Chapitre 11

Louis était tellement distrait, sa tête si profondément dans les nuages, qu'il ne pensa même pas à agir contrit lorsqu'il entra chez lui. Quand il déboula à travers la porte d'entrée, avec vingt minutes de retard, les mains dans les poches, ses lacets défaits, en sifflant bruyamment, les cheveux en désordre et les yeux pétillants, ce fut pour trouver sa mère en train d'attendre au pied de l'escalier avec les bras croisés, l'air renfrogné. Il sautilla sur le seuil, claqua la porte derrière lui, et s'exclama, « Bonsoir ! »

La mâchoire de sa mère se décrocha. Pendant un moment, Louis ne comprit pas son choc, incapable d'identifier ce qui aurait pu le causer – mais ensuite, il lécha anxieusement ses lèvres, sa langue effleura l'anneau en métal, et sa gorge devint sèche à cause de l'angoisse grandissante lorsqu'il se rendit compte de ce qu'elle était en train de fixer. Sa mère le regardait avec une horreur abjecte, ses yeux écarquillés, sa bouche bée de dégoût. Elle toucha ses propres lèvres avec le bout de ses doigts comme si elle pouvait y sentir le métal, pendant que sa main libre s'agrippait frénétiquement au crucifix en argent pendant autour de son cou. Le cœur de Louis battait contre son propre collier, identique au sien, alors qu'il l'observait avec prudence, essayant de juger sa prochaine réaction.

Jay lécha ses lèvres. « Où étais-tu ? » chuchota-t-elle.

Il dut retenir une grimace ; ce n'était pas la question à laquelle il s'était attendu, ni celle à laquelle il pouvait facilement répondre. Si elle avait attaqué avec des questions à propos du piercing, il aurait probablement pu les détourner avec une histoire à faire pleurer – entre autres, les principaux prétendants à son mensonge étaient que c'était pour la charité et qu'il en avait été le parrain, que c'était un faux qu'il portait pour faire une blague (bien que celle-ci pouvait facilement être réfutée et l'exposerait immédiatement si elle essayait de l'enlever) ou qu'il l'avait fait pour un projet de sociologie à l'école, pour voir comment les gens réagiraient différemment face à lui avec un piercing – mais cette question n'était pas celle pour laquelle il était préparé à faire face, et il était plus qu'un peu à court de mots.

« Ecoute, avant que tu commences à paniquer – » commença-t-il, sa tête tournant alors qu'il fouillait frénétiquement dans les options que son cerveau essayait de lui fournir comme étant le mensonge le plus diplomate et approuvé par les parents –

« . Étais-tu ? » Elle avait l'air d'être sur le point de commencer à hurler, tremblant de partout, ses jointures blanches alors qu'elle serrait la croix en argent pendant autour de son cou, clairement pas d'humeur pour l'une de ces faibles échappatoires que Louis aurait pu lui donner, ni dans le genre d'humeur où il pourrait la séduire avec un sourire et lui proposer de lui faire une tasse de thé. Prudemment, il recula légèrement, dans l'espoir d'échapper à l'aura de colère s'enflammant doucement qu'il pouvait sentir frémir autour d'elle, mais ses yeux se durcirent, et il put voir que sa nervosité évidente avait, plutôt, seulement aggravé les choses. Il lutta contre l'envie de jurer. Ça ne serait pasparticulièrement d'une grande aide.

« Dehors... avec des amis, » dit-il faiblement. C'était la vérité.

Il devait essayer, mais bien sûr, il savait qu'elle n'allait pas le laisser s'en sortir aussi facilement. « Quelsamis ? »

« Tu ne les connais pas. » C'était son premier mensonge. Elle connaissait que trop bien le garçon avec les cheveux bruns foncés et dans tous les sens, les yeux verts pétillants cerclés par un épais trait noir, les dessins spectaculaires et les citations singulièrement encrés sur ses bras pâles.

« Tu ne les as pas rencontrés à l'école, je suppose. »

« Non, » acquiesça Louis. Définitivement pas. Son proviseur préférerait s'immoler – lui et l'école – par le feu plutôt qu'accepter que Harry pose un pied dedans.

« Ni à l'église. »

Admettre qu'il fréquentait quelqu'un qui n'était pas un pratiquant régulier serait probablement l'une des pires choses qu'il aurait pu dire, et la meilleure façon d'aspirer à un long et ardu discours de sa part, à propos du fait que montrer sa foi était l'une des choses les plus importantes qu'une personne pouvait faire et d'à quel point c'était mal de ne pas aller à l'église, alors Louis dit rapidement, « Ils ne vont pas à notre église. » Encore une fois, ce n'était pas directement un mensonge. S'il omettait de mentionner que ce mystérieux ami n'avait été dans une église, de tout genre, depuis l'âge de quatorze ans et était quasiment interdit de le faire, alors ce n'était pas un mensonge – il taisait simplement quelques détails de l'histoire.

« Alors, où as-tu rencontré ces amis, si ce n'est pas à l'école ni à l'église ? Tu ne vas nulle part – ou du moins, tu ne le faisais pas. On dirait que tu n'es jamais à la maison ces dernières semaines... » Elle songea, puis revint à elle-même avec une saccade, le regardant suspicieusement.

