé de fonctionner, cela voudra dire qu’Ashton… Non je ne veux pas y penser.

        Je reviens vers son lit et m’accroupis face à lui, caressant son visage du bout des doigts. Je ne veux pas le perdre. Il y a des mois encore ça ne m’aurait fait ni chaud ni froid. Je ne l’aurais simplement plus vu dans le tram et j’aurais pensé qu’il avait changé ses habitudes. Mais aujourd’hui je le connais, je l’aime. Et je ne veux pas croire qu’en un rien de temps nous pouvons être séparés à jamais, lui me laissant seule dans ce monde que je ne comprends plus.

Ce devrait d’ailleurs être moi à sa place.

« Je ne sais pas si tu peux m’entendre ou même si tu te souviendras de ma venue –Je murmure- Mais… Je pense que je te dois bien ça, cette vérité…. –J’inspire longuement avant de me rapprocher de son oreille- Je t’aime Ashton… -Je me redresse et caresse ses cheveux en désordre- C’est dur à exprimer car au fond c’est un sentiment inconnu. Jusque-là je n’ai aimé que Luke et en dehors de lui je ne suis jamais vraiment tombé amoureuse. Je suis d’un naturel méfiant, tu le sais, sauf qu’aujourd’hui je suis consciente que je ressens quelque chose pour toi. Quelque chose de plus fort que de la sympathie. Quelque chose qui dépasse notre trajet de tram –Je marque une pause- Je suis idiote à parler dans le vide, mais au fond j’ose espérer que tu m’entendras, même si tu oublies ce n’est pas grave, au moins j’aurais été honnête avec toi. »

        Je soupire et me tourne d’un bond lorsque j’entends la clenche se baisser derrière moi. Mon cœur bat à toute allure en voyant la poignée bouger depuis l’extérieur, sauf que je n’entends aucun bruit de clé. Ce qui veut dire que ce n’est pas Oliver. Je déglutis et finalement l’inconnu se retire. Ce n’est que cinq minutes plus tard que j’entends les clés s’activer dans la serrure, ouvrant la porte sur un Oliver totalement frustré.

« Ah te voilà –Dis-je- Quelqu’un a essayé d..

- Cache-toi !

-Q…Quoi ?

-Cache-toi Kalanisse putain !

-M…Mais où ? –Dis-je en tournant ma tête en tous sens, ne comprenant plus rien-

-Merde… Sous le lit !

-Sous le… Mais tu es dingue ?! »

        Pas le temps de riposter qu’Oliver me plaque au sol, prenant malgré tout soin de ne pas me faire trop de mal. Tout se passe à une vitesse folle, je suis déboussolée. Il y a moins d’une minute j’étais tranquillement sur le lit d’Ashton et maintenant voilà que je suis en dessous, coincée entre du matériel médical et ne voyant que la paire de chaussure neuve d’Oliver, qui bientôt pousse un épais sac contre moi. Je ne vois plus grand-chose et j’ai du mal à respirer. Qu’est-ce que c’est que ce merdier ?

« Oh Oliver tu es là ! –Je me raidis à l’entente de cette voix-

-Tu en as mis du temps à venir –Dit ce dernier d’une voix froide- C’est quand même ton petit ami.

-J’étais occupée ailleurs –Répond Oriane dans le vague- Comment va-t-il ?

-Son cœur bat lentement, mais je pense que d’ici demain il sera en pleine forme.

-Mh –Elle semble déambuler dans la pièce et j’essaye de me tasser parmi les affaires sous le lit- Est-ce que Schwartz est au courant ? –Je manque de m’étouffer, comment connait-elle mon véritable nom  de famille ?-

-Pas que je sache –Maugrée Oliver-

-Je vais appeler Michael, lui saura sûrement me répondre.

-A quoi ça te sert de l’espionner comme ça ? A ce que je sache t’es pas jalouse d’elle, tu t’en moques d’Ashton.

-C’est vrai, mais chacun ses missions après tout, n’est-ce pas mon petit Oliver ? –J’ouvre grand mes yeux à l’entente d’un bruit de succion, elle l’embrasse ? Dans la chambre d’hôpital d’Ashton ?!-

-Ne me touche pas ! –Scande Oliver-

-Oh avant tu n’étais pas contre –Dit-elle d’un ton glacial-

-J’en ai marre de jouer à ce jeu, je ne veux plus faire de mal à Ashton. Et encore moins à ce garçon, Michael.

