Chapitre 5-3 : Combats chez Chloé

Alors que la petite famille de Chloé s'apprête à fêter la guérison miraculeuse de Tonton Raoul, les prétoriens débarquent. Par chance, la petite fille et son oncle étaient descendus à la cave chercher une bouteille de vin.

Furieux de ne pas trouver l'enfant, les Impériaux interrogent la mère et la grand-mère de l'enfant. Pour protéger sa fille, Zoé affirme aux collègues de Galilée que la fillette est décédée.

 — Tu mens. Si t'avais mis ta môme six pieds sous terre ce matin, tu serais pas en train de dîner tranquille dans ton jardin !

La voix du prétorien était qu'un murmure, mais un murmure dangereux, très dangereux...

— Le pire, un autre ajoute, c'est que tu nous prends pour des imbéciles, et ça, on aime pas du tout.

Une gifle claque dans la nuit. Je lâche un petit cri, comme Harry, le cochon d'Inde de l'école.

Maman.

Sa joue doit maintenant ressembler à un coup de soleil.

Tonton se retourne et me fait signe de redescendre. Évidemment, je me dépêche de le rejoindre. S'il te plaît, Pouvoir du Voyageur, reviens en moi pour m'aider à sauver ma famille !

Une boule d'énergie se forme aussitôt près de mon cœur. Heureusement, parce qu'à l'étage, j'entends un grand remue-ménage, des chaises que l'on bouscule, puis un long hurlement.

— Si tu me dis pas où t'as caché la gosse, je flingue la vieille. Tu as dix secondes pour te décider !

Mon corps frissonne et tous mes poils se dressent, comme si on m'avait lancé de la neige dans le cou et qu'elle me glissait le long du dos.

Mamie.

Ce gros méchant d'Homme-Caméléon va la tuer. Ce gros méchant d'Homme-Caméléon va la tuer !

Tonton m'attrape le bras mais me lâche aussitôt. Il s'est brûlé, ce qui est plutôt bon signe. Il y a tellement d'électricité en moi que j'ai l'impression d'être une pile sur le point d'exploser.

— Pourquoi tu n'obéis jamais ? il rage, son poing serré sur sa bouteille. Va te cacher !

Il a froncé ses sourcils et pincé ses lèvres. Mon cœur s'arrête, puis repart deux fois plus vite.

— Ils ne leur feront rien, ce n'est qu'un malentendu. Je leur offrirai à boire et tout s'arrangera !

Sa voix a tellement tremblé que je me recule. Au moment où il pose sa main sur la poignée, des images du rez-de-chaussée apparaissent dans ma tête.

Ils sont sept. Sept prétoriens.

Non, huit.

Deux qui entraînent maman et mamie dans la cuisine.

Cinq alignés dans la salle-à-manger, comme un barrage humain, avec leurs fusils à la main.

Et un, dehors, qui court à toute vitesse vers la maison.

Je cligne des paupières ; obéissant, le film du Voyageur s'enfuit...

Tonton a éteint sa torche mais vu le rond d'ombre noire qui se découpe dans la lumière autour de lui, je sais qu'il en train de tout doucement ouvrir la porte.

Il a aucune chance.

Je veux le lui dire, sauf que, bien sûr, mes mots s'emmêlent avec ma langue. Je veux m'avancer pour le retenir, sauf que je me sens tout engourdie, comme si on m'avait emprisonnée dans un congélateur...

Je peux que faire pleurer mes yeux.

Trop tard.

Sans même me dire un petit au revoir, il a franchi le seuil.

Tonton.

Je l'aurais sauvé pour rien s'il se fait tuer !

Mon corps prend feu et mon sang se met à bouillir dans mes veines.

Vite ! Je grimpe les marches quatre à quatre, déboule dans le couloir et trottine jusqu'à la porte de la salle-à-manger que Raoul vient de claquer derrière lui.

Je colle mon œil sur la serrure.

La bouche ouverte comme pour crier, je le regarde casser la bouteille sur la tête du légionnaire le plus proche et couper le cou de son copain avec le verre tranchant qui lui est resté entre les mains.

Ça leur apprendra à pas mettre leur casque !

Sauf qu'il en reste encore trois. Un jeune avec une tête carrée, un plus vieux, rasé comme un œuf, et leur commandant, un homme assez costaud pour remplir un camion à lui tout seul

Tandis que les deux premiers attrapent leur attaqueur en sandwich, leur chef le menace avec sa grosse arme. Ainsi prisonnier, tu fais moins le malin, hein ? Dylan, il aurait triomphé.