Si possible, Louis voulait éviter le sujet d'où il passait tout son temps ces jours-ci – le moins de mensonges il pouvait raconter, le mieux ce serait. Il n'appréciait pas du tout cette supercherie. Et il n'aimait pas devoir cacher des choses à sa famille – ils étaient fermés d'esprit, souvent désagréables et vigoureusement ignorants, refusant même d'essayer de comprendre le point de vue des autres personnes (ayant, lui-même, une fois partagé ces valeurs, il les reconnaissait facilement et se sentait un peu écœuré), mais c'était quand même sa famille. Il les aimait, même s'il ne les appréciait plus particulièrement. Ce fut pourquoi il dit sincèrement, sans passer par une réponse qui serait plus susceptible de la satisfaire et réduire le nombre d'ennuis qu'il avait, même juste un tout petit peu, « Au magasin de musique. »

« HMV ? »

« Oui, HMV, pourquoi est-ce important ? Quels autres magasins de musique y-a-t-il ? »

Elle croisa ses bras sur la défensive. « Il y a... il y a cette petite boutique près de la librairie ! »

« Maman, » dit Louis impatiemment, « ils vendent des vinyles. »

« Ne change pas de sujet ! Qu'est-ce que tu veux dire par, tu les as rencontrés au magasin de musique ? Avais-tu prévu de les rencontrer là-haut à l'avance ? »

« Non, » dit Louis, luttant pour garder son sang-froid sous contrôle bien que son irritation mijotait étroitement sous la surface, devenant rapidement de la colère alors qu'elle arrivait à ébullition. « On était tous les deux au magasin en même temps, cherchant le même CD. On a parlé du groupe et puis – » il s'est précipitamment enfuit du magasin pour aider une vieille dame qui avait besoin d'aide tandis que j'ai couru comme un lapin dans l'autre direction parce que j'avais peur de lui « – on a parlé d'autres choses, comme l'école et tout, et on s'est rendu compte qu'on avait beaucoup de points en commun – » J'ai découvert que j'avais un énorme béguin pour lui et qu'on aime tous les deux les garçons, et il m'a appris à ne pas être un connard à ce sujet « – alors on est en quelque sorte devenu amis, vraiment. On traine assez souvent ensemble maintenant. » Je vais chez lui, on écoute de la musique que tu n'approuverais pas et si tu les entendais tu irais probablement chercher de l'eau bénite pour la jeter sur les membres des groupes. On traine avec ses amis dans des endroits où tu ne voudrais même pas y être vu morte, puis on retourner chez lui et on s'embrasse pendant que sa mère me propose de la tarte et me traite comme si j'étais son deuxième fils, bien que toute notre famille soit toujours horriblement rude avec elle. Oh, et je viens juste de le sucer. Cette dernière pensée rendit Louis très nerveux ; bien qu'il se soit regardé dans les fenêtres de chaque voiture garée à côté desquelles il était passé sur le chemin du retour, il était toujours paranoïaque qu'il puisse y avoir une sorte de tâche révélatrice autour de sa bouche ou sur son haut ou autre. Il se lécha les lèvres avec inquiétude.

Continuant de le regarder spéculativement, Jay fronça des sourcils, clairement perdue dans ses pensées. Tout d'un coup, ses yeux s'écarquillèrent d'excitation, et elle demanda, « Est-ce une fille ? »

Il ne put pas s'en empêcher ; il ricana. Sa mère avait sauté sur la conclusion évidente – et correcte – qu'il avait une relation secrète avec quelqu'un. Grâce aux pronoms neutres et son utilisation obstinée de 'les' plutôt que 'le', il avait une opportunité pour se cacher derrière cette petite-amie imaginaire et il espérait également pouvoir repousser les soupçons sur 'ses mauvaises fréquentation'.

Le côté négatif, cependant, était que s'il saisissait cette chance et marchait là-dedans, la berçant de fausses espérances et faisant semblant qu'il y ait une petite-amie secrète dans l'équation, non seulement elle serait en colère qu'il ait négligé de lui en parler, mais elle exigerait aussi de la rencontrer. Ce qui signifiait que Louis serait obligé de trouver une fille acceptant de supporter l'examen de contrôle de ses parents, de se faire passer pour sa petite-amie et de maintenir le masque pendant une durée de temps prolongée pour les satisfaire, venant à des centaines de sorties familiales, assistant à des repas et des rendez-vous fixés par sa mère afin de juger si la fille était assez 'appropriée' pour Louis. Il pouvait aussi l'imaginer interroger longuement la 'petite-amie' sur ses croyances religieuses, refusant de la laisser revenir sur la pas de leur porte si elle n'était pas une catholique rigoureuse, et exigeant de rencontrer ses parents seulement quelques jours après l'avoir elle-même rencontrée.

Ajoutant à cela le fait qu'il n'y avait en fait aucune fille, et que ses parents n'avaient personne à terroriser jusqu'à ce qu'elle s'enfuit en criant et laissant leur précieux petit garçon tranquille, il était presque sûr que c'était une terrible idée.

« Non, ce n'est pas une fille, » dit-il avec lassitude.

Elle sembla soulagée, mais déçue en même temps. « Eh bien, alors qui – »

Louis la coupa abruptement, fatigué de ses questions. Sa bouche était douloureuse, et il en avait marre d'éluder les questions et de devoir se justifier à chaque petite décision, comme avec qui il décidait de passer du temps et ce qu'il choisissait de faire sur son propre visage. « Ecoute, on est vraiment obligé de faire ça maintenant ? Je suis fatigué, ma bouche me fait mal, je suis vraiment pas d'humeur pour ça pour le moment – »

« Oh ! » s'exclama-t-elle. « Oh, alors ta bouche te fait mal, hein ? Tiens donc. Qui aurait pensé que – que se faire percer un énorme trou à travers la lèvre et qu'avoir un immonde morceau de métal dans ce même trou pourrait possiblement faire mal ? Je n'y aurais jamais pensé, hein ? » Son air était aigri. « Je suppose que ce n'est pas la peine de te demander si c'est un vrai ou non ; je peux le dire rien qu'à l'expression sur ton visage. »

« C'est un vrai, » dit Louis avec un étrange sentiment de satisfaction.

