Chapitre 18

Felicite cligna nerveusement des yeux vers lui, apparemment confuse. Louis supposa qu'il ne devait pas avoir l'air différent – plus heureux que d'habitude, rouge et excité, et avec les cheveux en sueur et collant à son front, portant un haut que sa mère désapprouverait. Mais, ensuite, elle sembla soudainement le reconnaître également – son visage passant de la perplexité à l'horreur, sa bouche recouverte de brillant à lèvre s'ouvrant en grand. Il tendit une main pour attraper son épaule et elle se retourna pour s'enfuir à travers la foule, chancelant sur les talons qui n'étaient de toute évidence pas à elle, mais pourtant, elle n'était pas ivre et avait une longueur d'avance sur lui.

La bouche bée, Louis l'observa pendant un moment jusqu'à ce qu'elle disparaisse presque de son champ de vision. Ses réactions étaient ralenties par l'alcool. Ce fut seulement lorsqu'il perdit presque de vue son énorme chevelure qu'il l'imita, laissant un Harry surpris loin derrière, jouant des coudes à travers la foule et se lançant à sa poursuite. Sa petite sœur était dans une boîte de nuit, couverte avec tellement de maquillage que c'était étonnant qu'elle puisse toujours bouger son visage, ce qui voulait dire que leur mère n'avait aucune idée d'où elle se trouvait. Louis était ivre et étourdi mais il savait quand même que c'était synonyme de problèmes.

Passant en se précipitant à côté d'un couple dont les lèvres étaient collées en une étreinte passionnée, esquivant une fille avec un mono-sourcil et une jupe courte, rentrant presque dans un homme avec un trench-coat, Louis lutta pour garder à l'œil sa petite sœur, ayant peur de la perdre. Il aurait peut-être été moins inquiet si elle ne s'était pas enfuie, clairement désespérée de s'éloigner de lui. Apparemment, elle avait peur de sa réaction face au fait qu'il l'ait rencontrée dans une boîte de nuit, couverte de maquillage et habillée comme une fille de cinq ans son aînée – et si elle avait peur de ce qu'il dirait en la découvrant de cette façon, alors ce n'était pas une bonne nouvelle. Louis n'était pas un frère donneur de leçon. Quelque chose de principalement douteux devait se passer si sa simple vue avait inspirait en elle une telle panique.

Murmurant un « excusez-moi » avec sa langue qui semblait épaisse et maladroite, Louis se faufila à travers un groupe de personnes en train de danser, trébucha sur la chaussure que quelqu'un avait abandonné au milieu de la piste de danse, comme si c'était une version moderne de Cendrillon et il était tellement bourré qu'il voyait double (ce qui n'était pas le cas), et passa presque directement à côté d'un petit troupeau de filles avant de jeter un deuxième coup d'œil et de se rendre compte qu'elles étaient toutes trop petites pour être assez âgées pour pouvoir entrer – et derrière tout le fond de teint et l'eyeliner, leurs visages étaient jeunes. Il avait remarqué la même chose chez Felicite – elles avaient tenté de se cacher derrière des masques de maquillage, mais si vous regardiez d'un peu plus près, vous pourrez voir que c'étaient seulement des petites filles, jouant aux grandes et semblant avoir emprunté le maquillage de maman.

Felicite n'avait jamais pris le maquillage de leur mère. Jay avait tendance à ne pas en mettre beaucoup, et elle avait toujours eu des opinions très fortes sur les petites filles se maquillant. Même Lottie n'était pas supposée en porter, et elle avait l'âge auquel vous pouviez vous attendre à ce qu'elle en mette.

La tête de Louis tournait, son esprit fonctionnant beaucoup plus vite que ses pieds dans son état d'ivresse. Secouant sa tête, il dérapa pour s'arrêter et passa plusieurs secondes à observer la scène devant lui, essayant de comprendre ce qu'il se passait, reconstituant le puzzle de ses pensées incohérentes pour définir une conclusion qui avait du sens. Sa petite sœur se trouvait avec un groupe de filles de son âge qui portaient toutes peu de vêtements et beaucoup trop de maquillage avec des coiffures beaucoup trop sophistiquées pour leur âge. Alors qu'il les fixait, elles le regardèrent toutes avec insolence, un air identique de dégoût sur leurs visages recouverts de maquillage.

« Oh, non ! » geint Felicite, enfouissant son visage dans ses mains à la vue de son frère.

« Fizzy ? » demanda Louis. « Qu'est qui se passe merde ? »

Sa sœur regarda d'un air suppliant la fille la plus proche d'elle, et comme si ce regard inquiet était une sorte de déclencheur, les six autres filles se mirent immédiatement devant elle, un bouclier humain. Elles regardèrent toutes fixement Louis, et elles lui rappelèrent un groupe de bergers allemands hargneux se tenant sur leurs gardes. Pourtant, malgré le fait qu'elles portaient toutes des talons de différentes hauteurs ridicules, Louis faisait toujours plus d'une tête de plus que la plus grande d'entre elles, trahissant leur jeune âge même si ça avait déjà été évident que sous les couches de maquillage, elles n'étaient que des gamines. Prenant en considération la fille la plus proche – une fausse blonde dont les racines brunes étaient visibles, ses cheveux relevés en une queue de cheval bien serrée sur le côté qui faisait battre une veine de son front, du rouge à lèvre d'une épaisseurs de plusieurs centimètres – Louis croisa ses bras.

« C'est qui 'Fizzy' ? » demanda la fille avec humeur. Elle mâchait un chewing-gum et son écrasante haleine de menthe fouetta le visage de Louis, faisant plisser son nez. « On dirait un Tweenie. On l'appelle plus comme ça. C'était stupide. Son surnom c'est 'Tay'. »

Oubliant le commentaire vigoureux qu'il était sur le point de faire à propos du fait qu'il avait toujours appelé sa sœur Fizzy et n'avait pas l'intention d'arrêter à cause de quelques idiotes couvertes de maquillage, Louis renifla bruyamment. « Tay ? »

« Ouais, » dit fièrement l'une des autres filles. « Fliss-e-tay, » détacha-t-elle, prononçant le prénom de façon complètement fausse. « Fliss. E. Tay. Tay ! Tu vois ! »

« Ouais, je vois, » répondit Louis, absolument pas impressionné. « Sauf que ce n'est pas comme ça que son prénom se prononce. Et 'Tay', c'est stupide. » Il regarda sa sœur. « 'Y a une raison particulière pour que tu traînes avec ces idiotes ? »

« 'Y a une raison particulière pour que tu sois bourré ? » demanda-t-elle – plutôt courageusement, pensa Louis.

Pendant un moment, Louis eut un peu l'impression d'être un cerf aveuglé par les phares d'une voiture, avant de se souvenir qu'il avait dix-huit ans et qu'il était parfaitement en droit d'être ivre, alors qu'elle était une jeune fille de treize ans beaucoup trop maquillée dans une boîte de nuit et qui n'avait définitivement pas d'autorisation parentale pour y être, alors il dit d'un air important, « Parce que je suis majeur. » Puis, de façon enfantine, comme pour réfuter la déclaration qu'il venait de faire il ajouta, « et parce que je peux. Réponds à la question. »

« Ce n'sont pas des idiotes. Et tu m'as dit de ne pas laisser maman me contrôler ! T'as dit 'sors avec ces amis – les amis n'ont pas besoin d'être approuvés par les parents'. Quoi, alors maintenant ils doivent être approuvés par mon frère à la place ? »

« Non, » dit Louis. « Bien sûr que non. Mais regarde autour de toi, Fiz. Est-ce que c'est ce que tu veux ? Je suis heureux maintenant. Je sors avec mes amis, fais l'idiot, je suis un peu bourré et un peu fatigué mais je suis heureux. Regarde-toi, ce n'est pas ce que je vois. Pour moi, t'es en train d'essayer d'entrer dans ce groupe parce que pour une quelconque raison tu penses que ça te rendra heureuse, mais sérieusement, t'as l'air d'aller dans la mauvaise direction. T'as l'air – » il mordit sa lèvre, sachant que ses pensées ivres s'envolaient trop rapidement vers sa bouche tout aussi ivre, et sachant également que dans cet état, il luttait pour savoir quoi retenir. Il ne pensait pas que ça serait très utile à la situation d'accuser accidentellement sa sœur d'être salope.

