Chapitre 5

« Je ne crois pas que la personne dont tu tombes amoureux fasse une différence pour Dieu – il y a tellement d'atrocités dans ce monde, il doit être plus occupé à essayer de corriger tout ce qui est brisé... J'arrive pas à voir comme il aurait du temps pour se soucier de quelque chose comme ça. Il y a tellement peu de bonheur que je pense qu'il serait probablement content que deux personnes de plus soient heureuses. C'est pour ça que j'arrive pas à comprendre pourquoi tout le monde est tellement indigné par ma sexualité. »

Louis avait réussi à refiler Daisy et Phoebe à l'une des amies de sa mère, et il avait demandé à Harry s'il voulait bien venir s'assoir avec lui dans le parc pendant un moment, parce qu'il avait en quelque sorte envie de parler. Et étonnement, Harry avait accepté, ce qui expliquait pourquoi ils étaient à présent assis sur un banc recouvert de mousse, à plusieurs centimètres l'un de l'autre. Louis arrachait des morceaux de pain que quelqu'un avait laissé après avoir nourrir les canards et les jetait aux pigeons pendant que Harry expliquait sa vision de la religion et de la sexualité. Il devait admettre qu'il était captivé, écoutant quelqu'un d'autre faire passer son point de vue aussi simplement et raisonnablement. C'était bizarre de savoir qu'au lieu que tous les problèmes soient noirs ou blancs comme on lui avait toujours appris, il pouvait y avoir une sorte de gris sombre entre tous ces controverses.

« Tu n'as jamais regardé quelqu'un du même sexe que toi et trouver qu'il était attirant ? Genre... tu n'as jamais eu envie de plus qu'une amitié avec un autre garçon, hein ? »

Louis déglutit. Avec le seul garçon, dont la bouche, les yeux, les mains et la mâchoire l'avaient déjà attiré, assis aussi près de lui et l'observant aussi intensément, c'était dur de se souvenir qu'il n'était totalement pas attiré par les hommes et n'avait absolument aucun intérêt dans un engagement romantique avec quelqu'un qui ne possédait pas une paire de seins.

« Euh... je sais pas. Peut-être vite fait... » Il ne pouvait pas rencontrer le regard de Harry, il ne pouvait pas le regarder, il n'osait pas donner une quelconque indication sur le fait qu'il avait justement eu ce genre de pensées envers ce garçon qu'il connaissait à peine et qu'il avait durement essayé de détester seulement quelques jours auparavant –

Harry comprit. Une de ses mains se posa sur le genou de Louis et il le caressa en signe de soutien.

« C'est difficile de mettre de l'ordre dans ta tête, je sais. Mais ça ne te change d'aucune autre manière que par rapport à tes relations, enfin pas vraiment. Je suis toujours le même gars que j'étais avant – peut-être, un petit plus courageux maintenant. Le fait est que les gens aiment avoir un bouc émissaire, et si t'es ce que la société perçoit comme différent alors tu colles parfaitement au rôle. Les gens ne m'aiment pas parce que je ne suis pas comme eux. Je pourrais facilement changer, me rendre la vie plus facile, mais ce n'est pas qui je suis. Je ne veux pas me mentir. Je suis heureux comme je suis et je ne vois pas pourquoi Dieu ne devrait pas l'être. »

Louis n'aimait pas l'admettre, mais il était un peu en admiration devant cette attitude qui, pour lui, semblait complètement radicale. « Mais tu n'as pas peur ? »

Surpris, les yeux verts de Harry se posèrent sur le visage de Louis et il les cligna, déconcerté. « De quoi ? »

« Genre... et si tu te trompais ? Et s'il y avait une sorte de punition divine parce que t'es comme ça ? La Bible dit – »

« Je ne crois pas en la Bible, » dit fermement Harry. « Je n'aime pas ses principes. Ça ressemble beaucoup plus à du chinois pour moi, ou un conte de fée. D'ailleurs, qui a écrit la Bible ? Dieu ne l'a pas écrite. Elle a été écrite par des hommes qui estimaient savoir ce que Dieu voulait. Quoiqu'il en soit, les juifs ne croient qu'en la première moitié de la Bible, mais pas en la seconde, hein ? Ils croient en l'Ancien Testament mais pas le nouveau. Eh bien, je ne crois en aucun d'eux. »

Louis était horrifié. « Si ma mère était là, elle te dirait que tu iras directement en enfer pour cette déclaration. »

Avec un air de défi, Harry releva son menton, le regarda droit dans les yeux, et dit clairement, « C'est dommage, puisque je ne crois pas non plus en l'enfer. »

« Tu ne crois pas en l'enfer ? »

« Nope. Tuez-moi, » dit Harry allégrement.