Elle secoua sa tête, fermant momentanément ses yeux, puis elle leva une main vers son visage. Instinctivement, Louis recula, de peur qu'elle puisse le frapper, mais elle prit simplement en coupe son visage rouge avec sa main froide, caressant sa joue avec le bout de son pouce. Elle portait du vernis à ongles rouge foncé et plusieurs bagues en or à ses doigts, ce qui lui fit penser à Niall, et il dut résister à l'envie de repousser sa main avec un frisson de dégoût. Il n'était pas entièrement sûr de pourquoi, mais il détestait la sensation de ses mains froides sur lui, lui donnant désagréablement la chair de poule et le faisant grincer des dents. En comparaison avec le toucher léger et chaud de Harry, le contact peau contre peau avec sa propre mère était répugnant – Louis fut presque choqué par l'intensité de son dégoût. Comment pouvait-il la détester ? C'était sa mère. Elle avait toujours été comme sa meilleure amie.

Mais, se rappela Louis, elle l'avait aussi nourri avec une stigmatisation toxique, lui apprenant la discrimination, versant de vilains mots et des sentiments cruels dans son esprit, le remplissant jusqu'à ras bord, jusqu'à ce que, non seulement, il croit en ses paroles aussi fortement que si elles étaient la Bible, mais également qu'il la suive aveuglément comme un disciple, répétant comme un perroquet tout ce qu'elle lui avait appris et en y croyant implicitement. Se souvenant des horribles choses qu'il avait dites et entendues dire sur Harry avant qu'il ne commence à se rendre compte qu'il y avait plus dans le monde que ce que sa mère disait, il rougit de colère, et l'envie de repousser brusquement sa main augmenta en lui, moins qu'une démangeaison demandant à être grattée et plus qu'un désir désespéré qu'il pouvait à peine retenir. Louis prit de profondes et lentes respirations par le nez et lutta pour se calmer – oubliez le mijotage, il était bien sur le point de bouillir à présent, sur le point de déborder.

« Qu'est-ce que tu as fait, espèce d'idiot ? » demanda-t-elle doucement. « Comment as-tu pu te faire ça ? As-tu vu de quoi tu as l'air ? » Tournant autour de lui, elle le tira en face du miroir dans le couloir et fit un geste vers son reflet. « Regarde l'état dans lequel tu es ! »

Il se regarda avec intérêt. C'était la vision la plus claire qu'il avait eu sur le piercing de toute la journée, et il passa un long moment à fixer son propre visage et essaya de juger de quoi ça avait l'air – de quoi ilavait l'air. Sa conclusion fut qu'il avait l'air moins vulnérable qu'avant. Les cheveux dressés sur sa tête – ébouriffés dans tous les sens par les mains de Harry – les joues rougeoyantes, ses yeux bleus grands et spéculatifs, et puis bien sûr, il y avait la lueur froide du métal nichée sur sa lèvre inférieure, contrastant bien contre son teint halé, donnant un peu un air moqueur à sa bouche alors qu'il semblait être rempli de mépris sans faire le moindre effort. Haussant un sourcil, Louis taquina le piercing avec sa langue et apprécia la nouvelle expression légèrement cynique sur son visage. Il avait l'air courageux, fort, le genre de garçon qui pouvait tenir tête aux critiques et aux opinions sectaires de sa mère sans y réfléchir à deux fois. Confiant, sûr de lui – pour la première fois, il eut l'impression de pouvoir faire preuve d'empathie envers le besoin de Harry de porter ses piercings et son eyeliner ; il avait déjà compris, mais maintenant il comprenait. Debout à côté de sa mère, il n'était plus le Louis qui avait passé cette porte ce matin-là, et il pensait qu'elle le savait tout aussi bien que lui, ce qui expliquerait certainement pourquoi son visage s'était vidé de toutes ses couleurs et qu'elle semblait si inquiète.

Louis lutta contre l'envie de sourire à son reflet.

« J'espère que tu vas l'enlever maintenant. » Louis se tourna pour lui faire face alors que Jay tendait sa main, attendant qu'il laisse tomber l'anneau en métal dans sa paume. Ce n'était pas une demande.

Il déglutit, pensa à Harry et son aura de confiance clame, et il essaya de la copier. N'était-ce pas ce dont tout ça était question, de toute façon ? Imiter aveuglément Harry pour essayer de gagner une partie de la confiance en soi qui semblait lui venir si naturellement, mais Louis savait qu'il lui avait fallu des années pour construire l'armure presque impénétrable qu'il portait aujourd'hui.

« Non, » dit-il doucement.

Jay haussa ses sourcils. « Pardon ? »

« Je... Je ne vais pas le retirer. Je ne veux pas. »

« Je me fiche de ce que tu veux ou non. Je suis ta mère et je te dis de retirer ce truc ridicule de ta bouche tout de suite ! »

« Non. »

« Enlève-le ! »

« Non. »

Elle semblait un peu hystérique. « Enlève-le tout de suite, Louis, ou alors aide-moi à – »

Chaque phrase autoritaire avait été une autre pièce de son armure, la construisant autour de lui. « Tu ne peux pas m'y obliger. »

Saisissant le crucifix autour de son cou comme si elle essayait de conjurer le mal, Jay cria, « Tu crois que t'es plein d'esprit, hein, avec tes réponses vives ? Je suppose que tu te crois intelligent. Dieu te punira pour ta désobéissance – »

« Maman, je pense vraiment que Dieu se fout d'un minuscule piercing à la lèvre. »

C'était la mauvaise chose à dire. Son regard s'assombrit, et avant que Louis puisse faire le moindre pas en arrière, elle leva sa main et le gifla au visage.

