Le retour

Diana décolla les yeux de l'écran de son ordinateur noir. L'électricité n'avait même pas tenu un mois dans le coin. Ce n'était pas une surprise, plus personne n'était là pour gérer les générateurs. Après deux ans, elle avait su se passer de la facilité Internet. Le net ne résout pas tout. Même mieux, il n'apporte pas à manger. Bien qu’il fallait avouer qu’il était parfois utile pour répondre à certaines questions. Mais elle n’y avait plus accès, et elle avait appris à faire sans.
 
Diana était passée d'une ère ultra connectée à.… plus rien en fait. Ce n'était pas vraiment un problème en soi pour elle. Mais les premiers temps, elle avait cru pouvoir contacter ses parents, où que ces derniers soient, avec. Cela s'était révélé être un échec. Ils n’avaient répondu à aucun de ses appels, de ses messages. Avec le temps, et la disparition de l’électricité, la batterie s'était déchargée et depuis, son portable trônait à présent dans une boîte à chaussure comme une vielle Game boy qui aurait rendue l'âme. 
 
Deux ans. Elle passa une main sur son visage tiré, conséquence des nombreuses heures qu’elle avait passée à veiller sur les plus jeunes, la nuit dernière. La Diana d'il y a deux ans lui semblait bien loin. D'une certaine manière, elle la trouvait naïve et enfantine. À des années lumières de ce qu'elle était aujourd'hui. Elle approchait des vingt-deux ans. En fait, il ne lui restait qu'un mois et demi. Ce n'était pas pire que son bras droit, son coleader, qui lui atteindrait l'âge fatidique dans moins d'une semaine. Ça aussi, ça la tracassait.

Elle jeta un coup d'œil à sa montre. Dix-sept heures. Cela ne servait à rien d’essayer de trouver une solution alors qu’elle n’en avait aucune pour le moment. Autant ne pas gâcher son temps et aller faire du sport. 
 
Elle attrapa sa veste sur son dossier en se levant et rangea la liasse de papiers sur son bureau en un tas organisé. Elle prévoyait déjà le grand pas. Celui où elle disparaîtrait. Elle pensait confier la gestion de la caserne à Martin de deux ans son cadet. Elle le savait assez posé pour parvenir à gérer cette immense tâche avec sang-froid. Mais ce n’était pas son seul critère, il avait devant lui du temps. Du haut de ses vingt-ans, il pouvait encore tout faire. Il lui restait plus exactement deux ans. C'était le plus important : transmettre le flambeau à une personne qui avait le temps devant lui pour préparer la prochaine génération à la tâche qui les attendait.
 
Il y a longtemps qu'elle avait pris conscience que ce qu'il s'était passé allait mettre fin à l'humanité. 
 
Il y a deux ans, ce fut l'apocalypse. La Terre n'explosa pas certes, aucune vague ne vint engloutir le continent. Non. Toutes les personnes de plus de 22 ans disparurent en un claquement de doigts. Plus d'adultes. Plus que des jeunes adultes, des adolescents, des enfants et des bébés. Cela a signé le tournant le plus drastique de l'histoire selon elle. Il avait fallu un moment avant qu'ils ne se rendent compte que tous ceux qui atteignait 22 ans disparaissaient à leur tour. 
 
Pour ceux qui étaient restés, c’est devenu le Jour de l'Éclipse. Certains parlent d'Éradication, d'autres d'Apocalypse. Le résultat reste le même, en dépit des termes utilisés. Plus de trois quarts de la population mondiale a été radié.
 
Diana sortit de sa chambre, prenant soin de fermer sans bruit la porte, pour ne pas réveiller les plus petits dans la pièce voisine. Les couloirs étaient silencieux, mais elle entendit les rires de quelques bambins s’échapper de la chambre d'en face. Voilà ce qu'était devenu sa vie, prendre soin des autres. C'était déjà sa raison d'être avant l'Apocalypse, et c'était le seul point qui n'avait pas changé. C’était différent bien sûr de ce qu’elle avait l’habitude de faire avant, car à présent elle faisait davantage du baby-sitting. La caserne de pompiers où elle exerçait autrefois était devenue une crèche géante.