« Alors... tu penses qui se passe quoi après la mort ? Disons que je t'ai tué ; et après ? Où irais-tu ? »

Harry haussa des épaules. « Qui sait ? La réincarnation ? Le paradis ? La dispersion dans le néant ? Je sais pas, mais je ne crois pas qu'un endroit comme l'enfer existe. Il y a déjà tellement de choses immondes sur Terre, comme les guerres, la pauvreté, la famine, la démence et des personnes qui font du mal à d'autres, que faire quelque chose de pire semble au-delà du cruel. Dieu est supposé aimer tout le monde, même les mauvaises personnes. Tu ne penses pas qu'il préfère investir son énergie en les aidant, plutôt qu'en les punissant ? »

« Les gens font des choses horribles, et tu dis qu'ils ne devraient pas en subir les conséquences ? »

« Bien sûr que oui. Mais pour la majeure partie, on a un système judiciaire, et il fonctionne. Les gens obtiennent leur pénitence tôt ou tard. Et je ne pense pas que Dieu voie ça de cette façon. D'ailleurs, c'est une zone très grise de toute façon, quand tu y penses. Quand quelqu'un viole la fille d'un homme, et que cet homme le traque et le bat tellement fort que le violeur meurt, n'est-ce pas un peu justifié ? C'est une revanche, et il est quand même arrêté pour ça, mais si c'était seulement pour protéger sa famille, alors mérite-t-il d'être puni de la même manière qu'un violeur, qui le fait sans provocation ? Pourquoi Dieu risquerait-il de mettre tout le monde dans le même bateau alors que chacun a des raisons différentes derrière leurs actions ? Si briser l'un des dix commandements t'envoie en enfer, Louis, alors on est tous foutu. »

Violemment, Louis secoua sa tête et croisa ses bras, fronçant les sourcils. « Pas moi. » Il hésita un peu, se rendant compte avec un choc que ce n'était peut-être pas la stricte vérité, alors il céda et se corrigea, « Eh bien, peut-être moi. Mais pas mes parents, » dit-il avec confiance.

Harry haussa un sourcil et il disparut sous une épaisse mèche de cheveux bouclés. « Quand t'étais petit, tu croyais au Père Noël ? »

« En quoi est-ce pertinent ? »

« Tu verras. Tu croyais en lui ? Est-ce que t'es parents t'ont raconté de merveilleuses histoires à propos de Papa Noël voyageant à travers le monde en une nuit et offrant des cadeaux aux gentils enfants et faisant l'impasse sur les méchants ? Est-ce qu'ils t'ont dit d'écrire une liste de cadeaux pour qu'il sache quoi te ramener ? Puisque tes parents te l'ont dit, croyais-tu sans le moindre doute que le Père Noël existait ? »

« Oui, » répondit Louis à contrecœur.

« Et c'est le cas ? »

« ...Non. »

« Exactement ! » s'exclama Harry. « Il n'y a personne sur cette planète qui n'a jamais menti ou volé ou envié ou peu importe. Les dix commandements sont totalement irréalistes. L'enfer serait rempli assez rapidement s'ils dictaient qui est une bonne personne et qui ne l'est pas en jugeant sur quelques tablettes de pierre avec des règles idéalistes écrites dessus que personne ne suit. Réfléchis-y. »

« D'accord, bien. Mais et au sujet d'être gay ? » demanda Louis d'une voix presque suppliante, parce que Harry répondait à beaucoup des questions auxquelles il ne s'était jamais rendu compte avoir désespérément besoin d'une réponse, et il avait du bon sens. Il était comme le Google Traduction de la morale particulier de Louis, lui expliquant tellement de choses qu'il comprenait avec une clarté parfaite et avec lesquelles il commençait peut-être même à être d'accord. « N'as-tu pas peur que Dieu te juge pour ça ? »