« Ecoute, toi, » dit l'une des filles. Ses cheveux étaient tellement raides et plats qu'ils ressemblaient plus à du carton qu'autre chose. « Elle est pas obligée de faire quoi que ce soit. Elle est pas obligée de partir avec toi. C'est notre pote, et c'est pas tes affaires. »

« Oh, je suis désolé, » rétorqua Louis, « j'avais oublié que c'était aussi ta sœur. Oh attends, c'est pas le cas. Ferme ta bouche, chérie, les adultes sont en train de parler. » Il décida promptement qu'il avait l'alcool désagréable. Pourtant, c'était agréable de voir l'air suffisant s'effacer du visage de la fille. « Felicite, je sais que j'ai merdé. Je dois t'expliquer certaines choses, des choses dont je ne peux pas vraiment parler ici. Mais en fait, j'ai simplement grandi. J'ai commencé à me faire mes propres opinions et à écouter celles des autres. Je me suis rendu compte que tout ce que maman dit n'est pas forcément vrai, ou n'a même du sens. Et j'ai commencé à penser par moi-même et à me disputer avec elle, et elle n'a pas aimé ça. Alors elle m'a foutu à la porte, et je ne suis plus le bienvenu à la maison, parce qu'elle n'a pas pu supporter le fait que je ne crois plus en les mêmes choses qu'elle. »

« Je la déteste, » dit violemment Felicite, choquant Louis par la colère dans sa voix. « J'ai pas arrêté de lui demander où t'étais parti, encore et encore, parce que j'étais inquiète et elle m'a criée dessus. Elle m'a dit qu'elle avait vraiment essayé de t'aider, mais que t'étais une cause perdue et que tu nous avais tourné le dos, et que t'en avais plus rien à faire de nous. Elle a dit que tu lui avais dit que tu ne voulais plus nous voir. Et je l'ai traitée de menteuse parce que je savais que tu ne dirais jamais ça, et elle m'a encore criée dessus, et j'ai dit que je voulais te parler, et elle a dit que je ne pouvais pas parce que t'étais parti et que tu ne voulais plus jamais entendre parler de nous. Et j'ai essayé de t'appeler mais elle m'a confisqué mon téléphone. Après elle a commencé à crier et à me dire que t'irais en enfer et que moi aussi si je n'arrêtais pas d'être aussi mauvaise ! Elle me traite comme si j'avais l'âge de Daisy. ».

Louis commença à mordiller sa lèvre. Il se sentait horrible, maintenant ; il aurait dû savoir que ses sœurs demanderaient après lui, et il aurait dû savoir que sa mère ne leur admettrait jamais qu'il s'était enfui avec son amour secret, qui se trouvait être a) un punk et b) un garçon. Elle leur aurait évidemment menti. Daisy et Phoebe étaient trop jeunes pour suspecter quelque chose, trop jeunes pour poser des questions difficiles, et Lottie était assez âgée et sage pour ne pas essayer, mais Felicite avait clairement décidé qu'elle voulait des réponses – et maintenant, confrontée à la perspective que deux de ses enfants se rebellant, Jay était devenue désespérée. Elle était en colère et effrayée, et essayait de faire peur à ses enfants pour qu'elles ne suivent pas l'exemple de Louis.

Lorsque Felicite continua, sa voix était basse et elle tremblait. « Quand papa est rentré, je lui ai dit ce qu'elle avait dit et il m'a dit que je ne devrais pas la contrarier. 'Ne traite pas ta mère de menteuse, Felicite,' » imita-t-elle, « 'c'est très irrespectueux.' Il se mettra pas de mon côté, et Lottie non plus, et personne ne me dit ce qu'il passe et j'en ai marre que tout le monde agisse comme si j'étais stupide ! J'ai une tête. J'ai des amies. Elle ne peut plus me traiter comme un bébé maintenant. »

« Ce n'est pas une mauvaise personne Fiz. C'est notre mère. Elle pense agir de la bonne façon, tu sais. »

« Ouais, elle pense. Ça n'arrange pas vraiment le fait qu'elle le fait en toute ignorance, hein ? »

« Non, effectivement. Tu crois que je ne suis pas furieux ? Elle m'a insulté, elle m'a foutu à la porte et elle vous ment à toi et les filles à mon sujet, bon Dieu, Felicite, je suis fou de rage. Je suis tellement furieux, j'arrive à peine à le supporter parfois. Mais j'essaie de lui pardonner, parce qu'elle nous aime et je l'aime toujours, et c'est ce qu'on est supposé faire, non ? Pardonner et oublier. Tendre l'autre joue. Je me suis enfui loin d'elle la dernière fois et c'était stupide. Crois-moi, s'enfuir est la pire décision que tu peux faire. Comment penses-tu que ça va finir, hein ? Tu ne peux pas vivre comme ça pour toujours. T'es trop jeune pour qu'elle te jette dehors – elle va simplement t'enfermer à nouveau dans ta chambre, et te surveiller comme un faucon. Allez, p'tite sœur, tu vaux mieux que ça. T'es intelligente. Tu sais comment elle est. Tu dois être rusée et la contrer. Je ne l'ai pas assez été et j'ai fais des erreurs. »

Felicite le fixa, la bouche tremblante, clignant fortement des yeux pour essayer d'arrêter de pleurer. « Je ne sais pas quoi faire, » admit-elle, et il pouvait entendre l'hystérie à peine retenue dans sa voix.

Louis mit un bras autour d'elle. « Ne t'en fais pas. T'es pas obligé, je suis le grand frère – savoir quoi faire est mon boulot. »

Il n'avait plus aucune idée de ce qu'il était en train de faire, pourquoi lui dire ça, pourquoi lui faire peur avec la vérité ? Harry était un facteur constant dans sa vie, un point fixe, comme la force magnétique guidant la boussole de son moral – mais ça ne voulait pas dire qu'il ne ressentait pas la terreur paralysante de devoir être un adulte. Pendant toute sa vie, il avait été poussé dans la direction que ses parents désiraient qu'il prenne, et prendre ses propres décisions était terrifiant. Mais c'était une bonne sorte de peur – et il préférait de loin être effrayé et libre que piégé, enfermé dans de la laine de coton, guidé comme un chiot en laisse que, sans l'aide de Harry, il n'aurait jamais pu couper.

« Je peux pas t'obliger à venir avec moi. Tu veux rester ici, avec ces filles ? Parce que je ne pense pas que ce soient réellement tes amies, tu sais. Tu n'as pas à changer pour t'adapter à elles, et les changements ne doivent se faire seulement parce que tu les veux, pas parce que t'as l'impression de devoir les faire pour être acceptée. Je viens juste de le comprendre. Je n'ai pas changé pour maman, ni pour Harry ; j'ai changé pour moi. Je ne vais te changer si c'est qui tu es réellement. Non ? »

Elle semblait incertaine. Fixant ses pieds et jouant avec les manches de sa chemise, elle était pétrifiée et silencieuse. Louis pourrait sympathiser. Se libérer du moule définit par ses parents était une chose ; déterminer dans quelle forme il allait se mouler maintenant qu'il faisait ses propres choix en était une complètement différente. C'était comme être sur le point de redécouvrir qui il était, qui il était réellement, plus qui il était supposé être et au moins Louis avait eu un point de départ. Il avait su qu'il devait commencer avec la personne dont il était tombé amoureux. Sa sœur n'avait rien de ça pour débuter – elle avait simplement la tête remplie de confusion et les pieds plein d'ampoules à cause des chaussures inconfortables qu'elle portait, et un groupe de filles qui n'étaient pas aussi formidables et matures qu'elle ne l'avait cru.

