Edward n'avait pas appelé ce soir-là. La matinée était déjà bien avancée et je commençais sérieusement à me faire du souci. Perdue dans mes réflexions, j'en oubliais presque la présence d'Alice à mes côtés. Le silence s'était progressivement installé dans le salon, le son de la télé avait été baissé au minimum.

J'entendis brusquement un pas claudicant dans les escaliers, suivi d'une démarche beaucoup plus légère. Jake descendit les dernières marches assez lentement, fermement appuyé sur la rambarde. Derrière lui, Carlisle surveillait attentivement sa progression, tenant deux béquilles à la main.

- Jacob ! m'écriai-je, stupéfaite. Mais qu'est-ce que tu fais ?

Au lieu de m'enchanter, la vision de mon ami tenant difficilement sur ses deux jambes m'effraya. Je craignais une nouvelle catastrophe, non sans raison. S'il se blessait en faisant un quelconque effort trop important pour lui, je n'étais pas certaine de supporter qu'il revienne à la case départ. Je me demandai comment le médecin avait pu autoriser cela, au lieu de l'obliger à mettre toutes les chances de son côté.

- Ne t'en fais pas, intervint Carlisle, un grand sourire aux lèvres. Il ne court plus aucun risque.

- Vraiment ? demandai-je, sceptique.

- Bella, je t'en prie, soupira Jacob en attrapant les béquilles que lui tendait mon beau-père. Tu ne tiens quand même pas à ce que je reste cloué au fond d'un lit pour le reste de ma vie ?

- Bien sûr que non, mais... regarde comment tu marches, insistai-je.

- Je t'assure que toi aussi tu serais ankylosée, si tu avais passé plusieurs jours sans bouger le plus petit doigt de pied.

- Il doit juste éviter de se fatiguer, expliqua tranquillement Carlisle. Mais il est complètement remis maintenant, je crois même que je l'ai gardé là-haut un jour de trop.

Mes craintes s'envolèrent tout à coup. Enfin, j'étais certaine que mon ami ne serait pas condamné au triste sort de son père, que toute menace était désormais écartée de son chemin. C'était la première bonne nouvelle que j'entendais depuis des jours. Je ne pouvais pas dire que je me montrais heureuse - je ne m'en sentais pas capable - mais j'étais désormais un peu plus sereine, et même un peu plus confiante en l'avenir.

Au moins, je n'aurais pas à supporter le fardeau de ma culpabilité pour le reste de mon éternité. Quoique... Quelle que soit l'issue de cette histoire, je ne me pardonnerais jamais mon attitude. J'avais aujourd'hui l'impression de comprendre ce que pouvait ressentir Edward lorsqu'il repensait à ce que j'avais traversé et souffert lorsqu'il était parti.

- Je ne pensais pas avoir à réutiliser ces machins-là un jour ou l'autre, reprit Jacob en brandissant l'une de ses béquilles.

- Ça ne te sera pas d'une grande utilité mais j'aimerais que tu les gardes pour aujourd'hui. Par sécurité, précisa Carlisle.

- Alors, on va être obligés de supporter sa présence au quotidien ? lança tout à coup Rosalie sans lever les yeux de son journal.

- À ton avis ? rigola Jacob.