Chapitre 31

Lorsque Fly ouvrit les yeux, il ne lui fallut qu'un instant pour se mettre debout. Lalie dormait encore paisiblement dans le canapé qu'ils partageaient – ou peut-être était-ce Ella, il ne savait pas vraiment lorsqu'elles dormaient.

Ingrid était déjà réveillée, et dégustait tranquillement ce qui semblait être un thé dans la cuisine.

— Et bien, tu es en forme ce matin, commenta-t-elle, douce.

— Oui, répondit Fly. J'ai une activité prévue en ville et je suis très motivé !

Il était content de pouvoir dire la vérité sans toutefois trahir Ella. Il espérait seulement que cela suffirait.

— Oh, tu vas faire visiter à Lalie ?

Fly tourna un instant les yeux vers l'intéressée. C'était peu probable qu'Ella soit là pour l'accompagner, après avoir eu toute son après-midi la veille. Il pensait laisser Lalie ici.

— A vrai dire non, répondit-il, un peu tendu que ça paraisse bizarre. C'est une activité à laquelle je dois aller seul...

Ingrid but une gorgée de son thé, perplexe. Elle aurait certainement répondu quelque chose si Augustin n'était pas soudainement arrivé dans la pièce.

— Salut Fly, lança-t-il, joyeux.

Il rejoignit Ingrid dans la cuisine et la salua d'un baiser, ce que Fly trouva touchant. Ingrid restait assez neutre, certainement car les deux amoureux avaient l'habitude de vivre ensemble, mais Fly sentait émaner de leur proximité un bien-être et une joie sereine.

— Tu veux déjeuner quelque chose ? demanda Augustin à son protégé.

— Oui, je veux bien, répondit Fly. Mais je dois me dépêcher j'ai une activité en ville. Est-ce que vous pouvez veiller sur Lalie jusqu'à ce que je revienne ?

Augustin sourit et ferma même les yeux un instant, l'air de dire « sacré Fly ».

— Ne t'inquiète pas, petit frère, répondit-il d'un ton rieur. Je veillerai sur ton amie pendant ton absence. Tu nous racontera tes fameuses « activités en ville ». C'est toujours pour ton « travail de classe » ?

Il souriait à pleines dents, amusé. Ingrid riait doucement elle aussi, et Fly ne tarda pas à les imiter, assez nerveux.

— Allez, repris Augustin, viens vite manger. Il ne faudrait pas que tu sois en retard.

— Merci, répondit Fly en venant se saisir du bol que lui tendait son ami.

Ce n'était pas tant pour son repas qu'il le remerciait, mais pour sa compréhension. Il détestait lui mentir, et à vrai dire il était plutôt content qu'Augustin sache qu'il mentait.

Fly s'installa à table et Augustin l'y rejoignit bientôt avec d'autres paquets de nourriture qu'il disposait allègrement. Ingrid s'installa peu après à ses côtés, son thé chaud toujours entre les mains.

— Il faudra quand même que tu m'expliques, un jour, sourit Augustin juste avant qu'ils ne débarrassent.

Fly aurait pu se sentir stressé, mais étrangement, cette phrase le rassurait. Elle voulait dire qu'Augustin ne lui en tiendrait pas rigueur de lui cacher la vérité, et Fly savait qu'un jour, il pourrait lui raconter. Lorsqu'Ella serait plus en paix, peut-être.

Il ne lui fallut pas longtemps pour se préparer et se diriger vers l'entrée.

— Je serai rentré pour midi, lança-t-il avant de sortir.

L'air matinal ne rendait pas ses premiers pas dehors très agréables. Fly soupira. Il devait se dépêcher. Pour Ella.

Il se remit en route, et marcha d'un pas vif jusqu'à la place la plus proche. Un oiseau. Les zones. Et le voilà au ciel. L'air de la cinquième zone frappait chaque parcelle exposée de son corps, mais ce n'était pas une frappe douloureuse. C'était une frappe tonifiante. Et cette fois-ci, il était seul.

Fly s'élança, et l'oiseau gagna de la vitesse en un rien de temps. Il savait où aller. Il avait préalablement choisi ses destinations de la matinée, pour faire une sorte de boucle qui lui permettrait de revenir efficacement à la maison.

Sous son commandement, l'oiseau sillonnait le ciel. Fly sentait la vitesse, l'air qui tentait en vain de leur résister et s'éclaboussait sur eux en une écume bourdonnante. Ils slalomaient et pirouettaient au gré des volatiles qui naissaient sur leur passage.

