Chapitre 2
Fly soupira. Il avait préparé toutes ses affaires, mais venait de s'arrêter devant la porte de la cabane.
— Bon, bah j'espère que je trouverai le chemin de l'école... fit-t-il d'une mine un peu dépitée.
Tout était nouveau pour lui dans cette ville, et il ne savait pas du tout à quoi s'attendre. Il ne pouvait ni se figurer les lieux, ni savoir quelles personnes il rencontrerait. Sortir du seul endroit qu'il connaissait un peu à Hydran symboliserait le réel commencement de sa journée, qui n'était autre qu'un grand saut dans l'inconnu.
Laura s'approcha, dans un sourire maternel.
— Ne t'inquiète pas, répondit-elle. J'ai averti l'administration du déménagement, tu devrais avoir un tuteur pour les jours à venir, le temps de t'habituer.
— Un tuteur... répéta l'adolescent, pensif.
— Je vais finir par être jalouse ! plaisanta la trentenaire. Allez, passe une bonne journée mon petit oiseau !
Fly sourit. Quoi qu'il fasse, elle serait encore là pour veiller sur lui.
— Bonne journée Laura ! entonna-t-il pour lui transmettre toute sa gratitude.
Le jeune homme se décida enfin à ouvrir la porte de la cabane et déboucha sur l'accueillant ponton des fleurs. Un ciel sans nuage irradiait de lumière l'ambiance marine du quartier. Quelques mouettes sillonnaient le ciel et l'écume des vaguelettes venait caresser le bois du ponton.
— C'est joli, hein, quand il fait beau, lança une voix féminine.
Fly tourna rapidement la tête en direction du son, et vit une fille d'à peu près son âge, aux cheveux bruns coiffés en deux grandes couettes basses et aux yeux ambrés. Elle portait un T-shirt d'un rouge éclatant garni d'une large bande blanche verticale sur son abdomen. Son jean bleu légèrement délavé par endroits était rehaussé d'une étrange ceinture où étaient accrochés une dizaine de stylos de couleurs différentes, et surmontait une paire de chaussures des mêmes couleurs vives que son haut.
Cette fille lui souriait sans compter et semblait réellement heureuse de le voir.
— Euh... oui, oui, c'est beau, répondit-il dans un sourire un peu gêné.
Elle sembla soudain se rappeler de quelque chose et entreprit de fouiller ses poches.
— C'est bien... commença-t-elle, en sortant un papier plié en quatre qu'elle lut avec difficulté, Fly ?
— Oui, c'est moi.
Elle rangea le papier dans une de ses poches latérales, puis annonça d'une voix plutôt enfantine :
— Miss Lalie connaît bien le chemin jusqu'à l'école. Il sera impossible de se perdre !
Fly se demandait qui était cette « Miss Lalie ». Il resta un instant immobile, perdu dans ses pensées et ne sachant pas trop comment réagir face à l'inconnue, jusqu'à ce qu'il remarque qu'elle commençait à partir.
— Viens, fit-elle en quittant le ponton des fleurs.
Fly se hâta alors de la rattraper, puis de la suivre sans poser de questions.
C'est l'inconnue qui brisa le silence, ou plutôt l'environnement sonore tranquillisant des vaguelettes.
— Miss Lalie a reçu le rôle de tutrice pendant quelques jours, annonça-t-elle d'un ton enthousiaste. Elle essayera de répondre à toutes les questions qui lui seront posées.
— Euh d'accord... répondit Fly.
Il ne savait pas trop quoi dire à cette fille qu'il ne connaissait pas. Le silence s'imposa de nouveau et les mouettes en profitèrent pour chanter leur parade de bienvenue.
— Tu habites au ponton des fleurs, continua l'inconnue en souriant. Miss Lalie aime beaucoup les fleurs. Elles sont très jolies, mais il n'y en a pas beaucoup, à Hydran. Miss Lalie aimerait beaucoup en faire pousser, mais elle n'a pas assez de terre. Elle pourrait avoir des graines, parce qu'elle va à la serre cueillir des fleurs, mais Miss Lalie n'a pas de terre.
Fly s'imagina bien la scène. Une jeune femme, allant tous les jours dans une immense serre cueillir des fleurs, mais n'ayant pas la moindre parcelle de terre car les cabanes d'Hydran ne sont entourées que d'eau.
— Fly habitait à Toritoshi, continua-t-elle. Est-ce que c'est vrai qu'il y a des oiseaux géants ?