Ce n'était pas une gifle gentille – si une telle chose existait – elle y mit toute la force de son corps dedans, à tel point qu'il chancela sous son intensité, ses oreilles bourdonnant. Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle le frappe physiquement, il n'avait pas eu le temps de se défendre ou de reculer, et c'était le choc plus qu'autre chose qui fit apparaître des larmes dans ses yeux, l'une d'elles le trahit en roulant le long de sa joue. Touchant sa joue brûlante, il poussa un petit cri. Son armure ne l'avait pas défendu contre ça.

Mais il se consola tout seul, même l'armure de Harry avait des fissures. Il en avait trouvé plusieurs de lui-même.

« Sors ! » hurla-t-elle.

Désorienté, Louis eut du mal à se concentrer sur elle à travers ses yeux larmoyants, clignant des yeux pour retenir ses larmes. « Hein ? » Sa voix craqua au milieu de la syllabe, et il se détesta d'avoir l'air si faible tout d'un coup.

« Je ne veux pas de ce blasphème dans cette maison ! Sors ! »

« Tu plaisantes. »

« Dégage ! »

« Il fait nuit dehors ! »

« Dégage ! »

« Mais – où vais-je aller ? »

« Pars ! » cria-t-elle.

Ce fut le ton sévère qui fit finalement sortir Louis de sa stupeur vertigineuse et le fit enfin bouger. Titubant vers la porte, il l'ouvrit brusquement et fila comme une flèche, se hâtant dehors dans un mouvement de panique et courant à toute vitesse dans la rue, de la même façon qu'il l'avait fait plus tôt, rempli d'excitation et luttant contre un sourire. A présent, ses pieds battaient lourdement le sol et ses joues étaient humides alors qu'il courait aussi vite qu'il pouvait loin de sa mère, se tenant sur le pas de la porte, ses cris de banshee furieuses le suivant dans la rue et griffant ses oreilles comme un animal sauvage qui se serait accroché à sa tête et ramperait dans son esprit, le déchirant en lambeaux de l'intérieur.

Sorssorssorssorsdégagesorssorssorssorsdégagesorssorssorssorsdégagesorssorssorssorspars

Louis était parti.

**

« Il l'a baisé, » déclara Zayn.

« Tu crois ? » demanda Niall avec un enthousiasme évident, fixant Harry la bouche ouverte.

Ils étaient assis dans l'aire de jeux du parc municipal, vide d'enfants à cause de l'obscurité qui recouvrait la ville comme un manteau, et vide des autres adolescents simplement à cause de leur présence. Ils faisaient fuir les autres personnes de leur âge comme s'ils étaient un genre de repoussant à adolescents contre lequel seuls eux trois étaient immunisés ; quelques minutes après leur arrivée dans une pièce, un parc ou n'importe quel endroit en général, il n'y aurait plus personne. C'était parfois utile. C'était parfois amusant. D'autre fois, c'était tout simplement ennuyeux, mais aujourd'hui, ça l'était, et Harry était tout aussi prêt à être agacé par ça qu'il l'était à l'ignorer.

Aujourd'hui, Niall portait une chemise bleu ciel, un pantalon serré noir fait d'un tissu qui semblait suspicieusement être du lycra (bien qu'il ignorait les regards en coin de Zayn et Harry et leurs ricanements, refusant de leur dire si oui ou non ils avaient raison), une veste en cuir abimée, huit bagues en argent et des bottes-plateformes noires avec des boucles et des chaînes en argent. Des parties de ses cheveux étaient toujours teint en rouge pétant, et il portait de l'eyeliner bleu au lieu du noir.

Zayn avait considérablement atténué son style aujourd'hui, optant pour un pull noir confortable, un jeans noir, un assortiment de colliers et des Converses noires, mais il avait plus que compensé par les tourbillons argentés qu'il avait dessiné autour de ses yeux, avec ce que Harry supposé être un eyeliner argent, et forçant ses cheveux à se relever encore plus que d'habitude, fiers et hauts.

Harry les regarda tous les deux avec tendresse, amusé par leur fascination évidente pour sa vie sexuelle ou son absence – pas que l'un des d'eux semblait penser que la sienne était en fait inexistante. Il avait une cannette de Monster dans une main, et il prit doucement une gorgée, remarquant qu'ils l'observaient comme des loups enragés, suppliant presque pour des ragots. « Un gentleman ne raconte jamais, » dit-il nonchalamment.

Niall avait l'air déçu et Zayn dit, « C'est juste une façon vraiment petite pour dire qu'il l'a fait. »

Haussant des épaules, Harry dit avec suffisance, « Eh bien, je voudrais pas me vanter, mais... il sait comment utiliser cette excellente bouche à bon escient. Disons simplement que s'il décide, un jour, de recommencer à vomir cette merde de je-suis-supérieur-à-toi et Jesus-va-te-punir, je saurai que la meilleure façon de le faire taire est de mettre ses magnifiques lèvres autour de ma queue. » Quelques secondes plus tard, frappé, il dit, « C'était très probablement la chose la plus misogyne que j'ai jamais dite dans ma vie, et je le retire. Ne lui dite pas que j'ai dit ça, hein ? »

Niall était resté bouche bée, mais il la ferma et dit, « Ecoute, mec, s'il a posé ses lèvres autour de ta queue en premier lieu, il me semble qu'il est allé trop loin pour se soucier que tu t'en vantes. Qu'est-ce qu'il se passe, de toute façon ? Il est chrétien, non ? Je pensais qu'il était censé garder sa vertu comme un faucon et repousser avec un bâton géant toutes opportunités de coucher ! »

Harry haussa des épaules. « Louis n'est pas comme ses parents. » N'est plus. Après avoir passé autant de temps avec et lui et l'avoir observé changé, se détendre pour devenir ce gars facile à vivre, drôle et sans préjuger qu'il était maintenant, Harry ressentait un étrange sentiment de fierté en sachant qu'au moins une partie de ce changement était due à lui.