« Rappelle-moi ce que la Bible dit au sujet d'être homosexuel. Trouve-moi un passage dans ce livre où il est dit 'Tu ne seras pas homosexuel'. J'aime qui j'aime, Louis, et ce ne sont les affaires de personne, pas même de Dieu. Si ça me rend heureux, qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ? Je ne fais de mal à personne, je ne fais rien de mal. Un jour, je trouverai un garçon et je tomberai amoureux de lui, et si Dieu est ce que tout le monde croit qu'il est, de toute bonté et plein d'amour, alors il sera heureux pour moi. Et il en va de même pour toutes les personnes qui comptent pour moi. »

Visiblement, Louis hésita, et Harry le regarda pendant un moment avec un air très bizarre sur le visage – presque comme s'il était désolé pour lui. Louis ne comprenait pas la pitié dans le regard de Harry, ni s'il en voulait – si ça avait été une main posée sur lui, il l'aurait enlevé, s'ils avaient été assis proche l'un de l'autre, il se serait décalé, mais il ne savait pas quoi faire pour que Harry arrête de le regarder.

« Ne me regarde pas comme ça ! »

« Comme quoi ? »

« Comme si t'es désolé pour moi. Il n'y a aucune raison de l'être. »

« Eh bien, je le suis. Et au contraire ; il y a beaucoup de raison d'être désolé pour toi. » S'adossant contre le banc, Harry pencha sa tête vers le ciel puis la secoua. « Tu veux savoir ce que je pense des gens ? Imagine un tableau blanc. Quand tu nais, t'es juste comme un petit tableau blanc – et les gens prennent leurs stylos et t'apprennent des choses, ils écrivent leurs idées et opinions partout sur toi, et ces opinions deviennent en quelque sorte les tiennes, parce que c'est tout ce que tu connais. La plupart viennent de tes parents, parce que soyons réaliste, avec qui d'autre te trouves-tu lorsque t'es un bébé ? Puis, tu commences à grandir. Tu vas à l'école, tu te fais des amis. Tu apprends de nouvelles choses venant de nouvelles personnes, et tes opinions évoluent, et c'est comme si quelqu'un effaçait un peu le tableau et y inscrivait quelque chose à la place. » Harry se redressa et le regarda sérieusement avec une expression solennelle. « Tu comprends ce que je te dis, Louis ? C'est comme si tes parents avait pris ton tableau blanc et avait griffonné dessus au marqueur indélébile, alors ça va prendre un sacré nombre de lavage pour l'effacer. T'as pris l'habitude de leurs idées et leurs sentiments alors tout ce qu'ils ont écrit est ancré dans ta tête. Mais ce n'est pas irréversible, tu sais. L'écriture est déjà en train de baver. D'ici peu, tes propres idée commenceront à s'infiltrer... »

« Qu'est-ce que tu essaies de dire ? Tu sembles vouloir dire que je ne suis pas autorisé à penser par moi-même ! Qu'est-ce que tu peux savoir à ce sujet de toute façon, tu ne me connais pas ! Tu ne connais pas ma famille ! Qui penses-tu être ? »

« Je veux juste t'aider, » dit doucement Harry, « c'est tout, si tu me laisses faire, mais je pense que ça te fais trop peur pour le moment. »

« Peur ! Je n'ai pas peur. Tu penses que tu peux essayer de m'embrouiller avec un tas d'analogies, de belles paroles et de conneries de psychologue, mais je sais ce qu'il se passe dans ma tête et je sais qui je suis, et je sais que tu ne connais rien de moi ou ma famille. Je n'ai pas à écouter ça ! » Furieux, Louis se releva, les poings serrés, le torse se soulevant, puis il lança à Harry le regard le plus dédaigneux connu de l'Homme, lui tournant le dos et commençant à se diriger vers la sortie du parc sans même regarder en arrière.

Le vent souffla un petit nuage de feuille devant son visage, il grogna et les balaya d'une main avec colère alors qu'il continuait d'avancer d'un pas raide vers la sortie parce qu'il ne l'admettrait jamais, mais il était un peu inquiet que Harry sache peut-être de quoi il parlait – il aimait ses parents, mais ils n'étaient pas les personnes les plus tolérantes au monde, et être en désaccord avec leurs opinions ne promettait jamais une fin heureuse. Le vent s'engouffra dans ses cheveux et détruisit la coiffure qu'il avait soigneusement fait ; il emporta également les mots de Harry dans son sillage, les mots dont il aurait été trop loin pour être capable de les entendre, mais qui atteignit ses oreilles avec une clarté parfaite.

