Chapitre 1

L'avion arrivait au dessus de la mer, et on apercevait déjà Hydran et ses hauts immeubles. Au fur et à mesure que la ville sur l'eau se rapprochait, Fly se collait un peu plus à la vitre pour pouvoir l'admirer. La ville était vraiment immense. Au centre, les immeubles venaient toucher les nuages, et à l'extérieur se déroulait une ribambelle de pontons qui s'étiraient à perte de vue.

— On va vraiment habiter là ? demanda Fly à sa tutrice.

— Oui, répondit cette dernière. J'espère que tes amis ne te manqueront pas trop, mais je suis rassurée, la ville semble déjà te plaire. Et tu n'as pas tout vu !

L'avion commençait à plonger vers l'île centrale, où une piste l'attendait. Il s'y posa sans problème puis s'arrêta pour laisser descendre ses passagers.

Fly descendit après sa tutrice, la bouche bée et les yeux trop occupés à sillonner le ciel, l'île et la mer pour regarder où il allait.

— Fais attention, Fly, tu vas tomber !

— Euh oui, excuse-moi, répondit l'adolescent en regardant les marches.

Une fois arrivé en bas, il put regarder de tout son soul les éléments de la cité. Les immeubles étaient réellement immenses. Ils s'élevaient très haut, mais surtout, ils étaient très larges, bien plus que ce que Fly imaginait en les voyant du ciel. Chacune de leurs façades était recouverte de vitres de verre, et l'adolescent se dit qu'on devait avoir une vue magnifique, de tout là-haut.

L'île sur laquelle l'avion avait atterri, qui semblait être le centre de la ville, ne comportait, entre ses immeubles, que de la verdure et quelques petites marres d'eau. Seules la piste d'avion bordée d'un petit bâtiment blanc et une piste d'hélicoptère modifiaient le paysage sur un des bords de l'île. Cette terre centrale semblait véritablement énorme, bien que Fly se fit la réflexion qu'elle était sûrement beaucoup plus petite qu'une vraie île.

— Laura... C'est vraiment une île ?

— Non, l'île est artificielle, créée par l'Homme pour supporter Hydran. Elle est tenue par de gigantesques piliers qui sont fixés au sol marin, très profond par ici, il me semble.

Fly acquiesça, fixant toujours chaque détail de l'île futuriste.

— C'est le plus bel endroit que j'ai jamais vu ! déclara le jeune homme.

Laura éclata de rire devant le regard ébahi de son protégé.

— Beaucoup diraient ça de Toritoshi, le fabuleux t'a semblé banal... mais pas celui de cette ville ! Allez, viens, on va chercher les bagages.

Laura s'engagea, Fly sur les talons, dans le petit bâtiment blanc, où les bagages étaient censés arriver.

A l'intérieur : des gens qui patientaient, des gens qui achetaient des billets, des gens qui récupéraient des bagages et d'autres qui achetaient de quoi grignoter avant le voyage. L'avion était le seul moyen de voyager directement de Toritoshi, la ville dans les cieux, à Hydran, la ville sur l'eau. Laura récupéra ses valises et tendit la sienne à Fly, avant de remercier le personnel et de ressortir.

Sur les bords de l'île centrale s'accrochaient des pontons, qui menaient aux quelques îles autour – plus petites, et qui ne comportaient qu'un seul immeuble chacune. On pouvait voir au loin que le même schéma se répétait sur les petites îles. Ceux qui en sortaient ne menaient pas à d'autres terres, mais à d'autres pontons, à des places entièrement pavées de lattes, et à de grandes maisons en bois.

— Maintenant, annonça la tutrice en se dirigeant vers le ponton le plus proche, je vais te conduire à notre nouvelle maison – si je la trouve !

Elle sortit un papier plié en quatre sur lequel était écrit une adresse, qui ne parlait bien sûr ni à l'un, ni à l'autre. Si Fly connaissait chaque quartier de Toritoshi, il ignorait tout d'Hydran, d'Helioterra ou de Géopolis, les trois autres grandes villes. Il savait juste qu'Helioterra était une ville ensoleillée sur la terre ferme, qu'Hydran était une ville sur l'eau et que Géopolis était souterraine. Ce que même un débutant savait. D'ailleurs, n'était-il pas un débutant en la matière ? Car si Fly avait sa réputation à Toritoshi, ici, il était un nouveau né.

13 Ponton des fleurs, Hydran.

— Un numéro 13, se lamenta Laura. Rien de tel pour un nouveau départ !

— Tu sais où est le Ponton des Fleurs ? demanda l'adolescent.

— Bien sûr que non, rit Laura. Je vais demander aux habitants !

Elle continua donc sa marche sur le ponton qu'elle avait emprunté, talonnée par Fly.

