VII.8 - Aux soeurs perdues qui se sont retrouvées
Quand Wanda sortit de la cuisine, une assiette de porridge dans chaque main, elle ne s'était pas attendu à entendre une dispute endiablée en passant devant la porte de la salle à manger.
- Ils ont des informations qui peuvent nous être utiles, dit une voix féminine.
Tonks, peut-être ? Wanda n'était pas sûre.
- C'est absolument hors de question ! Et nous avons déjà une espionne pour ce genre de choses, objecta une voix forte qui, cette fois la sorcière en était sûre, appartenait à Maugrey.
- Mais cela les concerne particulièrement. Il s'agit de la mère de Draco... objecta un homme.
Wanda poussa un soupir silencieux et décida de passer chemin, elle ne voulait pas qu'on l'accuse d'écouter aux portes. On avait déjà assez de choses à lui reprocher.
Elle rejoignit la chambre où avait été installée Narcissa. Cette dernière était toujours plongée dans un profond sommeil. Draco, assis sur un fauteuil en face du lit, était au chevet de sa mère.
- Hey. Comment tu vas ? demanda-t-elle avant de poser une assiette sur ses genoux.
Il la remercia pour le porridge et en avala une grande cuillère. Wanda voyait bien qu'il se forçait. Elle pouvait comprendre pourquoi il avait l'estomac noué, avec tout ce qu'il s'était passé. Il lui adressa un sourire qui sonnait faux. Il était impossible de ne pas avoir les cernes sous ses yeux tant elles étaient sombres.
- Comment est-ce que toi, tu vas, Wanda ? demanda-t-il soudain.
La sorcière fronça les sourcils. Ce n'était pas une question à laquelle elle s'était attendue. Après tout, ce n'était pas sa mère à elle qu'on avait retrouvée inconsciente sur le porche de la maison.
Elle ne savait même pas que répondre à cela. Est-ce qu'elle allait bien ? Non. Certainement pas. Elle avait perdu une part d'elle, un fragment de son âme. Elle vivait avec la terrible certitude qu'elle ne serait plus jamais entière à nouveau. Vivait-elle encore ? Elle essayait en tous cas. Elle essayait de toutes ses forces de continuer à avancer même si son cœur brûlait de l'intérieur, même si rien ne semblait plus avoir de sens. Elle essayait et essayait encore. Elle ne vivait pas, elle existait. Mais c'était suffisant.
Une part d'elle voulait tout envoyer au diable. Oublier le monde, oublier la guerre, tout oublier. Juste s'enfermer quelque part et ne plus jamais en sortir. Fermer les yeux et ne plus jamais les ouvrir. Sentir les battements de son cœur lentement ralentir jusqu'à s'arrêter pour de bon. Mais elle faisait taire cette voix. Elle ignorait ses doux murmures, ses belles promesses. Parce que c'était ce que Pietro aurait fait : avancer. Parce que faire l'autruche ne le ramènerait pas, parce que rien ne le ramènerait jamais. Parce qu'elle devait se montrer digne de son sacrifice.
Alors elle continuait. Elle continuait à respirer, même si chaque inspiration était plus douloureuse que la précédente. Elle continuait à avancer, pas après pas, même si elle avait l'impression de marcher pieds nus sur des braises. Elle continuait à sentir son cœur battre, tapant si fort qu'il lui déchirait la poitrine, mais elle acceptait la douleur qui avec au moins le mérite de lui rappeler qu'elle était en vie. Elle existait, et elle devait continuer à exister. Pour Pietro, pour Daphné, pour tous ceux qui n'existaient plus. Elle devait continuer à avancer.
- Je tiens le coup, répondit-elle dans un soupir.
Et elle le devait. Parce qu'ils comptaient sur elle. Ceux qu'elle avait aimé, ceux qu'elle avait perdus. Ils comptaient sur elle pour achever ce qu'ils avaient commencé. Pour faire de ce monde un endroit meilleur, ou du moins un endroit un peu moins pire que ce qu'il n'était actuellement. Le monde comptait sur elle. Elle devait tenir le coup.
- On avait dit plus de mensonge, non ?
La main de Draco, qui s'était levé pour s'approcher d'elle, se posa avec douceur sur son épaule. Elle sentit son coeur se réchauffer un peu sous son toucher. Il avait toujours le don de l'apaiser. Le monde n'existait plus, ni les gens ni la guerre. Il n'y avait qu'eux deux. Alors, elle s'autorisa à montrer ses insécurités.
