5. RENESMÉE (Partie XIII)

Le trajet pour aller jusqu'à la Push me parut étonnement court - peut-être parce que l'aiguille du compteur n'avait pas décollé de la partie droite du cadran. Je n'étais pas du genre à m'enivrer d'une bonne course, plaquée au fond de mon siège, le pied collé à l'accélérateur, comme pouvaient le faire Emmett ou mon mari.

Pourtant, je me surprise à apprécier la rapidité avec laquelle la forêt dense défilait derrière la vitre, la célérité avec laquelle l'asphalte humide disparaissait sous le pare-choc de la Volvo. Je levai cependant le pied lorsque je distinguai les premières habitations de la Réserve. Je jetai un coup d'œil à la petite horloge du tableau de bord - il m'avait fallu moins de dix minutes pour me rendre à la Push.

Peu désireuse de me faire remarquer, je me garai sans bruit à l'abri de grandes cigües et coupai le contact. Fourrant les clés dans mon sac, je choisis de parcourir les quelques centaines de mètres qui me séparaient encore de chez les Black à pied.

La première chose que je vis en débouchant du sentier fut la petite maisonnette en bois, délavée par la pluie. L'air frais amenait l'odeur étonnamment douce du sel et du sable que la mer charriait inlassablement, et contrastait avec les arômes boisés et humides de la forêt. J'inspirai une pleine bouffée avant d'être de nouveau assaillie par le bouquet un peu trop puissant des loups.

Subitement, toutes mes pensées se tournèrent vers Jake. Tous les moments que nous avions passés ensemble à la Push, qu'ils fussent bons ou mauvais, me sautèrent à la figure. Cependant, la gravité de la situation reprit le dessus sur mon égarement. J'étais venue pour accomplir la lourde tâche de mettre Billy au parfum.

Extirpant mes talons aiguilles de la boue - j'avais enfilé la première paire de chaussures qui m'était tombée sous la main -, je jurai en maudissant Alice. À la réflexion, ma robe coupée trop court à mon goût n'était pas non plus des plus appropriées. Je boutonnai alors mon manteau jusqu'en haut, histoire de paraître un peu plus présentable, et fourrai mes mains dans mes poches.

Respirant un bon coup - ce que je regrettai presque aussitôt -, je parcourus les derniers mètres avec une lenteur exagérée. Je me plantai devant la porte et frappai trois coups. Je crus entendre le froissement d'un journal que Billy devait être en train de lire. Cependant, il ne semblait s'être aperçu de rien.

Bien que je redoutais ce moment, je me sentis tout à coup le besoin de me libérer de ce poids. J'étais pressée de tout raconter au vieil homme, de soulager ma conscience de ce lourd fardeau. Je réitérai mon geste avec impatience. Cette fois, je perçus le gémissement des roues du fauteuil de l'Indien. Pourtant, la porte resta désespérément close.

- Qui est là ? retentit brusquement la voix enjouée de l'homme, dans un froissement de tissu.

Contournant la façade, je me dirigeai vers la fenêtre de la cuisine, derrière laquelle Billy se tortillait pour essayer d'y mieux voir. À la place d'une fenêtre, une petite ouverture avait été grossièrement taillée dans les rondins de bois, sur lesquels avaient été fixées deux charnières. Vu leur état, je doutais qu'elles fussent encore en mesure de jouer pleinement leur rôle.

Cette partie de la maison était surmontée d'un petit abri qui protégeait plus ou moins efficacement de la pluie une montagne de morceaux de bois soigneusement empilés.

- C'est moi, Billy, fis-je en haussant la voix et en agitant timidement la main.


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