Chapitre 11
— Bonjour Lalie, tu vas bien ?
Fly marchait d'un pas décidé. Aujourd'hui, il allait agir – si Ella se montrait, bien sûr.
— Miss Lalie va bien et est contente de voir Fly !
Elle se mit aussitôt en marche vers l'école, et le jeune homme la rattrapa en courant.
Le ciel était un peu couvert. Pour la première fois depuis que Fly était arrivé à Hydran, le Soleil ne se montrait pas, ce qui n'empêchait pas l'eau de produire son tumulte habituel souvent complété par les mouettes.
— Fly a déjà voyagé dans les autres villes ?
Le jeune homme sursauta presque, il ne s'attendait pas à une question à ce moment.
— Hmm... pas vraiment. J'ai toujours vécu à Toritoshi donc le voyage pour venir à Hydran a été le seul que j'ai fait entre les villes. Mais on a beaucoup visité Toritoshi avec Laura. Et comme j'étais oiselier, je pouvais aller un peu où je voulais.
— Fly aime bien les oiseaux ?
— Hmm... oui, j'adore voler, c'est pas pour rien que je m'appelle Fly !
— Miss Lalie n'a jamais volé.
— Je me doute, sur Hydran, il n'y a pas d'oiseaux, à part des mouettes, qui sont bien trop frêles pour être montées, et comme tu...
Le jeune homme stoppa net. Il allait dire « et comme tu n'as jamais vécu qu'à Hydran », avant de se rappeler que non, elle avait vécu à Géopolis – si on en croyait le vieux Kan. Il ne pouvait pas se permettre de mentionner ce détail, Miss Lalie ne semblait pas au courant.
Elle le regarda un instant, attendant la fin de sa phrase, mais lorsqu'il bafouilla un « non, rien », elle ne sembla pas tenir compte de l'ambiguïté.
Pendant les cours, Fly pensait à Toritoshi. Il n'avait pas été nostalgique de sa ville, mais maintenant qu'ils en avaient parlé, il ne pouvait s'empêcher de visualiser les oiseaux majestueux et de vouloir rentrer. Heureusement, ils avaient cours de biologie, ainsi Fly put-il se concentrer sur sa matière préférée.
Lors du cours de littérature, pendant lequel ils étudiaient un texte d'un ancien prêtre hélioterrien, Fly sentit une pression ciblée contre son bras. Il tourna la tête, c'était Miss Lalie qui enfonçait son doigt dans sa chair sans le regarder, il commençait à avoir mal.
— Miss Lalie, chuchota-t-il, arrête.
L'intéressée tourna la tête et lui lança un regard cinglant. Ça devait être Ella.
Elle retira son doigt, puis se tourna à nouveau vers le professeur, son sourire retrouvé.
A la fin du cours – qui était le dernier de la journée – Fly se retint très fortement de parler à sa voisine de classe. Il la suivit docilement sur le chemin du retour, en échangeant quelques banalités telles que « tiens c'est drôle que je n'aie jamais vu de ciel couvert jusqu'ici ! », « Miss Lalie aime bien quand il y a du Soleil ».
Une fois bien éloignés de l'école, la jeune femme tourna subitement à gauche, Fly connaissait maintenant assez bien le chemin pour se rendre compte qu'on en sortait. Là, elle ne souriait plus. Normal, son sourire était de façade. Très belle façade, d'ailleurs.
— Si tu veux parler, c'est maintenant, siffla-t-elle.
— J'aimerais t'aider.
La jeune femme le regarda, perplexe.
— Je veux dire... j'aimerais que tu puisses vivre en paix, donc si tu as besoin de te renseigner sur Géopolis je peux t'aider.
— Qui t'a parlé de Géopolis ?
On aurait dit une bête sauvage prête à déchiqueter sa proie au moindre mouvement.
— Le vieux Kan... répondit Fly à mi-voix.
Ella sembla se détendre un peu, et portait désormais sur son visage un air blasé.
— Je vois, tu es donc allé le voir pour parler de moi.
— Oui...
— Sans moi ?
— Euh... oui...
— Bon, qu'importe. Pourquoi tu penses que j'aurais besoin de me renseigner sur Géopolis ?
— Le vieux Kan dit que c'est l'article sur Géopolis qui a provoqué un stimulus, comme tu as vécu à Géopolis, autrefois...
Ella soupira.
— Je te l'accorde, admit-elle dans un petit rictus.
Elle se remit en route sans un mot – elle avait cela en commun avec Lalie, et se dirigea, semblait-il, vers sa cabane.
Une fois rentrés à l'intérieur, volets fermés et porte verrouillée, elle s'assit et intima à Fly de faire de même.
— J'ai en effet vécu à Géopolis, commença-t-elle, le visage aussi fermé qu'une statue de pierre. J'y vivais avec ma mère. On était heureuses toutes les deux. Je me souviens pas de grand-chose, j'étais petite, mes souvenirs se sont estompés, mais je me souviens que j'étais vraiment heureuse. Ma Maman, c'était la personne que j'aimais le plus au monde, en tant que petite fille, donc quand elle est morte sous mes yeux, ça a été un choc.
Elle disait ça avec froideur, mais on sentait l'émotion à travers le choix des mots.
— Elle est morte sous tes yeux ? répéta Fly avec compassion.
— Oui, son meurtrier n'a pas eu l'amabilité de m'écarter de la scène.
— Et si tu l'as vu, tu n'as pas pu témoigner ?
Ella secoua la tête.
— J'étais traumatisée, incapable de parler à qui que ce soit. Je ne sais même plus si je me rendais compte des choses. Si j'avais pu parler, une enquête aurait été approfondie, mais je ne crois pas que ça ait été le cas. Je ne me souviens pas de grand-chose, j'ai donc un champ d'action assez faible. Déjà que je ne peux pas souvent me concentrer...
Ses points se crispèrent sous la table. Son agacement était palpable.
— Si tu veux apprendre la vérité pour être plus sereine, je peux t'aider, proposa Fly, forçant un sourire.
— Je dois le retrouver, affirma Ella.
— Et comment tu comptes faire ?
— Je ne sais pas encore, sûrement essayer peu à peu de me souvenir de son identité, puis aller le chercher.
— Tu ne t'en souviens pas ?
Ella secoua à nouveau la tête.
— Je n'ai aucun souvenir précis. Je sais juste que c'était un bon ami de ma mère. Mais maintenant, grâce au journal, j'ai l'espoir d'en savoir plus.
Un sourire s'étira sur ses lèvres tandis que ses sourcils restaient froncés. Elle n'était plus désespérée. Fly, lui, ne comprenait pas vraiment. Par chance, il avait pris le journal dans son sac en espérant qu'Ella se montre. Il attrapa donc son sac et en sortit le précieux hebdomadaire.
Ella s'en empara et lui montra la photo de l'article qui parlait de Géopolis.
— Tu vois, cet homme, commença-t-elle en pointant celui qui y était mis à l'honneur. Tu vois la broche qu'il porte ?
Fly attrapa à son tour le journal et fixa le joaillier. Il portait à son abdomen une broche taillée en pierre rouge. Elle semblait représenter un animal.
— Et bien ? demanda-t-il.
— Je connais cette broche. Je m'en souviens. Il la portait.
Fly sourit.
— Donc tu as une piste ?
Ella sourit, elle aussi, mais toujours d'un sourire machiavélique.
— Exactement. Je n'ai qu'à me renseigner sur cette broche, et sur les joailliers de Géopolis.
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