« Que ça te plaise ou non, le marqueur est déjà en train de s'effacer, Louis, » cria Harry derrière lui. « Tu vas arrêter de croire en eux tôt ou tard. Je pense que tu devrais réfléchir très sérieusement à ce que tu vas faire quand tu te rendras compte qu'ils ont faux sur toute la ligne. »

Ses dents grincèrent et il marcha un peu plus vite, se dépêchant d'être hors d'écoute aussi rapidement que ses jambes le lui permettaient.

« Fais-moi savoir quand tu auras besoin d'aide pour remplir ton tableau blanc ! » cria Harry.

**

Il décida de ne plus jamais parler à Harry. Non seulement il était ouvertement blasphématoire et complètement éhonté d'admettre qu'il croyait en Dieu dans un sens qui lui profitait principalement, mais il avait également mis Louis mal à l'aise. Il refusait d'être attiré par ce garçon, ça n'allait simplement pas se produire. Et il n'aimait pas l'idée que Harry Style puisse peut-être lui mettre en tête de nouvelles opinions effrayantes. Des opinions qui pourraient lui apporter des problèmes avec les plus hautes autorités auxquelles il se remettait, à savoir ses parents et Dieu.

C'était ce pourquoi il s'était jeté, à nouveau, à corps perdu dans d'autres activités qui étaient une excellente distraction, et la première qui lui était venue à l'esprit était toute sorte de sports. Liam, son meilleur ami et complice, était dans tellement de clubs sportifs différents que Louis était surpris qu'il trouve du temps pour faire quoi que ce soit qui n'impliquait pas d'exercices physiques, même s'il avait une réussite scolaire proche de la perfection, que ce soit pour les devoirs en classe ou à la maison (bien qu'avec quelques fautes d'orthographes), alors ça ne lui demanda pas beaucoup d'effort pour être accepté dans quelques activités extrascolaires, c'est-à-dire le badminton et le football. Liam fut surpris par son changement d'attitude envers les clubs scolaires, mais néanmoins heureux, et Louis décida de ne pas lui dire exactement ce qu'était l'élément déclencheur à sa décision.

Lorsque Louis entra sur le terrain de football, boitillant un peu dans les crampons qu'ils n'avaient pas mis depuis au moins deux ans et qui serraient incontestablement ses orteils. Liam l'attendait avec un énorme sourire et une accolade que Louis accepta avec plaisir. Avec ses cheveux coupés courts et son air amical qui ne semblait jamais quitter son visage, Liam était la seule influence calmante dans la vie de Louis – et dont il avait désespérément besoin.

« T'as changé d'avis, » observa Liam alors qu'ils commençaient tous les deux à s'étirer. « Je pensais que t'avais juré de ne plus jamais remettre les pieds sur un terrain. »

« Eh bien, ouais. » Louis se pencha en prétextant vérifier que ses lacets étaient correctement attachés, et quand ses yeux furent rivés au sol en toute sécurité, il marmonna, « J'ai changé d'avis sur tout un tas de choses dernièrement. »

Il y eut un court silence pendant lequel Liam essaya de décider si oui ou non il devait questionner Louis pour avoir plus de détails ; il choisit de se taire et autorisa Louis à avoir un peu d'intimité, et ce dernier lui en fut extrêmement reconnaissant. « Bien, c'est sympa de t'avoir à nouveau dans l'équipe. Ça m'a manqué de ne pas faire ce genre de chose avec toi. »

Louis serait éternellement reconnaissant envers le talent incroyable de Liam qui lui permettait de savoir quand ce n'était pas bon de faire pression, et il voulut en quelque sorte lui faire un autre câlin, mais il pensa que ce serait peut-être un peu bizarre. Il se releva et tapota Liam dans le dos à la place pour exprimer ses sentiments, celui-ci se retourna et ébouriffa joyeusement sa mèche parfaitement coiffée, la réduisant rapidement en un bordel effondré. Faisant un bruit outré et enfantin, Louis fit semblant de lui donner un coup de pied, avant d'être interrompu par un coup de sifflet perçant venant de l'autre côté du terrain.