« Tu continues encore avec toute cette merde, » ricana une fille avec les cheveux foncés. « A propos de la façon dont elle doit faire un choix, que c'est sa décision. Eh bien, elle a déjà choisi. Elle nous a choisies ! »

« Ouais, » dit la blonde à la queue de cheval. « C'est qui elle est ! »

« Non. » Felicite fit un pas pour s'éloigner d'elles, secouant sa tête de dégoût. « Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Regardez-moi. Regardez-vous. Vous êtes oranges, et vos rouges à lèvres ressemblaient à de la confiture. » Elle parlait doucement, semblant avoir une sorte d'épiphanie, le soulagement se répandant sur elle comme un lever du soleil rampant lentement sur son visage. « Aucun de vos vêtements ne vous va, et mes chaussures me serrent. On a pas l'air cool. On a pas l'air plus âgé. On a juste l'air de gamines de cinq ans avec du maquillage sur le visage. »

« Peut-être toi, » marmonna quelqu'un d'un ton maussade. « Nous, on est superbe. »

« Voilà ! J'ai entendu ! Vous n'arrêtiez pas de le faire aussi tout à l'heure, de rire derrière mon dos, de me faire passer pour une idiote et me dire que j'avais l'air superbe en face, alors que vous avez toutes l'air stupides, toutes ! Et vous vous moquez toutes les unes des autres et pensez que vous êtes tout merveilleuses. Vous avez deux visages. Vous êtes horribles. Vous êtes toutes les mêmes, tellement ennuyantes, et vous faites les fines bouches devant moi à chaque fois que j'essayais de faire les choses différemment de vous. Vous êtes pire que ma mère, vous m'avez fait croire que c'était ce que je devais faire pour me sentir à ma place, comme si j'étais quelqu'un d'important. C'est pathétique. »

« Tay ! » couina l'une des autres filles en signe de protestation. Sa voix stridente fit grincer les dents de Louis. « Arrête ça ! »

« Ce n'est pas son prénom, » claqua Louis. Il en avait complètement marre de ces gamines pleurnichardes ; il voulait leur jeter quelque chose dessus. « Elle est la seule à prendre cette décision, vous ne pouvez pas le faire pour elle. »

« Toi non plus ! »

« Et je n'essaie pas de le faire ! » Il était bourré. Il était indigné. Il n'avait plus le contrôle de lui, et quelque part au fond de son esprit se trouvait l'écho de la voix de Harry lui rappelant que crier sur des imbéciles ne les ferait pas devenir moins idiots, mais son esprit était flou et il voulait secouer une à une chacune de ces petites filles ridicules, et il se fichait totalement du fait de tendre l'autre joue ou d'aimer son ennemi ou quelque chose comme ça – il se souciait simplement de toute la stupidité qu'elles avaient en elles, et il se demandait si en les secouant il arriverait à la faire sortir. Pas qu'il le ferait. Mais c'était une idée sympa.

Peut-être que sa sœur reconnut à quel point il était près d'exploser, parce qu'elle attrapa son bras et dit d'un ton suppliant. « Louis, on peut y aller maintenant ? » Ses yeux étaient grands ouverts, s'attendant à ce qu'il prenne la décision, ayant besoin qu'il prenne la décision.

Tout comme Harry était sa figure de proue, Louis devait à présent être celle de sa sœur. Il acquiesça.

« Ouais. Allons-y. »

Son bras toujours autour d'elle, ils se retournèrent et firent quelques pas avant qu'une autre voix ennuyante les appelle.

« Hé ! Ce sont mes chaussures ! »

Felicite baissa ses yeux vers les inconfortables talons qu'elle portait, fit une grimace puis les retira avant de les ramasser et de les pousser dans les bras de la blonde. « Tu peux les reprendre, » dit-elle. « Je préfère être capable de marcher dans la rue sans me casser une cheville, merci. »

Ils s'éloignèrent à nouveau, aucun d'eux ne parlant jusqu'à ce qu'ils soient totalement hors de portée de voix. Puis, Louis dit doucement, « Bien joué. »

« C'est horrible, » murmura-t-elle. « C'étaient d'horribles amies, mais c'étaient les seules que j'avais. Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? »

« Recommence à zéro, » lui dit Louis. « Trouves-en des meilleures. Tu vas dans une grande école. J'suis sûr que tout le monde ne peut pas être aussi idiot. »

Felicite fit un pâle sourire. « Merci, Louis... J'peux te demander quelque chose ? »

« Bien sûr. »

« Qu'est-ce que t'as exactement fait pour mettre maman tellement en colère qu'elle t'a mis à la porte ? »

Louis hésita. « C'est... pas vraiment mon histoire que je dois te raconter. J'ai besoin de te l'expliquer. Tu peux attendre jusqu'à ce qu'on soit rentré ? Je connais quelqu'un qui peut le faire avec de bien meilleurs mots que moi. »

« T'es sûr ? C'était un sacré discours que t'as tenu là. J'ai été impressionnée. »

« J'ai appris avec le meilleur, » dit doucement Louis, puis Harry apparut de derrière un couple dansant inconsciemment lentement sur une chanson rock, ses yeux plein d'inquiétude. Il repéra Louis, soupirant de soulagement, puis se précipita vers lui, souriant avec sa bouche et ses yeux.

« Hé, » dit-il, tendant un bras pour l'enrouler autour de la taille de Louis. S'il fut surpris de voir Felicite nichée sous le bras de Louis, il ne le montra pas. « Je me demandais où t'avais disparu. Tout va bien ? Je crois que je t'ai entendu crier, mais je t'ai perdu dans la foule. »

« Ouais, je vais bien, » répondit Louis. Il avait l'impression d'être dans un genre bizarre d'extase. Il avait défendu sa sœur de la façon dont Harry le défendait. Il avait donné son point de vue. Il fallait admettre qu'il avait été un peu fougueux à ce propos, mais il avait gagné la bataille – et peut-être que c'était contre un groupe d'adolescentes encore au collège, mais c'était la première dispute qu'il avait sans Harry observant dans son dos, et il se sentait ridiculement fier de l'accomplissement. Plus tard, lorsqu'ils seront seuls et pelotonnés ensemble dans le lit de Harry, les doigts entrelacés, ayant une conversation à voix basse dans l'obscurité avec leurs fronts appuyés l'un contre l'autre, il lui dirait tout ça. A quel point il s'était senti fort, protégeant sa sœur. La façon dont son cœur avait martelé sa poitrine alors qu'il bondissait pour prendre sa défense. A quel point c'était agréable d'être capable d'aider quelqu'un de la façon dont Harry l'avait aidé.

Felicite tremblait à côté de lui, sa bouche grande ouverte comme si elle était sur le point de les avaler tous les deux, et ce fut à ce moment que Louis se souvint qu'il n'avait toujours aucune explication sur sa fascination bizarre pour Harry. Mais également, qu'elle n'était pas encore au courant que lui et Harry étaient en couple. Il semblerait qu'il avait beaucoup d'explication à donner.

« Harry, on peut rentrer ? Felicite doit se nettoyer avant qu'on la ramène à la maison, et on a des... choses à lui dire. »

« D'accord, bien sûr, » dit Harry avec décontraction. « On y va ? » Il fit une petite caresse d'encouragement sur la taille de Louis.

« Ouais, je suis prêt quand tu l'es, mais on ne devrait pas dire aux autres qu'on part ? Ils pourraient nous chercher. »

« Liam est rentré depuis un certain temps. Il a dit qu'il était fatigué, mais je pense qu'il voulait s'éloigner de tous ces couples, » dit Harry avec amusement.

Ça semblait assez vrai. Liam avait taquiné Louis toute la soirée à propos de la façon dont Harry et lui étaient « tellement épouvantablement couple ».

« Et pour Niall et Zayn ? »

Le sourire en coin de Harry devint pleinement éclatant et rempli de malice. « Oh, j'pense pas qu'ils s'en soucient. Ils doivent s'occuper de leurs propres affaires. » Et il pointa du doigt un coin de la salle, où Louis put à peu près voir l'arrière de la tête blonde de Niall.

« Oh, » dit Louis, les joues inondées de rose. « Ah, je vois. »

« Allez. » Harry attrapa sa main et les tira, lui et Felicite, vers la sortie, luttant pour ne pas rire de l'embarras de Louis. Il était trop habitué à ce genre de scénario pour être affecté.

De l'autre côté de la pièce, acculé contre le mur, Zayn et Niall étaient trop pris dans les affres d'un énorme et ivre baiser pour remarquer que Harry et Louis étaient partis.