À la suite de l’Eclipse, elle avait réfléchi. Beaucoup de jeunes enfants ne pouvaient pas vivre sans adulte. Alors elle avait tenté de tous les trouver pour leur venir en aide. Mais elle savait très bien qu'elle ne les avait pas tous trouvés, et que certains étaient morts ainsi. Des nourrissons qui ne pouvaient que babiller. Cela resterait sans doute son plus grand regret, même si elle savait que l'ampleur de la tâche était telle qu'elle avait de forte chance de ne pas y arriver.
 
Elle descendit les marches à la volée.  Elle logeait au deuxième étage, dans la chambre qu'elle occupait déjà autrefois lorsqu'elle venait assurer des gardes de nuit. Elle avait gardé la sienne et avait ouvert les autres pour laisser les autres enfants s'y réfugier. La chambre des plus petits était juste à côté de la sienne, question pratique pour les entendre lorsque l'un d’eux partait dans une crise de larmes soudaine.

La caserne était subdivisée en deux parties, chacune ayant autrefois sa fonction propre, l'une réservée à l'opérationnel, aux interventions, l'autre concentrant les lieux de repos et de restaurations. Diana se trouvait actuellement au deuxième étage de cette dernière, accueillant diverses chambres, servant par le passé de dortoirs pour les agents en fonction.

Par pièce, il y avait systématiquement, deux lits, un fenêtre donnant sur l'extérieur, deux grands placards où certains prennaient soin de ranger leurs draps et leurs couettes, et enfin des lavabos jumeaux devant une grande glace dépolie par le temps. Avec les années, l'humidité s'était incrustrée dans les murs, laissant apparaître des trainées plus foncées et des bulles d'air sous la tapisserie rose saumon. Diana n'avait jamais aimé cette couleur, mais avec tout ce dont elle avait à charge, elle n'avait guère le temps de s'investir dans des travaux de design.

Elle se contentait la plupart du temps du strict minimum en terme de bricolage, à savoir de la plomberie et de parfois des réparations de meubles cassés. Mais elle n'était pas ébéniste et encore moins plombière, aussi bien souvent c'était du système D avec ce qu'elle avait sous la main.

La seule chose qu'elle savait faire avant l'Éclipse, c'était porter secours et éteindre des incendies en grande partie. Cependant, elle avait toujours été débrouillarde, et aujourd'hui c'était avec fierté qu'elle parvenait à répérer un robinet, chose qui lui aurait été complètement imposssible avant que les adultes ne disparaissent.

Alors pour la peinture, elle la réservait aux enfants pour qu'ils peignent sur des feuilles des mondes colorés, loin de l'horreur dans lequel ils étaient plongés depuis deux ans, plutôt qu'à la décoration.

De plus, durant ce lapse de temps, elle avait pris l'habitude de voir ces murs saumon, sa chambre étant devenu son seul endroit d'intimité, mais également celui où elle pouvait se reposer après ses harassantes journées. Alors elle avait appris à aimer cette couleur, d'autant plus qu'elle ne pouvait pas se permettre de se montrer capricieuse en cette période troublée.

Les chambres étaient réparties sur le premier et le deuxième étage, et comprenaient chacun onze dortoirs. Un escalier à double palier reliait chaque étage, ainsi que deux perches de feu, l'une faisant le lien entre le second étage et le premier et l'autre jusqu'au rez-de-chaussée. Plus personne ne les empruntait, et Diana avait fini par sceller les portes y menant, de crainte que certains tentent de les prendre et ne se blessent.

De toute manière, elle-même, du temps où les plus de vingt-deux ans étaient là, ne s'amusait pas à les prendre, malgré leur soi-disant rapidité. Elle privilégiait les escaliers, plus sûrs.

En bas des marches, il lui suffisait de tourner sur la droite, de passer entre la perche et la rampe pour atteindre le foyer. Ce dernier servait par le passé à se regrouper tous ensemble autour d'un café pour discuter, mais à présent, il lui servait plus ou moins à rassembler toutes les informations qu'ils collectaient, que ce soit sur la Squad, sur la nourriture, sur les quartiers à éviter, ou simplement, sur les maisons qu'ils avaient quadrillées.

Au petit matin, elle réunissait tout ceux partant en mission à cet endroit. Elle avait toujours adoré cette pièce, peut-être était-ce parce que les murs couleur chocolat rendaient l'endroit plus chaleureux, plus convivial que les chambres. Et peut-être aussi parce qu'il n'y avait nul part ailleurs qu'elle ne se sentait aussi bien que dans cette ambiance professionnelle, avec des cartes de la ville dépliée un peu partout et couvertes de croix à certains endroits.

