Chapitre 3

Le petit professeur s'arrêtait à chaque table et regardait par dessus l'épaule des élèves à la recherche d'erreurs. Miss Lalie, qui souriait toujours, semblait à mille lieux de la salle de maths, et les pensées de Fly dérivaient bien plus que les fonctions sur son cahier.

La mer scintillait derrière les fenêtres closes, mais le jeune homme avait l'impression de sentir le vent sur sa peau et l'odeur de l'eau salée.

— Fly aime la mer ? demanda Miss Lalie à sa droite.

L'intéressé se retourna subitement, tiré de ses rêveries par la voix de sa camarade.

— Euh... oui, répondit-il, j'ai pas l'habitude de la voir...

Ainsi sorti de ses pensées, il se reconcentra sur les formules griffonnées sur la page quadrillée.

— Tu y arrives ? demanda-t-il à sa voisine, le nez toujours sur son cahier.

— Hein ? répondit l'intéressée. Ah, j'avais pas pensé à répondre aux questions !

Elle sourit allègrement, puis sortit un crayon de sa trousse, afin de tracer sur sa propre feuille les lignes courbes des symboles.

Fly restait figé, abasourdi. Elle avait oublié qu'elle devait faire des exercices de maths ? Ça faisait peut-être partie de ce que Madame Bordellmark appelait « un handicap mental important », en plus de ne pas remarquer les émotions et de n'utiliser que la troisième personne du singulier.

— Moi là, je ne vois pas trop quoi faire, fit le jeune homme en se tenant la tête.

— Tu as besoin d'aide ? demanda soudainement le professeur derrière son épaule.

Fly sursauta, il n'avait pas remarqué la présence du professeur.

— Euh... bah... c'est-à-dire... bégaya-t-il.

— Décompose la fonction de sorte à retrouver les formules qu'on a vues en cours. Vas-y, je te regarde faire.

Et il resta campé derrière son élève, qui paniquait, ne sachant plus que faire sous son regard insistant.

Après une longue matinée de cours entrecoupée uniquement d'une courte récréation dans la cour de lattes de bois, les adolescents furent enfin libérés à la seule nécessité de leur alimentation.

— Est-ce que Fly veut manger avec Miss Lalie ? s'empressa de demander la jeune fille.

— Oui, pourquoi pas, répondit l'intéressé.

— Miss Lalie a l'habitude de manger seule, personne ne veut d'elle. Mais maintenant, Miss Lalie a un ami !

Elle s'accrocha avec joie à son bras en le secouant allègrement.

— Viens !

Elle l'emmena alors manger. Pas très loin de l'école trônait le restaurant scolaire, une grande cabane de bois lui aussi. Habituée à manger seule, la jeune fille ne cachait pas sa joie d'avoir quelqu'un en face d'elle, et sa bonne humeur débordante était même fatigante, si bien que quand Fly rentra chez lui, en fin de journée, il se laissa directement tomber dans son lit.

— Eh bien ?! s'étonna Laura. Tu ne racontes pas ta première journée de cours sur pilotis à ta tutrice préférée ?

Le jeune homme émit un gémissement, avachi sur la couette froissée. Il se retourna ensuite, puis se redressa, avant de commencer à parler.

— Ce matin, ma tutrice pour l'école est venue me chercher.

— Oh ! répondit l'adulte. Et alors, comment est-elle ?

Elle sourit un peu d'un air taquin avant d'ajouter :

— Est-ce qu'elle est jolie ?

Fly écarquilla les yeux.

— Laura ! Je t'en prie ! la reprit-il.

La trentenaire explosa de rire, devant l'expression de l'adolescent, gêné.

— Eh bah si tu veux savoir elle s'appelle Miss Lalie...

— Miss Lalie ? s'étonna l'adulte. Mais c'est pas un nom ça...

— Bah... c'est comme ça qu'elle se présente.

— D'accord...

— Si tu veux être avertie de ses particularités, elle parle d'elle comme de moi à la troisième personne, elle sourit tout le temps même quand on lui dit des trucs vexants, la professeure référente dit qu'elle a « un handicap mental important ».

Laura s'était calmée en entendant ces mots.

— Mais elle est gentille, elle s'occupe bien de toi ?

— Oui oui ne t'en fais pas, elle est très gentille, pas de soucis. Sinon, si tu veux d'autres renseignements sur ma journée que la fille qui s'occupe de moi, la professeure référente, Madame Bordellmark, a l'air très gentille, et les cours sont... éprouvant, comme à Toritoshi ! Même si le décors et les gens changent, les maths restent les mêmes !

— Ah, je commence à te connaître, mon petit oiseau ! Je sais combien tu portes les mathématiques dans ton cœur.

Elle posa la main sur sa poitrine, l'air solennel, avant d'exploser de rire.

— J'en conclus que ton intégration ne s'est pas trop mal passée et que la ville te plaît !

— Bah j'ai parlé à personne d'autre que Miss Lalie mais la ville est très belle !

— Génial. Quand à moi, comme je ne commence que la semaine prochaine, j'en ai profité pour ranger un peu la maison, faire le tour du quartier et rencontrer un peu les voisins. Oh, et j'ai même trouvé un marcher ! Bon, on y trouve plus de poisson que de légumes, il va falloir t'y habituer mon oiseau !

Fly gémit encore une fois en se laissant tomber sur le matelas.

Laura rit en s'éloignant un peu.

— Eh bah tu vas goûter ce soir ! Tu me diras ce que tu penses de mon maquereau grillé !

— Tu es sûre que ça grille du maquereau ?

— Mais oui bien sûr ! J'ai demandé au marché, tu ne remettrais pas en doute ma parole tout de même ?

L'adolescent rit, son visage toujours enfoui dans son oreiller.

Le maquereau grillé se révéla n'être pas si mauvais, et après une soirée à discuter gaiement avec sa tutrice, Fly tomba comme une pierre dans un profond sommeil.


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