-Quel mal cela peut-il lui faire ? Il ne sait rien –Elle glousse- Et puis quant à Michael, c’est le premier à avoir parlé de votre passé de délinquants à la jeune Schwartz.

-Nous ne sommes pas des délinquants ! –S’offusque Oliver-

-Meurtriers te convient-il plus ?

-SORS D’ICI ! –Braille à présent le bouclé, me faisant sursauter-

-Et pourquoi ? Tu l’as dit toi-même, Ashton est mon petit ami, alors je lui rends visite –Elle marque une pause- Tu crois qu’il s’en remettrait si je le plaquais pour toi, ou Michael ?

-Oh que oui, il irait avec  Kala et j…

-Laisse-moi donc rire –S’amuse Oriane- Tu crois que je ne sais pas ce que Calum a demandé à Ashton ? Il ne prendra pas le risque de mettre Schwartz en danger, d’ailleurs je l’ai même entendu lui demander de s’éloigner de lui l’autre soir. Quelle scène pathétique.

-Tu n’as pas de cœur.

-Tu aurais dû le voir qui luttait contre ses larmes. Il est venu me voir en me disant qu’il se sentait mal parce que tu étais malade et que c’était pour ça qu’il pleurait –Elle se met à ricaner- Non vraiment Ashton est un piètre menteur, mais il est mignon, je dois l’admettre.

-Comment oses-tu te moquer de lui alors qu’il se trouve face à toi, à deux doigts de mourir ?! –Crache Oliver avec amertume-

-C’est toujours plus facile de rester dans l’ombre, tu devrais en connaitre un rayon.

-Sors d’ici !

-Quoi qu’il en soit, fais bien attention à toi et à Schwartz, j’ai bien vu que tu commençais à t’attacher à elle. Tu sais ce qu’il en coûte de la protéger.

-Garde tes conseils pour toi !

-Très bien –Elle pousse un petit soupire satisfait- Repose-toi bien mon petit Ashton –Je le sens qui s’approche du lit et mon corps brûle d’envie de la voir dans le lit à la place d’Ashton- Je serai là quand tu te réveilleras, comme toujours. »

        Elle poussa un petit rire avant de sortir de la chambre. Dois-je m’extirper de ma cachette ? J’y reste encore quelques secondes lorsqu’Oliver claque violemment la porte. Est-il parti lui aussi ? Suis-je seule sous le lit d’Ashton ? Je déglutis et sursaute lorsque le sac qui était face à moi est attiré au loin.

« Sors –Dit Oliver d’une voix chevrotante- Sors de là bordel ! »

        Je ne dis rien et m’éxecute, rampant sous le lit avant de me redresser. Je suis remplie de poussière, il va falloir que je dise deux mots à la femme de ménage, mais pour le moment autre chose occupe mes pensées.

« Tu… Tu es au courant pour Oriane ? –Je demande lentement-

-De quoi ?

-E…Elle trompe Ashton avec mon ami Michael…

-Oui je le sais –Lâche-t-il avec colère- Elle se fait passer pour Elga, une autre infirmière de l’hôpital qui travaille rarement le soir.

-Elle est rusée –Dis-je lascivement-

-Pire encore –Dit-il sans me regarder-

-Qui est Calum ? –Je demande après un silence-

-Personne

-Oliver je…

-C’EST PERSONNE C’EST CLAIR ?! –Je sursaute et me recule- Arrête avec toutes tes putain de questions ! Tu veux mourir ou quoi ?!

-N…Non je…

-Alors fou moi la paix et contente toi de vivre comme si de rien n’était ! Oublie Oriane, Calum… Tout ces gens ne vont rien t’apporter de bon !

-Oriane m’a menacé de tuer quelqu’un –Dis-je au bord des larmes- T…T’es le seul à qui je puisse me confier ! C…Crois-moi que si Ashton en savait plus c’est vers lui que j’irais, pas vers toi ! –Il me regarde avec surprise- J…Je ne peux pas vivre comme si de rien n’était ! »

        Il me regarde dans les yeux avant de prendre son visage entre ses mains. Il est le seul qui soit à la fois mêlé à ça et qui puisse m’expliquer. Il n’y a que ça qui me maintienne vers Oliver. Cette complexité qui semble être la clé de toutes mes énigmes. Je vais pour m’avancer vers lui lorsqu’un bruit me pétrifie. Jusqu’à aujourd’hui je pensais que le bruit d’un flingue était le bruit qui m’était le plus intenable. Mais là, un autre vient de le devancer et de beaucoup.