« Ouais, tu me l'as dit. J'ai rencontré sa mère dans East Street 'y a environ deux semaines – c'est une vrai sorcière, sérieusement. Elle m'a lancé le regard le plus dédaigneux depuis l'autre côté de la rue et s'est mise à tenir ses sachets tout contre sa poitrine, et quand elle m'a vu la regarder, elle m'a fixé comme si j'étais quelque chose de dégueulasse collé sur sa chaussure et s'est précipité dans la direction opposée, comme si elle était en train de sucer un citron. Sorcière. » Zayn cracha avec véhémence sur le sol, faisant grogner Niall et Harry de dégoût.

« T'es dégoûtant, » l'informa Niall. « J'peux pas croire que je te laissais faire ça dans ma bouche. »

« Quand est-ce que j'ai craché dans ta bouche ? »

« Se rouler des patins, partager notre salive, c'est le même concept, mec. T'es dégueulasse. Je suis bien content de m'être débarrassé de ça. »

« Tu m'aimes vraiment, » dit Zayn en laissant trainer sa voix, haussant ses sourcils et prenant une gorgée de sa propre boisson énergisante.

« Il marque un point, Zayn, t'es assez dégueulasse, » dit Harry aimablement, puis le bruit de pas lourds les firent s'arrêter.

C'était dur de voir quoi que ce soir dans la faible lumière du soir, mais ils purent à peine apercevoir les contours d'une silhouette s'avançant vers eux dans l'obscurité, traversant l'herbe en courant comme s'elle était pourchassée par des loups. Ils se redressèrent tous les trois de leurs balançoires, fronçant leurs sourcils et plissant des yeux pour essayer de mieux voir. La respiration du coureur était hachée et il semblait être en train de sangloter, étouffant de petits bruits à travers ses dents alors qu'il courait vers eux, et la voix leur était familière. Il fallut environ une minute à Harry pour trouver d'où il connaissait ce son, gardant surtout en tête qu'il ne l'avait pas entendu dans n'importe quel genre de détresse depuis des mois et même qu'il avait été assourdi, plus restreint. C'était brut et incontrôlé, et alors que Louis sortait de l'obscurité avec ses cheveux encore plus désordonnés qu'ils l'étaient quand il était timidement sorti de la chambre de Harry plus tôt, il était clair qu'il avait pleuré.

Harry fut debout en un instant, faisant plusieurs pas en avant, la bouche ouverte sous le choc, mais avant de pouvoir se rapprocher d'un centimètre, Louis s'écrasa contre lui, leurs corps entrant en collision avec une telle force que Harry chancela et tomba presque en arrière, se rattrapant au cadre de la balançoire pour ne pas qu'ils ne basculent par- dessus. Avec un faible sanglot, Louis s'accrocha à lui et enfuit son visage dans son torse, pleurant sans retenue.

C'était effrayant, et la peur s'infiltra dans la voix de Harry alors qu'il demandait en état de choc, « Louis ? »

Il leva sa tête, ses yeux bleus noyés par les larmes. Tout son visage était rouge sauf une empreinte de main blanche se trouvant sur sa joue, contrastant totalement avec le reste. Horrifié, Harry l'attrapa par les bras et le tint fermement, le supportant, mais Louis tremblait comme si ses genoux étaient quand même sur le point de se dérober sous lui.

« Louis, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Est-ce – est-ce que tes parents ont découvert ? » Il n'avait pas besoin de spécifier quoi. Il avait peur, pas pour lui mais pour Louis – il l'avait redouté, que Louis puisse se retrouver acculé dans un coin où il était incapable de prendre une décision entre Harry et sa famille parce qu'ils l'y avaient forcé, lui crachant leur stupide dégoût à la figure.

« Non, » dit Louis misérablement, « mais ils auraient tout aussi bien pu. »

Enfouissant son visage rouge et blanc dans le haut de Harry, il laissa couler plus de larmes, suintant à travers le tissu et réchauffant la peau de Harry comme des gouttes de pluie brûlantes. Harry passa bêtement une main le long de son dos, essayant de le calmer, mais sa tête tournait alors qu'il cherchait à comprendre ce qui aurait pu se passer pour bouleverser autant Louis, et comment il avait pu recevoir la marque sur son visage. Etant complètement perdu, il décida de simplement demander.

« Qu'est-ce qui est arrivé à ton visage, Louis ? »

Relevant sa tête, Louis lui fit un sourire bancal. Instinctivement, Harry posa sa main froide sur la marque brûlante sur le visage de Louis ; sa peau avait refroidi du fait d'être à l'extérieur et ça apaisa la brûlure de sa chair due au coup comme un sac de glace. « Il semblerait que ma mère n'apprécie pas beaucoup les piercings, » dit Louis, luttant pour faire sonner sa phrase de façon moqueuse et échouant misérablement.

