Chapitre 24

Miss Lalie était assise à la table, habillée et coiffée, lorsque Fly sortit de sa chambre.

— Salut, lança ce dernier. Tu es prête à quitter la ville ?

L'intéressée répondit par un sourire enfantin, comme elle savait si bien en produire ; un de ceux qui déposaient une couche d'enthousiasme dans ses émotions. Il aimait bien avoir la jeune femme à ses côtés, quoi qu'en pense Ella.

Elle ne montrait aucune trace d'une quelconque peine à l'idée d'abandonner cet endroit où ils avaient passé quelques jours de recherches intenses ; peut-être ne s'en rendait-elle pas vraiment compte. Fly ne pouvait s'empêcher d'être triste : il n'avait pas eu le temps de découvrir la ville comme il l'aurait voulu ; et il avait surtout rencontré Clémence, qui était devenue malgré tout son amie.

Il ouvrit son portefeuille. Il avait promis à leur guide de la payer pour ses services. Seulement, il n'avait pas beaucoup d'argent, et n'avait pas moyen d'en gagner. Une somme symbolique suffirait sûrement, il n'avait de toute manière pas d'autre alternative.

Miss Lalie ne percevait pas son désarroi, ou du moins n'en laissait rien paraître. Elle mangeait tranquillement, et Fly ne tarda pas à la rejoindre. Se soucier davantage maintenant ne servirait à rien.

Lorsque Clémence vint les chercher, et qu'ils sortirent avec leurs valises remplies, son sourire était un peu crispé, et sa parole laissait à désirer. Après avoir rendu les clefs au propriétaire, le petit groupe quitta le gîte et prit la direction de l'aéroport.

Clémence ne parlait pas beaucoup non plus. Elle cachait probablement une certaine peine derrière sa fière attitude de façade.

C'était le matin, et la plupart des galeries qu'ils traversaient étaient désertes. Miss Lalie en profitait pour sautiller un peu partout comme elle l'avait fait le jour de leur arrivée. Il s'était passé tellement de choses depuis...

— Clémence... commença-t-il, hésitant, après plusieurs galeries de silence de mort.

L'intéressée se tourna vers lui. Son visage n'était ni joyeux, ni triste, et elle continuait d'avancer, comme concentrée.

— Tu te souviens, reprit-il, je... je t'avais promis de te payer, pour tout ce que tu as fait pour nous.

— Laisse tomber, lança Clémence.

Elle avait comme jeté sa phrase dès que Fly avait terminé la sienne, d'un ton trop sérieux par rapport à la joie qu'il lui connaissait. Elle avait balancé sa phrase, comme si elle avait voulu s'en débarrasser le plus vite possible, et clore le sujet.

Fly resta quelques instants silencieux, pris de court par la réaction inattendue de son interlocutrice.

— Je te l'ai promis, reprit-il, et je me sentirais mal de ne pas respecter une promesse.

— Je te l'ai déjà dit, continua Clémence d'un ton sec, tu n'as pas à te sentir mal puisque tu n'as pas beaucoup d'argent. Tu as fait un choix réfléchi et tu n'as pas à le regretter.

Elle regardait toujours droit devant elle, sans aucune émotion sur le visage. Elle ne parlait pas à la légère. Fly sortit timidement son portefeuille de sa poche, et commença à l'ouvrir pour en sortir un billet.

— J'y tiens, insista-t-il en lui tendant le morceau de papier. Ce n'est pas grand-chose et je me doute que ça ne va pas changer ta vie, mais tu nous a guidés avec professionnalisme et gentillesse pendant tout notre séjour alors j'estime que tu mérites que je te donne au moins ça.

Il maintint son regard et un sourire tendre pendant quelques instants. Clémence accepta finalement, levant les yeux au ciel dans un soupire. Elle ne put cependant s'empêcher d'inspecter le billet avec une attention révélatrice.

— Merci, murmura-t-elle furtivement.

Fly ne put retenir un léger sourire. Quelle que soit sa peine de quitter la ville, il aurait au moins pu lui faire plaisir avant de partir.

— Clémence ? reprit-il.

La jeune femme se tourna vers lui, attendant qu'il parle. Un peu hésitant, il laissa le bruit de leurs pas prendre le dessus sur sa voix un instant.

— On se reverra, affirma-t-il en un sourire sincère.

La guide regarda à nouveau devant elle en soupirant comme avec amusement.

— Je pourrai revenir à Géopolis, continua Fly, enthousiaste. Tu pourras aussi venir à Hydran un jour si tu en as envie. Je suis sûr qu'on pourrait t'héberger le temps de ton séjour !

— Nous arrivons, le coupa-t-elle comme si elle n'avait pas entendu ce qu'il venait de dire.

Un peu vexé qu'elle l'ignore ainsi, Fly reporta son attention sur la place que Clémence désignait du menton. Elle était déjà remplie de voyageurs qui venaient d'arriver ou attendaient de pouvoir repartir et d'employés de la compagnie aérienne qui les guidaient et les conseillaient.

— Bon, je crois que vous n'avez plus besoin de moi à partir de maintenant, lâcha Clémence dans un rapide sourire ironique.

Elle fit demi-tour, sous le regard atterré de Fly. Il ne pouvait pas croire qu'ils se quitteraient comme ça, qu'elle s'en irait sans même un au-revoir ou un regard éloquent.

— Clémence s'en va ? demanda d'une voix enfantine Miss Lalie qui venait à peine de cesser de sautiller partout.

Fly était incapable de répondre, ou de faire quoi que ce soit. Il ne put que bafouiller un « Clémence » inaudible et s'affliger de sa propre inaction.

La jeune femme s'arrêta soudain. Elle resta immobile quelques instants, dos à eux, puis fit volte face, et le regarda dans un sourire mélancolique.

— Je serais très heureuse de te revoir, Fly.

Elle se retourna à nouveau et repris lentement sa marche.

— Au revoir, murmura-t-elle.

Elle ne s'arrêta plus, et marcha droit devant elle jusqu'à disparaître à une intersection.

Fly resta bouche bée, à la fois triste qu'elle soit partie, et heureux du dernier sourire qu'elle lui avait adressé. Ils s'étaient quittés comme des amis, sans regret.

— Fly va bien ? demanda Miss Lalie lorsqu'elle vit qu'il n'avait toujours pas quitté la galerie des yeux.

Sorti de ses pensées, l'intéressé cligna des yeux, perdu pendant un instant.

— Euh... oui, bredouilla-t-il en souriant. Allons-y.

Dans un sourire qui se voulait rassurant, il se mit en marche en direction de la place animée d'où partaient les escaliers qui les mèneraient à l'air libre. Miss Lalie ne se fit pas prier pour afficher un large sourire et le suivre avec l'entrain qui ne l'avait pas quittée de la matinée.

A l'étage, un avion étincelait sous le Soleil, prêt à s'envoler pour la ville des oiseaux.

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