Chapitre 4
Comme promis, Miss Lalie revint le chercher devant chez lui le lendemain matin. Ils discutèrent pendant leur quart d'heure de marche, et le jeune homme apprit à mieux connaître son étrange camarade.
Elle ne semblait pas avoir de parents, mais elle mentionnait souvent un vieil homme qu'elle appelait « le vieux Kan ». Elle semblait très heureuse de faire ce détour pour venir le chercher, et de discuter ainsi avec lui.
Le premier cours était un cours de biologie. Fly s'en sortait beaucoup mieux qu'en maths, et il avait eu la chance d'avoir plus de nature à observer, à Toritoshi. S'en suivit le cours d'histoire, avec Madame Bordellmark, qui veillait beaucoup sur lui.
Fly mangea encore une fois avec Miss Lalie. A vrai dire, il ne connaissait personne d'autre, ici, et il n'avait aucune raison de lui fausser compagnie. Il remarqua tout de même cette fois-ci que plusieurs personnes, au restaurant, semblaient les regarder, et parler d'eux. Cela le mettait mal à l'aise, mais il n'en toucha mot à Miss Lalie. A quoi bon l'inquiéter ? Si elle échappait au regard des autres, elle n'avait pas besoin qu'il l'y entraîne.
Après être sortis, Miss Lalie et lui posèrent leurs affaires dans un coin de la cour, près d'un banc.
— Je vais devoir te laisser cinq minutes, fit Fly, il faut que j'aille aux toilettes.
— Miss Lalie va accompagner Fly !
— Non ne t'inquiète pas, je sais où sont les toilettes ! A tout de suite !
Le jeune homme prit alors la direction des toilettes, soulagé d'avoir réussi à la laisser seule pour y aller.
— Hey mec, fit une voix masculine alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte.
Fly se retourna et observa trois garçons de son âge qui le toisaient d'un air supérieur.
— Tu traînes avec la folle ? continua celui du milieu.
Fly, gêné, sentit une goutte de sueur froide lui couler sur la tempe.
— Euh... si vous parlez de Miss Lalie, elle... euh... elle est très gentille et m'aide bien à me repérer ici, donc je ne vois pas où est le... euh... le problème...
— Vous voyez, continua l'inconnu, c'est ce que je vous disais. On dit ça pour toi, mec. Reste pas trop avec elle, ou t'aura pas d'amis ici.
— Euh... pourquoi ?
— Pourquoi ?! Parce que tout le monde voit bien qu'elle n'a que deux neurones dans la cervelle. Allez, mec, comment tu t'appelles ?
— Euh... moi c'est Fly, et vous ?
— Fly ? Drôle de nom ! Moi c'est Tomas, et eux, c'est Régis et Alex.
— Ah bah... euh... enchanté... vous êtes en quelle classe ?
— La même que la tienne ! C'est pour ça, on te propose de t'intégrer un peu plus.
— Enfin, continua Régis, si vraiment tu l'aimes bien, tu peux continuer à traîner un peu avec elle, mais parle un peu aux autres gens aussi, sinon tu connaîtras jamais personne !
— Je vois... répondit Fly, pensif. Mais en même temps elle est souvent seule, je ne peux pas la laisser comme ça...
— Ah je vois, tu as pitié d'elle, répondit Tomas. Fais comme tu veux, on dit pas ça pour être méchants. Mais si tu veux discuter un peu avec nous tu sais qu'on est là. Allez à plus.
Le groupe partit sur un geste sympathique, et Fly entra en vitesse aux toilettes.
— Il a raison, chuchota-t-il pour lui-même, assis sur le trône de la réflexion. Il faut que je rencontre un peu aussi les autres gens, que je m'intègre un peu... Mais en même temps je ne peux pas l'abandonner, les gens ne l'aiment pas parce qu'elle est différente, c'est tout... Elle avait l'air si contente de discuter avec moi, je ne peux pas lui faire ça...
La tête prise dans ses mains, Fly posait le pour et le contre, et décida finalement qu'il ne ferait rien pour le moment et verrait comment les évènements s'articulent.
— Fly va bien ?
Le jeune homme releva la tête. Cela faisait dix minutes qu'il n'écoutait plus le monologue du professeur de littérature, et qu'il réfléchissait, se tenant le front, à la tournure qu'allait prendre sa vie. Miss Lalie le regardait avec un grand sourire, elle avait tout de même vu que son humeur n'était pas des plus joyeuses.
— Euh... oui, oui, ça va...
A la sortie des cours, Fly s'apprêtait à rentrer chez lui, le pas lent et le visage triste, quand Miss Lalie le rattrapa.
— Fly veut visiter la ville ?
L'intéressé redressa la tête. C'est vrai qu'il n'avait pas encore eu le temps de visiter l'incroyable cité sur l'eau, et que cela le tentait bien.
— Ca serait super, mais... je...