Il lui sufffisait de passer une porte de plus pour accéder à un nouveau couloir qui menait d'une part à ce qui était autrefois la salle télé, transformée en salle de jeux pour les enfants, et d'autre part à la cuisine. Cette dernière, bien que grande, ne pouvait pas accueillir tout le monde d'un coup, aussi Diana avait-elle dû organiser plusieurs services, tous régis par Elijah, véritable as de la concoction de repas. Il se chargeait de tout, du rationnement des plats, de leurs cuissons, de la vaisselle.

Certes, c'était quelque peu ingrat, mais le jeune avait une peur bleue des armes, et encore plus de la Squad. Aussi était-il épanoui dans sa tâche, se sentant sans doute utile à sa manière, et il l'était ! Sans lui, cela aurait sans doute été encore plus compliqué pour la jeune femme. Malgré tout, elle essayait aussi de reponsabiliser les enfants, de les encourager à aider Elijah dans ses tâches quotidiennes. Car un jour, comme elle, il ne serait plus là. Il avait encore deux ans devant lui, mais dieu seul savait à quel point cela pouvait passer terriblement vite.

Diana ne prit toutefois pas à droite en descendant les marches, elle bifurqua au contraire à gauche, et l'espace s'ouvrit. La remise était immense, aussi bien en hauteur qu'en largeur et longueur. Le toit, bardé de fer s'élévait à plus de dix mètres de hauteur, leur offrant une réelle ouverture quand ils se sentaient trop à l'étroit entre les quatre murs de leurs chambres.

Ça et là siégeaient des titans : les camions d'interventions qui reposaient depuis deux ans là, sans que quiconque les aient mis en marche depuis. Diana les chérissait comme le plus beau des souvenirs. Elle avait autorisé les enfants à monter dedans, mais les avait interdit de toucher à quoique ce soit, certains objets étant dangereux pour eux. D'autant plus que les plus jeunes ne prennaient souvent pas attention à ce qui les entouraient.

Elle traversa la remise, savourant ce silence qui l'entourait. Elle était un peu nostalgique de ce temps, celui où elle se souciait juste de réussir son intervention, d'être à la hauteur des attentes de ses collègues. Comme elle était insouciante ! Loin des tracas actuels qui occupaient son esprit à longueur de journée, et de nuit.

Elle effleura du bout des doigts la carosserie rouge cerise recouverte de poussière d'un des véhicules, laissant dans son sillon une sorte de forme de griffure. Oui, le temps avait passé, et cette ère était révolue. Elle secoua la tête pour chasser les quelques bulles de tristesse qui tentaient d'éclore dans son esprit.

Il n'était guère le moment de s'apitoyer sur son sort, même si ces derniers temps cela revenait couramment effleurer ses pensées. Diana savait pourquoi. Bientôt, il serait l'heure. Et tout doucement, elle essayait d'accepter l'idée qu'elle allait s'éclipser, comme tous les plus de vingt-deux ans avant elle. Elle allait mourir en quelque sorte. Aussi était-elle en train de faire inconsciemment un point sur sa vie. Il y a longtemps qu'elle s'était résignée à cette éventualité.

Elle gravit cinq petites marches, une fois arrivée l'autre bout de la remise. Deux portes se présentaient à elle, l'une en face d'elle, donnant à l'ancien vestiaire des hommes, l'autre sur sa gauche sur le standard, véritable centre informatique avant l'Éclipse. Aujourd'hui, les ordinateurs étaient les derniers vestiges de cette ère connectée et développée.

Pour autant, la jeune femme ne prit aucune de ses portes et se tourna vers la droite. Elle redescendit trois marches avant de parvenir à une ouverture, donnant sur l'ancien gymase. Ce dernier était l'un des seuls endroits à être resté tel quel.

La pièce s'ouvrait sur un petit terrain polyvalent où l'on pouvait jouer aussi bien au badminton, au foot, au volley, au basket qu'au hockey. Au bout de ce dernier, un escalier en colimaçon permettait d'accéder à une partie surélevée donnant sur divers appareils de musculations et poids. C'est vers cette mezzanine que Diana se dirigea.
 

Les premiers temps, elle avait dû s'habituer à ce silence. C'était stressant de ne rien entendre, pas une voix, pas une personne marchant, pas une musique. Maintenant, cela allait mieux, elle avait fini par s'y faire. Elle traversa le terrain en se disant que bien peu de personnes l'avaient arpenté en deux ans. Autrefois, on y jouait des parties de foot mémorable. Aujourd'hui, plus. 
 
