Chapitre 6-1 : Fuite dans la forêt
Attention ! Ce chapitre comporte une scène violente
( Région Centre 2 septembre 21 h 52)
Pendant que Galilée hésitait, partagée entre son allégeance à BMI et son envie de porter secours à sa sœur, Chloé et Tonton Raoul sont passés à l'attaque.
Résultat : cinq légionnaires exécutés et un décurion à moitié assommé. Hélas ! Ce dernier a pu appeler du renfort...
Arrivée après la bagarre, Galilée ne peut que constater la mort de ses frères d'armes. Au comble de la fureur, elle s'empare d'un M16 et fonce à la poursuite des meurtriers.
Chloé
ZZZZZ ! Les éclairs volent sous les nuages et nous fuyons à travers le potager. BRAOUM ! Le tonnerre gronde tandis que dans mon cerveau en désordre, les images des prétoriens que j'ai brûlés laissent la place à celle d'un homme vu de haut. Il court aussi vite qu'il le peut, un fusil à l'épaule et une petite fille accrochée à son cou.
— Cramponne-toi-Si-tu-tombes-c'est-fini-Jamais-tu-ne-pourras-le-suivre...
Tonton me fait passer par-dessus la grille du jardin, l'enjambe à son tour, m'attrape la main et m'entraîne derrière la haie. Plié en deux, il souffle comme un ballon qui se vide.
— T'es prête ? il me demande.
Je regarde le champ qui nous fait face, plus long qu'une piste d'avion, puis la forêt, loin, loin, au bout. Je sais que jamais on y arrivera, et pourtant, je lui dis oui avec la tête.
— Alors, on y va !
Je lui saute sur le dos et il s'élance. Ravi d'être arrivé à temps pour assister à la fin de nos aventures, l'orage laisse échapper ses premières gouttes de pluie. Toi, le Tueur de Mondes qui habites le ciel, qu'est-ce que tu attends pour l'obliger à faire tomber sa foudre sur les Méchants ?
TAK TAK TAK ! Les Rangers de Raoul rebondissent dans le champ. VLAN ! Des portières claquent devant la maison de mamie. SKRSSHH ! Les pieds légers du prétorien qui nous pourchasse accélèrent derrière nous.
Celui-là, je le sens, il est du genre têtu...
— Attention !
Mais le vent qui vient de se lever emporte mon cri. Tonton trébuche sur la pierre que j'ai voulu lui signaler et perd l'équilibre. Je tombe par-dessus son épaule, le nez dans l'herbe. MIAOU ! Nestor gémit en venant se coucher à côté de moi. Voyageur, c'est le super-pouvoir d'être invisible que tu aurais dû me donner !
Ou alors, celui de voler...
— Tu t'es fait mal ? tonton me demande.
Je gémis un tout petit « non » en me relevant. Lui, il est déjà debout et il a les mains en l'air. Il a les mains en l'air !
Le cœur battant comme une balle de ping-pong, je m'accroche à sa jambe, puis risque un œil devant nous, histoire de voir quel nouveau danger on va devoir affronter.
Une Femme-Caméléon... Qui nous vise avec un fusil presque aussi grand que moi.
Arrrgh ! Je me cache derrière tonton. Dommage que je me recharge encore moins vite que la BMI électrique de mamie ! Si mes doigts avaient pu s'allumer, cette soldate aussi mince qu'une asperge, je l'aurais vite fait transformée en merguez...
— 3,0, tu as réussi à les arrêter. Tu es bonne à quelque chose, finalement !
Ayant reconnu la voix du méchant qui a giflé maman, je me mets à trembler, comme Nestor sous la pluie. Pourquoi est-ce qu'il est toujours vivant, ce gros costaud ?
— Parce-que-tu-n'as-pas-réussi-à-le-tuer !
Fermant les yeux, j'essaie d'imaginer mon corps tout lumineux et des flammes en train de danser le long de mes bras. Sauf que je suis tellement épouvantifiée que j'arrive pas à me concentrer.
— Quant à toi, le petit monstre, le prétorien m'interpelle, tu vas gentiment planquer tes poings derrière ton dos et sortir de ta cachette.
L'Impérial a parlé si méchamment ! Encouragée par un long et lourd grondement de tonnerre, je m'avance, en regardant droit devant moi, la silhouette de mon ennemi, illuminée par les éclairs. Planté dans l'angle de la haie, j'ai l'impression que ce grand héros a les chocottes à cause de moi !