**

Puisque Felicite n'avait plus de chaussures à présent, et ne portait qu'une paire de collants très trouée (et oui, Louis était assez tenté de faire un jeu de mots à propos de 'trou étroit', mais il pensait que ça serait en quelque sorte irrespectueux et pas particulièrement drôle) Louis avait dû lui prêter ses baskets. Harry avait essayé d'être chevaleresque avec tous les deux en insistant dignement pour qu'elle prenne les siennes, la faisant rougir et bégayer, mais ses pieds étaient trop grands, alors elle avait fini par porter celles de Louis. Avançant à pas feutrés le long de la rue, Louis était extrêmement heureux d'avoir décidé de porter des chaussettes.

Ils restèrent silencieux pendant la majeure partie du chemin, en dehors des commentaires occasionnels d'Harry pour essayer de mettre à l'aise la sœur de Louis, sans grand succès. À chaque fois qu'Harry parlait, elle avait un petit sursaut puis le fixer, et s'il lui parlait directement, elle se transformait en une épave écarlate et balbutiante. Harry avait fini par abandonner. Louis ne pouvait pas se résoudre à être agacé ; ce n'était pas comme si sa sœur était délibérément gênée, elle était juste véritablement bloquée par la timidité en présence d'Harry.

Cependant, Harry ne connaissait pas Felicite aussi bien que Louis et semblait le prendre à cœur, gardant résolument le regard baissé tandis qu'ils avançaient en silence. Idéalement, Louis aurait tendu sa main pour le rassurer, mais il se rendit compte qu'il y avait des façons plus subtiles pour tout révéler à sa sœur et qui étaient plus susceptibles de bien finir, alors il fit semblant de ne pas avoir remarqué la main tendue de Harry et se sentit assez horrible à ce propos. Surtout après tout son discours sur le fait de ne pas avoir honte d'être vu avec Harry, alors qu'à présent il l'évitait efficacement parce que sa sœur était avec eux... eh bien, pas étonnant que Harry ait l'air abattu.

Ils approchèrent de la maison d'Harry, toujours en silence. Il déverrouilla la porte et Felicite retira immédiatement les chaussures de Louis, une force de l'habitude parce que chez elle, elle devait le faire dès le moment où elle passait le seuil de la porte. Puis Harry ferma la porte derrière eux et ils restèrent dans le couloir silencieux, personne ne parlant. Personne d'autre n'était à la maison.

« J'ai du démaquillant en haut. Si tu veux, t'sais... l'enlever, » murmura Harry en désignant son visage. Il semblait abattu, ce qui était rarement un bon signe d'après l'expérience de Louis.

« Merci, » marmonna Felicite, les yeux rivés au sol, et elle partit en se précipitant en haut sans même avoir une idée de l'endroit où se trouvait réellement le démaquillant.

« Essaie dans la salle de bain, » cria Harry après elle, puis alors qu'elle disparaissait, il s'effondra contre le mur et ferma ses yeux. « Qu'est-ce que j'ai fait ? » demanda-t-il amèrement. « Elle ne m'a même pas regardé. Tu ne me regardais pas non plus. C'est comme si j'étais de retour à la case départ. »

« Ne sois pas stupide. La seule raison pour laquelle je n'étais pas en train de te câliner comme d'habitude est parce que maman ne lui a pas dit que j'étais pansexuel. Elle ne sait pas encore pour nous. Je ne veux pas lui faire peur. Maman n'ouvre pas vraiment nos esprits à la sexualité et tout ça ; on aurait eu des chances de la choquer si on avait commencé à se rapprocher à l'improviste sans l'avertir. Elle aurait peut-être même été effrayée. J'ai mal géré les choses avec maman – je ne veux pas aussi perdre Fizzy. »

« Et si elle ne l'acceptait pas non plus ? Je la mets déjà mal à l'aise, c'est pas vraiment dur à dire. »

Se détournant de lui, Harry commença à se diriger vers la cuisine, mais Louis attrapa sa manche et le tira en arrière, le retournant avant de l'attraper par la taille et de le coller contre le mur, se mettant sur la pointe de ses pieds pour combler les quelques centimètre de hauteur que Harry avait à son avantage, et il l'embrassa.

« Hé. Arrête ça, » ordonna-t-il. « Si elle n'aime pas ça, elle peut se retourner et sortir directement de cette maison. Tu m'entends ? Je claquerai la porte derrière elle. J'en ai marre d'essayer de plaire aux autres. Peu importe ce que tu fais, tu ne pourras jamais plaire à tout le monde, alors on pourrait simplement envoyer se faire voir autant de personne qu'humainement possible à la place, non ? » Il sourit, relava le menton de Harry avec un doigt et ce dernier essaya courageusement de lui sourire en retour, mais Louis pouvait voir la lutte dans ses yeux, la difficulté de se réconcilier avec la possibilité que Felicite pourrait également leur tourner le dos.

« Très bien, » dit doucement Harry.

« Non. Bien sûr que non. On ne devrait pas avoir à s'inquiéter pour ça – de la façon dont les personnes vont réagir en sachant pour nous, on ne fait rien de mal, jamais. Mais je veux que tu saches que tu es plus important pour moi qu'eux, maintenant. Plus important que ce que les personnes pensent de nous. Plus important que tout. Mais on a traversé ça et s'en plaindre ne changera rien. Si on peut gagner le round avec ma petite sœur alors on se rapprochera encore plus du pouvoir d'oblitérer ces conneries homophobes. Je t'aime, tu le sais ? Sois courageux pour moi. Parce que s'il y a une chose qui m'a toujours maintenu debout à travers ce nuage géant rempli de merde qu'est la vie, c'est de savoir que je devais être courageux pour toi. »

Les yeux brillants, Harry vacilla en avant et Louis recula de surprise, mais ensuite Harry l'attrapa par la taille et le poussa contre le mur, brutalement mais faisant attention à ce que Louis ne se cogne pas la tête, puis il se pencha sur lui, prenant pleinement avantage de sa taille et embrassa Louis, durement, ses longs doigts s'emmêlant dans les mèches caramel de ses cheveux, une main caressant son visage, le bout de son nez appuyé contre la joue de Louis. C'était le genre de baiser qu'ils avaient tendance à avoir au milieu de la nuit pendant qu'ils regardaient des films à deux heures du matin et avec le volume le plus bas possible, déterminés à ne pas réveiller les parents de Harry. Le genre de baiser qu'ils avaient échangé une nuit lorsqu'ils s'étaient furtivement infiltré dans le jardin après l'heure du coucher, en pyjamas et sans chaussures, et qu'ils avaient dansé un genre collé-serré fou sur la pelouse, parsemée de gouttes de rosée comme des centaines de milliers de diamants râpés en paillettes répandues sur le tapis vert, dansant lentement à travers le jardin avec leurs mains sur la taille de l'autre. Le genre de baiser que Harry déposait sur le front de Louis quand ils se réveillaient le matin, couchés ensemble dans le lit, en un assemblement de longs membres, leurs cheveux emmêlés et leurs mains qui rapprochaient l'autre de lui sans jamais avoir l'impression d'être assez proches, leurs haleines rendaient les vrais baisers impossibles et en quelque sorte sales. C'était comme une combinaison de leur premier baiser et de leur dernier ; à en prendre couper le souffle, plein de surprise et frais, comme un nouveau départ, mais également familier, défraîchi et un peu désespéré, comme s'ils prenaient chacun leurs derniers souffles et que ce baiser ne pouvait pas attendre, rien ne pouvait attendre, parce qu'ils étaient des bougies sur lesquels on était sur le point de souffler et qu'ils devaient partager leurs derniers souffles l'un avec l'autre avant que tout ne devienne le néant.

Haletant, Louis fut le premier à briser le baiser, se reculant avec un rire à bout de souffle. « D'accord, d'accord, ne me tue pas ! » Ses mains se posèrent sur les épaules de Harry, glissant sur ses bras tatoués, tenant momentanément les toiles d'araignée à ses coudes avant de descendre jusqu'à ses poignets, puis Louis prit ses mains dans les siennes et lui sourit tendrement.

Harry rigola doucement avec lui. « Désolé. » Il tendit une main pour retirer une mèche de cheveux de devant les yeux de Louis, puis ils entendirent une brusque respiration et se retournèrent pour découvrir Felicite en train de les fixer, la majorité du maquillage retirée de son visage, et serrant les chaussures de Louis dans ses mains aux jointures blanches.

