Chapitre 5-4 (a) : Joséphine
( Sud Quercy 15 juillet 22 h 16)
Parti ramené des touristes à Agen, Samuel a mis la main sur un camion rempli de vivres. Ayant sauvé une jeune vendeuse d'un braquage, il a également rapporté de nombreux cadeaux à Jo, sa petite amie avec laquelle il vit une liaison tumultueuse, d'autant plus que la pulpeuse Daphné ( la copine de Jesse, l'ex-grand amour de Liam) s'immisce de plus en plus entre eux....
Je m'assieds au bord de la piscine et lorgne du côté de Sam. Obnubilé par la conversation qui se tient là-bas du côté des adultes, il n'a même pas remarqué mon arrivée.
Bien sûr, quand j'ai lancé l'idée de la fête, il y a deux soirs, juste après que nous avons ramené les provisions piquées dans le camion abandonné, je suis passée pour l'écervelée de service.
Tant pis, j'ai l'habitude.
Les fêtes, de préférence légèrement arrosée bien sûr, il n'y a rien de mieux pour créer des alliances, développer des amitiés, cimenter les couples.
Sam m'avait parlé de son projet d'association entre le château et le hameau. Son idée m'avait paru excellente et j'en avais une autre derrière la tête. Je voulais, bien sûr, nous rapprocher des anciens prétoriens. Mais peut-être aussi résoudre le problème Sam ! Je n'ai jamais rencontré un mec aussi insaisissable ! Irrémédiablement lunatique. Définitivement givré. Complètement craquant.
Je médite, l'air innocent, dans la nuit tiède. Depuis que le soleil a disparu à l'horizon, tout respire. On ne devrait vivre que la nuit. Comme les vampires. Peut-être que la légende vient seulement de là ; des journées trop chaudes, de l'imagination qui travaille...
Après le repas, nous nous sommes scindés en trois groupes précis. Les adultes ont commencé à évoquer les problèmes actuels. Les plus petits se sont regroupés pour jouer et les adolescents ont entrepris un bain de minuit.
Nous sommes au nombre de dix, d'âges variés, je dirai de quatorze à vingt-deux ans. Parmi les plus jeunes se trouvent Estelle que je connais depuis toujours, ses parents tiennent la ferme juste à côté de chez moi. Il y a ensuite Florian, le fils cadet de Clément, le sosie, en plus jeune, de son père. Pas mal si on aime le style grande brute aux épaules carrées et au visage grossier ! Plus complexe, c'est Medhi, le fils de Mohammed, le seul client du château qui soit resté. Lui, j'ai du mal à le cerner. Un visage boutonneux, des cheveux frisés, un nez en trompette, une bouche souriante, des yeux malins. Un mec qui ne parle pas beaucoup mais qui semble intrépide et fier. Le style Sam mais en plus jeune. Il y a ensuite Alison et son copain Stéphane qui a eu la permission de passer la nuit avec nous, Jesse et Daphné, et enfin David, un autre jeune employé de l'hôtel. Il a choisi de ne pas partir, tout simplement parce qu'il ne savait pas où aller. Flanqué à la porte à cause de son homosexualité. Et étudiant en médecine. Quatrième ou cinquième année. Discipline fort utile en cas de Fin du Monde a dû juger Clément Adler qui l'héberge gratuitement.
J'examine le groupe des petits. Parmi eux, il y a mes frangins, Louis et Hugo, toujours rivaux, toujours complices. Ils s'amusent à se bagarrer avec leur copain, Killian, le petit frère d'Estelle. Nasma s'est retirée à l'écart et, finaude, les étudie sans trop montrer son intérêt. C'est la jeune sœur de Medhi. Et pour compléter ma liste, les deux benjamins, les adorables jumeaux, Marine et Quentin, cinq ans, qui ne se quittent pas et vivent dans leur propre monde.
Lassée d'observer les humains, je lève les yeux vers le Voyageur. Posé rasibus au-dessus du château, il me renvoie mon regard. Merde ! On dirait trop une aura polluée ce soir !
Et si j'essayais sur lui mon pouvoir de séduction...
— S'il te plaît, tu pourrais pas te débrouiller pour que mon copain s'intéresse enfin un peu à moi ?
Sam étouffe un soupir comme un pneu qui se dégonfle, puis se retourne. Aussitôt, je remonte sur mes seins mon soutien-gorge qui a tendance à glisser et bats des jambes d'une façon plus que suggestive.
Déployant sa grande carcasse bodybuildée, mon soit-disant petit ami se lève et s'avance dans ma direction. Je sais bien ce qui le tracasse, son ego surdimensionné qui ne supporte pas d'être laissé à l'écart par les anciens prétoriens...
— Toi, lui dis-je, la bouche en cœur, tu as besoin d'une bonne distraction.
Empoignant le bas de son tee-shirt, je l'attire à moi et lui plaque un baiser sur les lèvres.
— Ben, souffle-t-il, faudrait faire ça plus souvent !
J'ai chaud soudain et mon cœur s'emballe. Mais je suis satisfaite.
— Viens, suis-moi ! me suggère-t-il en s'emparant de ma main. J'ai des choses à te montrer.
Déconcertée par cette proposition inattendue, je sors d'un bond mes jambes de la piscine, le suis à l'intérieur du château et l'accompagne dans des couloirs sombres. Nous montons l'imposant escalier conduisant à l'étage, puis nous engageons dans un corridor plus étroit. Mes méninges cogitent à cent à l'heure. Me ferait-il marcher ?
Il s'immobilise devant une humble porte.