— C'est bien, il ajoute alors que je me suis avancée de quelques pas. Maintenant, tu te mets à genoux. Et tu ne bouges plus !
Même si l'herbe aussi sèche que les poils d'un balai me gratte ma peau nue, j'obéis. Une vraie petite fille modèle...
Me voyant si tranquille, si effrayée, si innocente, le prétorien se décide enfin à quitter son abri. Mais ce qu'il a pas remarqué, c'est que mon super-chat mutant est venu se coucher contre moi.
— 3.0, il dit à sa soldate, ce M16, ce n'est vraiment pas une arme de femme. Alors, tu vas vite me le refiler avant qu'il ne te tombe des mains.
Vexée, la prétorienne serre si fort son fusil que ses doigts blanchissent. Non, sale macho, mon bijou, jamais je te le remettrai !
— Qu'est-ce que tu croyais ? son chef continue. Que j'irais gentiment récupérer les menottes anti-Altérés sur le corps de Red pendant que toi, tu te pavanerais, la bouche en cœur, auprès du centurion sous prétexte que cette capture, c'est uniquement grâce à toi ?
S'étant rapproché de tonton, il ramasse l'arme qu'on lui a volée et la pointe vers lui.
— Cinq des nôtres, il grogne, tu as descendu cinq des nôtres.
— Ils l'avaient mérité, il répond, ils s'en étaient pris à ma famille.
À cran, le décurion lui colle le canon de son fusil sur le front. Sentant mon défenseur en danger, Nestor bondit sur l'Homme-Caméléon. Ses griffes se plantent dans sa combinaison tandis que ses pattes arrière essaient de lui taillader les fesses.
Sauf que l'uniforme du BMI est increvable et que le décurion est un vieux de la vieille !
Il se retourne brusquement, décroche son attaqueur avec sa main gauche, le lance en l'air et – bang ! – il lui tire dessus.
Touché au côté, mon pauvre chat se retrouve projeté au loin et retombe lourdement dans les hautes herbes parmi lesquelles il disparaît.
Nestor.
Mon cri se bloque au fond de ma gorge.
Je veux me lever pour essayer de suite de le soigner mais mes jambes refusent de bouger.
— Non-C'est-mieux-ainsi-L'Impérial-te-tuerait-aussi-Non-Non-Non-Non !
Aurait-il décidé de tous nous punir et de raser le village ? L'orage se déchaîne dans un fracas de fin du monde et la pluie s'abat si fort sur nous qu'on se croirait sous une cascade.
Au moins, grâce à elle, personne remarque les larmes qui inondent mes joues.
— Je plaide coupable, tonton déclare quand le décurion le force à s'agenouiller à mes côtés, mais épargnez ma mère et ma sœur, elles n'ont rien fait de mal.
L'Impérial éclate de rire comme si son prisonnier avait lâché la blague du siècle. Je regarde son crâne tout rouge et plein de sang. Le lustre l'a pas raté.
— Elles ont hébergé un terroriste et une Altérée. César, dans son extrême mansuétude, les condamnera peut-être seulement aux travaux forcés. Il a tout un Empire à reconstruire...
Dans mon dos, mes pauvres petits poings inutiles se serrent de rage. Voyageur, aide-moi ! Voyageur...
— 3.0, le décurion interrompt ma prière, qu'est-ce que tu fous encore là ?
Je fixe la prétorienne. Son gros fusil. Sa combinaison noire qui lui serre les lolos. Et ses yeux brillants qui me défigurent sous son casque.
De grands yeux noisette complètement perdus.
Un poids immense s'enlève de mes épaules et même si je sais qu'il s'agit d'une grosse bêtise, je peux pas m'empêcher de gémir son nom.
— Galilée !
Son chef, qui a pas son oreille dans sa poche, sursaute tellement qu'il manque en lâcher son arme.
— Comment cette gosse...
PAN ! Une formidable détonation déchire la nuit. Le voilà projeté en arrière au moment où son crâne explose. SPLASH !
— Barrez-vous ! la prétorienne ordonne, la voix dure et froide. Je vous couvre...
Tonton se le fait pas dire deux fois. Il se penche, passe un bras sous mes genoux et je me retrouve la tête à l'envers, le ventre contre son épaule, sa grosse main refermée sur mes fesses m'empêchant de tomber.
Tandis que je m'accroche du mieux que je peux à son tee-shirt, il récupère son fusil et recommence à courir vers la forêt.
Mon regard se fixe sur le cadavre. Le gros méchant décurion. Moins le haut de sa tête...
