Edward se pinça l'arête du nez.

- Je n'avais pas le choix, plaidai-je.

- Un simple coup de téléphone aurait suffi, contra-t-il.

- Billy ne répondait pas, me défendis-je. Et de toute manière, il méritait mieux que ça.

- Ça ne te donnait pas le droit de prendre ce genre de liberté, se radoucit-il pourtant.

Mes paroles avaient fait mouche. Sam réalisait le bien-fondé de mes arguments. À la place de Billy, il aurait sans doute apprécié que l'on agisse de même avec lui. J'en profitai pour enfoncer le clou.

- Je l'ai aussi fait pour Jacob. Son état est critique. Il avait besoin de son père.

- Bella, soupira-t-il en jetant un regard à ses compagnons, quelles que soient les raisons qui t'aient poussée à agir, tu ne devais pas le faire.

Lentement, les loups s'assirent tandis que la famille se regroupait - à l'exception d'Edward qui guettait encore une réaction que je n'attendais plus.

- Je comprends ta position, mais tu dois aussi comprendre la mienne.

- Je sais, reconnus-je. J'ai agi à la va-vite. Avec Renesmée qui n'était plus là...

Je m'interrompis en constatant que ma voix s'était mise à trembler. Gêné, Sam semblait se rendre compte que sa réaction avait été outragée.

- Je comprends, acquiesça-t-il.

N'y tenant plus, Edward franchit le cours d'eau sous le regard médusé de sa famille. Les loups sautèrent sur leurs pattes au moment où leur chef faisait volte-face. Je crus que la situation allait dégénérer. Je me plaçai devant Sam, de manière à le protéger. Au moment où Edward toucha terre, je compris que je m'étais trompée sur ses intentions. Lorsqu'il m'attrapa par la taille, tout le monde se dérida.

- Ça suffit, déclara-t-il sèchement. Elle a compris.

- Je n'ai pas terminé, protesta l'Indien.

Ma moitié lui adressa un regard exaspéré qui trahissait plus son impatience qu'un réel agacement.

- Jacob va bien, le renseigna-t-il en réponse à sa question silencieuse. Il va avoir besoin d'un peu de temps. Nous lui dirons que vous êtes passés, ajouta-t-il en se tournant vers les nôtres.

Je constatai alors qu'Esmée avait regagné les bras de Carlisle, visiblement rassurée par l'issue de notre échange. Le reste du groupe n'avait pas bougé d'un pouce. Collin et Jared avaient rejoint Sam en attendant le signal de départ.

- Comment réagit-il ? enchaîna le jeune homme.

Il n'eut pas besoin de préciser le fond de sa pensée. Je fus la plus prompte à lui répondre.

- Plutôt bien. Pour l'instant, murmurai-je, craignant que l'intéressé ne puisse nous entendre depuis la villa.

Comprenant ma démarche, Sam fixa longuement Edward. Il faudrait que je songe à lui demander ce qu'il venait de se dire.

- Edward... croassa soudain ma belle-sœur.

Je me figeai en apercevant Alice qui s'accrochait férocement à son amant. Son regard était vide mais son visage trahissait une réelle terreur. Nous bondîmes tous les deux par-delà le cours d'eau, au moment où les autres fondaient déjà sur elle.

Ma belle-sœur continuait de murmurer des paroles inintelligibles à toute vitesse. Le prénom de son compagnon fut prononcé à deux reprises et je crus même entendre le mien, sans être sûre de rien, cependant. Son corps s'agitait comme pour échapper à des mains invisibles.

Au bout de quelques secondes, elle se figea brusquement et pivota brutalement la tête de quelques degrés. Fouillant la réalité du regard, Alice se mit à sangloter et je fus choquée de la voir dans un tel état de faiblesse. Jasper la serra dans ses bras, dont les cicatrices réfléchissaient la lumière du soleil. Il lui murmura de se calmer, sans succès. Devant l'impuissance de son frère, Edward prit la relève.

- Ça n'arrivera pas, la rassura-t-il en l'attrapant par les épaules.