« Tomlinson ! » hurla leur entraîneur à travers la pelouse. Il parlait rarement à quiconque, préférant communiquer en hurlant, en beuglant ou en criant en plein dans votre visage, mais il était assez sympa si vous arriviez à ignorer les postillons et les hurlement. « Ça fait plaisir de te voir de retour, Tomlinson ! Mais je ne veux pas de fausse bagarre pendant mes entrainements ! Le seul jeu que vous êtes autorisés à jouer est le football ! Je ne veux aucun amusement ! Maintenant remettez vous au boulot, les mecs ! » Puis il lança le ballon à travers le terrain, et il atterrit parfaitement dans les mains de Louis.

Hochant la tête vers Liam, Louis tira dans le ballon puis commença à courir après avec plus d'enthousiasme qu'il ne s'y était attendu, et Liam le suivit, semblant heureux de sa contribution. Avec le vent soufflant à travers ses cheveux, le sol sous ses pieds et son contrôle de la balle pas trop mauvais en tenant compte du fait qu'il n'en avait pas approché pendant les deux dernières années, à part pour quelques passes dans le jardin avec Lottie ou Fizzy, c'était dur de se souvenir pourquoi il avait choisi de quitter ses crampons. Lorsqu'il chancellera, aura mal partout, sera boueux et épuisé, avec les cheveux et les vêtements plein de sueur, dans les vestiaires plus tard, et qu'il devra aller dans l'une des douches gelées de l'école et deviendra une réplique d'un bonhomme de neige pour finir par se sentir propre et vaguement humain par la suite, il se souviendra exactement pourquoi, et il essaya de ne pas y penser tout de suite.

Il s'échauffa bien, s'amusant en fait, et Liam semblait éprouver le même sentiment. Ils exercèrent principalement leurs adresses avant de se diviser pour un petit match cinq contre cinq, et Louis marqua deux buts et demi (qui n'était en fait pas un but, mais le ballon était en quelque sorte entrer avant que le gardien ne le renvoie à l'extérieur, alors tout le monde fut d'accord pour dire que ce n'était qu'un demi but). Au moment où ils furent dispensés, Louis était heureux de lui-même et, étonnamment, il remarqua à peine à quel point la douche était froide.

Lui et Liam émergèrent des vestiaires en frissonnant, avec les cheveux humides et des perles d'eau glaciales roulant sur leurs visages, et alors que Louis passait un pull par-dessus sa tête, ils prévirent de faire leur devoir de géographie ensemble chez Liam le lendemain. Puis ils se dirigèrent vers le café du coin et Louis prit son café noir et sans sucre, même s'il le préférait avec du lait et tellement sucré que ses dents étaient en danger de mort, parce qu'il n'avait pas assez d'argent sur lui et qu'il était moins cher comme ça. Il avait simplement besoin de boire quelque chose de chaud pour dessécher sa gorge, et son café noir amer s'adaptait à son porte-monnaie. Liam lui proposa de le lui payer, mais Louis refusa d'un geste de la main ; il n'aimait devoir de l'argent à quelqu'un.

« Alors, » dit Liam, puis il prit une gorgée de son thé avec ses lèvres pincées, s'assurant de ne pas boire à grand bruit. Comme une vieille, pensa Louis, puis il sourit en coin parce que Liam avait hélas une façon démodée de boire ses tasses de thé. Outre son petit doigt dépassant, il n'aurait pas pu paraître plus snob même en essayant.

Cette pensée réussit à distraire Louis, et au moment où il refit surface et se rendit compte que Liam attendait patiemment une sorte de réponse, il avait complètement oublié ce qui avait été dit avant. « Euh, quoi ? » demanda-t-il faiblement, puis il prit une gorgée rapide de son café comme s'il s'attendait presque à ce que quelqu'un le lui enlève.

« Où t'étais passé ces derniers jours ? Et quelles sont tes motivations pour rejoindre à nouveau l'équipe après presque deux ans de refus à mettre un pied sur un terrain ? T'es chanceux qu'ils t'aient laissé revenir, tu sais. A quoi tu joues, Louis ? »

« Au foot, » répondit Louis avec un sourire narquois.

