Une légère bruine s'était mise à tomber et s'accrochait aux herbes folles qui commençaient à courir dans notre jardin. Je perçus le martèlement des gouttes de pluie qui s'écrasaient sur l'eau, ondulant légèrement sa surface.

J'avais refusé que quiconque - et en particulier Alice, qui se sentait le besoin de nettoyer ce qui n'avait plus besoin de l'être - ne se préoccupe de la bonne tenue de notre cottage, de ma maison. Je n'en avais fait qu'à ma tête mais j'avais promis de prendre soin de ce cadeau unique.

L'intérieur était comme au premier jour - ce genre de banalités m'occupaient l'esprit quand les miens étaient absents. Pour ce qui était du jardin, n'ayant jamais eu la main verte, j'avais cédé la place à Edward.

- Il serait peut-être temps que je m'occupe de ce jardin, soupira Edward, en écho à mes réflexions.

Je me relevai à demi sur mon coude et caressai les cernes désormais apparentes sous ses yeux, qui commençaient à virer au sombre.

- Il serait également peut-être temps que tu ailles chasser, renchéris-je.

Mon mari leva les yeux au ciel et émit un petit rire.

- M'en laisseras-tu seulement le temps ? m'interrogea-t-il.

Je me redressai brusquement et écarquillai les yeux.

- Est-ce que je t'accaparerais trop ? m'enquis-je, désireuse de connaître la vérité.

Après tout, je devais bien reconnaître que nous passions la plus grande partie de nos journées ensemble et plus particulièrement dans la chambre. Pour ce qui était de cette facette de ma nouvelle vie, je n'avais pas vraiment eu l'occasion de m'y préparer.

Edward et Carlisle m'avait confié que la seule chose pour laquelle je serais susceptible d'éprouver du désir pendant près d'une année serait le sang, surtout le sang humain. Or, j'avais - à ma grande surprise - parfaitement maîtrisé la situation. D'après Jasper, j'avais surmonté l'épreuve avec un self-control hors du commun - des immortels.

À mes yeux, je n'avais aucun mérite. Après tout, je connaissais déjà le goût de l'hémoglobine à l'époque où je n'étais encore qu'une humaine et j'avais apprécié ça. Mais s'il y avait bien une chose à laquelle je ne m'étais pas préparée, c'était l'effervescence qui agitait mon corps tout entier quand j'apercevais Edward, la raideur qui engourdissait chacun de mes membres mais électrisait chacun de mes plus petits vaisseaux.

Je savais parfaitement que le désir ressurgirait au bout de quelques temps, mais dans mon cas, il ne m'avait jamais quittée. Peut-être que mon expérience - encore humaine - avec Edward avait modifié quelque chose en moi, en profondeur. J'avais quand même accepté de repousser l'échéance de ma transformation uniquement pour passer encore quelques nuits avec lui !

J'avais eu peur de quitter ce bien-être étrange qu'il me procurait. Sur l'instant, j'avais été ridicule, mais j'étais encore ignorante des sensations nouvelles qu'il était en mesure de m'apporter. Et aujourd'hui, alors que j'en profitais pleinement et que je pensais lui offrir autant de bonheur que j'en recevais, je me rendis compte que j'avais été égoïste.