Tonton.

Le prétorien le fixe avec tellement de méchanceté que la boule d'énergie qui pesait sur mon cœur file droit vers mes mains. Ouiiii ! Vers mes deux mains...

— Chris, conduis les prisonnières aux voitures !

Maman. Mamie...

Mes doigts s'allument comme un feu d'artifice. Ils brillent si fort que toute la pièce s'illumine.

— Tu me donnes la gosse, il annonce, et t'auras peut-être la vie sauve.

Raoul secoue la tête. Dis-lui, s'il te plaît, dis-lui ! Sinon il te tuera et moi, je veux pas que tu sois mort parce que ce sera de ma faute...

— On ne lui veut aucun mal, le gros balèze rajoute, juste la mettre dans un pensionnat avec d'autres enfants Altérés. Pour la soigner...

Tonton lui crache à la figure. Résultat, l'autre le frappe avec son fusil en plein dans le ventre. Si ses deux gardiens l'avaient pas retenu, il serait tombé.

— Et pense aux deux femmes que Chris vient d'embarquer ! T'as envie qu'elles meurent ?

Maman. Mamie.

Je tourne la poignée, ouvre la porte et fais feu, deux flammes filantes, une pour chacun des Méchants qui otage le Gentil.

Bang ! Dans un vacarme infernal, des balles frappent la lourde porte puis la traversent. Trois trous en triangle...

Heureusement, j'ai vu beaucoup de films de police. J'ai donc pensé à courir me réfugier contre le mur juste après avoir tiré.

— Je sais que tu es là ! le seul qui est encore debout crie. Si jamais tu tentes encore quelque chose, je te bute.

Malgré la peur qui enfonce ses barbelés dans ma peau, je lève les yeux vers le bois tout percé. Ce type me baratine. Un soldat qui aurait réellement voulu me tuer aurait pas visé aussi haut !

— Et si jamais tu essaies de t'enfuir, l'Homme-Caméléon continue, je descends toute ta famille.

Mes jambes ayant complètement ramolli en Nutella fondu, je me jette par terre. Qu'est-ce que je suis nulle ! Un vrai super-héros aurait dégommé tous les Méchants d'un coup. Et ça, sans même dépenser la moitié de son énergie.

Moi, je me sens toute vide. J'ai absolument plus aucune force.

Après avoir rampé sur le carrelage, je regarde sous la porte, par le petit intervalle. Le prétorien le plus jeune, je l'ai frappé dans le dos. Ainsi aplati par terre, avec sa combinaison qui a pris la couleur caca d'oie de la tapisserie, l'odeur de brûlé et la fumée qui s'élève de son corps, on dirait un dragon débutant qui se serait soufflé dessus par erreur.

Touché en pleine figure, son collègue a atterri dans la bibliothèque au pied de laquelle il est étiré, assommé par l'Encyclopédie qui lui a dégringolé dessus. La tache rouge qui s'arrondit sur sa joue me rappelle un fruit trop mûr qui se serait écrasé en tombant de son arbre.

Tonton aussi, est couché sur le plancher, sauf que lui, je l'ai pas blessé. Il fait juste semblant...

— Red, ramène-toi ! Tu as les menottes ?

Appuyé contre la cheminée, le miles me fait penser à un grizzli du grand Nord, un gros grizzli bien grognon... Il pointe son fusil dans ma direction comme si le canon était son sixième doigt. Un très, très long doigt, trop menaçant.

— Et maintenant, il tonne aussi fort que l'orage dehors, tu vas gentiment mettre ton pouvoir en sourdine et entrer tout en douceur. Au moindre mouvement douteux, je te flingue. Ensuite, quand tu seras morte, je te flinguerai une deuxième fois. Et puis, je ferai la même chose à chacun des membres de ta famille. Sauf qu'eux, je les ferai souffrir d'une façon que tu peux même pas imaginer.

Maman. Mamie. Tonton...

Mon cœur s'emballe, frappant ma poitrine comme un marteau.

Vite ! Je me relève, pousse la porte et passe ma tête dans l'entrouverture, mes grands yeux noisette pleins de grosses larmes.

— Alors, tu te magnes le cul ou quoi ? À vingt-trois heures, j'ai un poker chez Magnus. Si jamais je me ramène en retard à cause de toi...

J'entre, presque sur le bout de mes pieds, mes bras bien levés en l'air, mon regard concentré sur le prétorien qui vient de nous rejoindre. Un garçon aussi roux que César, qui tient dans ses mains un truc vraiment trop bizarre.

