04 - Froideur

Mélanie était sur le cul. Elle n'arrivait pas à réaliser que « son amour de toujours » était devant ses yeux. Son corps ne bougeait plus, il était comme paralysé. Elle ne sentait plus rien à part sa tête qui bourdonnait. Elle se sentait sur le point de défaillir alors que Joe la regardait toujours avec ce feu ardent dans ses orbes chocolatés. Elle n'arrivait pas à réaliser ce qui se passait, juste sous ses yeux. Aucune information n'arrivait jusqu'à son cerveau et qui était tellement choqué, étonné, surpris qui ne saurait, de toute manière, traiter aucune information quelle qu'elle soit.

Élizabeth arriva près d'elle et la tira par le bras, coupant ainsi le contact qu'échangeaient les yeux dans deux anciens amours. Mélanie réalisa enfin qu'elle était bien dans la réalité et non dans un mélange de cauchemar et de rêve même si la réalité avait toujours été un mélange de cauchemar et de rêve mais à des doses différentes. Elle se laissa tirer par sa meilleure amie alors que Joe s'en prenait à nouveau à François. Elle avait envie de protester et de se défaire de l'emprise de la jeune femme pour aller à l'encontre des deux jeunes hommes pour qu'ils arrêtent de se battre, enfin pour que Joe arrête de tabasser François mais elle savait tout aussi bien qu'elle ne pourrait rien faire pour l'un comme pour l'autre alors, elle se laissait emporter vers l'extérieur de la boîte.

Élizabeth s'arrêta soudainement alors qu'elles se trouvaient sur le parking devant l'entrée de la boîte de nuit. Les graviers sous ses pieds l'empêchaient d'avoir un certain équilibre en plus de ces talons, puis elle était légèrement essoufflée. Elle n'avait pas vraiment prévu dans son emploie du temps de courir en talon haut dans une boîte, de devoir se frayer un chemin parmi la foule et les danseurs bourrés et suants en continuant encore de courir et continuer sa course dans les graviers pendant 5 minutes était encore moins prévu surtout avec quelques grammes d'alcool dans le sang.

Mélanie regardait avec incompréhension, étonnement, distraction et surtout, avec un regard complètement vide et perdu sa meilleure amie qui était aussi essoufflée qu'elle, surtout qu'elle avait tiré la jeune femme qui n'avait pas l'air de comprendre quoique se soit et dont maintenant elle avait la confirmation de cette incompréhension totale. Elle avait la notion du temps, des minutes, des journées, de la vie.

Mélanie ne savait même plus où se trouvait, oubliant l'existence du monde entier et de tous les points cardinaux existants qu'elle avait apprit lorsqu'elle se rendait encore en cours avant l'université d'art. Elle soupira et passa sa main dans ses cheveux dont elle arracha presque l'élastique, s'arrachant quelques mèches au passage mais cela n'avait aucune importance parce que la douleur qu'elle ressentait sur le sommet de son crâne, sur son cuir chevelu, elle s'en foutait, elle était tellement minime face à celle qui arpentait et assiégeait son cœur.

Mélanie n'avait plus eu mal au cœur à cause de Joe depuis un bon bout de temps. Elle était en peine, mais elle avait commencé à s'y faire, à cette douleur d'amour qui logeait au creux de sa poitrine et qui se nourrissait de sa chair fraîche d'âme perdue. Elle soupira, lasse de toute cette situation qui la prenait au cœur, qui la torturait et retournait tous ses organes vitaux dans tous les sens et ne manquait pas une occasion pour les compresser et les tordre autant que possible.

Élizabeth regardait la jeune brunette avait attention, essayant de comprendre ce qui pouvait bien se passer dans la tête de sa meilleure amie de longue date en qui elle a une confiance aveugle et absolue. Mais elle ne pourrait pas deviner ce qu'il y avait dans le crâne de Mélanie, parce que justement, elle avait beau chercher ce à quoi elle pouvait bien penser elle ne trouverait rien puisque la jeune femme ne pensait à rien. Aucun mot n'avait le temps d'arriver dans sa boîte crânienne qu'il se faisait déjà éjecter. Rien n'était dans le cerveau de la jeune femme, tout était complètement vide, tout comme son cœur qui se sentait enfin moins seul dans ce cas-là.

-Ca va ? Demanda Élizabeth, très inquiète pour sa meilleure amie.