« Hé, p'tite sœur. » La gorge de Louis était sèche, mais il garda sa voix admirablement stable, rencontrant son regard confus sans fléchir. « Tu te sens mieux ? »

Elle hocha de la tête, léchant ses lèvres, puis son regard tomba sur leurs mains jointes.

Louis prit la décision plutôt rapide de parler à sa sœur seul à seule ; comme Harry l'avait assez correctement pointé du doigt, il l'intimidait. Il ne voulait pas rendre ça encore plus dur en ayant avec eux quelqu'un qui rendait Felicite nerveuse. Ça ne rendrait pas plus facile le fait d'essayer de contourner les barrières d'idées discriminatoires et d'ignorance qui avaient été érigées depuis des années. En effet, Louis avait eu une raison d'arrêter d'être étroit d'esprit – il était tombé amoureux de Harry, et comment aurait-il pu continuer de prêcher contre quelque chose dont il faisait à présent partie ? Mais sa sœur n'avait aucune raison d'arrêter de penser de cette façon, autre que la décence, et il ne pensait en quelque sorte pas qu'elle le percevrait de cette manière.

« Harry, je peux, euh... on a besoin d'un moment. On peut aller parler quelque part ? »

« Bien sûr, bé – ouais. Ma chambre est libre, si le bordel ne vous dérange pas. Je vais rester ici, faire une tasse de thé, vous voulez quelque chose ? »

« S'il te plaît. Du lai – »

« Lait, trois sucres, » finit Harry, « je sais. » Puis il rayonna, un énorme sourire illuminant tout son visage comme s'il était un ange et qu'il avait mangé son auréole. Il brillait, beau et fier de lui de se souvenir aussi bien de ce petit détail, toujours un peu ivre et les joues rouges. Il rappelait à Louis les roses blanches dans le jardin de la Reine de Cœur dans Alice au Pays des Merveilles ; blanches en dessous mais rouges vif au dessus, peintes pour répondre aux caprices du monarque, et il pouvait très bien s'imaginer un enfant ressemblant à un lutin peindre ce rouge sur les joues pâles de Harry.

« Merci, bébé, » chuchota Louis, espérant, trop doucement pour que sa petite sœur ne puisse l'entendre, puis il lui fit signe de prendre la tête. La tête baissée pour éviter de regarder Harry, elle passa précipitamment à côté d'eux et commença à courir dans les escaliers, faisant très peu de bruits à cause de ses pieds nus, avant de disparaître. Louis fit courir sa main sur le bras de Harry pour renforcer son courage. Il prit une profonde respiration.

« Ça va bien se passer, » promit Harry. Bien sûr, il ne pouvait pas le savoir, il n'y croyait probablement pas, mais Louis avait besoin de faire semblant que ce serait le cas, sa bouche et ses yeux semblant sincères. « Souviens-toi simplement – ne lui crie pas dessus si elle dit des choses arriérées, ce n'est pas sa faute. Dis-lui doucement. Tout ira bien. »

« J'espère. »

« Je t'aime. »

« Je t'aime aussi. »

Puis Louis monta.

**

La chambre d'Harry était en quelque sorte un champ de bataille. Ses vêtements et ceux de Louis étaient éparpillés sur le sol, la tenue que Louis avait essayée plus tôt amassée en un tas au pied du lit. Des chaussures solitaires étaient dispersées au hasard dans toute la pièce comme Cendrillon rencontrant le palais des glaces – si la pantoufle de verre de Cendrillon avait été une collection de Converses de différentes couleurs, de Doc Martens, d'espadrilles, et de Supras. Certaines étaient petites, semblant assez fragiles et en toile ; c'étaient celles de Louis, alors que celles de Harry étaient grandes, volumineuses et lourdes. Un peu comme leurs apparences en général, en fait. Harry était intimidant et Louis était fragile, mais ni l'un ni l'autre n'était tout à fait ce dont il avait l'air d'être.

Felicite s'assit prudemment au bord du lit d'Harry, posant soigneusement les baskets de Louis par paire sur le sol. Louis s'avança vers elle, donnant un coup de pied dans son boxer et celui d'Harry pour les mettre sous le lit et espérant qu'elle n'ait pas compris à qui ils appartenaient, puis il s'assit. La couette était un tas froissé, tellement enchevêtré qu'elle donnait plutôt l'air qu'un animal recroquevillé dormait en dessous. Louis pouvait sentir le sexe, la lessive Lynx et les sandwichs au bacon qu'ils avaient mangé la vieille pendant qu'ils étaient paresseusement blottis dans le lit de Harry, regardant un film d'horreur qui manquait de frayeur au point qu'il finit par ressembler plus à une comédie. Il pouvait également sentir les cheveux d'Harry, son shampoing, et sa propre laque qu'il utilisait pour relever ses cheveux. La chambre ne sentait pas comme Harry, ni comme Louis ; elle avait leur odeur. Tous les deux, ensemble, un pêle-mêle de HarryetLouis et LouisetHarry qui était à peine identifiable comme une sorte d'arôme distincte. Louis se demanda si sa sœur l'avait remarqué.

Elle continua de regarder tout autour d'elle, semblant un peu intimidée. Ses yeux erraient des piles de vêtements sur le sol au bordel de papiers sur le bureau de Harry, à ses bijoux accrochés au dos de sa chaise, à ses poufs en forme de poire énormes, au tapis blanc sur lequel Louis aimait se tenir le matin lorsqu'il venait de se glisser hors du lit, tremblant, et voulait quelque chose de doux et chaud sur quoi poser ses pieds. Elle contempla les posters des groupes que Louis connaissait assez bien, des groupes dont il pouvait reconnaître les chansons lorsqu'Harry les écoutait et dont il pouvait chanter les paroles (Pierce The Veil, Motionless in White, The Cancer Bats). Elle semblait être surprise par le fait que la chambre d'Harry ne soit pas noyée sous le noir et n'ait pas l'air d'avoir été décoré par l'explosion d'un puits de pétrole. Louis l'observa regarder partout avec émerveillement et se rendit compte qu'elle en était au point où lui avait été, une fois, et maintenant il voyait la chambre de Harry avec un tout nouveau regard qui comprenait les histoires derrière tout ça, plutôt que simplement les voir.

Les attrapes rêves que Harry avait accrochés au plafond l'étaient parce que sa grand-mère était superstitieuse et lui avait dit qu'ils le protègeraient des mauvais rêves, et il en avait marre de supporter les cauchemars apportés par le tourment qu'il avait commencé à subir à l'école lorsqu'il avait dévoilé son nouveau style vestimentaire, avant qu'il leur apprenne à le laisser tranquille. Les dessins sur son bureau avaient originalement été faits pour son cours d'art plastique, avant qu'il n'en parte et refuse d'y retourner parce que le professeur refusait d'arrêter de l'harceler sur le fait que sa sexualité était évidente dans ses 'dessins de fille'. Les posters sur les murs étaient ceux des groupes qu'il écoutait à plein volume pour ne pas être obligé d'entendre les commentaires que les gens lui criaient dans la rue. La chambre d'Harry était l'épilogue de son histoire, un petit résumé de lui, mais à moins d'avoir lu le livre au préalable, ça n'aurait aucun sens.

Ça ne l'empêchait pas d'être aussi fascinante.

« C'est différent de ce que j'imaginais, » dit doucement Felicite. « J'pensais que ça serait en quelque sorte... plus sombre. »

« Et moi donc, » admit Louis, puis ils échangèrent des sourires penauds.

« Est-ce que t'es resté ici depuis que maman t'as dit de partir ? »

« Ouais, et deux ou trois fois avant ça. Je me sens le bienvenu ici. Ses parents sont gentils et ils ne me jugent pas, ils me font confiance et me traitent comme un adulte. Ils n'agissent pas comme si j'étais un gamin qui séjourne chez eux ; ils me parlent comme s'ils se soucient réellement de ce que je dis parce que c'est le cas. J'sais pas. J'ai l'impression qu'ici, je peux être qui je veux ou ce que je veux et tout le monde s'en ficherait. Pas parce qu'ils ne se soucient pas de moi, parce qu'ils se fichent de ce que je fais pour être moi, si tu vois ce que je veux dire. »

Elle hocha sérieusement de la tête. « Ça ne les dérange pas que tu restes ici ? »

« Ça en a pas l'air. Ils ont l'air d'aimer que je sois là. Il n'a pas beaucoup d'amis. Les gens l'évitent, même, tu vois. »

« Pourquoi maman t'as jeté dehors ? »

Il ne s'était pas attendu à ce que cette question s'envole si soudainement après toutes les autres normales et banales. Elle le prit au dépourvu. Clignant des yeux, Louis ouvrit sa bouche pour essayer de dire quelque chose d'autre qui aurait au moins une petite trace d'intelligence, mais il réussit seulement à sortir un vague bruit qui sonna plutôt comme un souffle.

