Coup de poing
Elle était de retour dans cette maudite salle blanche. Ça faisait approximativement une semaine. Parler avec Elikia l'avait soulagée en quelque sorte. Car elle faisait partie de l'Éclipse et qu'elle avait été un précieux soutien pour elle. Et aussi, elle lui avait manqué. Elle ne comptait pas raconter à Huges et Rise son entrevue avec son amie. Cela ne ferait que compliquer ses affaires de tout manière.
Pour autant, elle savait qu’il y avait peu de chances pour qu’elle revoit Elikia avant un moment. Elles étaient surveillées et les risques de complications étaient trop grands pour qu’elles tentent de se rencontrer à nouveau. De plus, Diana craignait de se faire une nouvelle fois remonter les bretelles aujourd’hui pour avoir contrer une de ses nombreuses interdictions. En voyant Elikia, elle s’était tout de même exposée à de graves complications juridiques. Après tout, tout le monde la voyait comme une manipulatrice, capable de détraquer les enfants les plus droits.
Néanmoins, malgré tout ce qui risquait de survenir suite à cette rencontre, leur discussion avait allégé sa conscience. Elle se sentait si seule, depuis la fin de l’Éclipse, et juste pouvoir partager ce qu’elle endurait avec quelqu’un d’autre était réconfortant. En si peu de temps, elle avait rechargé ses batteries auprès de son amie. Pour combien de temps ? Restait à voir.
Car si l’Éclipse avait pris fin comme une page qui se tournait, ses cauchemars, eux, continuaient à peupler toutes ses nuits, comme une sombre malédiction.
Diana soupira, elle attendait depuis dix minutes déjà et ça commençait à lui mettre sérieusement les abeilles. Il était seulement huit heures, mais elle espérait pouvoir rentrer avant onze heures pour s'occuper du repas du midi. C’était une habitude qu’elle n’avait pas réussi à perdre malgré la fin de l’Éclipse, elle restait réglée comme une montre à gousset.
Et puis, ça avait l’avantage de lui occuper l’esprit pendant une bonne heure au moins. Cependant, s'ils continuaient à la faire poireauter ainsi, elle allait partir sans leur laisser le temps de lui poser la moindre question. D’autant plus qu’elle venait ici parce qu’ils avaient besoin d’elle, et non inversement. Elle pouvait parfaitement les planter là sans hésitation.
Au moment où elle crut qu'ils n'allaient jamais venir, une porte dans son dos s'ouvrit. Comme d'habitude, l'odeur de café embauma la pièce entière. Mais celle-ci était différente, plus forte, corsé, plus entêtante également. La démarche n'était pas la même non plus et il n'y avait pas les claquements secs des talons de Rise.
La personne fit le tour pour se placer devant elle et déposa le gobelet fumant de café sur la table. L’homme en face d'elle avait la quarantaine passée. Un visage carré, une expression ferme et de petits yeux scrutateurs. Une cicatrice lui barrait également la joue. Il n’était clairement pas le genre de personnes banales qu’on croisait dans la rue. C’était le genre à marquer les esprits de sa simple présence. Il ne portait pas un uniforme noir comme celui de Huges, mais un kaki. Un militaire, à n’en pas douter. Elle se raidit, les sens en alerte. Elle sentait que cet homme était une menace pour elle. Sans savoir pourquoi. Mais elle se fiait à son instinct, il avait toujours été bon. Et cet homme n'était pas là pour qu'ils jouent à la dinette ensemble.
Tout son être dégageait une impression de dureté. Il était semblable à un roc, insensible, sans tact, inébranlable. Diana comprit immédiatement que cet interrogatoire n'allait pas être une partie de plaisir. Il resta là à la fixer, comme s'il l'étudiait, pendant une bonne minute avant de poser le dossier sur le bureau. Il ne s'assit pas, restant debout comme pour la surplomber. S'ils comptaient la faire craquer, il pouvait aller se faire brosser.
Il ne se présenta pas, ni ne chercha à savoir son nom. Sans doute le savait-il déjà. Il attaqua directement les questions, sans anphase.
- Vous avez dit que Louis vous a menacé avec l'arme de son père, arme que nous n'avons pas retrouvée, juste avant de disparaître. Or, nous n'avons trouvé pas la moindre trace de Louis. De même, nous avons un témoignage d'un de ses amis qui disait que vous étiez tout deux Place du 18 Mai 84. Ceux qui ont réapparu à la fin de l'Éclipse étaient catégoriques. Louis n'était pas sur la place. Et vous, vous avez affirmé qu'il avait disparu devant vos yeux. Comment expliquez-vous ça ?
Diana sentit son corps entier se tendre davantage encore. Elle savait que ça
allait mal tourner. Son pressentiment avait été correct.
- Je n'ai jamais dit que nous étions restés sur cette place. Lâcha-t-elle, le regard incisif. En effet, lorsque son groupe et le mien sont partis nous y étions. Mais nous n'y sommes pas restés.
- Où étiez-vous alors ? Assena le militaire, avec une pointe d'ironie dans la voix, signe qu'il ne la croyait pas.
- Le premier immeuble à droite quand on remonte la rue des Augustins. Dernier étage sous les combles.
Elle se souvenait très bien de ce lieu, l'un parmi d'autre où elle avait cherché des enfants. C'est à cet endroit qu'elle avait trouvé Martin se cachant.
- Et qu'êtes-vous allez faire là-bas ? Enchaîna-t-il, cherchant sans doute une faille dans le récit.
- Louis ne voulait pas que son groupe, s'ils étaient encore dans le coin le voit craquer comme un gamin à cause de la pression. Il ne voulait pas exposer ce secret à la vue de tous. C'est pour ça qu'on est parti là-bas.