— Oui, bien sûr que c'est vrai mais...
Il eut soudain un frisson. Pourquoi parlait-elle de lui en utilisant la troisième personne ? Un peu dérangé, il sentit son visage pâlir, ce qui ne sembla pas déranger la jeune fille, qui continuait de parler.
— Miss Lalie entend souvent parler de Toritoshi. Est-ce qu'il y a beaucoup de fleurs là-bas ?
Fly ne répondit pas immédiatement, encore troublé, avant de réagir, gêné de son moment d'absence.
— Euh... oui, bien sûr, le support de la ville est fait de terre donc il y a des plantes sauvages qui poussent naturellement, et il y a des fleurs parmi elles.
La jeune fille semblait émerveillée devant les propos du jeune homme. Il voyait ses lèvres remuer légèrement, articulant dans un souffle « des fleurs sauvages... », comme si le fait que quelque chose d'aussi génial puisse exister sans de durs efforts humains était un miracle qu'elle n'aurait jamais cru possible.
Fly sourit, attendri par la joie innocente de son interlocutrice. Il hésita un instant : il ne voulait pas l'interroger sur une évidence ; mais sa curiosité prit le dessus.
— Mais au fait, commença-t-il, tu en parles tout le temps, mais qui est cette Miss Lalie ?
La jeune femme le regarda un instant, perplexe, avant de répondre d'un air gai et naturel :
— Bah c'est moi !
Fly sentit réellement ses joues s'empourprer, tant il était mort de honte.
—Ah... euh...
Il ne savait pas quoi dire, et sentit que son expression désemparée ne faisait que l'enfoncer plus profond dans l'estime de cette inconnue.
— D... Désolé... bégaya-t-il.
La jeune femme – Miss Lalie – lui répondit par le grand sourire qu'elle n'avait cessé d'arborer. Elle ne semblait pas vexée par l'erreur du jeune homme, et continuait de marcher gaiement sur le ponton qui tonnait sous ses pas.
Fly n'osa plus articuler un mot, et resta un peu en retrait, plus que jamais gêné devant cette étrange inconnue.
Le paysage était très monotone. Toutes les maisons se ressemblaient : des petites cabanes aux murs striés de lattes de bois. Les couleurs variaient d'un édifice à l'autre, mais se regroupaient finalement presque toutes dans des tons ternes ou délavés. La ville avait un charme certain, mais les trajets à pieds semblaient interminables. Fly regrettait déjà les oiseaux de Toritoshi. Il commençait à s'impatienter de marcher sur des pontons branlants.
— Le grand bâtiment, là-bas, c'est l'école, annonça Miss Lalie.
Fly fronça les sourcils pour distinguer l'immense masure sous le Soleil flamboyant. Il parvint mieux à voir le bâtiment lorsqu'ils se furent un peu rapprochés. Trois grandes cabanes de bois rectangulaires étaient disposées perpendiculairement autour d'une cour de lattes sous lesquelles on entendait le doux ronronnement de la mer.
Le jeune homme resta bouche bée. A la fois spectaculaire par sa forme et ridicule par son aspect cabane de pêcheur, l'école ne ressemblait en rien à l'image qu'il aurait pu s'en faire.
Miss Lalie se pencha vers lui pour observer son expression, puis rit un peu.
— Fly aime bien notre école ! s'amusa-t-elle.
— Euh... répondit Fly, c'est-à-dire que je ne m'attendais pas à une école comme ça...
— Oui, elle est belle, hein ! clama-t-elle gaiement.
La jeune fille s'introduisit dans la cour, puis s'orienta naturellement vers une porte du bâtiment de droite, tandis que le nouvel élève levait les yeux vers les moindres recoins de l'école.
— Pourquoi n'y a-t-il personne ? demanda ce dernier.
— Les autres élèves ne sont pas encore arrivés, répondit sa tutrice. Miss Lalie devait arriver en avance, et comme Fly est sorti en avance, il pourra voir la professeure avant que les cours ne commencent, comme la professeure l'a demandé !
Fly hocha en silence la tête, les yeux rivés sur une mouette qui planait calmement.
Miss Lalie ouvrit la porte, et pénétra dans le grand bâtiment, talonnée par le jeune homme. Elle vira rapidement à droite vers une salle de classe où attendait derrière un bureau une femme d'une quarantaine d'années, les yeux posés sur une copie d'élève.
— Bonjour Madame ! sourit Miss Lalie. Fly est bien arrivé, et Miss Lalie l'a conduit jusqu'à l'école.