Liam lui tira la langue. « Ouais, ouais, crois-le ou non, j'avais réussi à deviner ça tout seul. Tu sais ce que je veux dire, Lou. Pourquoi as-tu soudainement décidé de revenir dans l'équipe de foot après tout ce temps ? Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? »

Louis glapit et fit presque tomber sa tasse de café en polystyrène ; dans sa hâte de le boire rapidement, il s'était brûlé la langue. Marmonnant de mauvaise humeur contre lui-même, il posa prudemment la tasse fautive devant lui sur la table et tapota sa langue pour examiner l'intensité de la brûlure, comme s'il s'attendait presque à ce qu'elle fasse des cloques sous ses yeux. « Je sais vraiment pas. J'ai juste eu l'impression que je devenais de plus en plus feignant et patapouf, alors j'ai pensé que rejoindre une ou deux clubs sportifs aiderait. » C'était un mensonge, et il essayait habituellement de les éviter, mais il croisa ses doigts sous la table et espéra que ça serait considéré comme la négation de la fausseté.

« Tu dis toujours que tu détestes le foot. D'habitude tu repartais avec des douleurs partout et couvert de boue, tu disais que c'était pathétique de courir autour d'un terrain en chassant un ballon et de finir plein de sueur et pour quoi ? Rien à part le droit de se vanter d'avoir marquer un but. Je comprends pas, qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? »

Ça avait peut-être quelque chose à voir avec le fait que lorsqu'il avait choisi une activité extrascolaire dans le but de se distraire d'une attirance contre laquelle il était impuissant et qu'il ressentait envers un certain individu aux cheveux bouclés, un faible écho dans le subconscient de Louis lui avait dit qu'il devrait probablement choisir un sport extrêmement masculin, juste pour dégager une aura viril. Malgré le dégoût général qu'il avait doucement développé pendant son adolescence pour les évènements que le football entraînait, il était presque sûr qu'il pourrait les ignorer pour le bien d'avoir quelque chose qui l'empêchait de penser à un certain punk bizarrement moralisateur.

« Oh, Liam, je sais vraiment pas. J'ai juste besoin de me souvenir de qui je suis, tu vois ? J'étais en quelque sorte à la dérive ces derniers temps... J'ai en quelque sorte besoin de me souvenir qui est Louis Tomlinson, qui il devrait être. J'ai besoin de quelque chose pour cerner qui je suis. »

« Le Louis Tomlinson que je connais ne joue pas au foot, » lui rappela Liam, « et il n'en a pas fait depuis qu'il a quoi ? Seize ans ? Le Louis Tomlinson que je connais ne prend pas son café tellement noir que c'est presque de la boue liquide, il ne se force pas à faire des sports qu'il n'aime pas, et il ne ment pas à son meilleur ami. » Il fixa Louis avec un regard sévère qui rendit Louis instantanément honteux, cependant il n'avait aucune idée de comment Liam s'était rendu compte qu'il mentait.

Passant une main dans ses cheveux en bataille, Louis fronça son nez et prit une longue gorgée de son café. « Eh bien, peut-être que j'essaie d'être le Louis Tomlinson que j'étais avant. Mes parents ne sont pas vraiment heureux de la personne que je suis devenue dernièrement – ils pensaient qu'aller en colonie aiderait, mais ça n'a pas été le cas. En fait, ça a peut-être même empiré la chose. J'en ai marre de les voir tout le temps s'inquiéter pour moi – je veux être le fils sur lequel ils pensaient que le soleil brillait et si, pour que ça redevienne comme ça, je dois faire les choses que faisait l'ancien Louis, alors je les ferai. »

« Tu ne peux pas changer qui tu es pour faire plaisir aux autres, Louis. Ça va te rendre malheureux, rien de plus. Quel est l'intérêt de te faire tourner en bourrique pour essayer de te faire à nouveau voir comme un petit garçon aux yeux de tes parents ? Ça ne va pas marcher, et tu vas juste te faire déprimer en essayant. T'as grandi, Louis, t'as changé et tu ne peux pas inverser ça, alors tu ferais mieux de faire avec. Tu seras toujours leur fils en fin de compte. Ils t'aimeront toujours. »

« J'ai trop changé, et trop rapidement, » dit doucement Louis, « et ce ne sont pas les seuls qui aimeraient que je redevienne la même personne qu'avant. Je suis confus, Li. Dernièrement, j'ai ressenti des trucs que je n'avais jamais pensé pouvoir ressentir, et ma vision des choses a changé, et je ne suis pas à l'aise avec la façon dont tout se passe, mais comment je pourrais l'empêcher ? C'est ma façon de faire face. »

« Ça ira, » lui promit Liam en le regardant droit dans les yeux – et comment Louis ne pourrait-il pas lui faire confiance, avec ses iris bruns le regardant avec tellement de sincérité, de persuasion et d'honnêteté, comme s'il comprenait absolument tout même sans savoir à quel point la tête de Louis était en bordel en ce moment. « Tu seras toujours leur Louis, et tu seras toujours mon Louis, peu importe ce que tu penses ou ce que en quoi tu... crois, » finit-il prudemment.