Des menottes, mais pas les mêmes que celles de papa, des plus compliquées.

— Stop !

J'obéis. Red s'avance, son chef derrière lui. On dirait que cet Impérial super musclé, ce gros méchant d'Homme-Caméléon, flippe devant moi !

Et il a raison ! La colère que je ressens contre lui est en train de me rendre ma puissance de feu. Si te plaît, Pouvoir du Voyageur, me laisse pas tomber maintenant !

Toute mon énergie se rassemble au creux de mon estomac, puis file vers mon bras droit.

Au moment où mes deux menaceurs arrivent au milieu de la pièce, je vise l'énorme lustre qui pend au-dessus d'eux..

Paf ! Il dégringole dans un bruit infernal, pile sur la tête du commandant, qui s'effondre comme un vieux sac-poubelle tout mou.

Tonton attaque avant même qu'on l'ait vu bouger. Il attrape les pieds du menotteur, le fait tomber puis ferme sa main autour de sa gorge.

M'installant sur mes deux jambes écartées, je serre mes poings l'un contre l'autre puis les tends vers le commandant. Voyageur, si jamais tu réussis à me débarrasser de tous les Méchants, je t'aimerais toujours, toujours !

De grandes vagues d'énergie vibrent le long de mes veines et de mes muscles. À moitié assommé, au milieu des débris du lampadaire, l'Homme-Caméléon me fixe, ses yeux ronds comme ceux d'une chouette.

Je vais le massacrer. Je vais le massacrer ! Pire que Dylan et Greg et les deux prétoriens par terre.

Sauf que j''ai si peur et je suis si fatiguée ! Je réussis juste à trembler comme une vieille mamie malade...

Évidemment !

Qu'est-ce que je suis allée m'imaginer ?

Qu'un petit bout de chou tel que moi pourrait électrocuter le militaire le plus balèze de l'Empire ?

Je secoue mes poings rebelles devant mes yeux. La fumée noire qui en sort m'enveloppe puis monte en tournant vers le plafond.

Un grand bruit de verre en mille morceaux me ramène à la réalité. Tonton a cogné si fort Red dans la fenêtre qu'elle a explosé. Le prétorien retombe, son visage plus rouge que ses cheveux.

Le boucan a aussi réveillé mon ennemi. Le voyant bouger, je me précipite pour ramasser son fusil. J'ai vu plein de films avec Dylan. Je devrais savoir m'en servir...

Mais il est si lourd que je peux à peine à le soulever. Alors marcher avec ! J'en tombe sur les fesses.

Le temps que je me redresse, le commandant a déjà fui.

Il a fui devant une petite fille au grand regard noisette qui arrive même pas à utiliser son super-pouvoir ! Il a fui et il appelle au secours dans sa radio qui grésille !

Je m'élance pour lui courir après, quand tonton m'attrape et me pique le fusil.

— Ferme les yeux et bouche-toi les oreilles ! il ordonne en me faisant passer derrière lui.

Cinq Méchants à terre. Cinq coups. Cinq morts.

Je comprends que Raoul les a tous tués à l'odeur qui se répand dans la pièce. Celle du sang...

— Accroche-toi à mon cou !

Il se baisse pour que je monte sur son dos, se relève, traverse le couloir à grandes enjambées et ouvre la porte qui mène au jardin. Mais pourquoi est-ce qu'on va par là ?

Le nœud qui se forme dans ma gorge est si gros que j'arrive plus à respirer.

— Maman, je lui gémis dans l'oreille, mamie...

On sort sur la terrasse. À la lueur d'un éclair, j'aperçois les champs, longs comme le bord de la mer, et une petite silhouette qui bondit à notre rencontre. Nestor...

— Jamais elles ne voudraient que je risque ta vie pour elles. Et puis, j'ai promis à ton père que je m'occuperais toujours de toi !

Mon cœur s'emballe quand tonton s'élance dans le potager. J'ai compris qu'il veut gagner la forêt mais je sais qu'on y arrivera pas.

Des pas légers accélèrent vers nous tandis que deux nouvelles voitures se garent devant la maison.

Pris au piège.

On est pris au piège ! 

********************

Je pense que vous avez tous compris à qui appartiennent les pas légers qui se précipitent à la rencontre de Tonton Raoul...

Vu la tournure que prend les événements, il vaudrait mieux que cette personne se magne le train !

Suite, samedi 30 octobre.

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