Le jeune homme hésita un instant.
— Je ne peux pas y aller sans Laura, continua-t-il.
Miss Lalie fronça les sourcils et inclina la tête.
— Laura ?
— Ah oui ! rit Fly. Laura c'est ma tutrice ! Je suis orphelin et elle a accepté de s'occuper de moi, elle est très gentille, et on est très proches tous les deux ! Elle aussi vient d'arriver, et je ne peux raisonnablement pas tout visiter sans elle...
La jeune fille hocha la tête vigoureusement.
— Alors on peut aller chercher Laura et visiter la ville avec elle !
Fly n'avait pas pensé à ça. Bon, Laura n'aurait plus à lui poser de questions sur son étrange camarade, comme ça !
Les deux amis avancèrent donc tranquillement sur les pontons de bois jusqu'à la cabane de Laura.
Fly toqua.
— Laura ?
La porte s'ouvrit sur la femme, curieuse.
— Lalie me propose de visiter la ville, et je me suis dit que je pouvais pas faire ça sans toi ! Tu veux venir avec nous ?
L'adulte sourit.
— Je ne voudrais pas être de trop, répondit-elle dans un grand sourire vicieux.
— Miss Lalie serait très contente que Laura vienne ! s'exclama la jeune fille.
Laura, quoique un peu surprise par la tournure de la précédente phrase, n'en montra rien et s'enthousiasma à son tour.
— Eh bah soit ! Attendez cinq minutes que je prépare mes affaires et je vous rejoins ! Fly, tu as besoin de quelque chose, mon oiseau ?
Le jeune homme avait envie de s'arracher les cheveux, un surnom pareil devant ses amis, ça n'était pas sérieux, mais Miss Lalie ne remarquerait sûrement pas la subtilité.
Laura revint avec un sac à main et des lunettes de soleil.
— Parée pour la ville ! lança-t-elle.
Les trois se promenèrent donc sur les pontons léchés par les vagues. Le Soleil éclairait joyeusement la ville, et l'air humide de la mer plaisait manifestement à Laura.
L'adulte marchait tranquillement sur le ponton, avec à ses côtés Fly, mains dans les poches, et Miss Lalie qui sautillait un peu partout sans jamais beaucoup s'éloigner.
Ils discutaient joyeusement, profitant du temps.
— Hmm... Lalie ? demanda Laura au bout d'un moment. Tu voudrais pas passer devant et nous guider, je ne connais pas du tout la ville !
— D'accord ! claironna la jeune fille.
Elle passa devant et les mena vers des pontons de plus en plus petits et déserts. Elle arriva finalement à un ponton totalement désert, qui s'arrêtait subitement devant l'océan, immense.
— Ce n'est pas le centre ville, mais Miss Lalie aime beaucoup cet endroit. Elle vient ici lorsqu'elle est triste ou qu'elle ne sait pas quoi faire. Souvent, elle oublie beaucoup de choses, mais elle se souvient toujours de la route et du paysage. Miss Lalie trouve ça très beau.
Fly et Laura, ébahis, ne pouvaient s'empêcher de fixer l'océan qui leur faisait face.
— C'est vraiment magnifique, fit Laura, pensive.
— Ce ponton est le plus éloigné du centre ville et de toute habitation, au Nord-Est.
— Il y a d'autres pontons comme ça ? demanda l'adulte.
— Oui, répondit Lalie. Il doit y en avoir une dizaine, mais celui-là est le plus proche de chez Miss Lalie, le seul de la périphérie Nord-Est, et tout de même le plus éloigné de tous. Miss Lalie aime à penser qu'elle est celle qui est le plus au bord de la ville.
— Tu m'étonnes, s'exclama Laura.
— Ceux du centre ont les bâtiments sous l'eau, le luxe et l'herbe, mais les périphéries ont la vue sur l'océan sans limites ! continua la jeune fille.
— On a rien à leur envier alors, fit Fly dans un sourire enjoué.
— Allez, s'exclama la jeune fille en faisant demi-tour, Miss Lalie doit encore vous montrer le centre-ville !
Elle s'élança sur le ponton, talonnée par Fly et Laura.
Au fur et à mesure qu'on marchait vers le centre, les cabanes grandissaient, le bois disparaissait pour laisser sa place au métal, au plâtre, et à d'autres matériaux apparemment plus solides. Des îlots se faisaient voir par endroits. Chacun occupait en son centre un immense bâtiment d'où sortaient et entraient des gens comme des fourmis. Tout au centre de la ville, un immense îlot était relié à tous les autres, lui contenait plusieurs immeubles, avec de la verdure entre eux. C'était là que l'avion avait atterri ! Fly s'en souvenait.
Lalie les mena jusqu'à un îlot secondaire, et ils entrèrent bientôt dans l'immense bâtiment de verre qui le couronnait.
— Fly et Laura veulent voir la cité depuis le haut de l'immeuble ?