Harry était consterné. « Elle a fait ça à cause de ta lèvre ? »

« Elle l'a fait parce que j'ai dit que Dieu se foutait de ma lèvre. Apparemment c'est un blasphème, si toute fois, Dieu se soucie des piercings, des habits et de la sexualité des personnes, hein, alors je suppose que quelqu'un ferait mieux de réécrire la Bible et d'y mettre à la fin une liste de toutes les choses dont on a pas tort de croire que Dieu aime ou n'aime pas, parce que je semblerais avoir mis mes priorités dans le mauvais ordre. »

Grinçant des dents, Harry dit, « Louis, c'est de la maltraitance. Tu le sais, hein ? »

« Oh, non. Elle me punit pour avoir désobéi à Dieu, donc c'est la volonté de Dieu, tu vois ? Ce qui signifie que c'est parfaitement normal. » Sa voix tremblant avec ce que Harry supposait être une combinaison entre le choc et la colère, Louis continua avec sarcasme, « la dernière fois que Dieu avait apparemment décidé que j'avais besoin d'être puni était lorsque j'avais douze ans, mais je suppose que cette règle s'applique toujours. »

« C'est foutrement psychotique. Elle ne peut pas dire ça ! Qu'est-ce qui ne va pas chez elle ? Elle ne peut pas blâmer Dieu lorsqu'elle te frappe ! »

« Eh bien, c'est pas grave. Elle me punit pour mes pêché, tu te souviens ? Je suppose que si je me repens, alors elle peut me battre à mort et ça n'importera pas – au moins j'irai au paradis, » dit amèrement Louis.

« Putain. » Harry caressa la joue de Louis avec le plus doux des contacts dont il était capable, puis il attrapa son visage dans ses deux mains et déposa un baiser sur sa bouche. « Je peux pas croire que tu la laisses faire ça. »

« Qu'est-ce que tu voudrais que je fasse, hein ? La gifler ? La repousser, ou la frapper en retour ? J'ai fait la bonne chose à faire – je me suis enfui. Pas qu'elle m'aurait laissé le choix, mais je n'ai pas essayé de lutter contre elle. Je me suis dit que ce serait mieux de m'éloigner avant qu'elle ne me jette à bras-le-corps hors de la maison. »

« Non, tu aurais dû – tu devrais – oh, j'sais pas ! » Harry l'étreignit fermement, puis il se souvint seulement de Zayn et Niall, assis sur les balançoires derrière eux, ébahis par eux deux. Il posa sa joue sur l'épaule de Louis pendant un moment, avant d'inspirer profondément et de se retourner, son bras enroulé autour de la taille de Louis. « Regardez-le, » dit-il, impuissant, et Zayn et Niall le firent simplement, se rendant compte avec dégoût du visage rougi et au bord des larmes de Louis, ainsi que de l'empreinte de main blanche immaculée sur sa joue.

Il y eut un long silence, puis Zayn dit avec véhémence, « J'ai dit que c'était une sorcière. »

« Hé, attention, » claqua Louis, « c'est ma mère. »

« C'est la femme qui vient de te frapper au visage putain. Je ne la défendrais pas si j'étais toi – tu ne lui dois rien. »

« Elle fait partie de ma famille, » déclara Louis, impuissant.

« Ouais, elle agit vraiment comme tel. Ecoute, mec, je comprends, vraiment. C'est ta mère. Mais elle te frappe, elle te jette à la rue, et pour quoi ? Rien. Ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas rationnel. Il manque une case à cette femme. Elle a besoin d'aide psychiatrique. »

« Merci pour ton évaluation psychiatrique, Docteur Malik, mais tout va très bien avec sa tête. Elle est juste sérieusement, sérieusement, fourvoyée. Elle a une façon vraiment tordue de voir les choses, mais elle n'est pas cinglée. »

Zayn ouvrit sa bouche pour montrer son désaccord, mais Harry lui lança un regard d'avertissement vicieux. Il était d'accord sur le fait que la mère de Louis était à court de sandwiches pour un pique-nique (et elle avait probablement empoisonné ledit pique-nique pour en donner à quiconque qu'elle désapprouvait) mais ce n'était pas le moment de se disputer à ce sujet. Louis tremblait, avait froid, semblait n'avoir nulle part où passer la nuit et n'avait aucune idée de quoi faire. Harry n'allait pas le laisser s'attarder dehors alors que ce dont il avait vraiment besoin était une bonne nuit de sommeil et, à ce qu'on dirait, de manger. Il avait été mis dehors avant d'avoir eu la chance de manger quelque chose.

« Où vas-tu passer la nuit, chéri ? » murmura-t-il contre son oreille, son propre piercing envoyant un frisson le long de la colonne vertébrale de Louis alors qu'il effleurait son lobe.

« Je... je sais pas, » dit Louis en tremblant. Ses yeux se remplirent avec plus de larmes d'inquiétude. « Oh, mon Dieu, je ne sais pas où aller, ou – ou quoi faire – »

« D'accord, d'accord, calme-toi pendant une seconde. » Harry l'étreignit une nouvelle fois, et Louis enfuit avec gratitude son visage dans son cou. « Tu peux venir à la maison avec moi, hein ? Maman pense que le soleil brille depuis ton cul, elle ne m'en voudra pas. »

« Je – je n'ai pas de pyjama, ni de brosse à dents, ni – ni – » Louis bredouillait follement, semblant à la limite de l'hystérie. Les évènements de la soirée l'avaient perturbé, et il n'était pas habitué à prendre des décisions rapides et impulsives. Ne pas pouvoir prévoir quelque chose à l'avance le déconcertait.

« Louis. Je suis sûr qu'on peut trouver un pyjama et une brosse à dent en plus. » Embrassant la courbe exposée de son cou, Harry lui rappela doucement avec un murmure contre sa peau, « Tu n'as vraiment nulle part d'autre où aller. Maman ne m'en voudra pas de t'avoir hébergé pour la nuit ; elle te trouve génial, tu le sais. Allez, c'est bon. Tout va bien se passer. Respire pour moi, Louis, tu comprends ? Respire. »

Après quelques respirations tremblantes, Louis pinça fermement ses lèvres ensemble. « D'accord, » dit-il faiblement.

