Chapitre 6

Fly regardait désormais la ville avec un regard nouveau. Il comprenait des choses qu'il n'aurait même pas aperçu avant, tout ça grâce à son entrevue avec le vieux Kan.

— Fly pense à quoi ? demanda Miss Lalie en remarquant son air hagard.

— Je pensais à ce que m'a appris le vieux Kan, répondit l'intéressé. Je regardais... les pontons en constatant que je verrais en effet mal des chevaux marcher dessus...

— Le vieux Kan est très gentil ! affirma Miss Lalie, opinion que Fly approuva en opinant.

Ne sachant trop quoi répondre, le jeune homme laissa parler le silence, et le voyage continua sur le doux roulement des vagues qui venaient chahuter les piliers des pontons. Le Soleil tapait, et Fly ne se sentait pas si mal, même s'ils marchaient sûrement déjà depuis une demie-heure.

— Fly n'est pas fatigué ? demanda la jeune fille.

— Ça va, répondit l'intéressé. Je me sens assez bien, je me suis bien reposé cette nuit, et le temps ne me semble pas si long.

— La serre est très belle, Fly sera d'accord !

Le jeune homme sourit. Miss Lalie avait tenu à lui montrer la serre dès le week-end. Ils s'étaient donc mis en marche dès le matin. Laura aurait bien aimé venir, mais elle travaillait le samedi. Fly avait donc convenu qu'ils lui montreraient la prochaine fois qu'ils iraient.

Au bout d'une heure de marche, Fly commençait tout de même à fatiguer. Ils avaient contourné le centre-ville, c'était sûrement plus court ainsi, et ça évitait les foules qui se déversaient des îlots, mais Fly avait du mal à se repérer sans passer par l'immense édifice qu'il considérait comme le centre exacte du cercle urbain. Au fur et à mesure qu'il avançait, il ne lui semblait pas beaucoup voir bouger le centre, si bien qu'il avait l'impression de faire du sur-place.

— Est-ce que c'est encore loin ? demanda-t-il après un instant d'hésitation.

— Non, Fly devrait bientôt voir la serre.

En effet, quelques instants plus tard, elle lui désigna un bâtiment gris à l'écart de la ville. Au fur et à mesure que le duo s'en rapprochait, le bâtiment grossissait, et Fly se demandait quelle taille il faisait en réalité. Il semblait grossir sans jamais s'arrêter, et couvrait sûrement plusieurs hectares. Logique, pour une serre.

Le bâtiment était entouré d'eau, et il n'y avait pas d'habitations. Il semblait être au bord de la ville, ce que Miss Lalie confirma.

— Il n'est pas si éloigné du centre, en réalité c'est la bordure de ville la plus proche.

Un long ponton solitaire les y achemineraient en ligne droite.

Lorsqu'ils arrivèrent à hauteur du ponton, Fly s'arrêta pour reprendre un peu son souffle : Miss Lalie marchait très vite !

Après quelques instants de repos, le duo franchit l'immense ponton, puis la grande porte de verre embuée. Le jeune homme s'étonna d'arriver si tôt au milieu de hauts arbres verdoyants. En un instant, il lui sembla avoir voyagé jusqu'à une forêt lumineuse, et la senteur de la terre lui rappela Toritoshi et son enfance. Une vague d'apaisement et d'émotions l'assaillit aussitôt, et il ne put s'empêcher de se mettre à sourire et rire de façon étrange. Miss Lalie, qui ne s'arrêtait guère aux apparences et au ridicule, le rejoignit bientôt dans son déferlement de bonne humeur.

Il y avait toutes sortes d'arbres. Il y avait quelques arbres tropicaux près des vitres, mais les arbres de climats plus tempérés vinrent vite les remplacer, d'abord les citronniers, les oliviers, les orangers, puis les chênes, les hêtres, et les érables, et enfin les sapins, les thuyas et les épicéas. Un peu plus loin, on observait des rangées d'arbres fruitiers tempérés, manifestement plus pour leur fruits que leur beauté. Il y avait également une petit serre sur la droite, dans laquelle poussaient des arbres tropicaux. La buée s'étalait sur les fenêtres, il devait régner une chaleur étouffante dedans.

Miss Lalie n'y accorda pas la moindre attention, et se dirigea vers la gauche, où on apercevait déjà les couleurs chatoyantes des fleurs.

