3 ~ The pain in her eyes

Kala

Lundi, 18 heures.

Ashton, c’est donc ainsi que le bouclé s’appelle. Et je le verrai encore ce soir.

         Je me fais couler un thé et me poste devant ma fenêtre, regardant au loin le soleil se coucher derrière les buildings, baignant d’ombres les rues de la ville. Seul le tram semble lumineux, reflétant sur sa paroi métallique les dernières lueurs d’une trop longue journée.

Pour moi la vie commence maintenant. Lorsque la nuit tombe, que les gens rentrent chez eux et que je pars travailler.

        Quand j’étais petite la nuit m’a effrayait, j’avais peur du noir, peur des choses qui se cachaient sous les lits. Sauf qu’un jour j’ai compris que les monstres ne sortaient pas exclusivement la nuit, mais également au grand jour, à la vue de tous. Et finalement j’ai commencé à craindre le jour bien plus que la nuit. Au moins la nuit, on ne voit pas et il existe certains monstres qu’il est préférable de ne jamais voir.

        Je déglutis et avale rapidement mon thé alors qu’un de mes chats me passe devant, secouant fièrement son pelage gris tout en répandant ses épais poils dans le fond de ma tasse. Il le fait à chaque fois que je bois un thé. Peut-être est-il jaloux et préfèrerait que je passe du temps à lui faire des câlins plutôt qu’à boire.

        Exaspérée je lave rapidement la tasse et m’occupe des gamelles de croquettes avant de faire mon sac. Je partirai d’ici une heure pour être sûre d’arriver à l’heure. Peut-être même en avance. Après tout, je préfère passer du temps au chenil plutôt que rester seule ici.

*

« Alors ce week-end ? –Me demande Michael, occupé à guérir la patte amochée d’un chaton-

-J’ai dormi –Dis-je en souriant en coin- mais je suis quand même fatiguée.

-Tu te moques de moi ? –Dit-il d’un ton boudeur-

-Oui –Je le regarde faire et câline doucement le petit dos du chaton- Et toi de ton côté ?

-Mh la junkie a récupéré sa chienne et j’ai eût quelques visites pour des vaccins, rien de bien exceptionnel pour un week-end. Ce petit-là est arrivé cet après-midi d’après mon père, il a été maltraité par un gamin dans la rue. »

        Je serre les poings. Je ne supporte pas qu’on maltraite les animaux. Ils n’ont rien demandé et c’est parce qu’ils sont plus petits, plus vulnérables, que des abrutis se permettent d’en faire ce qu’ils veulent.

Je déteste cette loi du plus fort.

        Une fois la pièce rangée je prends délicatement le chaton avec moi et vais le mettre dans un petit espace qui lui est réservé à l’arrière du refuge. Il ronronne avant d’aller se lover contre une petite couverture.

Je le regarde faire puis reste là un bon moment, observant cette petite boule de poil dormir sereinement, sa petite patte bandée qui ne semble pas trop l’ennuyer.

Comment peut-on faire du mal à une si petite chose ?

« Je savais que tu serais là –Soupire Michael dans mon dos-

-Je voulais m’assurer qu’il aille bien –Dis-je sans le regarder-

-Tu ne vas pas passer ta nuit ici.

-Et pourquoi pas ?

-Allez viens, je nous ai préparé un peu de thé. »

        Il me tend sa main et je me redresse, lui accordant un signe de tête en guise de remerciement. Je n’aime pas m’attarder de la sorte et Michael le sait. Je ne parle pas beaucoup, pas même avec lui, mais ça ne veut pas dire que je ne l’aime pas.

Nous prenons place dans le bureau de son père, qui donne sur la porte d’entrée et rapidement Michael me tend un mug bouillant.

« Réglisse »

        Je souris en coin, il sait que c’est un de mes parfums préférés, le seul élément positif qui semble d’ailleurs perdurer depuis mon enfance, quand ma mère me faisait gouter ses infusions à la réglisse pour m’aider à m’endormir. Un souvenir lointain.