Harry frotta son dos encore un peu, puis regarda par-dessus son épaule vers Zayn et Niall, qui étaient toujours bouche bée. « J'ai bien peur qu'on va devoir interrompre notre réunion entre filles ce soir, mesdemoiselles. A plus les branleurs. »

Ils commencèrent à marcher, mais dans une tentative malheureuse de détendre l'atmosphère, Niall fit un geste obscène avec ses doigts tout en remuant ses sourcils, et Zayn tira sa langue et la tournoya de façon séductrice dans les airs. Dans des circonstances normales, Harry aurait rigolé – si rien qu'un seul d'entre eux l'avait fait, il aurait quand même pu rire. Mais la situation était telle que Harry leur fit à tous les deux un doigt d'honneur, remerciant Dieu que Louis ne l'ait pas vu, et il resserra son emprise sur Louis alors qu'il se dirigeait hors du parc et vers chez Harry.

**

« Je sais que c'est un peu à la dernière minute, mais s'il te plaît, maman, il n'a nulle part d'autre où aller. Sa mère l'a foutu à la porte et il n'a aucune idée de quoi faire ; t'as vu dans quel état il est ! »

Louis éclaboussa son visage avec plus d'eau froide et frémit en écoutant les mots de Harry, déambulant dans le couloir. Il observa son reflet dans le miroir et toucha anxieusement l'empreinte sur son visage, qui était à présent complètement devenue écarlate alors que le reste de son visage avait retrouvé sa couleur normale. L'aura de confiance temporaire qu'il avait gagné avait à nouveau disparu, laissant place au bon vieux Louis apeuré et facilement dominé, à l'exception de l'effet secondaire qu'était une bonne dose de dégoût de soi laissé dans son sillage. Harry avait raison ; il aurait faire quelque chose, pas forcément riposter, mais peut-être prendre position, lui montrer qu'il n'avait pas peur. Puis elle n'aurait pas su quoi faire. Il y avait seulement tant de fois où elle aurait pu le frapper, non ? Maintenant, elle avait juste toute une nuit, et peut-être encore plus, pour être encore plus en colère, pour retourner son père et ses sœurs contre lui, pour trouver un nouveau plan pour faire en sorte que quand il reviendrait en rampant, elle écrase tout autre tentative de résistance. Fermant ses yeux, Louis sentit une larme couler d'en dessous de ses paupières closes ; aggravé par la trahison, il l'essuya rageusement.

« Je ne comprends toujours pas ce qu'il s'est passé, Harry – pourquoi l'a-t-elle mis à la porte, qu'est-ce qu'il a fait ? »

« Moi-même, je n'ai pas encore totalement compris, » admit Harry. « Je suis pas entièrement sûr que Louis l'ait lui-même compris. Je pense que personne ne sait vraiment ce qu'il se passe dans la tête de cette femme. Mais il ne peut pas y retourner, du moins pas ce soir, et il a peur, est fatigué et il a juste besoin d'un endroit où rester. S'il te plaît, maman. Je lui ai promis qu'il pourrait rester ici ce soir. »

« Ce n'est pas que je ne veux pas de lui ici, Harry, c'est juste que tu sais qu'on est en train de redécorer la chambre d'amis, et celle de Gemma est absolument interdite aux invités ; elle deviendrait folle si quelqu'un était entré dedans. Je ne sais pas où on va pouvoir le mettre... »

« Il peut dormir avec moi dans mon lit, » dit Harry avec assurance.

Louis put presque sentir l'amusement irradier de Anne lorsqu'elle dit, « Combien de temps allez-vous vraiment dormir, cependant ? »

Louis rougit et il était pratiquement sûr que Harry aussi.

Mortifié, Harry bégaya, « Je – quoi – q-qu'est-ce – »

« J'ai aussi eu seize ans, tu sais, » lui rappela-t-elle, « Je sais ce que j'aurais fait si je partageais un lit avec mon petit-ami pendant la nuit – »

« Je – on – Maman ! »

« Tout ce que je dis, c'est que je n'ai absolument aucun problème avec ça, mais le fait est que les adolescents ont... eh bien, je sais comment sont les ados, c'est tout, et je doute que les très stricts parents catholiques de Louis soient susceptibles de le laisser revenir chez eux s'ils savent que vous... tu sais... l'avez fait. Sans oublier qu'ils me crucifieraient s'ils savaient que je vous ai laissé faire ça – dans ma maison. »

Rouge d'embarras, Louis ferma ses yeux. Il était presque sûr qu'il préférerait retourner directement chez lui, passer la porte d'entrée et que sa mère lui donne une autre marque assortie sur son autre joue plutôt que continuer à écouter Harry et sa mère parler de sa vie sexuelle avec ce dernier.

« Maman, » dit sèchement Harry, « je te donne ma parole que tout ce que Louis et moi ferons dans mon lit ce soir est dormir. Ecoute, je vais dormir dans la chambre de Gem, alors. Ou je dormirai sur le sol. Peu importe. »

« Ne sois pas stupide. Tant que tu peux me promettre qu'il n'y aura rien de pas catholique – »

Harry grogna. « Bien. Il n'y aura rien de 'pas catholique', maman. » Louis pouvait très bien imaginer les guillemets qu'il avait fait avec ses doigts autour des mots. « Juste dormir. D'accord ? »

« Bon garçon. » Il semblerait qu'elle lui tapota le dos, puis elle disparut dans les escaliers, laissant Louis s'éventer pour tenter de se calmer et se demander comment il allait bien pouvoir les regarder à nouveau dans les yeux.

