15 - Peinture

Mélanie peignait une nouvelle œuvre qu'elle regardait avec appréhension. Elle était perplexe face à ce qu'elle était en train de produire. Elle n'avait pas envie que ces sentiments soient lisibles sur les lignes de ce tableau, sur ses traits de pinceaux mais la toile n'arrivait pas à rester neutre. On pouvait voir à quel point elle était en colère, triste, brisée, cassée, paumée, perdue, blessée, meurtrie, énervée. Elle ne savait même plus où regarder et cela se voyait aussi. Elle regarda son œuvre, ne la quittant par du regard, le pinceau encore dans sa ma main droite alors qu'elle poussa un long soupir tout en passant sa main gauche dans ses cheveux qu'elle avait omis d'attacher.

Mélanie avait envie de balancer la toile par la fenêtre parce qu'elle voulait qu'elle reste neutre mais malgré cela, elle aimait bien ce qui se trouvait devant ses prunelles vertes. Elle aimait parce que c'était confus et c'était tellement beau. Il y avait tellement de subtilité, d'arrière-plan et quelques traces implicites qui pourraient être sujets à débats. Elle aimait énormément, surtout qu'elle avait employé des mélanges de couleur qu'elle n'avait jamais utilisé auparavant et elle en était fière. Autant les couleurs employées pour la toile, que le mélange de celle-ci sur la toile.

Mélanie laissa un petit sourire filer sur ses lèvres alors que son cœur battait la chamade dans sa poitrine sans aucune raison apparente. Elle se mordit la lèvre inférieure alors qu'elle pencha la tête sur le côté, essayant de comprendre ce que son cerveau peignait pour elle, ne contrôlant même plus ses doigts ni ses mains. Elle ne voyait pas très bien où tout cela voulait en venir et où tout cela allait arriver mais elle ressentait le besoin de continuer de peindre sur cette toile et non de la jeter par la fenêtre. Elle avança à nouveau le pinceau vers la toile mais rien ne venait.

Mélanie ferma les yeux et essaya de se concentrer sur le travail qu'elle était en train de faire. Elle doutait qu'elle mettrait un jour ce tableau dans des galeries d'art, ce n'était aucunement son but mais elle se doutait bien qu'elle regretterait le résultat en le continuant. Mais elle en avait le besoin, la nécessité de continuer. C'était ça ou sa santé mentale partait en couilles alors il n'y avait pas vraiment de choix. Sa main se dirigea toute seule sur la toile et continua de peindre. Elle n'osait pas rouvrir les yeux de peur de voir quelque chose qu'elle ne voudrait aucunement voir. Elle avait envie de se préserver d'une erreur mais elle sentait et savait très bien que cela ne servait strictement à rien parce que si ce n'était pas elle qui merdait, c'était autour d'elle que cela foirait.

Mélanie ne pu s'empêcher de penser à Joe et se demandait même ce qu'il pouvait bien être en train de faire. C'était tellement plus fort qu'elle, c'était beaucoup trop fort pour elle. Elle n'arrivait pas à ne pas penser à lui. C'était complètement débile, il lui avait fait du mal et il continuait de lui en faire surtout qu'il ne voulait pas dire les raisons de son départ mais elle n'arrivait pas à stopper ces pensées et les sentiments qu'elle avait à son égard. Elle n'arrivait pas à la tuer comme elle pourrait tuer une peluche. Elle n'y arrivait pas et se détestait pour ce simple fait parce que cela avait tellement d'importance aussi dans sa vie. C'était ce qui la rythmait.

Mélanie avait toujours connu une vie rythmée par les crises de folie de sa mère, la douleur, la peur, les coups durs, les coups de blues, l'ignorance, l'abandon. Elle n'avait jamais eu une vie facile et tout était revenu à surface quand Joe était partit, c'était pourquoi elle avait eut tant de mal à s'en remettre et qu'il avait fallut la ramasser à la petite cuillère. Les souvenirs avaient refait surface en emportant avec lui le passé douloureux qu'elle se trimbalait et maintenant que Joe était de retour, la même chose était en train de se produire. Son passé remontait à la surface, prenant les souvenirs sous ses ailes ; autant des bons que des mauvais ; et la douleur venait avec, ne restant pas seule toute derrière dans l'obscurité de la mémoire de la jeune brunette.