Maman. Mamie. Nestor.
Mon pauvre chat qui est mort tout seul.
De peur de vomir, je m'oblige à regarder loin devant. Notre maison bouge doucement, au rythme de notre fuite et des éclairs qui rayent les nuages.
Soudain, ma vision se ratatine comme sur des jumelles.
Galilée.
Je vois plus qu'elle au bout du champ. Galilée, cachée au coin de l'abri de jardin. Galilée, cramponnée à son fusil. Galilée, prête à éliminer le premier Homme-Caméléon qui s'en prendra à moi. Même si c'était son ami...
PAN !
Le prétorien qui vient de sauter la barrière s'écroule.
PAN !
Son collègue tourbillonne sur lui-même et dégringole, la tête dans les sapinettes.
PAN ! PAN !
Les deux soldats qui ont osé pointer le bout de leur nez à l'angle de la haie tombent à leur tour.
PANPANPANPANPAN !
Sous les éclairs qui arrosent le village de leur lumière, la colère de ma nouvelle amie explose en un long cri affreux. La soldate tire, tire et tire encore, interdisant ainsi à ses anciens copains de se lancer à notre poursuite.
Mais ils sont si nombreux et si puissants ! Pas du tout le genre à s'avouer vaincus. Alors, bien entendu, ils font feu à leur tour.
Les détonations résonnent, encore plus fortes que les roulements du tonnerre.
BANG ! TATAATATA ! TACATACATA !
Je ramène mes mains vers ma tête et m'enfonce mes petits doigts dans les oreilles.
Sauf que le bruit de la canonnade retentit toujours dans mon crâne pareil au hurlement aigu des Créateurs du Voyageur quand ils ont compris que c'était la fin.
Galilée.
Elle va mourir, comme Nestor, comme papy, comme...
Un flash plus lumineux que les autres déchire soudain le ciel. L'espace d'une seconde, la campagne prend une drôle de couleur bleu électrique. Celle du Tueur de Mondes.
Puis tout s'éteint, me donnant l'impression d'avoir été dévorée par un monstre des abîmes.
Dans l'attente de la prochaine illumination, je bloque ma respiration.
Sauf que la nuit reste noire. Comme si mon Papa du ciel avait forcé l'orage à la mettre en veilleuse afin de nous aider dans notre fuite.
Les tirs se taisent.
J'avale une bonne bouffée d'air. Berk ! Il sent trop la pluie et la poudre.
— T'es si gentil ! je remercie le Voyageur. Tu pourrais pas te débrouiller aussi pour ressusciter Nestor à ma place et pour que maman...
Tonton se stoppe si brusquement que ma tête vient rebondir contre son torse.
Au moment où il me pose au sol, le vent qui roule dans la plaine me tombe dessus, tel le souffle empoisonné d'un démon.
Toute tremblante de peur et de froid, je fixe la forêt qui se dresse devant nous, aussi épaisse et terrifiante qu'une mer d'encre.
— Courage, mon têtard, on y est !
Il me prend la main, me tire le long d'un chemin, puis m'entraîne dans des broussailles à travers lesquelles il me force à avancer même si elles m'abîment mes habits et me déchirent la peau.
D'un coup, mon sauveur s'arrête, me pousse derrière de petits arbres, puis se met accroupi à côté de moi. Il souffle tellement qu'on dirait un bouledogue...
Pile à ce moment, les éclairs recommencent à arroser la forêt de leur lumière. Tonton me défigure. Il a de la lave plein ses yeux.
— Cette prétorienne, il grogne, comment ça se fait que tu la connais ?
J'ouvre la bouche pour lui expliquer l'alambic, Greg et les otages, quand un craquement inquiétant se fait entendre, un peu plus loin, sans doute sur le chemin.
Un sanglier ? Un loup ? Ou bien un Homme-Caméléon ?
Alors que tonton s'installe en position de tir, visage concentré et doigt crispé sur la détente, je me ratatine contre le sol, telle une saucisse trop grillée.
Le bruit d'une branche brisée résonnant dans la nuit, j'active d'instinct mes yeux de super-héros.
Mon cœur s'arrête, puis dégringole au fond de mon ventre.
Là-bas, loin à travers les branches, j'ai vu les ténèbres bouger. J'ai vu les ténèbres bouger !
Ni une ni deux, je me lève et, malgré le regard furax de mon sauveur, j'écarte les grosses feuilles qui me cachent.