Lorsque Fly aperçut leur destination, il commença à ralentir. Il se sentait revigoré, c'était comme ça qu'il fallait se donner de l'énergie le matin ! Il descendit quelques zones puis observa plus attentivement à la recherche du lieu exact.

Il n'avait plus qu'à demander.

La même chose se répétait à chaque fois. Atterrir, demander Estelle Aurston, entendre un refus et voler jusqu'au lieu suivant. C'était épuisant, mais il devait le faire pour Ella. L'exaltation du vent contre ses membres aidait à rentre la matinée un peu plus agréable, même s'il aurait aimé être plus détendu pour mieux en profiter.

Il en avait déjà fait pas mal, cinq, c'était presque deux fois plus que la veille, où ils y avaient passé leur après-midi pour se sentir abattus. Un pincement au cœur lui revint en pensant à l'état d'Ella. Mais il le chassa rapidement. Il devait rester motivé, pour elle justement. Il ne cessait de se le répéter. S'ils trouvaient, elle se sentirait mieux. Certes, il enchaînait les échecs, mais c'était au moins cela de pris qu'ils savaient avec certitude où Estelle Aurston n'était pas.

Fly atterrit pour rejoindre l'établissement suivant. Le sixième, donc. Il était très majestueux. Lorsque Fly s'approcha de la grille, pas d'interphone, de bouton ou quoi que ce soit. Il l'observa un instant, se demandant s'il n'avait pas manqué un détail. Une porte s'ouvrit dans le bâtiment, au loin, et un homme qui semblait plutôt petit – ce n'était pas facile à évaluer avec la distance – et fort sympathique en sortit.

— Entrez, entrez ! lança-t-il.

Fly poussa le portail, qui était en effet ouvert, et traversa la petite cour fleurie pour rejoindre son hôte à l'intérieur.

— Désolé, reprit l'homme, ça fait un peu vieux. On n'a pas encore relié l'accueil à la porte, ça fait un moment qu'on se dit qu'il faudrait le faire !

— Euh... oui, c'est assez pratique, répondit Fly, peu sûr de ce qu'il devait dire.

— Mais en fin de compte j'aime assez avoir les gens en face de moi.

Il décocha un énorme sourire, qui rendait Fly lui aussi heureux de pouvoir le recevoir.

— Qu'est-ce qui vous amène ? demanda l'homme.

— Je... Je voudrais parler à Estelle Aurston.

— Estelle Aurston ? Celle qui avait fait la une des magazines à Géopolis ?

Fly n'en revint pas ses oreilles. De toutes les personnes à qui il avait demandé, c'était la première qui la connaissait. Il devinait cependant à la tournure de la phrase qu'il ne l'avait pas chez lui.

— Euh oui, vous avez vécu à Géopolis ? demanda Fly, un peu stressé.

— Non non, mais ça a quand même fait un peu de vague à Toritoshi. J'avais lu un article dans le Pigeon Voyageur. Et puis je l'ai reçue en personne peu après, alors ça a marqué ma mémoire, forcément.

— Vous l'avez reçue ?! s'exclama Fly, n'en revenant pas ses oreilles.

— Oui oui, répondit l'homme, toujours aussi calme et souriant. Mais vous savez, un établissement comme le notre, ça a un certain coût, et la vie est plutôt chère par ici alors cette pauvre femme et sa famille ne pouvaient pas se le permettre. Je crois qu'ils se sont dirigés vers des quartiers moins chers. Hmm, je dirais vers le bord Sud, à l'époque, ou peut-être vers Mesplaine, c'était aussi un peu moins cher qu'ailleurs.

Fly avait les yeux écarquillés, certainement remplis d'étoiles.

— Merci beaucoup ! s'exclama-t-il sans aucune retenue. Vous m'aidez énormément !

— C'est un plaisir, jeune homme, j'aimerais avoir autant d'acclamations à chaque fois que je donne un renseignement !

Fly ne savait plus vraiment quoi dire. Il répéta un joyeux « Merci » puis sortit rejoindre la placette. Il nota rapidement les indications de son interlocuteur sur la feuille avec la liste, puis annota tous les établissements correspondants. Ça en faisait quatre. Aucun n'était proche, naturellement. Fly trépignait d'impatience.

Fly héla un oiseau. Il allait quand même finir son tour. 

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