Je soupire discrètement avant d’humer la forte odeur qui semble de répandre dans tout mon corps. C’est un régal et j’avale quelques gorgées, prenant soin de me brûler bêtement la langue.

«  Au fait j’ai rencontré une fille –Me dit Michael en brisant le silence-

-Ah oui ? –Dis-je en le regardant- Elle doit vraiment être exceptionnelle pour que tu t’intéresses à elle.

-Oh non elle est toute simple, je crois que c’est ce qu’il me plait chez elle.

-Tu l’as rencontrée où et quand ?

-Ce week-end, au chenil, elle est venue avec son chien qui avait besoin d’une opération au niveau du poitrail.

-Oh très romantique –Dis-je avec un rictus- Et tu connais son prénom ?

-Non, mais je compte le lui demander quand elle viendra récupérer son chien –Il sourit fièrement- Et ne te moques pas, car moi au moins je vais faire avancer les choses.

-Tu entends quoi par-là ?

-Quatre mois que tu prends le tram avec ce garçon dont tu m’as parlé et tu n’es pas fichue de…

-Je lui ai parlé –Dis-je d’un ton neutre-

-Vraiment ? Toi ? –Dit-il surpris-

-Oui, enfin non c’est lui qui est venu en premier, mais nous avons parlé.

-Et ?

-Et il est vraiment chiant ! –Dis-je en grognant contre ma tasse-

-Tu n’es pas possible Kala –Dramatise Michael en passant sa main dans ses cheveux lilas-

-Il n’a fait que me raconter sa vie ! –Dis-je en haussant les épaules comme pour me justifier-

-Sûrement parce que tu n’as pas daigné lui raconter la tienne. Le pauvre gars...

-Ma vie ne mérite pas d’être racontée –Dis-je d’un ton catégorique-

-Kala arrêtes de réagir comme ça quand on parle de toi –Il rapproche son fauteuil du mien-

-Quoi ? Je ne fais que dire la vérité et pour tout avouer, j’appréhende de prendre le tram ce soir.

-Pourquoi ?

-Car il sera là et qu’il va sûrement me tenir la jambe jusqu’à son arrêt.

-Tu pourrais au moins faire un effort non ? –Je lève les yeux au ciel- Si il t’a raconté sa vie c’est sûrement parce qu’il s’ennuyait, au pire ce n'est rien ça lui passera.

-Et bien qu’il aille se défouler ailleurs que sur moi.

-Kala à force de te renfermer tu vas finir par passer à côté d’une chouette rencontre.

-Je ne veux pas faire de rencontre ! –Dis-je avec fermeté- Tu es la seule bonne rencontre que j’ai faite et tu resteras la seule. Les autres personnes ne sont pas comme toi, elles ne me comprennent pas aussi bien que tu le fais. J’ai pas besoin d’avoir un autre ami que toi. »

        Il souffle avant de me prendre dans ses bras. L’espace d’un instant je recule un minimum avant de le laisser faire. Même si il a des cheveux violets et qu’il glousse bizarrement, Michael n’est pas un monstre. Je le serre doucement et pose ma tête sur son épaule.

C’est le seul qui n’a jamais cherché à comprendre qui j’étais et ce n’est pas plus mal, il m’accepte telle que je me montre aux gens et s’en contente.

Mais à l’inverse, cet Ashton a l’air bien trop curieux pour moi…

*

        La soirée est relativement calme sauf les camions de pompiers qui défilent devant nous depuis une bonne heure. Peut-être y-at-il un incendie pas loin ? Quoi qu’il en soit Michael me met gentiment dehors un peu avant deux heures du matin histoire que je puisse prendre le tram. ‘Il ne va pas te manger ce garçon et si vraiment il t’embête tu me le dis et demain je prendrai le tram avec toi’ J’acquiesce avant de rejoindre le quai où semble régner une légère panique. Apparemment il y a encore de nombreux camions de pompiers et les trams sont perturbés, si bien que le dernier tram pointe son nez aux alentours de la demie.