« Croire ? » Le front froncé, Louis demanda, « qu'est-ce que tu veux dire par ce en quoi je crois ? »

Liam mordilla sa lèvre. « Louis... on grandit, on découvre les choses par nous-mêmes et on en apprend aussi à l'école et... c'est parfaitement normal d'avoir... des doutes. Je sais qu'on a toujours pensé qu'on croirait dur comme fer en nos croyances et nos parents ne s'y attendraient jamais de notre part, mais l'agnosticisme est en fait plus commun que tu ne peux – »

« Agnosticisme ? » dit Louis en grinçant des dents. Les pieds de sa chaise grincèrent sur le sol alors qu'il reculait de plusieurs centimètres de la table dans l'horreur abjecte. « Bordel de – qu'est-ce que tu es en train d'insinuer, Liam ? »

« Je dis juste que c'est en fait assez commun de commencer à se poser des questions sur ses croyances quand tu arrives à un certain – »

« Je ne doute pas de Dieu ! Quoi, tu deviens fou ? » Louis était consterné. « Parmi le tas de choses sur lesquelles je pourrai être confus en ce moment, tu doutes sur ça ? Je crois toujours en Dieu, à cent pourcent. C'est juste qu'en ce moment... je ne suis plus aussi convaincu par tous ses principes. Ou bien si tout le monde a correctement interprété ce qu'il voulait dire. J'ai parlé avec quelqu'un qui a une... vision intéressante des choses, et je commence à me demander... si toutes les choses en quoi j'ai cru pendant si longtemps sont entièrement correctes. Peut-être que j'ai vécu en ayant faux sur toute la ligne, Liam. Qu'est-ce que je fais ? Comment je fais pour tout recommencer ? Comment je fais pour... me réécrire ? » Il cédait à la philosophie étrange de Harry, et tout était si étrange mais, en même temps, avait du sens. Louis était vraiment très confus.

« Honnêtement ? Je ne sais pas. Mais Lou, une chose que je sais, c'est que tu seras toujours mon meilleur ami, tu peux compter sur ça. Et tes parents seront toujours tes parents. Alors peu importe ce que tu fais, je serai toujours là, et eux aussi. Tu le sais, hein ? »

Louis baissa le regard vers son café comme s'il envisageait de s'y noyer, puis il tendit la main avec résignation pour attraper le bol de sucre sur la table à côté d'eux. Après avoir versé au moins un quart du contenu du bol dans son café, dans l'espoir de se donner un taux de sucre équivalent à celui de toute une nuit de beuverie jusqu'à en aller au vertige, il leva tristement ses yeux tellement fatigués qu'il était impossible de réaliser qu'il était en train de consommer une boisson à base de caféine puis il dit, « Je tefais confiance. » Ses parents étaient, cependant, un autre problème. Il savait que c'était horrible d'avoir peur d'être détesté par ses parents pour avoir simplement changé d'avis sur quelque chose, mais il ne pouvait pas s'en empêcher.

« Tu peux uniquement faire de ton mieux, Louis, » dit doucement Liam. « Simplement... sois qui tu veux être. Ils l'accepteront bien assez tôt. Rappelle-toi ; ceux que ça dérange ne comptent pas, et – »

« Ça ne dérange pas ceux qui comptent, » finit Louis. « Ouais, je sais. »

Il se détourna de Liam et commença à fixer l'extérieur par la fenêtre pour que Liam ne remarque pas à quel point ses mains tremblaient alors qu'il levait son café trop sucré à ses lèvres.

Peu importe le nombre de fois que quelqu'un répète un vieux dicton, ça n'empêche pas les personnes que ça dérange de compter pour vous, n'est-ce pas ?

L'image mentale contre laquelle il luttait le plus était celle des yeux accusateurs de Harry lorsque Louis lui avait crié dessus, l'avait jugé et insulté, et tout ça pour un malentendu. Selon le dicton, il ne devrait à présent plus du tout compter pour Harry. Mais le problème était qu'il voulait compter pour lui.

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