- Je sais que c'est égoïste, mais j'en ai marre de me battre. Je sais que c'est ce qu'il aurait voulu : que je reprenne le flambeau, que je combatte dans les rangs de l'Ordre, que je gagne la guerre. Et je sais que c'est ce qui est juste. Mais je suis tellement fatiguée. Plus rien n'a de sens. C'est comme si le monde avait perdu toute sa saveur, toutes ses couleurs. C'est comme si j'étais morte avec lui.
Draco tira légèrement sur son épaule et l'attira dans son bras. Elle enroula ses bras autour de sa taille et ils restèrent serrés l'un contre l'autre de longs instants.
- Tu as le droit d'être fatiguée, d'être perdue, d'être triste, d'être en colère. Tu as perdu la personne dont tu étais la plus proche, une part de toi. Personne ne te reproche de ne plus trouver de sens à rien, après un événement pareil. Mais on va s'en sortir, ensemble. Je ne te garantis pas que tout va s'arranger, mais je sais que ce sera plus facile, avec du temps.
Wanda lui adressa un maigre sourire. Ils furent soudain surpris par le grincement de la porte et s'écartèrent l'un de l'autre alors qu'entrait Tonks dans la chambre.
- Il y a une réunion de l'Ordre qui va commencer et vous êtes invités, les tourtereaux.
Sans faire de commentaire sur le surnom, ils suivirent la métamorphomage jusqu'à la salle à manger où de nombreux membres de l'Ordre prenaient place. Dès que le couple posa le pied dans la pièce, tous les regards se tournèrent vers eux. La plupart était empli de dédain, ne cachant pas leur dégoût à l'égard de deux ex-mangemorts, d'autres méfiants, et une petite minorité était encourageant. Parmi ces derniers se trouvaient les frères Odinson, qui les invitèrent à s'asseoir à leurs côtés, ce qu'ils firent sans se faire prier. Non loin d'eux, une femme d'une quarantaine d'années les regarda en fronçant le nez, comme si elle était face à un scrout à pétard particulièrement laid.
- Je n'arrive pas à croire qu'ils soient ici, maugréa-t-elle.
Madame Weasley, assise en face d'elle, lui adressa un regard réprobateur.
- Hestia, s'il-te-plait...
La dénommée n'eu pas le temps de répondre qu'une jeune femme rousse entra dans la salle, déclenchant encore plus de réactions que l'arrivée de Draco et Wanda.
- Доброе утро, salua-t-elle. Désolée de ne pas être venue plus tôt, j'ai été retenue par des affaires importantes. (Bonjour)
Natasha s'asseya à côté d'un jeune homme à la peau noire qui, Wanda en était presque sûre, avait été préfet en chef des Serpentards quelques années plus tôt. La rousse adressa un regard amical au couple.
- Draco, Wanda, ravie de vous revoir.
Le Serpentard se leva d'un bond et se précipita vers elle. A la surprise générale, en particulier celle de Natasha, il la serra dans ses bras.
- Merci pour ce que tu as fait pour ma mère, souffla-t-il avant de s'écarter.
- Ne me remercie pas, c'est normal. Comment va-t-elle ?
- Un médicomage l'a ausculté, répondit Rémus. Elle va bien et ne gardera pas de séquelles. Elle devrait bientôt se réveiller.
Natasha hocha la tête et Draco rejoignit sa place. L'espionne entreprit de faire le récit de ce qu'il s'était passé, donnant plus de détails que ne l'avait fait Wanda.
- Une fois Mrs Malefoy partie, je suis retournée auprès de Vous-Savez-Qui. Il était en colère, mais pas contre moi. Contre vous, elle pointa son doigt vers les deux ex-mangemorts, et le bordel que vous avez causé. Mais le côté positif c'est qu'il semble me faire plus confiance, il pense même à faire de moi une mangemort.
Maugrey hocha la tête, satisfait.
- Comment a-t-il réagi en découvrant l'absence de Mrs Malefoy ? demanda Lupin.
- A votre avis ? Il l'a appris dans la matinée et il était furieux, mais pas autant que je ne l'aurais cru. Ce n'est pas comme si elle avait des informations que vous n'auriez pas déjà récupérées par Wanda et Draco. Et il est plus concentré sur retrouver Potter et ses amis que sur quoi que ce soit d'autre.