Il y a quelque chose, sur le sentier. Une silhouette tout en hauteur qui approche, approche... Et qui s'immobilise, juste au niveau de là où on est cachés !
— Foutus civils de merde ! l'ombre rouspète. Pourquoi vous êtes encore là ? Vous tenez tant que ça à vous faire trouer la cervelle ?
Tandis que mon cœur repart, battant à l'allure d'un petit moteur, un énorme sourire étire mes lèvres.
Galilée.
Cette fille est vraiment plus rapide qu'un rêve.
Je bondis hors de notre abri et me suspends à sa main. Celle qui tient pas son M16.
— Vous attendiez quoi ? elle s'excite. Qu'un trou noir apparaisse dans cette saloperie de bois et vous entraîne dans son vortex ?
Je me tourne vers elle, les yeux ronds comme des planètes. Pas comme Vénus, non... Plutôt comme Jupiter. Je la connais parce que le Voyageur me la montre souvent, quand je dors.
— Mais t'es qui, toi ? tonton s'énerve dans mon dos. Une putain de ninja ?
Il sort du buisson ; ses genoux craquent quand il déplie sa grande carcasse de grand costaud.
— Pas exactement, mon amie répond, mais tu brûles !
Sans attendre sa réponse, elle fait volte-face et, manquant m'arracher le bras, elle m'entraîne plus loin dans les fourrés.
— Il nous faut absolument décarrer d'ici, elle déclare. Mes collègues vont pas tarder à se réveiller.
Tout en trottinant derrière elle, j'écoute le tonnerre. Il est reparti, lui aussi. Pourtant ses grondements sonnent mieux maintenant, ils me semblent beaucoup moins désolés.
— Dans votre malheur, Galilée continue, vous avez de la chance que mes compagnons d'armes soient bien moins performants que moi. Et qu'on leur ait ordonné de ramener la petite vivante !
D'un coup, mes jambes deviennent toutes molles et je m'écroule par terre. Tandis que tonton me relève, les yeux de la prétorienne se posent sur moi. On dirait deux étoiles tristes tombées du ciel.
Cette fois, c'en est trop.
Je me mets à pleurer, tel le petit bébé que je pourrai plus jamais être.
Mon sauveur me passe son bras autour de l'épaule. On se remet en marche. Si nos chaussures écrasent des feuilles mouillées, des branches mortes et des ronces bien vivantes, Galilée, elle, se déplace tout en souplesse, comme un fantôme.
— Enfoirés d'Impériaux ! tonton jure. Ils l'ont fait. Ils l'ont vraiment fait ! Et moi qui traitais ce pauvre Jake de parano...
Sa voix était si en colère ! Une horrible douleur s'éveille dans ma poitrine et se déverse jusque dans mon ventre comme une coulée de neige emplissant mes entrailles.
— Ils lui ont volé ses spermatozoïdes pour s'adonner à leurs expériences de merde. Et tout ça, à cause de ses gênes bizarroïdes...
Galilée se stoppe si brusquement qu'on la tamponne.
— Toi, elle dit à Raoul, t'es trop mignon quand ta mâchoire pend jusqu'au sol. Ça se saurait, si l'Empire était une œuvre de charité !
Tandis qu'il se recule, un peu effrayé, elle enlève son casque. Dans la lumière des éclairs, sa figure me fait tout bizarre. On dirait que la soldate essaie de comprendre qui elle peut bien être et ce qu'elle fait là.
— Alors, c'est ça, hein ? Jake est mon père et Chloé, ma demi-frangine ?
Mon cœur se met à battre comme un drapeau pirate. Une sœur. J'ai une sœur. Mais pourquoi est-ce que papa m'en a jamais parlé ? Et c'est quoi cette histoire d'expérience et de sperm...
— En tout cas, tonton reprend, tu es son portrait craché. Tu as ses yeux, sa bouche et son nez improbable. Même la rage qui t'habite est identique à la sienne...
— Et ma mère ? la jeune femme le coupe, sa voix semblable à la mienne quand j'ai un gros chagrin. T'as pas une idée de qui elle est ?
Au moment où il secoue la tête, l'air désolé, de grands cris se font entendre, suivis de détonations trop horribles.
Un long frisson de peur me dégouline dans le dos. Les Hommes-Caméléons. Ils ont pas renoncé...
********************
Tonton Raoul, Chloé et Galilée semblent vraiment en mauvaise posture !
Vont-ils pouvoir s'en sortir ?
Suite, samedi 13 novembre
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