Le cardiogramme.

Ashton est en train de chuter.

        Rapidement Oliver se dresse sur ses jambes et appelle un médecin tandis que je reste en retrait, effrayée. Il ne peut pas chuter, pas maintenant ! Je vais pour lui donner la main mais Oliver m’intercepte avant et m’attire avec lui au fond de la pièce, enroulant sa main contre ma bouche alors que je crie désespérément le prénom de son jumeau, lequel est en train de mourir sous mes yeux.

        Il a l’air si paisible, toujours endormi. Il se scille pas, mais le cardiogramme lui il dit tout le contraire. Sa tension est terriblement basse, son cœur ne bat quasiment plus et bientôt une horde de personnel soignant entre dans la chambre, nous chassant Oliver et moi.

        Je me débats. Je veux retourner auprès d’Ashton, je ne veux pas le laisser mourir, je veux qu’il sache que je suis là. Que même si il a perdu Oriane, moi je l’aime. Mais Oliver refuse de me laisser dans la chambre et m’attire dans un escalier de sécurité. Je tente de lui mordre la main, c’est ce que ferait un animal sauvage non ? Sauf qu’il ne me lâche sous aucun prétexte et bientôt je n’ai plus assez de forces pour lutter et je me laisse retomber mollement dans ses bras, mes larmes perlant contre mes joues alors que j’entends toujours le bruit du cardiogramme, même une fois que nous avons emprunté la sortie de secours.

Ce bruit reste gravé dans ma tête.

« O…Oliver il faut y retourner ! –Dis-je épuisée-

-Non c’est trop tard, maintenant c’est aux médecins de faire leur boulot

-Je ne veux pas qu’il meure ! L…Laisse-moi rester auprès de lui ! –Je me contorsionne dans ses bras jusqu’à ce qu’il me lâche, me faisant tomber au sol comme une vulgaire poupée désarticulée-

-Bordel Kalanisse tu ne peux pas rester ici ! Si Oriane te voit tu…

-J…Je veux voir Ashton ! –Dis-je en pleurant au sol-

-Non ! –Il me soulève à l’aide de ses mains et me porte du mieux qu’il peut-

-A…Ashton –Je me lamente dans les bras d’Oliver-

-Je vais te ramener chez toi

-N…Non je veux rester ici ! J…Je veux m’assurer qu’il aille bien ! –Dis-je d’une voix aiguë, entrecoupée par les sanglots-

-C’est trop risqué –Dit-il d’une voix brisé- Kalanisse écoute-moi, il faut que tu restes chez toi, je te tiendrais au courant pour Ashton je te le promets.

-J…Je ne veux pas qu’il meure sans que j’ai pu lui dire au revoir !

-Tu l’as embrassé Kala, pour lui c’était le meilleur des au revoir… -J’ouvre grand mes yeux-

-Tu… Tu m’as demandé de l’embrasser p…Parce que tu sentais qu’il allait… Qu’il allait… ASHTON –J’hurle alors qu’Oliver regarde en tous sens avant de se mettre à courir, me gardant conte lui-

-On va se faire repérer ! »

Je m’en fiche. Rien n’a plus d’importance à mes yeux.

Je viens encore une fois de perdre quelqu’un que j’aime.

C’est la fois de trop.

Je ferme les yeux. Mais cette fois, je ne veux plus avoir à les rouvrir.

*

        Je refuse de manger, ou de parler. Le seul moment où je me force à bouger c’est lorsque mes chats ont faim et miaulent à tue-tête. Pour couronner le tout, Fletcher est tombé malade, il perd énormément de poils et le voir avancer au ralenti me fait mal au cœur, lui qui était pourtant si vif, si joyeux. J’ai encore moins envie d’émerger de sous ma couette. Rien ne me donne envie de sourire, pas même Michael qui tente de me faire rire avec son pyjama Licorne. Pas même Luke qui m’a pourtant offert une magnifique robe d’été. Pas même le fait de savoir qu’Ohani est vivante.