**

Il passa la nuit dans le lit de Harry, l'un de longs bras de ce dernier enroulé autour de sa taille pendant qu'ils étaient blottis l'un contre l'autre et Louis tenait la main libre de Harry, jouant nerveusement avec ses longs doigts. Il ne dormit pas beaucoup cette nui-là, cependant la chaleur réconfortante du corps de Harry le fit se sentir comme il l'aurait dû. Harry avait essayé de le calmer pour qu'il s'endorme en faisant de doux cercles sur sa hanche, murmurant dans ses cheveux et le tirant le plus proche possible de lui afin que son dos se fonde contre son ventre, et à la fin Louis s'était légèrement détendu, faisant croire à Harry qu'il s'était endormi et peu de temps après, il arrêtait et commençait à ronfler dans l'oreille de Louis. (C'était un beau son, pas un ronflement rocailleux comme celui de sa mère ou une respiration irritante comme son père ; Louis pensait que ça ne le dérangerait pas de s'endormir avec un ronflement doux et rassurant comme ça, toutes les nuits pour le reste de sa vie). Mais une bobine de tension était toujours nouée comme de grosses chaînes dans son ventre, il lutta donc pour avoir plus d'une ou deux heures d'affilée d'un sommeil troublé avant de se réveiller en sursaut à la sensation d'un troupeau de papillons dans son ventre, ayant tous un couteau et poignardant vicieusement la muqueuse de son estomac, pas assez fort pour lui faire insupportablement mal mais assez pour le garder tendu et éveillé, écoutant les ronflements de Harry pour essayer de se calmer à nouveau.

Lorsque le matin arriva, Louis eut envie de se rendormir. Il savait que ce qu'il était sur le point de faire était lâche, mais et alors ? C'était un lâche au fond. Après avoir attendu huit heures (il jugea que c'était une heure raisonnable), il retira le bras de Harry de sur lui, s'assurant de ne pas le réveiller. Après un moment d'hésitation, il plaça un oreiller à l'endroit où son corps s'était trouvé pour que à l'esprit inconscient de Harry ne remarque pas son absence et provoque son réveil. Il sortit en rampant et en silence du lit de Harry, puis il attendit en retenant son souffle pour voir si son mouvement avait perturbé le garçon endormi.

Marmonnant et s'agitant dans son sommeil, Harry soupira de contentement et enfuit son visage dans le coussin, et Louis fit un petit sourire à la vue avant de retirer le pyjama qu'il avait emprunté. C'était un pyjama Batman, beaucoup trop petit pour le garçon bouclé qui dormait paisiblement dans son lit, mais de toute façon Harry avait teint les petits cercles jaunes vifs, et Louis supposa qu'il n'aimait pas particulièrement Batman mais avait simplement voulu, quand il était encore à la bonne taille, un pyjama avec des chauves-souris dessus.

Maintenant, bien sûr, Harry dormait en boxer, quelque chose que Louis savait très bien après avoir senti la peau nue de son torse contre lui pendant toute la nuit.

Il remit son jeans et son haut de la veille, froissés comme ils l'étaient, et glissa ses pieds dans ses espadrilles. Puis, déglutissant, Louis tendit une main à sa bouche, regardant son reflet dans le miroir de Harry pour pouvoir voir ce qu'il faisait. Son image l'arrêta net, alarmé ; il avait une ecchymose assez importante sur une joue, environ de la taille d'une pièce de deux livres, de couleur violacée et douloureusement évidente en contraste avec le reste de son visage. Déglutissant, Louis la sonda, grimaça puis secoua sa tête et détourna à nouveau son attention vers sa bouche.

Il lui fallut plusieurs minutes à tâtonner avant de réussir à détacher le petit anneau argent de sa lèvre, mais une fois fait, il le fit rouler dans la paume de sa main pendant une minute ou deux avant de le poser sur la table de nuit. Après un moment d'hésitation, il s'avança vers le bureau en désordre de Harry, trouva un morceau de papier et un stylo, puis il retourna vers la table de nuit.

Il griffonna sur la feuille de papier.

Merci.

Puis, après un moment de réflexion, mordillant sa lèvre (qui était déjà bizarrement vide sans l'anneau), il ajouta,

Désolé.

Posant l'anneau au dessus du morceau de papier, il prit une profonde respiration, regarda Harry puis quitta la pièce, descendant doucement les escaliers et espérant que quelqu'un soit déjà en bas pour déverrouiller la porte et ne pas devoir remonter pour demander à Anne de le laisser sortir. Ça pourrait être un peu gênant.

Heureusement, la porte était déverrouillée lorsqu'il essaya de l'ouvrir. Avant de pouvoir agir correctement et de s'arrêter à cause des protestations et des sentiments de décence traversant son cerveau, avant de pouvoir se souvenir à quel point c'était ingrat et impoli de partir comme ça, sans même dire au revoir, avant de pouvoir réfléchir à comment il venait de trahir le garçon qui avait l'air tellement paisible et vulnérable dans son sommeil, avec son eyeliner étalé partout et sa garde baissée, et à comment ce garçon se réveillerait en sursaut, confus et blessé lorsqu'il découvrirait qu'il y aurait un occupant de moins dans son lit que lorsqu'il s'était endormi, Louis sortit en se dépêchant. Il referma prudemment derrière lui et commença à marcher le long des rues, les mains dans les poches et la tête baissée. Il ne put se retourner par honte.

S'il l'avait fait, il aurait vu Anne en train de le regarder à travers la fenêtre de la cuisine, secouant sa tête et exprimant sa compassion envers lui alors qu'il disparaissait au coin de la rue.

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