Elle monta le petit escalier en colimaçon. Avant, elle détestait ce lieu, enfin pas tout à fait, c’est juste qu’elle n’était pas à l’aise avec ses machines. Jeune, elle n’avait jamais eu beaucoup de force dans les bras. Au contraire, elle adorait courir.

Mais avec l’Éclipse, elle avait compris qu’elle devait se renforcer face à ce qu’elle risquait de vivre. Et elle avait bien fait. De plus, elle avait trouvé en le sport un véritable allier pour gérer ses quelques de crises panique, qui survenaient de temps à autre. Elle se perdait dans l'effort, jusqu'à ce qu'elle ne s'effondre, épuisée, mais l'esprit vide.
 
Elle portait comme à son habitude, son pantalon de pompier, large et noir, et un débardeur gris qui avait fait la guerre depuis le temps. Il y a longtemps qu’elle ne se souciait plus de son allure. Elle se contentait du strict minimum en termes d’hygiène à savoir une douche et un lavage de dents par jour. Elle fuyait les miroirs comme la peste.

Ces derniers temps, elle avait l’esprit ailleurs, sans doute à cause de l’approche des vingt-deux ans de son coleader. Elle allait à nouveau être seule à tout gérer, comme à ses débuts. Mais elle s'inquiétait de plus en plus pour le futur, les rations étaient de plus en plus maigres, et bientôt, les stocks qu'elle avait accumulés seraient à sec. Elle voulait trouver une solution, mais ce n'était pas aussi évident que cela ne le laissait croire. Cela faisait une semaine qu'elle se torturait l'esprit avec cette recherche.
 
Elle souleva les poids, un a un, tirant sur ses muscles jusqu'à ce qu'ils soient en feu, jusqu'à ce que son souffle se fasse court. Elle augmentait petit à petit la charge.  Elle ne s'arrêta pas à là, et enchaîna les exercices jusqu'à ce qu'elle sache qu'elle ne pourrait pas soulever jusqu'à une simple fourchette. Seulement à partir de là, elle s'écroula au sol en étoile de mer.

Elle était si frustrée ces derniers temps. Elle allait disparaître. Et laisser tous ses enfants sur qui elle avait veillé seuls. Et puis son fidèle compagnon allait lui aussi disparaître dans une semaine. Rien que cette idée la rendait nauséeuse. Elle ne savait pas où elle allait finir après ses vingt-deux ans. Peut-être allait-elle tout simplement mourir ? Après tout, personne ne savait ce qu'était devenu les plus de vingt-deux ans. Et la théorie de la mort était plus plausible que l'enlèvement par des extraterrestres. 
 
Elle se força à se lever, les muscles des bras en compote et le visage rougeaud. Elle allait devoir prendre une bonne douche froide avant d'aller en cuisine commencer la préparation du repas de ce soir. Elle redescendit les marches en grimaçant, à cause de la douleur de ses muscles. Mais pas uniquement, ça faisait plusieurs jours qu'elle n'avait pas vu son bras droit. Il lui restait à lui une semaine, peut-être avait-il décidé de partir réaliser quelques-uns de ses rêves avant de mourir.

Il avait l’habitude de disparaître de temps à autre, mais pas aussi longtemps. Elle se faisait du souci pour lui, elle espérait juste que la Squad n'avait pas mis la main sur lui. Sans quoi il finirait sa vie dans le pire endroit au monde. Elle marcha lentement jusqu'à la porte séparant le gymnase de la remise. Elle se stoppa net avant de la franchir. Elle entendait des voix. Familières et pourtant lointaines. Comme si elles appartenaient au passé. Ce n'était vraisemblablement pas la Squad. Alors qui ? Qui avait osé entrer dans son hangar.
 
Elle hésita. Elle pouvait se cacher ou tenter de rejoindre sa chambre sans se faire remarquer pour récupérer son arme. Mais il y avait les enfants là-haut à leurs mercis. De plus, elle ignorait toujours face à qui elle se trouvait. Cela pouvait très bien être un nouveau gang, comme la Squad venu les dévaliser, même si ces derniers ignoraient que la caserne était leur repère. Étaient-ils armés ? Était-ce des enfants perdus ? Si c’était le cas, ils n’étaient pas la discrétion même.