Élizabeth savait que Mélanie avait encore énormément de mal avec sa rupture avec Joe et le voilà qu'il est de retour ! Elle n'arrivait pas vraiment à y croire mais semblait bien mieux s'en rendre que c'était la dure, douce, amère et délicate réalité et non un mélange de diverses choses qui portent le nom de « cauchemar », de « rêve » et d'autres choses encore. Elle soupira alors que sa meilleure amie semblait avoir encore le souffle coupé et saccadé. Elle prit Mélanie dans ses bras, oubliant totalement qu'elle n'aimait pas les câlins. Puis, sur le moment, cela n'avait aucune importance ce qu'elle aime ou pas, parce que la situation est tellement rocambolesque.

Mélanie opina de la tête, ne sachant pas prononcer un seul mot. Sa boîte crânienne était totalement vide. Elle avait des mélanges de sueurs froides et de sueurs chaudes et elle ne savait clairement pas comment gérer cela. Son corps tout entier tremblait dans les bras d'Élizabeth. Sa gorge était irrémédiablement sèche. Puis, son cœur battait la chamade dans sa poitrine au point qu'elle avait l'impression qu'il serait capable de sortir de sa poitrine. Elle n'était clairement pas prête à un retour en force de Joe dans sa vie comme celui-ci. Elle n'était même pas du tout prête à son retour dans sa vie. Elle avait presque réussit à le rayer totalement de son existence et le voilà qu'il était de retour ! Elle avait presque l'impression qu'il l'avait espionné et qu'il l'avait fait exprès.

Mélanie se détacha de sa meilleure amie au moment même où une silhouette musclée, grande et très imposante notamment par sa carrure arriva près des deux jeunes femmes d'une vingtaine d'années. La brunette la reconnût entre mille alors que sa meilleure amie, toute aussi brune qu'elle fronça les sourcils en essayant de voir le visage de ce nouvel arrivant dans la pénombre. Le réflex de la plus jeune qui avait embrassé François fût de prendre le poignet gauche de sa meilleure amie et de le compresser aussi fort qu'elle le pouvait, plantant presque ses ongles dans sa peau. Celle-ci se retourna et comprit au regard vide mais tétanisé de sa meilleure amie que la silhouette qui venait de s'arrêter près d'elle avec une allure toujours aussi nonchalante qu'auparavant n'était autre que Joe.

-Dégage ! S'écria Élizabeth, rompant le silence pesant qui se trouvait entre les trois protagonistes.

Joe secoua la tête légèrement de gauche à droite et s'avança doucement vers Mélanie qui fit quelques pas vers l'arrière. Sa meilleure amie, à la chevelure brune légèrement plus foncée se mit devant la jeune femme, pour faire barrière de son corps et de son être face au jeune homme qui avoisinant maintenant la trentaine doucement mais qui n'avait clairement pas changé d'un poil en cinq longs mois d'absence.

-C'est toi qui va dégager ouais, j'aimerais m'entretenir avec Méla', rétorqua-t-il sur un ton froid et neutre.

Mélanie frissonna à l'évocation de ce surnom qu'il ne lui avait pas donné depuis cinq mois. La dernière fois qu'il l'avait dit était juste avant qu'elle ne se rende en cours, le matin de son départ où lorsqu'elle était rentrée toute heureuse après sa journée qui s'était bien passée, pour une fois, et où il avait disparu de l'appartement, de sa vie, de son monde mais aussi de la carte. Personne ne savait où il s'était cassé et elle se demandait bien pourquoi il était partit mais ce n'était pas la question qui prenait le plus de place dans son esprit, c'était plutôt ; Mais pourquoi est-il de retour maintenant ? Surtout maintenant alors que tout allait pour le mieux, enfin, pour moi ?

-Je ne te laisserais pas l'approcher Joe ! Pas après tout ce que tu lui as fais ! Pas après tout le mal qu'elle a enduré à cause de toi ! Tu ferais mieux de partir et de ne plus jamais revenir d'ailleurs ! Riposta en s'égosillant Élizabeth.