« Oh, et avant que tu me le dises, souviens-toi simplement ; ne me prends pas de haut. Je ne suis pas aussi stupide que tout le monde semble le penser, et j'écoute, et personne ne me dit jamais ce qu'il se passe et je ne suis pas heureuse. Dis-le moi directement, Louis. »

Louis ricana. « Mauvais choix de mots, là... » (ndlt : jeu de mot : 'straight' = directement et hétéro)

Elle pencha sa tête sur le côté. « Oh ? Pourquoi ça ? »

« Tu sais que Harry est gay. »

« Bien sûr que oui, tu crois que ce petit fait aurait échappé à mon attention ? Je l'ai suivi partout pendant des semaines, Lou, et il n'est pas exactement subtil à ce sujet – »

« C'est la moitié de la raison pour laquelle maman me déteste en premier lieu. Ça et le fait qu'elle est convaincu depuis le début qu'il va 'me faire devenir gay', et elle déteste la façon dont il s'habille et son attitude envers Dieu. J'étais pareil avant. Le fait est que je ne suis toujours pas totalement satisfait de certaines de ses idées envers Dieu, je ne suis pas d'accord avec toutes ses opinions, je n'aime pas toute sa musique. Je trouve certains de ses habits hideux. J'apprécie pas toujours les mêmes choses que lui et il déteste certaines des choses que j'aime. Mais c'est une belle personne, tu vois ? Il entre dans une pièce et tout le monde est trop occupé à lui lancer des regards mauvais pour voir à quel point il est merveilleux, parce que tout ce qu'ils voient, c'est qu'il est différent. Et qui n'est pas différent, sérieusement ? Tout le monde l'est, il est juste une sorte de différence plus remarquable. Mais il regarde des films horribles et met de l'eyeliner tout les matins parce qu'il se sent en insécurité sans, et il est calomnié depuis des années sans n'avoir jamais riposté, parce qu'il vaut mieux que quiconque, mais il ne le pense pas. C'est un idiot, il est maladroit, il fait beaucoup d'erreurs et il est la pièce manquante à mon puzzle, pour faire court, je suis amoureux de lui, Fiz. »

Felicite le dévisagea.

« Tu quoi ? »

« Je suis amoureux de lui. C'est mon petit-ami. On sort ensemble depuis plusieurs mois maintenant. Probablement près de cinq. »

« Non. » Elle secoua frénétiquement sa tête, enfouissant son visage dans ses main. « Non, non, non, non, non, non – »

« S'il te plaît, Felicite, ne sois pas comme maman. Ne me déteste pas tout de suite à cause de ça, allez, tu dois m'écouter – » Il toucha doucement son dos et elle se recula, s'écartant autant que possible au bout du lit.

« Non ! » hurla-t-elle. « Ce n'est pas juste ! Ce n'est pas juste, tu ne peux pas être amoureux de lui, il ne peut pas être ton petit-ami ! »

« Je suis vraiment désolé, je sais que c'est dur pour – attends. Quoi ? » Louis la fixa. « Qu'est-ce que tu veux dire par, il ne peut pas être mon petit-ami ? »

Elle pleurait réellement à présent, à sa grande surprise, les yeux comme des piscines, pas seulement en raison de leur couleur bleue vive, presque artificielle, mais parce qu'ils étaient ronds et humides, il avait l'impression qu'il allait se noyer dedans. Il n'avait jamais vraiment aimé les piscines.

« Ce n'est pas juste ! De toute façon je ne pouvais l'avoir, parce qu'il est gay, et maintenant – maintenant toi ! Pourquoi est-ce que ça doit être toi ? T'es mon frère ! Ce n'est pas juste, ce n'est pas juste, il ne sortira jamais avec moi parce qu'il est gay et maintenant il sort avec toi ! »

« Felicite, de quoi tu parles ? »

« Tu sais très bien que je l'aime bien ! » cria-t-elle. « Comment tu peux me faire ça ? T'es mon frère et je l'aime depuis plus longtemps toi et je l'ai vu la première ! »

Louis était complètement abasourdi. Il avait l'impression d'être tombé dans un film stupide pour préadolescentes à propos d'un groupe populaire de stars Disney bien sous toutes coutures et poussant des cris aigus à propos de drames relationnels, pour lesquelles elles avaient cinq ans en moins ou en trop pour les vivre. Il n'avait jamais entendu quelqu'un dans sa vie se disputer à propos de quelqu'un ayant volé le petit-ami ou petite-amie de quelqu'un d'autre – il supposait que c'était un truc de fille – mais maintenant, il était accusé de voler quelqu'un à sa sœur, à qui elle n'avait même jamais parlé et elle n'avait même pas le bon sexe pour pouvoir être avec lui en premier lieu, et apparemment il avait tort parce qu'elle l'avait aimé en premier ? Louis s'était relevé en état d'alerte mais il se rassit brusquement, épuisé.

La porte de la chambre s'ouvrit brusquement et Harry se précipita à l'intérieur, les manches de son pull noir relevées jusqu'à ses coudes pour laisser apparaître ses tatouages, une cuillère à thé dans une main et portant un tablier rouge et blanc à carreaux avec un ourlet à volant. Alarmé, il courut vers Louis, l'attrapa comme s'il s'attendait à ce que quelque chose d'horrible se soit passé, puis il se tourna pour fixer Felicite, qui pleurait abondamment et semblait un peu effrayée. Harry recula soudainement, pas bien équipé pour faire face aux petites sœurs pleurant, puisqu'il n'avait jamais eu de frère ou sœur plus jeune et que sa propre sœur n'avait pas beaucoup tendance à pleurer (Gemma n'avait jamais été une pleurnicharde, et maintenant elle était beaucoup trop dure pour pleurer pour n'importe quoi comme la plupart des filles de son âge, comme le stresse ou les problèmes de couple ou d'argent ; la seule fois dont Harry se souvint avoir vu sa propre sœur pleurer était pour la mort de Mufasa dans le Roi Lion).

Sa vue fit pleurer encore plus Felicite.

« Bon Dieu, » dit Harry, posant la cuillère, puis il continua, « je t'ai dit de lui balancer doucement ! »

« Je l'ai fait ! » répondit Louis avec indignation, puis Felicite l'agrippa et commença à sangloter de façon désordonnée sur son épaule, et il hésita une fraction de seconde avant de lui frotter le dos avec inquiétude. Il était en quelque sorte dépassé par les événements.

« Eh bien, j'ai vu quelques réactions folles en révélant ma sexualité à certaine personne, mais j'ai jamais vu quelqu'un pleurer. C'est le choc, ou elle a dit quelque chose de méchant et infondé et tu lui as criée dessus ? » demanda Harry de façon intéressée, mais pas méchamment, s'asseyant à côté de Louis sur le lit.

Elle se redressa. « Oh, tu peux pas simplement la fermer ! » dit-elle furieusement, regardant Harry droit dans les yeux et ne semblant pas remarquer ou bien se soucier que son visage était en quelque sorte en pagaille. Ça aurait été un peu dégoûtant s'ils n'avaient été tous les deux trop surpris par sa véhémence pour s'inquiéter qu'elle ait autant pleuré.

« Euh, » dit Harry.