Il y en avait en effet des centaines, roses, rouges, oranges, jaunes, blanches et mêmes bleues, et d'autres couleurs plus étranges encore. Derrière les fleurs, on pouvait voir de petites étendues d'herbe, avec des bancs, et des petits cercles fleuris. Manifestement, les habitants d'Hydran avaient besoin quelques fois d'aller au sein de la nature de la terre ferme, et il semblait régner dans la serre une ambiance de bien-être.

Au loin, on voyait un endroit interdit au public, où étaient alignées des tiges vertes feuillues.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda le jeune homme à son amie.

— Ce sont les cultures qui alimentent la ville, répondit-elle.

C'était évident, les gens avaient beau se nourrir de poisson, il fallait forcément des fruits et des légumes pour garnir les assiettes.

Fly et Miss Lalie passèrent donc la mâtiné dans le parc, à déambuler entre les fleurs et les arbres, en nourrissant leurs yeux et leur nez des senteurs de la nature qui échappaient au reste d'Hydran. Il y avait même quelques animaux, notamment des abeilles qu'on voyait parfois polliniser les fleurs. Un véritable écosystème semblait recréé, même si les humains laissaient inconditionnellement leur empreinte. Peu avant midi, les deux amis achetèrent quelques fruits et légumes au petit marché qui promouvait des produits dans un coin de la serre. Ils mangèrent quelques fruits de leur choix assis sur un banc du parc, et emportèrent les autres pour les jours à venir. Ils avaient également acheté un petit panier d'osier, ce qui facilitait le transport des fruits.

Après s'être bien reposés, ils prirent donc le chemin du retour. Ils croisèrent sur leur route un marchand de journaux. Fly remarqua alors qu'il n'avait jamais lu de journal de la cité sur l'eau. Intéressé, il regarda lequel il pouvait bien prendre. Hésitant entre Le Poissonnier, La Mouette Féroce et L'Ecume Citoyenne, il opta finalement pour le troisième, et repartit heureux après avoir tendu quelques pièces au vendeur.

Il commença à lire les gros titres, curieux de voir ce qu'il trouverait dans l'hebdomadaire.

Un restaurant ouvrait enfin ses portes au panorama de la tour centrale, une cabane et des pontons étaient dévastés par un incendie dans la Médiane Sud, un joaillier montait en grade à Géopolis pour avoir créé un diadème orné de pierres finement taillées et l'équipe d'aviron de la périphérie Ouest battait celle de la Médiane Nord en quart de finale du championnat.

Miss Lalie lisait elle aussi les titres derrière son épaule, fixant avec attention les photos.

— Ça doit être sublime de manger dans ce restaurant, commenta le jeune homme en désignant de la tête la première photo.

— Oui, Miss Lalie adorerait y aller, mais le vieux Kan dit que ça coûterait trop cher.

— Ah oui, sûrement... admit-t-il.

Ils continuèrent de parler des titres pendant le reste du trajet. Fly apprit donc que l'équipe d'aviron de la Périphérie Nord-Est avait perdu en huitièmes de finale contre la Médiane Nord, mais que la Périphérie Nord était toujours en jeu.

Lorsque Fly aperçut son ponton au loin, il déclara alors :

— Tu peux me laisser ici si tu veux, je sais où est ma maison.

A peine avait-il prononcé sa phrase que Miss Lalie commençait à s'éloigner rapidement derrière lui sans un signe d'au-revoir. Elle revenait sur leurs pas, mais à vrai dire, Fly ne savait strictement pas où elle habitait, ce qui était étrange d'ailleurs. Avait-elle des parents ? Elle n'en parlait jamais.

Décidé à lui proposer qu'ils se revoient l'après-midi ou le lendemain, Fly appela Lalie, qui ne répondit pas. Plus très étonné de son comportement étrange, il marcha alors derrière elle, puis se mit à courir pour la rattraper, quand elle disparut derrière l'angle d'une cabane.

Le jeune homme ralentit légèrement, posa sa main sur la surface de bois irrégulier de la cabane, s'apprêtant à tourner à droite. Dès qu'il fit un pas en avant, il fut violemment tiré en arrière et plaqué contre un mur.

Abasourdi par le choc, Fly sentit une main le tenir par le cou et l'autre lui presser le poignet droit contre le bois, tandis que le gauche tenait toujours son panier.

— Qu'est-ce que tu fais là ?! cracha son agresseur.

Fly sentit son pouls s'accélérer. Il ouvrit difficilement les yeux, encore un peu sonné, dans le but de voir qui était celle qui le maintenait.

Elle n'était autre que Miss Lalie.


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