Pire, et si c’était ce qu’elle craignait ? Si c’était eux, il fallait qu’ils fuient à la vitesse de l’éclair. Ou qu’ils les tuent tous. Mais elle devait savoir combien ils étaient pour ça. Et elle ne pourrait pas faire ça seule. Il fallait qu’elle alerte les autres jeunes majeurs. Et elle aurait besoin de son coleader pour qu’ils assurent l’un l’autre leurs arrières. Elle espérait juste qu’il ne débarque pas à ce moment en plein milieu du hangar.
 
Diana sursauta et fut stoppée dans ses pensées lorsqu'un bruit d'enfer retentit dans la remise. Quelqu'un avait démarré un des fourgons de la remise ! Elle sentit l’adrénaline monter en pic en elle et elle se précipita pour empêcher les voyous de dérober les engins, prête à en découdre à main nue s’il le fallait. Elle pila net, les yeux écarquillés, abasourdis. Une personne vint à sa rencontre et elle ne put s'empêcher de le regarder des pieds à la tête comme s'il était un fantôme revenu de l'au-delà. Ce qui, à peu de choses prêts était le cas, étant donné qu’elle pensait que l’homme en face d’elle était mort.
 
Ils étaient de retour. Devant elle, en chair et en os, se trouvaient des adultes, tout ceux de plus de vingt-deux ans. C’était tous les autres pompiers qu'elle avait l'habitude de côtoyer, il y a deux ans de ça. Elle les regarda stupéfaite, les yeux ronds, vacants chacun à ses occupations. C’était eux qui avaient démarré les engins. Ils n'avaient pas changé, pas pris une seule ride durant tout ce temps. Comme si rien ne s'était passé, comme si le temps reprenait son cours normal après deux ans d'arrêt.

En face d'elle, Pierre semblait aussi surpris qu'elle. Il la contemplait des pieds à la tête. Était-il lui aussi surpris de la revoir ? Savait-il qu'il avait été rayé de la Terre ses dernières années ?
 
— Diana ? Pourquoi est-ce que tu portes ton pantalon F1 avec un débardeur ? Si les gradés te voient, tu risques d'avoir des ennuis.
 
Perplexe, elle avisa sa tenue. C’était bien la dernière de ses préoccupations actuellement. Même si elle devait avouer que cela l’aurait aussi choqué d’être ainsi vêtue deux ans plus tôt. Était-ce la seule chose qui le surprenait ?

Alors elle comprit. Il ne savait rien. Elle blanchit subitement, prise de vertige. Elle devait le prévenir, les prévenir de ce qu'il s'était passé. Elle les observait se mouvoir autour d'elle comme si de rien n'était. Ils ne tarderaient pas à comprendre que des choses n'allaient pas. Que la caserne qu’ils connaissaient il y a deux ans n’était pas la même que celle dans laquelle ils se trouvaient maintenant.
 
— Tout va bien, Diana ? S’enquit Pierre, un pli inquiet barrant son front. Je ne voulais pas t’effrayer en te disant ça, tu sais. Tu es toute pâle, on dirait que tu vas faire un malaise...
 
Non, elle n'allait pas s'évanouir, malgré les vertiges qui la faisaient légèrement tanguer. Un trop plein d’informations qui la chamboulait. Ses pensées s’enchaînaient, les conséquences de leur retour, mais aussi tout ce qu’il allait falloir qu’elle leur apprenne, leur explique. Comment pouvait-on exposer la réalité actuelle sans passer pour une folle. Car c’était ce qu’était cette histoire au fond, de la folie pure. Même elle n’y aurait pas cru deux ans plus tôt. Mais sa perception de « l’impossible » avait été on-ne-peut-plus modifié par l’Éclipse.

Restait à savoir s’ils allaient la croire. Déjà deux-trois de ses anciens collègues approchaient, surpris par son apparence et ayant sans doute compris que quelque chose d’étrange était en train de se profiler. Les enfants étaient encore à l’étage, il allait falloir qu’elle aille ensuite les rassurer, le bruit des fourgons se mettant en route avait dû les terroriser, étant depuis deux ans habitué au silence. Mais avant ça, elle devait leur dire.
 
Elle ferma les yeux, consciente que cela ne faisait qu’empirer son vertige soudain. Elle réussit à lâcher en bégayant légèrement, même si ses paroles ne devaient avoir aucun sens pour Pierre.
 
— Vous êtes revenus... ça fait deux ans qu'on vous attend.

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