La professeure sourit aimablement derrière ses lunettes.
— C'est bien, la congratula-t-elle d'un ton calme et maternel. Tu peux retourner dehors si tu veux, je vais présenter l'école à Fly, et il te retrouvera en cours.
— D'accord Madame ! entonna la jeune fille en s'éclipsant.
Une fois la porte fermée, la quadragénaire transmit son sourire bienveillant à Fly, qui la regardait d'un air perdu.
— Alors Fly, commença-t-elle, j'espère que ton arrivée à Hydran s'est bien passée.
— Oh oui, répondit l'intéressé. Les bâtiments sont vraiment impressionnants, et les pêcheurs qui nous ont montré le chemin jusque chez nous étaient très aimables.
— Très bien, affirma-t-elle, satisfaite. Je crois que tu n'habites pas tout près de l'école, j'espère que le trajet ne sera pas un problème pour toi.
L'intéressé réfléchit quelques secondes, hésitant à révéler qu'il accueillerait à bras ouverts n'importe quel moyen de transport.
— C'est un peu long, répondit-il finalement, mais si je le retiens, je pense que ça ira...
— Miss Lalie viendra te chercher le matin pendant quelques jours, le temps que tu le mémorises, le rassura-t-elle.
Elle marqua une pause, avant de continuer, levant les yeux derrière ses lunettes :
— On ne lui confie pas souvent de missions, mais je pense qu'elle a tout ce qu'il faut pour t'aider. Elle a un handicap mental important, mais c'est une jeune fille très gentille et toujours prête à rendre service.
Elle semblait avoir de l'affection pour son élève, et beaucoup de compassion, surtout.
— Ça me rassure un peu, avoua-t-elle, tu sembles être un jeune homme tolérant.
— Oui... je... j'ai été surpris, au début, bégaya Fly, honteux de sa première réaction, mais maintenant que je le sais je pense que ça ira très bien !
La professeure sourit largement, avant de reprendre :
— Je suis Madame Bordellmark, la professeure référente de votre classe. J'enseigne l'histoire-géographie à toutes les classes de cette école, qui recouvre toute la périphérie Nord-Est d'Hydran. En cours, tu t'assiéras à côté de Lalie, elle te guidera si tu as besoin d'aide.
— D'accord, répondit pensivement le nouvel élève.
La professeure sourit encore une fois, se voulant accueillante et rassurante, avant de se lever.
— Je vais te faire visiter l'école, annonça-t-elle, suis-moi.
Elle traversa la salle puis ouvrit la porte en bois, s'engouffrant suivie de Fly qui ne prononçait pas un mot dans le couloir sombre où la lumière s'alluma sur leur passage.
Elle fit le tour de l'école, présentant toutes les salles derrière leur porte massive, tous les escaliers et les dédales sinueux nappés de lattes de bois, passant d'un bâtiment à l'autre par la cour où les adolescents commençaient à arriver. Les salles étaient lumineuses, le Soleil s'y engouffrait par les larges fenêtres qui trônaient au milieu des murs de bois clair, et qui donnaient par ailleurs une vue imprenable sur l'océan bleu trempé d'écume et le ciel dégagé constellé de mouettes.
Une fois la visite terminée, Madame Bordellmark le ramena dans la cour.
— Voilà, Fly, lui dit-elle, tu es en Pénultième 2, et tu as cours dans cinq minutes dans la salle dix-sept du bâtiment trois, avec Monsieur Glingos, ton professeur de mathématiques. Tu retrouveras Miss Lalie à l'extérieur, elle t'y conduira. Bonne journée, et n'hésite pas à venir me voir si tu as le moindre soucis.
— D'accord, merci Madame, répondit Fly dans un sourire poli et reconnaissant.
La professeure s'éloigna sous le regard pensif du jeune homme. Les adolescents inconnus se pressaient dans la cour. Fly les regardait se rassembler en petits groupes sans égard pour les autres, et écoutait des bribes de conversations de ceux qui passaient près de lui. Il se retourna subitement, sorti de sa rêverie par une voix familière.
— Fly ! l'appelait Miss Lalie en se dirigeant vers lui.
Il n'eut pas le temps de répondre que la sonnerie retentit, déclarant le début de la ruée vers les immenses portes des bâtiments.
Miss Lalie et Fly s'y engouffrèrent à la suite de leur pairs, en direction de la salle dix-sept où l'attendait leur cours de mathématiques.
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