— C'est ta chambre ? m'étonné-je, sans toutefois oublier d'adopter un ton velouté.
— Pourquoi ? rit-il. Tu vas quand même pas te mettre à jouer les vierges effarouchées !
Je hausse les épaules. J'adore trop les sous-entendus de sa voix rocailleuse.
— C'est juste que je l'imaginais plus grande ! réponds-je. Pour qu'elle puisse vous abriter, toi et ton écrasante personnalité...
Faisant comme s'il n'avait rien entendu, il introduit sa clé dans la serrure, pousse la porte et balaie l'intérieur de la pièce avec sa lampe.
La première chose que je remarque, c'est la montagne de sacs posés sur le lit une place.
Je me fige, tout intimidée, ce qui n'est vraiment pas mon genre. D'autant plus que j'ai l'impression que les paquets se sont mis à bouger pour glisser vers moi. Ils glissent vers moi !
Un courant d'air, sans doute...
Je me secoue, histoire de me ressaisir. Je ne vais quand même pas craquer juste à cause d'un tas de papier-cadeau et d'une illusion d'optique!
— C'est pour moi ? crié-je telle l'ado fofolle que je ne suis pas.
Je n'attends même pas sa réponse, entre et commencer à fouiller. Des petits hauts adorables. Des shorts. Un jean, des sous-tifs et des petites culottes... Ma parole ! Il a dévalisé les boutiques !
— Mais t'as trouvé ça où ?
— À Agen. L'autre jour, j'ai eu le temps de faire quelques courses.
Je ne sais pas ce qu'il entend par là et ne veux pas le savoir. J'arrive à détacher mes yeux, un court instant, des superbes fringues que je suis en train de déballer. Il ne perd rien du spectacle et semble en éprouver un bonheur si intense que cela me fait peur.
Sous son air badin et son sourire provocant, Sam cache-t-il un cœur ?
— Je peux essayer ?
Sans attendre sa réponse, je fais passer mon débardeur par dessus ma tête, saisis un haut, le dos tout ajouré. Les yeux de Samuel s'attarde sur mon soutien-gorge en dentelle rouge ; il s'approche lentement de moi, m'attrape par la taille et me pousse sur le lit. Toutes ses emplettes dégringolent, mais je m'en fiche pas mal. Il m'écrase, pressant, de tout son poids et je réalise que pour la première fois depuis qu'on se connaît, on va faire l'amour dans un lit. Sa bouche devient moins timide maintenant que les adultes ne sont plus là. Il m'enveloppe de ses bras et nos peaux semblent fusionner. Un instant savoureux, où n'existe plus rien que nous deux, Samuel et Joséphine, la chaleur de mon souffle, la vigueur de son corps. Sa main me caresse le dos, se fraye un chemin jusqu'à ma culotte... Au diable le monde, sa fin ou sa survie, au diable les soucis !
Des pas résonnent dans l'escalier ; je sursaute, embarrassée ; c'est que nous n'avons même pas fermé la porte ! OK, d'accord, je suis assez délurée ; mais l'exhibitionnisme, ce n'est vraiment pas mon truc. Les pensées de Sam doivent suivre le même chemin car il se lève tout doucement.
Des murmures étouffés parviennent jusqu'à nous. Je reconnais l'une des voix ; sentant venir le scoop mirobolant, je me redresse, cours en sous-vêtements vers l'entrée et effleure de mon index les lèvres de mon petit ami. Il me regarde, stupéfait.
Les deux intrus avancent vers le fond du couloir. Ils passent rapidement devant notre chambre sans même s'apercevoir de notre présence. La voix mal assurée de Jesse brise le silence.
— T'es sûr que personne nous a remarqués ?
David réplique, d'un ton dont l'amertume me frappe :
— Mais non, les vieux sont occupés à comploter ; les jeunes à draguer et à se bourrer la gueule.
Jesse n'en reste pas là. Décidément, ce mec n'assume pas mais alors pas du tout !
— Et Daphné ? T'es sûr qu'elle s'est endormie ?
La riposte du jeune médecin trahit son agacement.
— Je me demande bien ce qui la tracasse ; elle sort pourtant avec le fils du patron !
Je n'en crois pas mes oreilles. Voilà que Jesse trompe Daphné avec David. Heureusement que Liam n'est pas là, il le crèverait sur place !
— C'est pas vrai, Jesse est pédé ! lance Sam qui vient de comprendre. J'aurais dû m'en douter! Je sentais bien qu'il tournait pas rond, ce mec !
Son homophobie me fait bondir et je lui cloue le bec, en parlant plus fort que je ne devrais.
— Tu peux pas la fermer !
On s'est fait repérer. Le bruit argentin d'une clé tombant sur le carrelage résonne. Les deux garçons sursautent. Samuel réprime un rire moqueur.
— Je t'avais dit qu'il y a quelqu'un ! s'exclame Jesse, angoissé
David n'en peut plus ; sa sentence est sévère.
— Écoute, si vraiment tu dois flipper dès qu'on est à moins d'un mètre l'un de l'autre, y a qu'à en rester là ! D'ailleurs, les cachotteries, les rendez-vous secrets, les tromperies, c'est pas du tout mon style ! Moi, j'assume ce que je suis même si j'en paie le prix chaque jour ! Alors si t'es pas capable d'affronter un père légèrement caractériel, vaut mieux qu'on cesse de se voir.
David tourne les talons et se rue vers l'escalier. Jesse terrassé, reste comme un imbécile, les bras collés au corps devant la porte close de la chambre de son ex-copain.
— Bien fait ! chuchoté-je à Sam.
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