        Je m’engouffre dedans et reste debout en voyant le monde présent ce soir. Ca me change des alcooliques et des clochards. Non ce soir il y a des gens normaux, il y a des couples, des familles. C'est étrange.

        Je tourne la tête et enfonce mécaniquement mes écouteurs dans mes oreilles avant de m’éavder avec ma musique, oubliant le brouhaha incessant des autres passagers. Il ne manquait plus que le bouclé et ma soirée serait ruinée.

        Le tram annonce l’arrêt de l’hôpital et je me recroqueville un peu plus sur moi-même, remontant mon écharpe assez haut dans le but de me cacher, même si je sais que ça ne l’arrêtera pas. J’aurais dû me mettre ailleurs qu’ici, je suis stupide.

        Les portes se referment et il me semble que le tram est à nouveau plongé dans le silence. Etrangement je redresse la tête et remarque que les deux tiers des passagers sont en effet descendu et qu’à l’inverse peu de personne sont montées.

Et Ashton ne fait visiblement pas parti de ceux qui sont montés.

*

Ashton

        Le week- end a été particulièrement lent. Chaque soir je me suis occupé des même patients, essayant de leur redonner le sourire, mais en hiver, lorsqu’il fait froid toute la journée et que le ciel est constamment gris, peu de personne ont le cœur à plaisanter, si bien que je dois être un véritable ovni ici.

        Pendant ces deux jours j’ai aussi pris le temps de penser à cette fille, Kala. Peut-être avais-je été trop direct avec elle et bien que Luke trouvait ça inutile, j’aurais souhaité m’excuser. Mais pour ça je devais attendre lundi qu’on puisse de nouveau pendre le dernier tram ensemble.

        Le lundi est un jour relativement calme où je passe la majorité de mon temps à faire manger puis à coucher mes patients, je commence plus tôt et fini un peu plus tôt également, mais je reste malgré tout à l’hôpital, tout ça dans le but de pouvoir prendre le dernier tram. Mais alors que je vais pour coucher mon dernier patient  aux alentour d’une heure du matin, j’entends de grands cris provenir des couloirs et je sors rapidement pour voir Moyra courir le long du couloir, affolée.

«  Qu’est-ce qu’il se passe ? –Je demande-

-Il y a eût un accident de la route –Dit-elle les yeux grand souverts- Plusieurs blessés vont être apportés ici, les pompiers sont en route. 

-C’est grave ? –Dis-je avec stupeur-

-Des voitures, un camion et un bus qui transportait des enfants en voyage scolaire. »

        Je sens mon visage pâlir sous le choc. S’il y a bien une chose que je déteste le plus c’est de voir des enfants blessés et souffrants. Je jette un coup d’œil à ma montre et vais reposer mon sac au vestiaire sous le regard surpris de mes collègues qui s’affairent dans tous les sens.

«  Tu fais quoi Ash ? –Me demande Clarisse, une infirmière de l’hôpital-

-Je vais vous aider.

-Hors de question, tu as bientôt fini ton service, on va appeler Luke en renfort –Dit-elle-

-Non je reste, je ne vais pas vous laisser alors que des blessés arrivent.

-On va y passer la nuit Ashton –Dit-elle avec sérieux- Non je préfère que tu rentres te reposer.

-Ca va aller je vais tenir le coup. »

Je ne vais pas rentrer chez moi en sachant que l’hôpital sera en semi état de crise. Elle finit par accepter et s’en va appeler Luke et sûrement Oriane. La pauvre était en congé.

Quand je regarde à nouveau ma montre je vois tristement les aiguilles indiquer 02:00 du matin et je pense qu’en levant la tête je verrais au loin le dernier tram s’arrêter au quai avant de s'en aller.

 Ce tram dans lequel doit être Kala.

Est-ce qu’elle va remarquer mon absence ?

*

        Aux alentours de trois heures, un camion de pompier se gare devant l’hôpital et depuis la fenêtre je vois plusieurs petites silhouettes courir d’une démarche affolée vers le bâtiment.