- Je ne vous crois pas, soutint-il, persuadé visiblement qu’elle mentait.
- Mais je ne cherche pas à vous convaincre... Adjudant, lâcha-t-elle impassible en regardant son grade pout au moins avoir un nom à placer sur son visage fermé. Je ne fais que raconter ce qu'il s'est passé.
- Vous savez pourquoi je ne vous crois pas, continua-t-il en faisant fi de ses paroles.
- Non, et la réponse ne m'intéresse pas. Soupira Diana avec un désintérêt total.
- Je pense que vous avez tué Louis.
Diana sentit son cœur manquer un battement. Elle se contint pour autant pour que son trouble n’apparaisse pas sur son visage.
- Selon moi, vous avez accepté de rencontrer Louis sur cette place ou dans ce soi-disant appartement parce que vous aviez quelque chose à y gagner. Peut-être vouliez-vous le prendre en otage ? Vous êtes intelligente, Diana, vous l'avez démontré à maintes reprises, notamment quand vous avez tout organisé dès le début pour survivre.
Il fit une pause comme pour attendre sa confirmation. Mais elle ne cilla pas d'un pouce. S'il croyait vraiment qu'elle allait lui dire quelque chose, il se fourrait un doigt dans l'œil. Son absence de réaction sembla énerver le militaire qui reprit.
- Ou alors, tu as anticipé, tu avais peur que ce soit un guet-apens. Alors tu as décidé d'aller à couvert pour qu'on ne voit pas ce que vous faisiez. Au cas où ça dérape, tu aurais été à l'abri. Puis Louis a commencé à s'énerver car tu ne pouvais pas l'aider. Il t'a menacé de son arme, mais il n'a pas disparu à ce moment-là. Tu as eu peur, alors tu as sorti un des pistolets que tu as pris ici et tu lui as tiré dessus. J'ai faux ?
- Oui. Car vous avez récupéré toutes nos armes, aucune balle n'a été tirée. Je ne peux pas avoir visée sur Louis.
- Sauf qu'il manque deux armes dans notre équipement et que ça peut très bien être vous qui les avez. Vous nous auriez menti pour ne pas qu'on sache que vous vous êtes bien servi d'une arme.
Il était à la fois si proche de la vérité, et à la fois si loin. En effet, elle avait bien les deux armes manquantes, et elle avait déjà tiré avec. Mais jamais sur des personnes humaines. Ceux atteints du Démancia ne l'étaient plus de toute manière. Ce jour-là, elle avait un Sig-sauer 2022, noir, ceux que les forces de l'ordre utilisaient. Lui, il avait un Sig-sauer p236, chromé hérité de son père parait-il. Des armes de poing, pour tirer à courte distance. Si elle avait pris un Famas, cela aurait été un signe concret qu'elle se sentais menacée, ce qui n'était pas faux, et de surcroît cela aurait engagé les hostilités.
- Quand bien même vos armes sont toujours avec le même nombre de balles, reprit le militaire, vous pouvez très bien avoir vidé un chargeur entier et l'avoir remplacé. Nous ne faisions pas d'inventaire de nos batteries, donc vous avez très bien pu en prendre.
Diana garda le silence. Elle savait que c'était un signe évident que ce qu'il disait était vrai, mais elle ne savait pas quoi rétorquer. Elle n'avait rien à dire.
- Comme vous ne semblez pas vouloir infirmer ou confirmer mon hypothèse, nous allons continuer, souffla le militaire, bras croisés. J'ai le témoignage d'une des filles avec qui vous partiez en mission. C'est elle qui a découvert l'information que les femmes enceintes passaient le cap des vingt-deux ans sans disparaître. Elle affirme vous l'avoir dit. Pourquoi avoir menti à mes collègues lors de votre deuxième interrogatoire.
- Je ne jugeais pas que c'était une information importante. Objecta-t-elle, toujours aussi impassible malgré la sueur froide qui lui coulait dans le dos.
- Mais ça l'est ! Assura le militaire. Le fait même que vous ayez cherché à le cacher, ou même à mentir est un signe évident que vous y accordez de l'importance. Alors je vous le demande, je vous l'ordonne même : qui essayez-vous de protéger ?
- Personne, je ne voulais pas que Huges et Rise se fassent des idées à propos de ça. Forcément, n'importe quelle personne en âge de disparaître ferait tout ce qui est en son pouvoir pour rester en vie. Quitte à devenir maman par la même occasion.
- Alors c'est Elikia, c'est ça ? Clama le militaire. Elle a disparu cinq mois avant notre retour. Elle peut avoir tenté de tomber enceinte.
- Écoutez adjudant, je ne cherche à protéger personne autour de moi, et vous êtes en train de tirer des conclusions hâtives qui feront sans aucun doute du tort aux personnes que vous citez.
- Mais nous savons que vous le faites pour défendre quelqu'un, pour que son nom ne soit pas sali par les actes qu'il a pu commettre. Nous avons estimé qu'il y avait cinq femmes dans vos rangs qui auraient pu décider d'essayer de sauver leurs fesses en enfantant. Alors qui est-ce ? Florence ? Elikia ? Gaëlle ? Pauline ? Ou Reyna ? Peut-être même était-ce avec Ethan ?
- Quelle importance ? Puisque je vous dis qu'il n'y a personne. Soupira Diana. Nous avons tous des actes que nous avons commis que nous regrettons, forcément ! Mais de ce type-là aucune de mes amies n'y a jamais songé.
- Alors qu'est-ce que vous regrettez, vous, Diana, dans les différentes actions que vous avez effectuées ?
- Vous voulez que je vous dise ce que je regrette le plus au monde ? Railla-t-elle avec un sourire ironique. Je regrette de ne pas avoir quittée cette pièce à partir du moment où vous y êtes entré !
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