Mélanie n'avait clairement pas eu une vie facile. Elle avait rapidement prit son indépendance et les choses en main, vivant seule avec ces demi-frères et sœurs, une mère complètement cinglée et folle ainsi qu'un beau-père qu'elle ne pouvait même plus voir en photo et qui était de nature violente, cinglante et méchante, ne pesant jamais les mots, les coups et la force qu'il employait autant quand il crachait des remarques et des moqueries au visage de la jeune femme que quand il osait lever la main sur elle. Elle avait connu un quotidien qu'elle avait souvent cacher au quotidien des autres alors qu'eux ne se doutaient clairement pas de tout ce qu'elle devait subir durant sa vie de « tous les jours ». Elle n'aimait pas sa vie, depuis le début mais ce n'était pas les seuls facteurs qui étaient entrées en compte dans toute cette « vie ».

Mélanie n'avait jamais eu vraiment le temps de connaître son père. Il avait été présent pendant 5 ans, puis, il avait disparu du jour au lendemain. Il avait prétexté de partir se chercher un paquet de clopes à la station service du coin et il ne s'était jamais pointé à nouveau. Elle n'avait plus eu de nouvelles depuis et cela l'avait marqué à vie. Elle avait un mauvais œil de la gente masculine depuis le départ, entre un père absent et un beau-père complètement con et violent, voire même alcoolique, elle n'avait pas eu le droit au meilleur exemple de ce que pouvait être un homme. Elle avait eu le droit à un exemple complètement lâche, absurde et mauvais.

Joe avait réussit à changer cette vision qu'elle avait de la gente masculine. Il avait réussit mais il avait failli à sa tâche, dégradant ainsi encore une fois l'image de l'Homme à Mélanie. Elle n'arrivait plus à croire que les hommes, peu importe qui ils pouvaient être, savaient être bons et gentils, aimables et fidèles. Mais surtout, qu'ils ne fuyaient pas en trente secondes chrono quand les choses devenaient véritablement sérieuses, qu'elles prenaient un arrière-goût amères ou encore quand rien n'allait comme ils le voulaient. Elle croyait avoir trouvé le bon filon, la perle rare avec Joe, mais maintenant, elle n'était plus sûre d'elle sur ce niveau-là.

Mélanie retenu un sanglot qui manqua de lui échapper, là une fois encore. Tout était en train de lui échapper, de lui filer entre les doigts et elle ne savait pas comment faire pour supporter encore longtemps cette mascarade dans laquelle elle était plongée. Entre son cœur qui se fracassait encore et qui était en pleine chute libre sans avoir encore toujours touché le sol, Joe qui faisait des siennes et qui n'osait pas lui dire les raisons de cette longue absence alors qu'ils étaient bien ensembles, Fallon qui revenait lui aussi même s'il se faisait silencieux, Élizabeth qui ne supportait pas le retour de Joe et menaçait de le tuer ; elle ne savait plus où donner de la tête. Il ne manquerait plus que sa famille face des siennes, autant au niveau de sa mère, de son père, de son beau-père ou encore de ses demi-frères et sœurs qui étaient tous à l'âge adulte maintenant.

Comme un appel de la vie, comme une sorte de réponse aux pensées de la jeune femme, la sonnerie de téléphone fixe emplit la pièce et tout l'appartement entier de sa petite mélodie violente et stridente pour les oreilles. Elle aimerait bien la changer mais elle n'avait pas encore trouvé comment faire. Elle sortit de la chambre et se rendit jusque dans le salon, prenant le combiné, décrochant ensuite sans même regarder le numéro. La voix de sa mère l'interpella et son cœur ne fit qu'un bond dans sa poitrine. Mais il manqua de s'en arracher et de se fracasser sur le sol comme le téléphone fixe quand Mélanie arriva dans la chambre et se rendit compte qu'elle avait peint Joe et elle en train de s'embrasser à pleine bouche. C'était le silence complet dans sa tête et dans la pièce, même la voix de sa mère s'était tue.

« On peint plus avec le cœur et la tête qu'avec les mains.
-Théophile Gautier »

***

Musique ; Jacob Whitesides - Shame On You


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