— Avec plaisir, répondit la tutrice, soutenue par Fly d'un hochement de tête.
Les trois s'engouffrèrent donc dans un ascenseur bordé de deux grandes vitres de verre pour pouvoir admirer le défilement des étages.
La cabine mit plusieurs minutes à monter, et n'était pas enfermé dans un tube, ce qui permettait aux utilisateurs d'avoir une vue d'ensemble sur les différents étages.
Miss Lalie semblait aussi émerveillée que Fly et Laura.
Quand l'ascenseur arriva au dernier étage, les nouveaux venus furent ébahis de trouver un étage entièrement consacré au panorama créé et à la détente. Partout, des canapés et des fauteuils accueillaient des gens qui se reposaient ou observaient la vue, des plantes vertes venaient embellir l'étage entièrement gris, métallique, dont le toit était bombé. Les murs étaient presque complètement remplacés par des fenêtres de verre immenses, et seul un pilier central tenait le tout.
Fly courut jusqu'à une fenêtre, et observa la vue. Magnifique. On voyait les autres immeubles, et surtout, les pontons qui couraient sur l'eau à perte de vue, sublimés par le bleu du ciel et celui de l'océan. Il ne savait même pas s'il regardait dans la direction du quartier Nord-Est, mais l'école et sa maison lui aurait paru des grains de sable face à l'immensité de l'univers qui s'offrait à lui. Le long chemin qui le séparait de l'école en devenait presque de l'ordre du nanomètre.
Laura et Lalie le rejoignirent bientôt, émerveillées aussi.
— Miss Lalie ne se lasse jamais de ce paysage, fit la jeune fille.
— Ça y est, déclara Fly, ma journée est refaite ! Je pourrai me coucher heureux ce soir !
— C'est bien, mon oiseau, fit Laura en lui frottant amicalement le dos.
Le petit groupe resta là un long moment, se nourrissant de la beauté du paysage.
— Maintenant, fit Lalie, il faut que vous voyiez le bas !
Fly et Laura froncèrent les sourcils.
— Comment ça, le bas ? demanda le jeune homme.
Pour toute réponse, la jeune fille partit en courant rejoindre l'ascenseur. Fly et Laura se dépêchèrent de la rejoindre, échangeant un regard d'incompréhension.
La descente d'ascenseur dura encore plus longtemps qu'à la montée.
Une fois arrivés, les trois amis se retrouvèrent dans une salle exactement comme celle d'en haut, à la différence près que c'était le sol qui était plus petit que le plafond, comme le bas d'une sphère donc on aurait coupé un bout pour qu'elle soit plane. Les mêmes vitres ornaient les murs, mais cette fois-ci, on ne voyait pas le ciel et le paysage d'Hydran, mais l'océan et sa vie marine que l'immeuble mettait en lumière.
Fly courut aux vitres exactement comme il l'avait fait devant le panorama supérieur, talonné par les filles.
Des milliers de petits poissons tournoyaient, se rapprochaient et s'éloignaient de la vitre. L'arc-en-ciel de leurs écailles reflétait la lumière de l'immeuble sous-marin dans un somptueux ballet. Les poissons allaient et venaient, suivant docilement leur guide dans une cohésion totale. De temps à autre, un poisson plus gros passait, et les petits poissons lui laissaient la place en accélérant soudainement. On apercevait même quelques fois un dauphin, un requin ou un orque qui passait au loin, et, si on avait de la chance, s'approchait tout près de la vitre, laissant les enfants comme les adultes bouche bée.
Fly semblait pétiller de l'intérieur. Les mains collés contre la grande vitre épaisse, il ne pouvait détacher son regard des bancs de poissons colorés.
Si le passage à l'étage supérieur lui avait coupé le souffle et inspiré la sérénité, cette vue-là rappelait la frénésie palpitante d'une imagination colorée bordée d'excitation.
Laura, un peu en arrière, semblait aussi impressionnée que son protégé, et Miss Lalie restait elle aussi admirative devant les nuées marines, alors même qu'elle semblait bien connaître l'endroit.
Fly resta sûrement au moins une heure à contempler les bancs de poissons, courir le long de la vitre pour suivre un requin, ou regarder autour de lui pour avoir la sensation étrange que le monde était entouré de poissons multicolores, puisque lorsqu'ils ressortirent, la nuit commençait à tomber. Sous l'eau, le temps semblait comme figé. On était si profond que la lumière du Soleil avait du mal à percer, si bien que Fly et Laura ne purent s'empêcher de pousser un petit cri d'exclamation en découvrant que le Soleil se noyait déjà dans l'eau de l'océan.
Miss Lalie les reconduisit rapidement chez eux avant de s'éclipser dans un grand sourire. Après un rapide repas, Fly, comme Laura, tomba dans son lit et s'endormit, encore une fois, comme une pierre.
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