- Tu es sûre qu'il ne te soupçonne pas ? demanda l'homme assis à sa droite.
La rousse secoua la tête.
- Je ne crois pas. Mais je ne peux pas non plus garantir qu'il me fait totalement confiance. Je crois qu'il pense plus qu'elle a essayé de s'enfuir toute seule et qu'elle est probablement morte dans le processus. Ou alors que son mari l'a aidé. Je me suis arrangée pour être à ses côtés le plus possible. Mais, comme je l'ai dit, c'est loin d'être sa priorité pour le moment.
L'homme ne sembla pas rassuré par cette réponse et garda son air inquiet.
- Fais bien attention, Nat. Tu joues avec le feu, ne l'oublie pas. Ce que tu as fait hier était très dangereux. Imagine qu'il l'ai découvert et...
- Nick, tout va bien ! l'interrompit l'espionne. Je suis toujours là, non ? Il ne se doute de rien. Je maîtrise la situation.
- Reste prudente, gamine, lança Maugrey. Ne baisse jamais ta garde.
Elle hocha la tête. La discussion se poursuivit sur des sujets variés. Quand la réunion prit fin, la majorité des personnes présentes quittèrent le quartier général tandis que les autres retournèrent vaquer à leurs occupations. Ne restèrent dans la salle plus que le couple ainsi que Lupin, Tonks et une femme d'une cinquantaine d'années qui lui ressemblait beaucoup.
- Voici Andromeda Tonks, ma mère, la présenta la métamorphomage.
Draco se sentit quelque peu mal à l'aise. Dans les rares histoires que sa mère lui racontait à propos de sa jeunesse, Andromeda n'était jamais mentionnée. S'il n'y avait pas cette tâche brulée à côté des noms de Bellatrix et de Narcissa sur leur arbre généalogique, on aurait pu croire que la famille Black n'avait jamais eu que deux filles. C'était si étrange de rencontrer toute cette branche de la famille qu'il n'avait jamais connu, dont il n'avait jamais entendu parlé jusqu'alors, à part au travers des gromellements de tante Bellatrix sur sa sale traitresse à son sang de soeur qui avait déshonoré la famille en épousant un né-moldu.
- Ravie de faire votre connaissance, Madame Tonks, dit-il poliment en tendant sa main vers elle.
La sorcière ignora royalement sa main tendue pour le prendre dans ses bras. Le Serpentard fut encore plus surpris que ne l'avait été Natasha quand il avait fait la même chose, un peu plus tôt.
- Je t'en prie, appelle-moi Andromeda ! Je suis ta tante, après tout.
Draco lui adressa un petit sourire. Peut-être qu'avec un peu de temps il pourrait la considérer comme un membre de sa famille. Tout serait toujours mieux que sa seule autre tante, qui n'avait pas hésité à tenter de tuer sa petite-amie et qui, il réalisa avec un frisson d'horreur, n'aurait aucun scrupule à le tuer lui, son propre neveu, si l'occasion se présentait.
- Comme vous voudrez Ma... Andromeda.
***
Draco et Wanda étaient assis sur les deux fauteuils de la chambre de Narcissa, chacun plongés dans un roman, quand un bruit les fit sursauter. Ils se tournèrent vers le lit, où Narcissa, les yeux toujours clos, tatonnait ce qui l'entourait. Le Serpentard se leva brusquement et serra la main de sa mère dans la sienne.
- Tout va bien maman. Je suis là.
La sorcière papillona des paupières et murmura d'une voix faible :
- Draco ?
Il serra plus fort sa main.
- C'est moi, maman. Je suis là. Tout va bien. Je suis là.
Cette fois, elle ouvrit totalement les yeux et esquissa ce qui ressemblait à un sourire rassuré en voyant son fils. Elle posa sa main libre sur sa joue et la caressa du bout de son pouce.
- Draco, sa voix était aussi forte qu'un murmure mais assurée comme jamais il ne l'avait entendu auparavant.
- Ça va aller, maman. Tu es en sécurité ici.
Narcissa se releva pour passer en position assise. Elle lâcha la main de son fils et le prit dans ses bras. Cela faisait de longues années qu'elle n'avait pas enlacé son fils comme ça. Draco répondit à l'étreinte, serrant sa mère aussi fort qu'il le pouvait. Il avait eu si peur de la perdre. Aucun mot n'était assez fort pour exprimer le soulagement qu'il ressentait en cet instant.