        Je m’en moque de tout ça. Ashton est mort et moi je suis là à vivre une vie dépourvue de sens alors que lui était pourtant promis à un bel avenir. Enfin, ça c’était avant que je n’apprenne qu’Oriane se foutait de sa gueule. Je suis sûr qu’il l’a entendu et que ça lui a fait passer l’envie de vivre. Si je devais me lever de mon lit, ce serait pour la tuer de mes propres mains, je lui arracherais son revolver et le collerais sur sa tempe, prenant un sauvage plaisir à lire la crainte dans ses yeux puis la pitié. Une fille comme elle ne mérite aucune pitié. Je l’abattrais de sang-froid, comme un vulgaire animal.

Comme cet homme a abattu ma mère.

        Je me redresse d’un bond et pars vomir dans ma salle de bain. C’est psychologique, je n’ai rien avalé depuis qu’Oliver m’a ramené chez moi. Je suis un monstre de vouloir tuer quelqu’un alors que j’ai vu ce que ça pouvait faire. Je me met à pleurer de plus belle, chouinant le nom d’Ashton avant de retourner dans mon lit. Ma vie est inutile, redondante.

Vide.

        Un faible miaulement me brise le cœur et je me redresse pour voir Fletcher au pied de mon lit. Il n’a même plus la force de sauter alors je le prends dans mes bras et le love contre ma poitrine. J’ai toujours détesté voir des chats malades ou soufrant et je pense que c’est pire concernant Fletcher. Je l’ai eût quelque temps après avoir fait la connaissance d’Ashton, je lui ai d’abord donné son prénom puis finalement son second prénom. Et maintenant qu’Ashton n’est plus là, je pensais pouvoir garder un souvenir auprès de moi. Mais je sens qu’un matin je me réveillerais, trouvant le petit corps inerte de Fletcher contre moi. J’aurais beau l’appeler il ne viendra plus, je lui donnerai des croquettes mais il ne viendra plus manger. Je le secouerai doucement, mais il ne bougera plus. Comme Ashton.

A cette pensée je me mets à pleurer comme une hystérique, serrant le pauvre Fletcher que je sens ronronner timidement contre moi, Non vraiment je ne veux plus me réveiller.

*

        Oliver avait promis de me donner des nouvelles, mais il n’est jamais revenu me voir. Luke est de moins en moins présent, je pense d’ailleurs ce que dernier a enfin compris mes sentiments pour feu son meilleur ami et seul Michael continue de me rendre visite fréquemment. Je vais peut-être perdre mon boulot, il ne me le dit pas mais je suis certaine que ce sera bientôt le cas. Son père est adorable, mais louper tous ses soirs de boulots sans jamais les rattraper, le tout pendant deux semaines, ce n’est pas très professionnel.

« J’ai hâte que tu reviennes travailler Kala, ta présence me manque beaucoup –Dit le violâtre d’une voix brisée- M…Même si tu ne parles au moins tu seras là, avec moi…Je pourrais veiller sur toi…. Comme avant.

-Laisse-moi mourir Michael –Parlais-je pour la première fois depuis deux semaines-

-Q…Quoi ?! C’est hors de question ! –Scande-t-il- Comment je vais faire sans toi hein ?! Non je refuse que tu m’abandonnes ! T’es  ma meilleure amie, la seule qui compte énormément à mes yeux.

-T’as Elga…

-C’est différent. Je sais que si je la perd elle, je m’en remettrais, je ne la connais que depuis peu. Mais… Mais toi Kala… Si je te perds je… Je perdrais beaucoup plus qu’une simple collègue. Tu peux pas me laisser comme ça !

-J…J’en peux plus Michael.

-Je suis là pour toi moi, tu sais que tu peux compter sur moi –Il éclate en sanglots- Je ne suis peut-être qu’un ami à tes yeux, mais je veux que tu saches que t’es pas seule… »

        Je l’entoure faiblement de mes bras et le serre avec le peu de force qu’il me reste. Il enfoui sa tête dans mon cou et y laisse couler toutes ses larmes, faisant couler les miennes également. Que faire ? Rester pour mon meilleur ami et pour Luke ? Ou partir et couper pour de bon avec cette vie ignoble ?

« Reste avec moi je t’en prie. Je vais être tellement seul après ça… 

-D’accord Mikey. »

Il me serre un peu plus fort et pleure bruyamment dans mes bras. Que serais-je sans mon meilleur ami ?