« Tu sais, on s'est moqué de moi pendant des mois parce que je t'aime bien ! Toutes les filles de l'école ont le béguin pour les autres garçons de notre âge qui vont à l'école pour garçons, ou parfois d'un an de plus – ou certaines c'est pour les stars, Justin Bieber ou Conor Maynard ou autre. Tu sais sur qui je craque moi ? C'est toi, » siffla-t-elle. « Ça a toujours été toi. Tout le monde en ville sait qui tu es, tout le monde connait ton nom. Et ils m'ont toujours raconté d'horribles histoires sur toi, et je voulais voir si c'était vrai, alors j'ai commencé à te suivre partout, mais tu n'étais pas du tout horrible. T'étais gentil. Et je t'aimais bien. Et quand je l'ai dit à tout le monde, ils ont ri ou ont dit des choses méchantes ou ils m'ont dit que je racontais des mensonges, et je savais que ce n'était pas le cas, alors j'ai arrêté de leur parler. Je ne suis pas une menteuse. Je ne me laisserai pas être traitée de menteuse. Sauf qu'ensuite je n'avais plus d'amies et maman m'a interdit de sortie, et je t'aimais quand même bien. C'était le cas depuis des mois et de mois et des mois, bien avant que Louis parte en colonie chrétienne pendant l'été, il revient et maintenant c'est ton petit-ami ! » Outrée, Felicite se leva, s'éloignant de Louis. « Tu me l'as volé. Sauf qu'il n'a jamais été à moi, et il est gay, et maintenant il est amoureux de toi et Maman t'as toujours plus aimé que moi et ce n'est pas juste ! » Elle frappa son pied nu sur le sol. « Rien n'est jamais juste. »

« Pourquoi étais-tu avec ces filles, Felicite ? » demanda doucement Louis.

« Parce qu'elles m'ont dit qu'elles pourraient me trouver un copain. Elles ont dit qu'elles se foutaient que je sois une menteuse et qu'elles pourraient me trouver quelqu'un d'autre et que je n'aurais plus à m'intéresser à lui. Je ne veux pas m'en faire pour ça. C'est tellement stupide. » Elle enfouit son visage dans ses mains.

Harry se releva du lit et se laissa tomber à genoux devant elle. Il attendit environ une minute, Felicite lorgnant occasionnellement à travers ses doigts et faisant semblant de ne pas le voir, agissant comme si elle ne pouvait pas le voir. Mais finalement, avec un soupir tremblant, elle retira ses mains, et Harry lui donna un mouchoir, elle essuya misérablement ses yeux et son nez jusqu'à ce qu'elle ait l'air beaucoup moins désemparée (et humide) et plus que simplement triste. Il y avait également quelque chose sur son visage qui s'apparentait à de la honte, comme si elle venait de se rendre compte qu'elle s'était montrée en spectacle et voulait revenir en arrière. Elle baissa ses yeux vers Harry, sa bouche faisant une moue, puis elle fixa le sol – mais ensuite elle releva à nouveau son regard, déterminée à le regarder dans les yeux. Elle avait définitivement du cran, Louis devait respecter ça. Non seulement elle venait de vider tous les sentiments qu'elle éprouvait pour une personne qui ne l'aimera jamais en retour de cette façon, juste en face d'elle, mais également devant son frère, qui sortait avec ladite personne, et elle avait ouvertement admis être en colère et jalouse de ça. Louis l'admirait pour ça. Son courage était quelque chose à quoi il ne s'était jamais attendu de sa part, il n'avait jamais eu de raison de croire qu'elle en avait autant.

« Je suis désolé, » dit doucement Harry. « Je peux pas faire semblant que je vais un jour répondre à tes sentiments, parce ce que je suis vraiment désolé, mais ça ne sera pas le cas. Jamais. Je suis à l'aise avec ma sexualité, je sais exactement qui et ce que je suis. Et ça va être un peu brut envers toi, mais... je suis amoureux de ton frère. » Felicite rigola d'un son tremblant, mais il sonna plutôt comme un pleurnichement très déformé. « Ça a l'air bizarre, je sais. J'ai aucune idée de comment c'est arrivé – mais c'est le cas, et beaucoup de personne n'aime pas ça, toi inclus, je suppose. Je ne sortirai jamais avec toi, j'en ai bien peur, bien que tu finiras probablement par penser que c'est une bonne chose que tu n'aies jamais eu le malheur de sortir avec moi. » Un autre rire bancal vint de Felicite alors qu'elle essuyait une autre larme de sur sa joue. « Mais on pourrait quand même être ami, tu sais. Je n'en ai pas beaucoup. Peut-être que je peux t'ajouter à la liste ? » Harry était bon pour corriger son impression, en ayant sur son visage le bon mélange d'espoir et de supplication.

Elle avait l'air d'être en train d'envisager l'idée.

« Ta mère a jeté Louis hors de chez vous à cause de ça. Je sais que c'est dur pour toi de remettre de l'ordre dans ta tête, mais je pense que ton frère a vraiment besoin de toi pour le soutenir à travers ça. Et une fois qu'on sera ami, je suis sûr que tu ne voudras plus de moi assez rapidement. J'suis un peu un idiot. »

« Je ne sais pas si ça arrivera, » admit-elle avec une petite voix. « Je t'aime vraiment, vraiment, beaucoup, tu sais. »

« Je sais, » dit-il avec sympathie. « Ça doit courir dans votre famille, parce que pour une raison bizarre, ça semble aussi être le cas de Louis. Par contre, votre mère me méprise. Ça fait un peu foirer cette théorie. Mais tu sais, tu n'es pas obligé de ne plus m'aimer. Je ne peux rien faire pour toi qui te rendras heureuse ; même si j'en ai l'envie, ça ne serait pas correct, tu es trop jeune. Je sais à quel point les gens détestent entendre ça, crois-moi, c'est aussi mon cas. Mais c'est la vérité. »

« Ça ne te dérange pas si je traîne avec vous ? Vraiment ? J'ai pas beaucoup d'amis. Tu serais vraiment d'accord si je sortais avec vous parfois ? »

« Bien sûr que oui ! Je ne suis pas méchant. Zayn aime faire semblant de l'être, ne lui dit pas que je t'ai dit ça – mais il ne l'est pas non plus. »

Il lui sourit, et elle tenta de lui rendre – puis elle jeta ses bras autour de lui et l'étreignit, enfouissant son visage dans son épaule et soufflant, doucement, comme si toute la tension s'échappait d'elle en ce long souffle traînant.

« Merci, Harry, » marmonna-t-elle.

« Tout le plaisir est pour moi, chérie. »

**

Ils raccompagnèrent Felicite chez elle parce que Louis ne voulait pas qu'elle reste toute seule dans le noir, et ils l'aidèrent à se glisser par la porte arrière sans se faire remarquer, une ruse que Louis avait secrètement maîtrisée pendant des années (il s'agissait de baisser la poignée puis de la relever brusquement, et d'ouvrir doucement la porte pour que les vieilles charnières ne grincent pas.) Ils avaient sans aucun doute l'air d'un groupe bizarre ; un garçon mince avec les cheveux bouclés et les bras tatoués, son copain svelte et compact, leurs mains entrelacées, et toujours à quelques pas devant eux pour pas qu'elle n'ait à les voir se trouvait Felicite, un nouveau printemps dans ses pas. Sa tête était toujours légèrement baissée, elle semblait toujours un peu triste, mais elle n'était plus aussi abattue, à présent. La laque avait été retirée de ses cheveux à coups de brosse, les laissant tomber dans son dos de façon épaisse et soyeuse. Toute trace de maquillage avait été gentiment effacée par les mains expertes d'Harry. Sa jupe avait été déroulée afin d'être à une longueur que Jay accepterait et elle portait l'un des cardigans de Louis boutonné jusqu'en haut pour cacher le fait que son chemisier était un peu trop petit et la collait de façon inappropriée. C'était à présent une opération de camouflage, mais Louis avait caché des choses à sa mère pendant assez longtemps pour devenir raisonnablement bon à ça.

Lorsqu'ils atteignirent la maison et dirent au revoir à Felicite, ce fut rapide et calme, n'ayant pas beaucoup de temps pour échanger des civilités. La menace d'être découvert par la mère de Louis trainait une fois de plus au dessus d'eux, sombre et pleine de tension, la déception épaississant l'air – mais Louis prit quand même le temps d'étreindre fortement sa petite sœur alors qu'elle se tenait sur la pointe des pieds sur le pas de la porte arrière. Essayant d'être plus grande, d'avoir l'air plus âgée, se sentant apparemment toujours impuissante. Il espérait que ce ne serait plus le cas. Il l'embrassa sur la joue, un remerciement silencieux qui, il savait, l'aurait embarrassé s'il l'avait dit à haute voix devant Harry, puis elle agita timidement sa main vers ce dernier. Lui lançant son sourire parsemé de métal mais charmeur, Harry la salua également de la main, une petite agitation théâtrale de ses doigts destinée à la faire rire. Apparemment, le fait que Harry joue un rôle où il était trop gay pour jeter un second regard sur Felicite rendait cette dernière beaucoup plus à l'aise à propos de toute cette histoire, et Harry le faisait tout à fait magnifiquement, les poignets mous et tout, sans même donner l'air que ce soit arrangé. Il se moquait sans vergogne du stéréotype gay mais, en même temps, il ne donnait pas l'impression de se moquer, et Louis, qui était conscient que certaines de ses manières et habitudes étaient souvent vues comme étant 'un peu gay', appréciait ça.