Mélanie ne savait plus quoi faire, elle était totalement paralysée, tétanisée, terrorisée. Jamais elle n'avait vu Joe de cette façon. Il était si froid, si distant, si glacial, si dur, si imposant, si charismatique que s'en était totalement déstabilisant. Son cœur lui criait de voir ce qu'il serait capable de faire pour se faire pardonner alors que sa tête et sa conscience lui criait de se casser en courant malgré qu'il y énormément de chance pour qu'il la rattrape en moins de trente secondes. Elle ne savait plus quoi faire. Le Joe qu'elle avait presque en face d'elle n'était pas le même que celui qu'elle avait laissé chez « eux » pour se rendre à ses cours d'art universitaire en ne sachant pas qu'il ne serait plus là à son retour de ces fameux cours quelques heures plus tard.

-Laisse-moi passer ou je t'assomme, s'exclama Joe, décortiquant chaque mot pour leur donner plus de poids.

Il s'approcha en disant ses mots et cela suffit pour totalement terroriser la jeune femme qui était presque sur le point de se pisser dessus. Elle ne savait plus quoi faire et se cramponnait au corps de sa meilleure amie tellement que ses jambes tremblaient et qu'elle ne savait même plus tenir droite ; son corps la lâchait. Mélanie n'avait jamais autant aimé Élizabeth de toute sa vie parce que même si elle savait qu'elle n'avait aucune chance face à Joe, elle lui tenait quand même tête pour la protéger alors qu'elle serait incapable de faire de même pour sa meilleure amie. Enfin, si cette personne n'était pas Joe, ou du moins si elle n'avait pas des sentiments plus grands que le monde à son égard.

-Joe, tu ne vois pas que tu lui fais peur bordel de merde ! Cria Élizabeth tellement fort que quelques paires de têtes se tournèrent vers eux, les sourcils froncés.

Mélanie n'avait jamais vu sa meilleure amie ainsi. Jamais elle ne l'avait entendu s'exprimer de cette façon. Non qu'elle ne dise jamais de grossièreté, mais même dans une situation qui la dépassait, elle gardait son calme et son sérieux et ne s'exprimait pas dans un langage de bûcheron. Elle agrippa encore plus le corps de la brunette, ne voulant pas que celle-ci la laisse seule avec Joe et Élizabeth avait bien comprit le message avant même que la plus jeune ne veuille le faire passer. De toute manière, elle ne voulait pas laisser sa meilleure amie avec cet homme qui lui a littéralement briser le cœur, même si cette dernière le voudrait ; c'était hors de question.

Élizabeth avait ramassé Mélanie à la petite cuillère et ne comptait pas recommencer le tout une seconde fois. Elle n'avait jamais vu la brunette ainsi et elle n'aimerait pas la situation se reproduise. Elles étaient meilleures amies et leurs devoirs étaient de se protéger l'une l'autre et quand l'une chute et se pète littéralement la gueule par terre sur le sol de la vie, c'était de la relever même s'il faut la ramasser plus avec une pincette qu'avec une petite cuillère tellement que les morceaux sont minces et que le cœur est ravagé. Elle l'avait fait une fois, elle n'avait pas besoin de recommencer une seconde fois et elle n'était même pas sûre de réussir à nouveau ; c'était ce qui la terrorisait le plus dans cette situation, bien plus que Joe, c'était de ne pas pouvoir sauver sa meilleure amie de l'amour et de la douleur.

-Et alors ? Est-ce que j'ai l'air d'en avoir quelque chose à foutre seulement ? Demanda Joe, l'air toujours aussi froid et dur.

Mélanie sera encore plus sa prise sur sa meilleure amie. Jamais, pas une seule fois dans leur vie commune, il n'avait parlé d'elle de cette façon. Jamais il n'en avait rien eu à foutre de ce qu'elle ressentait, de ce qu'elle sentait, de ce qu'elle pensait, de ce qu'elle disait, de ce qu'elle faisait. Pas une seule fois cela n'était arrivé mais il faut bien une première fois à tout. Elle écarquilla les yeux alors qu'il la regardait froidement dans le blanc des yeux. Elle avait l'impression de se trouver dans un film d'horreur tellement que c'était absurde et horrible comme sensation, comme scène, comme sentiment. Jamais il n'avait été aussi loin même quand ils se prenaient la tête. Jamais et maintenant, elle regrettait son retour dans sa vie mais aussi, encore plus, de l'avoir laissé partir.

« On voit que l'amitié est sûre lorsque notre situation ne l'est pas.
-Cicéron »

***

Musique ; Avril Lavigne - Here's To Never Growing Up


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