*

        L’état de Fletcher s’est aggravé si bien que Michel l’a emmené avec lui au chenil. J’ai beau me remettre lentement à essayer de vivre, je n’ai pas la force de les accompagner. Alors je les attends, comme j’ai attendu pour Ashton.

        Je me met en boule dans mes couvertures. Mes autres chats nt bien senti qu’il se passait quelque chose car plus aucun ne miaule. Ils m’approchent pour des caresses mais je vois bien qu’ils sont différents. Sont-ils conscients que leur confrère va mourir ? Est-ce comme le lien d’Ashton et Oliver ? Oliver a senti que son frère allait disparaitre, un peu comme mes chats qui sentent le départ de Fletcher.

        Je me remets à pleurer. Je suis si pitoyable, mais je ne veux plus me retenir. Je triture mes couettes lorsque j’entends ma porte d’entrée s’ouvrir. Sûrement Michael qui me ramène le corps de Fletcher. Il sera mieux ici qu’au Chenil, il va falloir que je réfléchisse à l’endroit où l’enterrer. Où le corps d’Ashton repose-t-il ? C’est un peu fou de ma part mais j’aimerais qu’ils soient l’un à côté de l’autre, car même si Ashton était allergique, il a toujours était doux avec Fletcher, comme s’il était un membre de sa famille.

        Je renifle et sens ma couette se lever. Luke est revenu ?! Je vais pour me tourner mais un bras enroule mes côtes et me tire contre un torse chaud. Mes pieds touchent les siens et sa tête se pose contre la mienne.

« L…Luke je suis désolée je…

-Tu ne trouves pas que je suis un peu petit pour être Luke ? »

Je pousse un hurlement et cherche à me retourner mais on me tient fermement. C’est impossible.

« A…A…Ashton ?!

-Tu m’as tellement manqué –Dit-il au creux de mon oreille, m’empêchant toujours de me retourner-

-T…Tu… Mais c’est impossible ! T…Tu es mort !

-Qui t’a dit ça ? –Maintenant qu’il me le demande, je me rends compte que personne ne m’a confirmé sa mort-

-J…J’étais là quand ton cœur a chuté !

-Les médecins se sont occupés de moi à temps –Il embrasse ma nuque- Tu n’imagines pas à quel point je suis heureux de te retrouver… Je ne voulais pas mourir alors que la dernière chose que j’ai pu te dire était un mensonge.

-T…Tu ne veux pas qu’on s’éloigne ?

-Il le faut, mais non… Je n’en ai pas envie –Il lâche un peu son emprise et je me jette sur la lumière- Doucement Calamity Jane, je suis encore un peu fatigué. »

        Je me tourne vers lui et explose en larmes. Il est bel et bien devant moi. Ses yeux verts fatigués mais illuminés, son infatigable sourire toujours sur ses lèvres et ses cheveux bouclés en bataille. Je caresse son visage du bout des doigts avant qu’il ne me tire sur lui pour coller ses lèvres aux miennes. Je tremble sous l’affluence des frissons mais n’hésite pas un instant à lui rendre le baiser. Picorant ses lèvres et nous coupant la respiration. Je veux en profiter.

Je pensais l’avoir perdu.

*

        Le lendemain matin je me réveille en sursaut. J’ai terriblement froid et lorsque je me retourne dans le lit, je remarque avec horreur que la place à côté de moi est vide. Est-il possible que j’ai rêvé hier soir ? Ashton est bel et bien… Mort ? Je manque d’air et suis sur le point d’hurler alors que je me contente d’haleter son nom. Je suis réduite à le voir qu’en rêve ?

Je m’extirpe de mon lit, non sans me prendre les pieds dans la couette et m’effondrer au sol et me dirige avec hâte jusque quand la cuisine lorsque j’heurte quelqu’un devant ma porte de chambre.

« Kala tout va bien ? »

Je redresse la tête, m’attendant à voir Luke.

Sauf que ce n’est pas lui.

C’est bel et bien Ashton, vêtu d'un simple caleçon, deux tasses de thé fumantes à la main.

« J…J’ai cru que j’avais rêvé, q…Que tu étais mort et que…

-Kala, tout va bien, je suis là maintenant. »

Il pose les tasses et m’attire dans ses bras, redressant doucement ma tête de son pouce pour m’embrasser.

« Je ne te quitterai plus c’est promis. »