Felicite pouffa aimablement à ses pitreries, puis Louis démontra son talent en ouvrant merveilleusement silencieusement la porte. Il avait rarement eu à l'occasion d'utiliser la ruse, mais dans son enfance, il avait gagné beaucoup de parties de cache-cache de cette façon, avec sa capacité à se faufiler à l'intérieur de la maison sans que personne ne l'entende. Maintenant, il pouvait empêcher héroïquement sa petite sœur d'avoir des problèmes. Certes, il se sentait un peu mal t'utiliser son talent d'une manière légèrement malhonnête, mais quelle était la chose la plus gentille à faire, sauver Felicite d'avoir des ennuis en la laissant se débrouiller, ou que Jay les massacre tous les trois en se rendant compte qu'ils avaient effectivement passé la soirée ensemble ? Cette question ne méritait même pas d'avoir de réponse, réellement.

Sa sœur disparut dans la maison et Louis ferma la porte derrière elle, soupirant de soulagement. Son souffle se transforma en fumée dans l'air froid, lui rappelant les cigarettes que Zayn avait fumé par la fenêtre de chez Harry quelques nuits auparavant parce qu'il faisait trop froid pour que l'instinct maternel de Anne ne l'autorise à sortir fumer sur le porche, mais sa haine pour l'odeur de cigarette l'empêchait de le laisser fumer correctement à l'intérieur. Louis respira à nouveau, observant la brume créée par son souffle peindre l'air, se souvenant la façon dont lui et ses sœur avaient l'habitude de s'imaginer être des dragons par temps froid lorsqu'ils étaient plus jeunes, à la façon dont il avait l'habitude d'essayer de faire des anneaux de fumée et dont il n'avait jamais tout à fait réussi. Il essaya à nouveau, pinçant ses lèvres en une moue, inspirant et expirant et ressemblant clairement à un poisson rouge. Après un moment de confusion, Harry se moqua discrètement de lui, puis souffla un parfait anneau de fumée. Louis fit la moue.

« C'est pas juste. J'te déteste. T'es bon à tout. »

« Pas à tout. Et tu m'aimes. » Harry fit à Louis un petit sourire en coin à la Edward Cullen (d'accord, il avait lu Twilight, tout simplement par curiosité, et il devait admettre qu'il y avait quelque chose de mignon à propos de la version fictive, bien qu'il n'était pas sûr de la façon dont il pouvait penser ça, avec lui étant pansexuel et tout). Mais il disparut plutôt rapidement, et Harry sembla un peu inquiet. Tripotant anxieusement l'un de ses nombreux colliers et faisant tourner un pendentif en argent encore et encore entre le bout de ses doigts, il demanda, « N'est-ce pas ? » Et il eut l'air véritablement inquiet. Comme s'il croyait réellement qu'il y ait une chance que Louis réponde non. C'était assez insultant, en fait, qu'il doute toujours de lui après tout ce temps.

Mais Louis ne lui dit pas que c'était en quelque sorte un peu décevant pour lui que, pour une raison quelconque, il pouvait y avoir dans la tête de Harry la moindre pensée où Louis ne l'aimait pas vraiment. Qu'il y avait peut-être un grain, une molécule, un atome de l'être de Louis qui ne se souciait pas plus d'Harry que de sa famille ou de lui-même ou de Dieu ou de n'importe qui d'autre, ou toutes ces choses en même temps. Qu'Harry ne se rende pas compte que tout le monde tomberait en ruines, emportant l'univers dans sa chute, si celui de Louis était perturbé dans son orbite pendant une seule seconde. D'une certaine manière, Harry était son soleil, sa lune, sa terre, sa mer, son ciel, son tout – mais contrairement à la plupart des personnes qui signifiaient tout pour quelqu'un d'autre, il semblait apparemment encore l'ignorer.

Pourtant quelque chose en Louis lui suggérait qu'exprimer tous ces sentiments les ruinerait. S'il disait à Harry que le soleil se levait lorsqu'il ouvrait sa bouche couleur framboise et se couchait lorsqu'il la fermait, que les étoiles éclairant ses ténèbres venaient de ses yeux, que chaque souffle qu'il prenait aurait tout aussi bien pu être l'Alléluia à cause de la beauté que c'était pour lui, et que chaque battement de son cœur contre son oreille, lorsqu'il posait sa tête sur le torse de Harry, était comme la mélodie de sa chanson préférée, et puis la signification derrière toutes ces choses serait perdu. Il y avait certaines choses qui étaient anéanties lorsqu'elles étaient exprimées à haute voix, qui pouvaient être totalement vraies mais sonner fausses et prétentieuses lorsqu'elles étaient dites, et toutes ces émotions semblaient faire l'affaire. Alors il ne disait rien.

Il se tenait toujours sur le pas de la porte arrière de la maison de sa mère, où il venait de dire au revoir à Felicite. Harry était un niveau plus bas, sur le sol mais toujours plus grand que lui, alors Louis se mit sur la pointe de ses pieds et attrapa Harry par le devant de son pull. Ses manches étaient toujours remontées et Louis pouvait voir la chair de poule sur sa peau, les fins poils hérissés, ses tatouages ressemblant plus à de simples formes dans la nuit. Des mots illisibles, une fleur indiscernable, tout était perdu dans la nuit – leur identité, leur sens, tout ça. Mais Harry n'était pas perdu dans la nuit. Harry était irréductiblement omniprésent, ne le quittant jamais, ne faiblissant jamais. Louis n'avait plus de souffle pour pouvoir faire des anneaux de fumée même s'il avait su comment faire, et si ça avait été un film ou un dessin animé, il aurait pu tordre ses lèvres pour souffler l'approximation brumeuse d'un cœur bancal.

A la place, il embrassa Harry sur la bouche.

Alors voilà où il en était, embrasser l'amour de sa vie sur le pas de la porte de sa mère, le garçon avec qui il avait été interdit d'être et de qui il ne pouvait pas s'imaginer s'éloigner, mais ce n'avait pas l'effet d'une claque dans la figure, comme s'il brandissait d'un air suffisant sa désobéissance sous le nez de sa mère. Il n'avait pas embrassé Harry à cet endroit pour contrarier sa mère, bien qu'elle le méritait probablement. Non, la seule raison pour laquelle il avait embrassé Harry Styles dans son ancien jardin, après avoir furtivement raccompagné sa sœur d'une boîte de nuit sans que sa mère ait le moindre soupçon, était parce qu'à ce moment précis Harry Styles méritait d'être embrassé. Et Louis avait envie de l'embrasser.

Il se demanda si Niall et Zayn étaient également en train de s'embrasser à cet instant. Ou de coucher ensemble. Il se demanda si sa mère se posait les mêmes questions à propos de lui et Harry et ça le fit sourire, et il espérait en quelque sorte qu'elle sache. Encore une fois, pas parce qu'il voulait s'exhiber à ce propos, ou pour prouver qu'il en avait honnêtement rien à faire de ce qu'elle pensait mais parce que, même si elle était en colère contre lui et pensait qu'il avait fait quelque chose de dégoûtant et de mal, c'était sa mère. Il était plus extatiquement heureux qu'il ne l'avait jamais été, et ça valait toutes les disputes, tous les mensonges et toutes les souffrances pour cet instant-ci, parce qu'il était enfin heureux dans sa vie, satisfait de qui il était et de la direction que sa vie était en train de prendre. Tout était tellement extraordinaire qu'il aurait pu en pleurer – et il était heureux, et il pensait qu'elle voudrait peut-être le savoir.

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