L'air était frais malgré la douce chaleur que le Soleil faisait naître sur les peaux. Les cheveux voletaient tendrement sous les caresses du vent. Sous les pontons, l'eau venait frapper les piliers de bois dans une explosion d'écume. Par dessus les toits, les mouettes étendaient leurs ailes comme pour cacher le Soleil. Leurs ricanements caractéristiques venaient joyeusement accompagner le roulis de l'eau.

Les pontons commençaient à devenir plus étroits, et Fly remarqua d'ailleurs que les maisons étaient désormais plus petites qu'au sortir des îles artificielles. Elles semblaient plus frêles et plus vétustes, comme si la richesse ne dépendait que de la distance à l'océan.

Laura changea brusquement de direction et s'engagea rapidement sur un tout petit ponton, au bout duquel se tenait un habitant.

L'homme semblait de la cinquantaine. Il portait des habits un peu sales et semblait musclé, devant sa maison contre laquelle reposaient des filets de pêche. Il scruta un instant Laura et Fly, qui eux ressemblaient à de parfaits touristes : regard perdu, vêtements colorés, valises à la main et sac à dos.

Laura lui demanda s'il connaissait le ponton des fleurs, ce à quoi il répondit à l'affirmative.

— En réalité... le ponton des fleurs se situe à l'autre bout de la ville...

Fly écarquilla les yeux, déjà essoufflé de porter sa valise sur les pontons branlants, et Laura mis sa main devant sa bouche dans un « mince » désespéré.

Le pêcheur tendit son bras, indiquant à peine plus à droite que l'île centrale.

Après de chauds remerciements de la part de Laura, le binôme se dirigea vers le centre de l'île pour essayer de rejoindre l'autre côté.

* *

*

— Vous êtes nouveaux, vous dites ? répéta le trentenaire.

Laura et Fly venaient de l'accoster, après avoir sillonné la ville.

— Oui, c'est ça, confirma la tutrice. J'ai reçu l'adresse de ma nouvelle maison, mais je n'ai aucune idée de l'emplacement de ce... « ponton des fleurs »...

— Ah ! Le ponton des fleurs ! Alors c'est très simple, vous vous dirigez vers le quartier des affaires, mais quand vous arrivez devant la maison du vieux Mich... ah, mais vous le connaissez pas. Bref, c'est la maison verte, la grosse maison avec un père Noël. Eh bah quand vous passez devant, y a un tournant à droite quelques mètres plus loin, eh bah vous tournez, vous marchez tout droit et puis vous y êtes !

Laura et Fly le fixaient d'un air désespéré.

— Euh... excusez-moi de vous interrompre... commença la tutrice.

— Vous inquiétez pas j'avais fini.

— Pouvez-vous nous indiquer où se trouve le quartier des affaires ?

Le pêcheur hésita quelques secondes avant de soupirer.

— J'allais oublier que vous êtes nouveaux... Eh bah... c'est... enfin... vers là où y a... ah non, vous pouvez pas connaître... Bah attendez, je peux vous y emmener.

— Oh, mais ne vous dérangez pas pour nous, dites-nous juste la direction et on redemandera !

— Vous inquiétez pas, Madame. Ça me dégourdira les jambes, et puis je vais pas tous les jours par là-bas, ça me permettra de saluer le vieux Michou. Attendez quelques secondes, je reviens.

L'homme se dirigea vers sa cabane, et y rentra une bonne partie de son matériel, avant de fermer la porte à clef.

— On sait jamais, précisa-t-il.

Il rejoignit ensuite les deux étrangers puis tendit une main ouverte vers Laura.

— Je m'appelle Edouard. Enchanté, Madame.

— Enchantée Edouard, appelez-moi Laura.

— Enchanté, jeune homme, fit-il en se tournant vers l'adolescent.

— Moi c'est Fly, répondit l'intéressé en saisissant vigoureusement la main du pêcheur.

— C'est original comme nom ! remarqua ce dernier.

— Oui, ajouta la tutrice. C'est un des meilleurs oiseliers de Toritoshi, aucun gamin ne vole comme lui.

Fly baissa la tête, un peu gêné, ce qu'aucun des deux adultes ne remarqua.

— Allez, fit Laura, allons-y.

* *

*

Cela faisait bien un quart d'heure que Laura et Fly suivaient Edouard à travers les dédales de pontons d'Hydran, et ils étaient totalement essoufflés.

— Vous voulez un peu d'aide pour porter vos valises ? demanda Edouard. Vous avez l'air sacrément fatigués !

— Je veux bien, répondit la tutrice entre deux souffles.

Le pêcheur prit un sac de l'adulte et un sac de l'adolescent, ce qui lui fit déjà une charge conséquente, et libéra d'un poids les deux autres.

