Traumatisme
- Quoi ?! S'insurgea-t-elle, toute sa peine pour Louis envolée, remplacée par une colère sourde, lui laissant un goût métallisé sur sa langue. Comment avez-vous eu ça ?
- Calme-toi, Diana, on va t'expliquer. Tenta de l'apaiser Huges, d'un ton qui se voulait rassurant.
- M'expliquer quoi ? Se récria-t-elle, le rouge lui montant aux joues. Que vous avez touché mon corps pour vérifier que je ne suis pas une sorte de mutante, de clone ? Que mon corps saurait mieux vous révéler des informations que moi-même ?
Elle savait que ses blessures sur son corps parlaient d'elles-mêmes, elles traçaient chacune un parcours de vie qui avait été le sien pendant ces deux longues années. Derrière chacun de ses silences, il y avait une vérité enfouie, et derrière chacune de ses cicatrices, il y avait une part d'elle. Sous toutes ses marques, il y avait la Diana fragile, qui peinait à s'endormir le soir, à vivre dans le mensonge constant, à supporter le poids de ses actes passés. Elle n'était pas prête à leur avouer tout d'elle. Et encore moins maintenant qu'elle savait à quel point elle ne pouvait pas leur faire confiance. Puis un détail dérangeant s'imposa dans son esprit. Diana n'avait jamais été amnésique, elle avait au contraire une conscience aigue de ce qui se passait dans sa vie. Elle se souvenait de tout, de chaque seconde passée dans cet enfer, comme de chaque évènement depuis qu'il avait pris fin.
- Quand ? Demanda-t-elle, glaciale, devant les regards perplexes des deux agents. Quand avez-vous fait ces tests sur moi ? Et comment ? Je ne vous ai jamais donné mon autorisation, et je ne me souviens pas avoir fait la moindre analyse depuis la fin de l'Éclipse.
Elle chercha dans ses souvenirs mais toujours rien ne lui revenait. Le seul passage qu'elle avait eu aux urgences était au retour des adultes, quand elle s'était évanouie, après avoir vu Sylvain. Avait-il pu à ce moment-là...
- Oh, mais je comprends tout à coup, cracha-t-elle, venimeuse. Vous avez profité de mon malaise pour me donner des somnifères pour pouvoir faire votre analyse sans rien craindre, c'est ça ? Inutile de me répondre, la gêne dans vos regards répond ma question. Vous n'aviez même pas mon autorisation !
Sa colère était si profonde, tant emplie de frustration de l'apprendre que maintenant qu'elle en tremblait sur sa chaise, ses yeux lançant des éclairs à ses deux personnes en qui elle croyait pouvoir commencer à leur faire confiance. Elle avait bien fait de taire encore ce qu'elle savait.
- Et nous n'en avons pas eu besoin, Diana, ce sont tes parents qui nous ont autorisés à le faire, rétorqua Huges avec fermeté.
- Mais je suis majeure enfin ! s'insurgea-t-elle, dépassée. Mes parents n'ont rien à voir là-dedans !
- Oui, mais c'était une situation particulière, tu étais inconsciente et l'Éclipse venait juste de se terminer. Nous avons demandé aux seules personnes qui étaient en mesure de nous donner l'accord. Tenta de se justifier Huges d'une voix posée.
Diana ne put s'empêcher de partir d'en un éclat de rire froid et sarcastique, dénué de tout humour. Ce changement de comportement déstabilisa l'enquêteur et la psychologue, qui se regardaient sans savoir quelle attitude abordée. La jeune femme se stoppa abruptement et les toisa, glaciale.
- Vous saviez surtout qu'avec tout le chaos ambiant, jamais ils ne vous auraient dit non, les accusa-t-elle fermement. Ils étaient effrayés et perdus, vous en avez profité. Ils m'ont traité comme une étrangère pendant des semaines, par contre faire ami-ami avec des enquêteurs tout juste rencontrés, ça ne leur pose pas de problèmes !
Diana était furieuse. À peu de chose près, elle était prête à tout renverser. Plus cette journée avançait, plus elle était déçue et se sentait trahie par ses propres parents. Ça lui donnait l'envie de quitter la maison et de se prendre un appartement rapidement. En y repensant, la veille, Rise était arrivée en retard à l'interrogatoire, étant soi-disant en consultation. Or, ses parents avaient quitté tôt la maison sans vouloir lui expliquer la raison de leur déplacement. Ils ne lui avaient jamais autant fait de cachoteries. Le lien se fit immédiatement dans son esprit. Ses parents absents pour la matinée, le retard de Rise, sa certitude qu'ils allaient voir un psy et surtout leur fouille dans sa chambre. Il n'y avait pas de doute.
- Et j'imagine que vous êtes la psychologue qui suit mes parents, cracha-t-elle à Rise qui sembla se recroqueviller, de peur ou de honte, elle ne savait dire. Bien sûr, c'est évident. C'est vous qui les avez encouragés à chercher des indices dans ma chambre, ou même à me demander de parler de mon Éclipse. Tout ça pour votre foutue enquête ! Combien de temps allez-vous encore me pourrir la vie !
- Ça suffit ! Tonna Huges, rivalisant de colère. Ce n'était nullement notre but de te cacher cette information, et je suis désolée que tu doives l'apprendre maintenant. Nous pensions que tes parents t'en avaient parlés.
- Non, ils préfèrent parler avec Rise plutôt que moi, balança-t-elle ironiquement.