Des enfants.

« Ash, vas avec les petits –Me dit Luke occupé à faire un garrot à une patiente- T’es un des rares ici qui sache divertir les enfants.

-Mais je…

-Pas de mais. Ils doivent sûrement être traumatisés alors va les faire rire un peu. »

        Je finis par accepter avant de descendre en bas, la boule au ventre à l’idée de voir tous ces visages terrorisés. Chacun d’eux me dévisage et j’essaye de maintenir mon sourire pour les rassurer, bien que je sois tenaillé par mon envie de pleurer. Ils sont tous mal en point, amochés, leur bus a sûrement fait des tonneaux et je me doute que beaucoup d’entre-deux sont en train d’être hospitalisés, dont leur maîtresse d’après Moyra.

Cependant je ne dois pas céder à la panique ni à la peine. Je n’ai pas choisi ce métier pour rien.

Je m’accroupis face à une petite fille qui serre fermement son doudou contre elle, son front est couvert de bosses et une coupure à la joue vient bafouer son visage de porcelaine.

« Tu as un très joli doudou dis-moi –Dis-je en pointant la peluche légèrement tachée du sang de l’enfant- comment est-ce qu’il s’appelle ?

-Anaée.

-Oh c’est très joli, donc c’est un doudou fille –Je souris du mieux que je peux à son visage fermé- Je vais te dire un seret ! Moi aussi j’ai un doudou, mais je le garde chez-moi parce que j’ai peur qu’on se moque de moi.

-Toi aussi il saigne ton doudou ? –Je déglutis alors qu’elle me montre sa peluche maculée de sang de plus près-

-Euh non… Mais si tu veux on va mettre un pansement sur la tienne et elle ira beaucoup mieux après, qu’en dis-tu ? –Elle fais oui de la tête et je prends un pansement sur une étagère avant de le coller à l’endroit le plus rougeâtre- Voilà, elle va mieux maintenant. Tu n’es pas contente ? –Demandé-je en voyant son visage fermé-

-Elle va mourir –Dit-elle d’une petite voix-

-Mais non, tu peux me faire confiance, je lui ai mis un pansement magique et…

-CYNTHIA ! –Je sursaute et remarque que des parents viennent d’avoir accès à la salle d’attente où se trouvent une partie des enfants-

-Maman ! –Dit la petite en lâchant son doudou avant de courir vers sa mère-

-Où est Anaée ? –Lui demande la femme alors que je reviens vers elle en souriant doucement-

-La voilà –Dis-je en tendant le doudou-

-Je vous demande pardon ? –S’exclame la femme, les yeux convulsés sous la peur- Anaée est mon autre fille ! Ou est-elle ? »

Je n'en sais rien, je ne comprends rien.

        Je fixe la petite fille dans le but d’avoir une réponse et ouvre grand les yeux. Tout se remet en place dans ma tête. Le doudou, le sang dessus qui finalement n’est peut-être pas celui de cette enfant mais d’Anaée, sa sœur… "Elle va mourir".

C’est d’ailleurs pour ça qu’elle a appelé son doudou Année.

        Je m’excuse pour la gaffe avant de monter à l’étage, les mains moites. Je ne supporte plus de voir tous ces parents affolés, ils sont pires que les enfants alors qu’ils devraient monter l’exemple. Mais autre chose me gêne. C’était le regard de cette petite, Cynthia. Elle m’a regardé droit dans les yeux avec dureté, comme si ce à quoi elle avait assisté avait à jamais éteint l’étincelle d’innocence dans ses yeux.

Des yeux froids qui témoignent d’un choc, de l’incompréhension face à tant d’injustice. Un regard lourd de reproches.

 Un peu comme ceux de Kala

Bonsoir, bon bah je ne suis pas satisfaite hein pour ne pas changer :( j'hésite même à supprimer cette histoire je ne sais pas ^^' je la trouve pas hyper bien partie :/ Votre avis ?

En tout cas merci à ceux qui liront :)

Kactus

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