Quand ils se séparèrent, de longues minutes plus tard, une vague de panique percuta soudain le jeune homme. Il craignait la réaction de sa mère quant à sa trahison. Après tout, c'était de sa faute si elle avait été blessée. Sa trahison l'avait mise en danger.
- Maman, je suis tellement désolé. Tout est de ma faute.
La sorcière secoua d'abord la tête mais arrêta presque aussitôt, une légère grimace de souffrance déforma son visage quelques instants. Elle se contenta ensuite de lancer un regard tendre à son fils.
- Ne dis pas de bêtises, dit-elle sur le même ton qu'elle avait quand elle le réprimandait gentiment après qu'il lui ai raconté des mensonges éhontés pour couvrir ses bêtises alors qu'il n'était qu'un enfant. Tu as trouvé le courage de faire ce que je n'ai pas eu la force de faire des années auparavant : quitter cet enfer. Je suis très fière de toi, mon fils.
Pour toute réponse, Draco reprit sa mère dans ses bras et la serra fort contre sa poitrine.
- Je t'aime, maman, souffla-t-il.
Et il lui sembla que c'était la première fois depuis une éternité qu'il le disait. Bien sûr, il n'en avait jamais douté. Mais il n'avait tout simplement jamais dit cela à voix haute depuis de longues années, peut-être même depuis une décennie. Les Malefoy ne montraient pas leurs émotions. Les Malefoy ne se prenaient pas dans les bras. Les Malefoy ne se disaient pas ce genre de choses. Aussi, cela sonnait si doux, si vrai, si libérateur d'enfin le dire, d'enfin exprimer ce qu'il avait sur le cœur. Il se sentait plus léger.
- Je t'aime, mon fils.
Wanda assista aux retrouvailles des deux Malefoy, un sourire attendri aux lèvres. Cependant, elle ne pouvait faire taire l'anxiété qui rongeait ses entrailles. Elle ne savait pas comment Narcissa allait réagir en sa présence. Elle avait toujours été correcte avec elle au manoir, mais désormais les choses avaient changé. Ils étaient devenus des traîtres, tous les trois, à cause d'une chaîne d'événements qu'elle avait elle-même déclenché.
Quand ils se séparèrent, la femme tourna son regard vers la déesse qui s'approcha.
- Je suis contente de voir que vous allez bien, Madame.
Narcissa lui adressa un sourire sincère. Cela déstabilisa la Serpentard. Elle avait toujours agi en sa présence avec une certaine politesse mais beaucoup de froideur, comme avec toutes les autres personnes avec qui Wanda l'avait vu interagir. Mais elle ne portait plus son masque de froideur. Elle semblait comme transformée, plus sincère, plus chaleureuse. La sorcière réalisa qu'elle aimait beaucoup cette nouvelle facette de Narcissa.
- Wanda, dit-elle d'une voix douce, je voulais te remercier.
La dénommée fronça les sourcils, surprise.
- Me remercier ?
- Pour tout ce que tu as fait pour mon fils, expliqua Narcissa. Tu le rends heureux. Tu l'as aidé et tu n'as jamais cessé de le protéger. Merci du fond du cœur.
Wanda esquissa un sourire.
- Vous n'avez pas à me remercier. Draco et moi, nous nous sommes promis de se protéger l'un l'autre et c'est ce que nous ferons.
Soudain, la porte s'ouvrit sur Andromeda.
- Bonjour Cissy, dit-elle avec un sourire. Je vois que tu es réveillée.
Un mélange d'étonnement et de joie passa sur le visage de Narcissa. Wanda sentit sa tête lui tourner tant les émotions qui émmanaient de la femme étaient intenses. Comment en être autrement, alors qu'elle revoyait sa sœur qu'elle n'avait pas vu depuis des décennies ? Elle pouvait sentir toute sa surprise, son bonheur mais également une certaine mélancolie quant à toutes ces années gâchées et une forte appréhension. Les deux sœurs étaient-elles toujours les mêmes que quand elles s'étaient quittées ? Ou étaient-elles devenues trop différentes pour se reconnaître au-delà des apparences ?
- Andie ! s'exclama-t-elle.
Andromeda se tourna vers le couple.
- Les enfants, vous pouvez nous laisser ? Ma soeur et moi avons beaucoup de choses à discuter.
Wanda et Draco hochèrent la tête avant de quitter la pièce, laissant les deux sœurs rattraper un peu de tout ce temps perdu.
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