- Sais-tu au moins ce qu'est une anamnèse ? Intervint la concernée avec le plus d'impartialité possible, tentant de calmer le jeu.
- J'imagine que c'est une sorte d'autopsie sur les vivants, sans leur autorisation, éluda Diana avec acidité, levant les yeux au ciel d'agacement.
- Une anamnèse est un procédé médical visant à se remémorer le passé vécu, oublié ou refoulé. Elle retrace tes antécédents médicaux, ta douleur actuelle ainsi que les résultats des tests qui ont été effectué sur toi, définit la psychologue de manière docte.
- C'est ce que je disais, c'est comme une autopsie. Argua-t-elle, narquoise, complètement braquée.
Rise se tut, prenant conscience qu'il ne servait à rien d'argumenter contre la jeune femme, butée. Huges prit le relais immédiatement.
- Cela ne sert à rien de relater encore et encore la décision de tes parents. Le mal a été fait. Nous avons les résultats et tu te doutes bien qu'on a déjà parcouru le dossier.
Diana n'acquiesça pas, ni ne répondit. Elle ne supportait pas l'idée qu'un médecin, ou une infirmière puisse l'avoir touchée pour effectuer ces tests, alors même que ce n'était pas pour des soins. C'était son intimité, et ça restait gênant de savoir qu'elle avait été mise à nu. Elle resserra ses bras sur elle, comme pour faire passer les frissons l'agitant.
Huges ouvrit le dossier, révélant des pages entières de lignes manuscrites. L'écriture italique et illisible ne pouvait appartenir qu'à un médecin. L'inspecteur ne s'attarda pas dessus et tourna la page, dévoilant une série de photos. C'était elle sur tous les clichés. Encore heureux, on ne voyait que des parties ciblées de son corps, à savoir celles où elle avait été blessée. Diana sentait la nausée l'envahir. Son dos était insupportable à regarder. C'était une vraie carte mémorielle pour elle. Toutes les cicatrices avaient une histoire derrière.
Elles bariolaient son dos comme une œuvre d'art qu'un artiste aurait pris pour une toile. Rise sembla ne pas en supporter la vue, et détourna le regard. Certaines de ses marques étaient anciennes, légèrement plus foncées que son grain de peau actuel, d'autres plus récentes, violacés ou rosés. C'est certain que ce n'était pas beau à voir. Mais c'était une preuve évidente que l'Éclipse n'avait pas été de tout repos. Ces cicatrices faisaient parties d'elle, de son histoire. Jamais elles ne partiraient. Mais c'était sans doute mieux ainsi.
La plupart venait d'une seule et même personne. Qui n'avait jamais eu honte de ses actions. Diana savait que si ces photos étaient devant ses yeux, c'était sans doute pour qu'elle les décortique pour eux.
- Diana, poursuivit-il avec précaution. Je ne te mentirai pas sur le fait que tout ça m'évoque un champ de mine. Qui t'a fait ça ?
Il dévoila un cliché de ses bras, qui étaient lacérés par de grandes griffes. Diana sentit ses mains se mettre à trembler tandis que les flashs de souvenirs lui remontaient brusquement. Toute cette violence, cette douleur qu'elle avait dû emmagasiner pour ne pas défaillir. Elle fixait ces photos de son corps ravagé. À vrai dire, en deux ans, elle ne s'était à peine regardée dans un miroir. Et aujourd'hui encore, elle les fuyait comme la peste.
Ils révélaient trop de choses, trop de souvenirs en elle. Y faire face si abruptement lui était impossible, impensable. Elle n'était pas prête à voir à quel point cette période avait marqué son corps. Elle savait qu'elle avait maigrie. Mais aujourd'hui, on ne lui laissait pas le choix, on la confrontait à la réalité. Ses traces, longues et effilées, jamais elle n'y avait encore fait face.
Elle sentit une main se poser sur la sienne. Elle se reconnecta au monde qui l'entourait. Elle tremblait comme une feuille. Rise lui lançait un regard compatissant en lui serrant la main. Grâce à elle, Diana était revenue dans le présent. Mais elle ne pouvait pour autant s'abaisser à remercier la psychologue, alors même que cette dernière manipulait ses parents depuis une semaine. Elle retira vivement sa main comme si le contact l'avait brûlé.
- Si tu n'es pas prête à en parler, il n'y a pas de soucis, on peut attendre encore un peu. La rassura Rise, avec toujours ce même sourire dont Diana ne supportait plus la vue.
- Non, affirma-t-elle avec détermination. Vous pouvez continuer. Ne faites pas attention à moi.
Huges et Rise échangèrent un regard hésitant, comme s'ils ne savaient s'ils pouvaient poursuivre vraiment ou non.
- Allez-y, je vous ai dit, insista la jeune femme avec agacement.
Huges tourna une page, dévoilant à nouveau l'écriture cyrillique du médecin. Il commenta en parcourant les lignes.
- Selon les rapports du médecin ayant fait ton auscultation, tu as subi de graves brûlures aux niveaux des poignets, des lacérations sur les bras, une balle dans la hanche, des coups de tasers et de fouets dans le dos. Il n'a pu finaliser l'entièreté du bilan alors il ne nous a fait part que des premières analyses.
- Diana, reprit Rise, que s'est-il passé pour que tu subisses tout ça ? Qui est à l'origine de tant de souffrance ?
- Certaines de ses blessures, je me les suis faites en mission. Mais pour de la plus grande partie, elles remontent à il y a un an, quand j'ai eu le malheur d'être prise en otage par la Squad.
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