Fly était plongé dans ses pensées, et regardait avec détachement les cabanes colorées qui bordaient les pontons et les immeubles au loin, quand son regard se posa sur une grande maison verte. A une de ses fenêtres se reposait un petit père Noël crasseux mais terriblement souriant, qui fixait le jeune homme de ses yeux livides.

— La maison... réagit-il.

— Et oui ! répondit Edouard. C'est la maison du vieux Michou.

Le pêcheur bifurqua alors sur la gauche et s'engouffra sous le porche en bois écaillé jusqu'à la porte d'entrée. A peine eut-il toqué que la porte s'ouvrit sur un vieil homme rondouillard et joufflu, qui affichait un sourire jovial. Son visage s'éclaira encore un peu plus lorsqu'il reconnut son visiteur.

— Edouard ! s'écria-t-il d'une petite voix joyeuse. Tu es venu voir le vieux Michou ? Tu es venu me voir ! Qu'est-ce qui t'amène ?

— Je passais par là alors je me suis dit « si j'allais dire bonjour au vieux Michou »... ça fait longtemps...

— Oh oui, ça fait longtemps...

— Oh, et puis j'accompagnais des gens jusqu'au ponton des fleurs, des nouveaux sur Hydran, je me suis dit que ça serait l'occasion de faire connaissance !

Le vieux les invita tous à rentrer, et Laura et Fly s'engouffrèrent dans la vieille cabane sur les talons d'Edouard.

— Je te présente Laura et Fly, ils viennent de Toritoshi.

— Toritoshi ! s'émerveilla le vieil homme. J'aurais aimé visiter Toritoshi un jour... Mais je n'ai jamais eu assez d'argent pour y aller, vous savez, je ne vis que du poisson, et sur Toritoshi, j'imagine que ça serait plus difficile de pêcher... et il faut prendre l'avion... Maintenant je suis trop vieux... Mais peut-être qu'un jour enverra-t-on le vieux Michou sur la ville des oiseaux, qui sait...

— J'espère, répondit Fly, que vous pourrez réaliser votre rêve. Je connais bien les gens là-bas, si vous y allez, on pourra vous aider !

— Oh, c'est très gentil, jeune homme – Fly ? – mais ma santé ne me le permet plus. Mais je suis heureux d'avoir de nouveaux voisins comme vous sur Hydran, et au ponton des fleurs, en plus ? C'est pas loin, et vous verrez, on y vit très bien. Ma cabane est un peu délabrée, mais toutes ne sont pas comme ça, rassurez-vous !

Le vieil homme souriait constamment, il semblait s'abreuver de la joie des autres, et demanda à Laura, et surtout à Fly, de lui raconter des histoires de Toritoshi, si bien que quand le trio repartit, la nuit était sur le point de tomber.

— Je n'ai pas vu le temps passer, remarqua l'adolescent. Ce vieil homme est vraiment sympathique...

— Hélas, fit Edouard, il a de grosses difficultés... vous savez, l'État n'est pas très clément avec des pêcheurs de bas étage comme nous... mieux vaut de loin aller à l'école, de nos jours...

Fly ne sut quoi répondre, si bien qu'il ne répondit rien. Le trio continua sa marche vers le ponton des fleurs et l'atteignit en quelques minutes seulement.

— Voilà, fit le pêcheur. C'est ici. C'est quel numéro ?

— Le 13, répondit Laura.

— Ah, c'est ici, fit Edouard en indiquant une jolie petite cabane un peu plus loin sur le ponton. Je suis... heureux de vous avoir rencontrés et d'avoir pu vous aider. Passez une bonne nuit ! Et si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à venir me chercher !

— Merci beaucoup à vous, répondit Laura en ouvrant la porte de son nouveau logement.

Edouard s'éloigna sur un signe de main au milieu de la nuit sombre, que les deux autres lui renvoyèrent, avant de quitter le ponton à leur tour. La cabane était en effet beaucoup plus propre que celle du vieux Michou, et Laura ne mit pas longtemps à tomber de fatigue dans son lit, bientôt imitée par Fly.

— Cette ville me plaît déjà ! s'enthousiasma l'adulte.

— Oui, elle est très belle, répondit Fly, la voix un peu ternie par la fatigue.

Le silence emplit quelques instants la pièce, bientôt brisé par Laura.

— Tu ne regrettes pas Toritoshi ?

Fly haussa les épaules en regardant le plafond. On ne pouvait pas dire qu'il était totalement indifférent à ce changement radical de vie. Il avait toujours vécu parmi les oiseaux.

— Dans tous les cas, je pourrai retourner à Toritoshi et voler à nouveau, après.

Laura sourit.

— Exactement.

Elle chercha sa lampe de chevet pour les plonger dans l'obscurité.

— Bonne nuit, mon petit oiseau, fit-elle d'une voix endormie.

— Bonne nuit Laura, répondit l'intéressé avant de sombrer lui aussi dans un sommeil profond.



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